Il y avait quelque chose de fascinant dans la manière qu'avait Stiles de parler. Qu'il raconte une anecdote le concernant directement ou non, il avait la capacité de la rendre intéressante et ce, quel que soit son sujet. Outre ses paroles, son sourire avait quelque chose de captivant. Bien sûr, Jackson le savait partiellement feint, mais réussit au cours du repas à y déceler de plus en plus d'accents de vérité… Un peu comme si Stiles se détendait. Il s'ouvrait, ça c'était certain et Jackson le voyait à la façon dont ses yeux pétillaient. C'était léger et discret, or rien – ou pas grand-chose – n'échappait aux yeux d'aigles du jeune blond qui, s'il n'était pas des plus à l'aise socialement parlant, accordait une importance toute particulière à l'observation d'autrui. Ce sens-là l'avait d'ores et déjà aidé à plusieurs reprises. Puisqu'il se savait seul et ne pouvait compter sur personne d'autre que lui-même, Jackson avait pris l'habitude non pas de porter des œillères protectrices, mais bien de s'écouter. Autant dire que le fait qu'il ait sciemment invité Stiles ici voulait dire beaucoup. D'aucuns pouvaient aisément le trouver naïf, stupide, inconscient : l'autre étudiant n'était pas grand-chose pour lui, si ce n'est un presque inconnu… Qui l'avait aidé, qui avait décidé de l'amener à l'université et de le ramener chez lui tous les jours jusqu'à ce que sa propre voiture soit réparée. Outre le fait qu'il s'agissait là d'un dévouement plus qu'étonnant, c'était sa personne dans son entier qui poussait Jackson à ne pas le repousser. Il le « sentait » bien. Franc, gentil, honnête. Bien sûr, le jeune blond savait n'avoir pas la science infuse – encore heureux. Mais il se connaissait et… S'il en venait à apprécier la simple présence de Stiles ici, ce n'était sans doute pas pour rien. Son instinct le trompait rarement. Il espérait que cette fois-ci ne fasse pas partie de ces exceptions qui avaient déjà manqué quelques fois de le détruire.

Bien que se faire confiance et d'en accorder une certaine part à Stiles représente un risque, Jackson avait étrangement envie de le prendre. Il aimait bien son sourire, sa tendance à la parlotte, cette façon qu'il avait de réchauffer la pièce sans occuper trop d'espace… Sans s'imposer vraiment. En tant qu'hôte, Jackson se devait de le mettre à l'aise, mais force était de constater que c'était l'exact inverse qui se produisait. L'évènement, suffisamment incroyable pour être souligné, au lieu de le tendre, le mit en confiance.

- Enfin, j'ai remarqué que tu as souvent tendance à prendre tes désirs pour des réalités… Je suis d'accord qu'on a un truc, mais ne crois pas que le fait que j'ai accepté ton invitation fait de moi un mec facile, le prévint encore et encore Stiles.

Ce jeu-là revenait souvent. Que ce soit l'un ou l'autre qui le remette sur la table, le fait est qu'il s'agissait d'un sujet récurrent. D'un moyen de communiquer sur lequel ils s'accordaient aisément même si… Cette façon de faire semblait avoir des échos de drague. Si l'on demandait son avis à Jackson, celui-ci pourrait avouer qu'il la trouvait ringarde… Mais drôle. Elle l'était en tout cas pour lui, pour qui chaque interaction sociale était un effort. C'était pourtant quelque chose dont il avait véritablement besoin et dont il avouait cruellement manquer : en cela, l'arrivée de Stiles dans sa vie lui faisait l'effet d'un véritable bol d'air. Un vent de fraîcheur qu'il refusait de négliger.

Alors Jackson n'en eut cure, si la façon dont il répondit à l'autre étudiant était un peu nulle. Les mots, ce n'était pas son truc. Il enviait ces gens qui aimaient jouer avec la parole et maniaient la langue avec aisance. Lui, il était plutôt de ceux qui regardaient les autres palabrer de loin, écoutant débats et discussions sans en placer une. Sa place, il la savait à l'ombre. Les extravertis, les orateurs comme Stiles… Ceux-là, ils vivaient à la lumière. Tous le méritaient-ils ? Non, assurément. Mais Stiles lui paraissait si lumineux qu'il avait tendance à penser que la réponse était positive le concernant.

- … Non mais tu aurais vu la tête qu'a tiré cet idiot lorsqu'il s'est rendu compte de la supercherie…

Stiles allait et venait, jonglait avec les sujets avec une aisance frôlant l'indécence. Jackson lui envia cette facilité, ce talent qui lui échappait complètement. De son côté, il parla de temps à autres, entre deux bouchées. Mais Stiles était tellement occupé à sortir mille et unes paroles que Jackson se retrouva obligé de lui rappeler qu'il avait une assiette et l'hyperactif lui avoua, un peu gêné, qu'il avait tendance à partir tellement loin dans ses élucubrations qu'il en oubliait parfois tout le reste. Il le remercia, mangea un peu, puis reprit.

Et le temps passa, la soirée avança. Il était intéressant de constater cette constance chez Stiles, lequel ne semblait pas perdre une once de cette énergie extraordinaire. Elle semblait comme… Imprimée sur son visage, dans ses gènes. Contagieuse, elle le fut. Car Jackson n'y fit pas attention, mais il se mit à augmenter son propre débit de parole petit à petit. Stiles parlait beaucoup, mais rien de ce qu'il disait n'était pas passionnant et… L'air de rien, Jackson se prenait au jeu de la discussion. La fausse drague s'était fait la malle, laissant place à un sérieux relatif à côté d'une bonne humeur certaine. Parfois, les sujets s'assombrirent mais sans jamais franchir la limite qui pourrait ternir la légèreté de l'ambiance actuelle. Alors Jackson se détendit complètement en présence d'une autre personne que lui-même pour la première fois depuis des mois. Ce qui l'aida fut la façon dont Stiles s'ouvrit à son tour. Si le changement pouvait paraître futile pour n'importe qui se trouverait dans la même pièce qu'eux à ce moment-là, il ne l'était pas pour Jackson. La différence crevait les yeux tant une lueur nouvelle éclairait ceux du brun. Il parlait… A l'aise. Et Jackson se mit à l'accompagner de façon plus active, jusqu'à en oublier progressivement son manque d'aise socialement parlant.

Les deux jeunes hommes, de presque parfaits inconnus, rirent aux éclats au beau milieu du repas. A propos de quoi ? Jackson lui-même ne saurait le dire tant il en oubliait de réfléchir comme il avait l'habitude de le faire. Il ne se concentrait que sur le moment présent et sur les effets que celui-ci avait sur lui, tant et si bien qu'il ne remarqua pas que leurs deux assiettes étaient vides. Au contraire, ils migrèrent tout naturellement vers le salon, sur le canapé, face à la télévision éteinte. Ils parlaient, ne faisaient que ça. Agissaient comme de vieux amis alors qu'ils ne se connaissaient que depuis quelques jours, et on ne peut plus vaguement. Et pourtant, l'interaction leur semblait d'une simplicité… Extrême tant elle était naturelle. Pour être honnête, Jackson ne comprenait pas d'où venait ce miracle, à tel point qu'il oublia nombre de choses… D'où partait leur rencontre, ce qu'il avait découvert dans la voiture du châtain… Tout. Cette soirée, aussi simple soit-elle, l'avait embarqué dans une ambiance calme mais enjouée, bien loin du silence que lui imposait sa solitude habituelle. Et le pire, c'est que la différence, nette, il la sentit.

Et il l'apprécia au point que quelque chose dans sa poitrine se réchauffa.

Jackson ne saurait dater avec exactitude la dernière fois qu'il s'était retrouvé à avoir une conversation véritable avec quelqu'un… Avec qui il n'avait pas l'air de partager grand nombre de points communs. Des différences et des oppositions, il ne voyait que ça. Mais c'était… Normal, naturel, appréciable.

Ils n'aimaient pas les mêmes films, n'avaient pas les mêmes centres d'intérêts, pas la même personnalité non plus… Et Jackson adora ce fait malgré lui.

Parce que Stiles lui semblait désormais rayonner et que sa bonne humeur l'avait tout bonnement contaminé.