Callidora marchait d'un pas rapide dans le couloir menant à la bibliothèque. Ce soir avait lieu son premier cours de soutien avec Harfang Londubat et la Serpentard était en retard. Elle pesta intérieurement contre Dilly Harper, qui avait fait traîner la réunion du journal de Poudlard, estimant que le club de bavboules méritait plus que la page bimestrielle que lui offrait le périodique. Le fait que Callidora ait permis à cette rubrique de doubler de volume l'année passé ne semblait pas suffire à la jeune Poufsouffle passionnée.

— Bonjour Mr Fawley, dit-elle en pénétrant dans l'antre du savoir.

L'homme lui offrit un sourire et un signe de tête avant de retourner à ses fiches tandis que Callidora se dirigeait vers le fond de la bibliothèque. Harfang était installé à une table reculée et était plongé dans un magazine consacré au Quidditch. Cet endroit avait l'habitude de recevoir les élèves en groupe bien que le volume sonore autorisé ne soit pas très élevé.

— Bonsoir ! Désolée, j'ai été retenue au journal, déclara-t-elle en s'installant à côté de lui.
— Ce n'est pas un problème, répondit-il en souriant.
— Tu as amené les leçons à réviser ?
— Oui, tout est dans ma chemise, répliqua Harfang en se baissant pour la récupérer.

Il sortit de son beau sac en cuir de dragon, une liasse de parchemins éparses. Callidora ne put s'empêcher de grimacer légèrement en constatant le manque d'organisation de son homologue de Gryffondor.

— Je sais, je ne suis pas très ordonné, avoua-t-il. C'est juste que... Je n'arrive pas à me concentrer en cours ! Binns est juste...
— Soporifique ! finirent-ils en chœur.

Callidora esquissa un sourire amusé tandis que celui de Harfang s'élargissait. Il passa la main sur ses cheveux impeccablement plaqués et la jeune femme ne put se retenir de le trouver encore plus séduisant qu'à l'accoutumée.

— Ah ! Toi aussi, tu ne le trouves pas passionnant ? demanda-t-il.
— Absolument pas passionnant ! Je lutte à chaque seconde pour ne pas m'endormir à tous les cours, avoua-t-elle sur le ton de la confidence.
— Mais comment fais-tu alors ? Tu t'en sors toujours avec des Optimal, déclara-t-il.
— Cela, très cher camarade de Gryffondor, c'est ce que je vais essayer de vous apprendre durant ces cours de soutien, répondit-elle en souriant de plus bel. Puis-je ? questionna-t-elle en tendant sa main pour récupérer les parchemins.
— Oui, bien sûr, rétorqua Harfang en lui donnant.
— Tout cela, on oublie ! lança-t-elle en les posant loin. Le plus important c'est de connaître le sujet. Binns nous donne le thème de la prochaine leçon à chaque fin de cours. De manière générale, il n'est pas très original et se contente de raconter l'Histoire chronologiquement sans réussir à rendre le récit vivant.

Harfang lâcha un petit rire tandis que Callidora sentait ses joues virer au rouge à la suite de sa blague involontaire.

— Ce que je veux dire, c'est qu'il ne rend pas l'Histoire captivante… Or ce que nous voulons, c'est que tu la trouves intéressante pour t'aider à te rappeler des dates.
— Comment sais-tu que j'ai un problème pour me souvenir des dates ?
— Marcia est dans le même cas que toi, répondit-elle, sauf qu'elle a tout simplement préféré arrêter de suivre les cours d'Histoire de la Magie.
— Parfois, je me dis que j'aurais mieux fait de faire comme elle, soupira Harfang.

Callidora secoua la tête.

— Ne dis pas ça ! Je trouve très courageux de ta part d'avoir continué malgré tes difficultés.
— Gryffondor un jour, Gryffondor toujours !
— C'est ça ! Et puis, dis-toi que si tu avais arrêté, tu ne te retrouverais pas avec moi à la bibliothèque et que tu pourrais lire tranquillement ton magazine de Quidditch au coin du feu, plaisanta-t-elle, piquante.

Pendant quelques secondes, elle pensa être allée trop loin, mais Harfang partit dans un grand éclat de rire, s'attirant le regard désapprobateur du bibliothécaire et des quelques élèves aux alentours.

— Je suis presque certain que tu es plus intéressante qu'un magazine, ne t'en fais pas ! répondit-il en lui faisant un clin d'œil.

Callidora eut du mal à cacher sa surprise et crut avoir rêvé pendant quelques secondes avant de se rendre à l'évidence : Harfang Londubat lui avait vraiment lancé une œillade et il était bien trop gentil pour qu'elle ne finisse pas par tomber sous son charme.

— Bon ! Par où voudrais-tu commencer ? As-tu fait le devoir que Binns nous demandait sur la guerre de Corfou et l'acte de cession des îles ioniennes ?
— Euh... Non, répondit-il honnêtement.

Il se gratta la joue, visiblement gêné. Le devoir était pour le vendredi, soit dans trois jours.

— J'ai voulu reprendre des éléments du cours mais... Enfin… Non. En tout franchise, j'ai voulu privilégier le devoir de Métamorphose que le professeur Dumbledore nous a donné à faire pour lundi prochain, avoua-t-il en grimaçant légèrement.
— Eh bien, il va y avoir du travail alors !
— Il demandait combien de centimètres déjà ?
— Cinquante.
— Mmh, je sens que je vais souffrir. Tu me conseilles quoi ?
— Suis-moi ! dit-elle en se levant.

D'un pas sûr, la jeune femme se dirigea vers le rayon consacré à l'Histoire de la Magie. Elle chercha l'étagère où se trouvaient les livres ayant pour sujet le thème du devoir et en choisit trois. L'un était une sorte de livre illustré et qui servirait d'introduction au sujet, tandis que le deuxième regroupait des témoignages de personnes ayant pris part au conflit aussi bien côté britannique que grec. Le dernier quant à lui, était une copie du traité de cession annotée par un spécialiste de cette guerre.

— Tout ce dont tu as besoin pour ton devoir est là-dedans, déclara-t-elle en lui mettant les trois ouvrages dans les bras.
— Ce sont ceux que tu as utilisés pour rédiger le tien ?
— En partie, oui. Mais je pense que pour une personne peu intéressée par l'Histoire, ces trois-là devraient suffire, répondit-elle en souriant.

Harfang sembla hésiter à répondre quelque chose et préféra se taire.

— Le livre illustré permet de bien comprendre le contexte, mais ce qui m'a vraiment aidée à visualiser la période et les conditions de la guerre : ce sont les témoignages. Il y a de tout : des correspondances, des journaux, etc. A toi de voir ce qui pourrait te servir le plus !
— Merci Callidora, déclara-t-il en souriant. C'est vraiment gentil de ta part d'avoir accepté de m'aider.

Cela devait être la deuxième ou troisième fois qu'il la remerciait. La Serpentard se demandait de plus en plus ce qui pouvait bien le pousser à vouloir absolument avoir une bonne note en Histoire de la Magie. Chacun se doutait que Harfang deviendrait très certainement joueur de Quidditch professionnel. Callidora n'avait d'ailleurs pas pu manquer les recruteurs qui étaient venus parler au jeune homme à la fin du match opposant Gryffondor à Serpentard, il y avait de cela quelques semaines. Il ferait une très grande carrière, elle en était persuadée. A moins qu'il préfère se tourner vers une carrière d'auror comme son père et son grand-père avant lui, mais dans ce cas-là non plus, l'Histoire de la Magie n'était pas une matière indispensable. Alors pourquoi tant s'inquiéter de sa note dans cette discipline ? Avait-il un intérêt pour l'Histoire qu'elle ne lui connaissait pas ? Ou cela n'avait-il rien à voir et souhaitait-il simplement obtenir le plus d'A.S.P.I.C. possible ?

— Je t'en prie, répliqua-t-elle, incapable de s'empêcher de rougir.
— Et pour le reste ? Enfin, les révisions, je veux dire. Je fais comment ? demanda-t-il.
— En ce moment, nous en sommes à la guerre de Corfou comme l'indique ton devoir maison. Je propose que tu lises tranquillement les livres que je t'ai donné, et dimanche, quand nous nous reverrons, je te ferai passer un petit test. Qu'en penses-tu ? C'est la première fois que je donne des cours de soutien en Histoire… Ce n'est pas comme pour les sortilèges où je peux simplement te faire répéter le mouvement et la formule jusqu'à ce que tu y arrives, expliqua-t-elle, gênée.
— Je comprends.
— Il y a une chronologie à la fin de ce livre-ci, dit-elle en montrant le livre illustré. Il faudrait que tu retiennes toutes les dates et les événements s'y rapportant.
— Je vais essayer.
— Concernant ton devoir, je pourrai le regarder après-demain et corriger ce qui me paraît pertinent. Enfin, je te propose cela mais tu n'es pas obligé d'accepter. Je sais que cela risque d'être court pour recopier et changer ce qui ne va pas.
— Non, non, c'est parfait. Je viendrai te le donner jeudi pendant la pause de midi.
— Parfait !
— Nous avons donc fini ? questionna-t-il.
— Pour cette fois-ci, oui. Les prochaines séances devraient cependant durer plus longtemps. Navrée !
— Ne t'excuse pas pour cela ! Ce n'est pas nécessaire ! Tu es de bonne compagnie, déclara-t-il visiblement sincère.
— Merci. Je... Il faut que j'y aille, j'ai... J'ai quelque chose à faire.
— Pas de problème.

Il sembla hésiter quelques instants alors qu'elle rangeait ses affaires dans son sac.

— Callidora !
— Oui ?
— Maximus... commença-t-il.

La jeune femme perdit son sourire dans la seconde en entendant le nom de celui qui aimait tant la tourmenter.

— Je... Je... Je sais que Maximus et toi ne vous entendez pas et je voulais simplement te dire que je ne trouve pas la manière dont il te parle correcte. Je lui en ai parlé, j'espère qu'il ne t'embêtera plus.

Callidora le fixa quelques secondes sans savoir exactement que dire. La joie que quelqu'un prenne enfin sa défense, mélangée à la honte qu'elle ressentait à l'idée que Harfang se soit senti obligé d'intervenir, gagnèrent son cœur. Finalement, elle répondit la seule chose à laquelle elle pensa sur le moment :

— Merci, mais je n'ai pas besoin d'une nourrice.

La jeune femme vit l'expression de son homologue changer. Il fronça les sourcils, visiblement surpris qu'elle le prenne de cette manière.

— Je n'ai jamais pensé que tu avais besoin d'une nourrice, Callidora, répliqua-t-il. C'est simplement que je n'aime pas... Il... Ce n'est pas correct.
— Je sais bien, Harfang. Mais je n'ai besoin de personne pour mener mes batailles à ma place.
— Je...
— Je... Je sais que tu veux bien faire mais je préférerais que tu ne te mêles pas de cela, s'il te plaît.

Callidora vit la mâchoire de Harfang se serrer légèrement. Il paraissait à la fois vexé et blessé qu'elle refuse son aide.

— Très bien, je ferai comme tu le désires.
— Merci. J'y vais ! On se voit après-demain pour ton devoir sur la guerre de Corfou. Bonne soirée ! dit-elle avant de quitter la bibliothèque le cœur battant.

— Quelque chose ne va pas ? Tu n'as pas l'air en forme depuis hier soir ? s'inquiéta Alvin alors qu'ils venaient de finir l'entraînement.

Maximus était déjà parti depuis un moment ainsi que Dougal, leur autre coéquipier masculin.

— C'est ton cours de soutien qui te travaille autant ? La demoiselle Black t'aurait-elle noyé sous le travail ? plaisanta le jeune Prewett.
— Ce n'est pas le travail le problème, rétorqua Harfang tout en enfilant son pantalon d'uniforme.
— Et ? demanda son ami en voyant qu'il ne poursuivait pas.
— Et je lui ai dit que je ne trouvais pas correcte la manière dont Maximus lui parle. Max est mon ami, mais il peut vraiment se comporter comme un beau salaud parfois. Enfin, tout cela pour dire que j'ai informé Callidora que j'avais demandé à Max d'arrêter d'être un gros con et…
— Ah ! le coupa Alvin comme s'il venait d'avoir une révélation.
— « Ah » quoi ?
— « Ah », je comprends ce qui se passe.

Harfang lança un regard sceptique à son ami tandis qu'un sourire amusé étirait les lèvres de ce dernier.

— Tu as encore voulu faire ton tireur d'élite de baguette servant !
— Quoi ?
— Tu as toujours eu ce petit côté défenseur de la veuve et de l'orphelin. Je dois avouer que je suis simplement assez étonné qu'il se manifeste au contact d'une Black. Enfin, elle a dû réveiller ton penchant sauveur de l'humanité !
— Moi ? Je n'ai rien d'un défenseur de la veuve et de l'orphelin, ou de quoi que ce soit d'autre !

Bien malgré lui, Harfang sentit le rouge lui monter aux joues. Il avait toujours été une personne modeste et les compliments ou les remarques sur son caractère le gênaient toujours affreusement.

— Si ! Tu en as tous les critères, en plus d'être bien trop séduisant pour ton propre bien et surtout celui des filles de Poudlard
— Je… Euh… Pas du tout, bredouilla Harfang de plus en plus mal à l'aise.
— Euphemia Shafiq, se contenta de répondre Alvin, l'air de rien.
— C'est ma cousine ! J'étais bien obligé de l'aider, s'écria le capitaine de l'équipe de Gryffondor.

Alvin leva les yeux au ciel à la fois amusé et exaspéré. Euphemia était sa cousine germaine. Elle lui avait demandé d'être son mannequin pour une partie des vêtements qu'elle souhaitait créer voire envoyer à de grandes maisons de couture à Paris et à Kyoto, les deux capitales de la mode sorcière. Ce faisant, il n'avait pas hésité à accepter.

— Mrs Armando ?
— C'était son anniversaire et elle n'a plus aucune famille. C'était simplement la moindre des choses, argua Harfang.

La vieille femme était la voisine de ses parents à Godric's Hollow et avait toujours été particulièrement gentille avec lui. Lui offrir un bouquet de fleurs, chaque année pour son anniversaire, était tout ce qu'il y avait de plus normal.

— Et tu vas me dire que le gosse à qui tu as offert ton sachet entier de chocogrenouilles sur le Chemin de Traverse en août dernier, c'était parce qu'il n'avait personne. Sa mère était là, je te rappelle.
— Il regardait la vitrine avec tellement d'envie et j'avais entendu sa mère dire qu'ils ne pourraient pas en acheter en plus des fournitures de ses frères et sœurs. J'ai simplement voulu faire plaisir à un enfant, rien d'autre.
— Ce qu'on pourrait définir par avoir un côté défenseur de la veuve et l'orphelin, insista Alvin.
— D'accord, si tu le dis, concéda-t-il.
— Donc tu as décidé de te prendre pour le tireur d'élite de baguette servant de Callidora Black ?

Harfang secoua la tête tout en boutonnant la chemise de son uniforme. Il n'avait jamais cherché à devenir quoi que ce soit pour Callidora, il avait simplement voulu être un être-humain décent et faire en sorte que les moqueries à l'encontre de la Serpentard cessent.

— Elle ne veut pas de tireur d'élite de baguette servant, lâcha-t-il. Elle m'a très clairement fait comprendre que ce n'était pas mes affaires et que je n'avais pas... Comment a-t-elle dit déjà ? Ah oui !... Que je n'avais pas à mener à ses batailles à sa place.
— Ouh ! Elle est dure, la demoiselle Black ! Et visiblement très fière, surtout.
— Très fière certainement, oui, rétorqua Harfang tout en nouant sa cravate autour de son cou.

La fierté. Harfang détestait ce mot autant qu'il s'appuyait dessus. C'était la fierté qui empêchait sa mère de quitter son père malgré les brimades et les coups. C'était la fierté qui l'obligeait à faire croire que tout allait bien alors qu'elle devait utiliser une énième potion pour faire disparaître les hématomes. C'était la fierté des Londubat qui leur commandait – à son frère, sa sœur et lui-même – de ne pas faire d'esclandres et de subir les sévices sans broncher. Mais la fierté lui avait aussi permis de ne jamais baisser la tête, de ne jamais se dire qu'il méritait moins qu'un autre. La fierté l'avait à la fois sauvé et blessé. Elle était un poids à porter.