Chapitre 4 : sous surveillance

Je ne sais combien de temps, je suis restée là à pleurer serrant ma peluche et le châle de ma mère contre moi, mais je me suis arrêté lorsque je n'avais plus de larmes à verser et je me suis redressée comme une machine insensible et suis sortie de la maison laissant désormais la peine et le passé derrière moi. J'ai emporté les quelques souvenirs que j'avais sur moi avant de fermer la porte de cet endroit pour toujours. Je fus surprise de voir un rideau de pluie déferler sur moi ainsi que d'observer le soleil se coucher, je ne peux pas rentrer dans le noir et sous cette pluie jusqu'au château, je risquerais de me perdre où pire de chuter, pour éviter cela, je me suis réfugiée dans la maison du Marchand en vitesse. J'ai vite fait un feu dans la cheminée, et je me suis glissé sous les draps dans le lit, toujours tremblante et faible de mes pleurs, j'ai fini par m'endormir, rattraper par ma fatigue, la pluie battant contre le toit m'apaisant.

Le lendemain, je fus réveillée tôt par les rayons du soleil. Je me suis étiré et levé péniblement, j'ai mal partout, mais je me force à me tenir sur mes jambes. Je regarde alors autour de moi et mes yeux s'arrête sur les photos qui m'avaient indiqué la position du Marchand, je le regarde les faisant défiler dans mes mains, regardant les monuments que moi-même, j'ai vue dernièrement ainsi que d'autres que j'aurais aimé voir.

- On peut dire que vous avez profité de votre retraite Marchand.

Je repose les photos sur le meuble, mais je vois un petit bout de papier photo dépasser d'un tiroir. Piqué par la curiosité, je décide de l'ouvrir et je découvre une autre pile de photographie, mais alors que je comprends ce qu'il y a sur ses autres photos, mes mains se mettent à trembler et mon corps est secoué d'un spasme, mon cœur me fait mal et mes yeux me piquent, mes sentiments se bousculent dans ma tête entre incompréhension et colère, je suis prise de vertige. Je fais défiler à vive allure les photos devant mes yeux et avec horreur, je découvre que j'apparais sur chacune d'entre elles. Je me vois, en train de marcher, d'autre souriant avec mes collègues lorsque j'échangeais sur mes travaux de vaccin, d'autres dans le train et encore une juste devant un de mes appartements de substitution pour mon travail. Chacune prises dans les différents pays où je me suis rendue ainsi que là où le Marchand se trouvait.

- Il m'a suivie...

Je souffle les larmes aux yeux, je bouillonne intérieurement et alors que la colère me terrasse, je quitte la maison à vive allure les photos entre mes mains. Aveuglée par la rage, je me dirige vers le lac et alors que je remontais l'allée du cours d'eau, j'aperçois le grand loup blanc arriver vers moi en aboyant. Il est venu me chercher, le loup est suivi de près par la large silhouette noir du Marchand, ses yeux jaunes luisent d'une manière que je n'ai encore jamais vue, entre colère et inquiétude, il semble épuisé et s'avance vers moi d'un pas lourd et décidé.

- Je t'ai cherchée ! Je me suis inquiété de ne pas te voir revenir Étrangère !

Il me fait un reproche, mais moi aussi, je suis en colère, je lui flanque les photos contre son torse avec violence.

- Vous pouvez m'expliquer ça !?

Il saisit les photos et baisse à peine les yeux vers elles avant de comprendre de suite de quoi je parle.

- Je m'inquiétais pour toi, de ne pas te voir rentrer, Étrangère.

- Et c'était une raison de me suivre partout aux quatre coins du monde !

- Je m'assurais de ta sécurité, c'est tout.

- Non, vous n'aviez pas le droit ! Vous m'aviez promis d'attendre ! J'avais du travail, j'ai fait le tour du monde dans le seul but de tous nous sauver, il ne s'agit pas d'un jeu Marchand !

J'élève la voix alors qu'il reste calme gardant ses yeux fixés dans les miens, il me déstabilise, je me sens tellement faible face à lui.

- Où est passée la jeune fille que j'ai rencontrée il y a six ans, celle qui aimait l'aventure ?

- Elle a grandi, je ne suis plus la petite fille que vous aviez connue, j'ai changée.

- Tu as peut-être changé, mais tu es toujours aussi têtue.

Je croise les bras sur ma poitrine, et je le vois lever les épaules par à-coups comme s'il était pris d'un fou rire.

- Ça n'a rien de drôle. Vous m'avez manqué, vous savez ?

Je passe alors près de lui et repars d'un pas lourd vers le château, mais son bras me retient d'un coup et je me retourne l'air surprise vers lui.

- Je t'ai suivie durant toutes ces années dans le seul but de te protéger.

Il plonge son regard dans le mien et je ressens encore cette sincérité, cette même sincérité que lorsque j'ai dû le quitter la première fois.

- Merci d'avoir veillé sur moi Marchand.

Son regard m'hypnotise comme si le monde s'était arrêté de tourner et lui semble tout autant absorbé peut être lui-même conscient de son contrôle sur moi.

- J'ai eu peur de ne pas te revoir revenir hier soir, je pensais que tu étais partie pour de bons, que tu nous avais abandonnés moi et l'animal.

- Je ne m'enfuirais plus comme ça d'accord, je ne recommencerais pas.

Il me relâche doucement le bras et nous reprenons le chemin vers le château. Il range alors les photos dans son manteau.

- Je t'expliquerais tout le moment venu, Étrangère.

Je baisse la tête et serre le châle de ma mère contre moi comme pour me protéger.

- C'est un joli châle que tu as là, je pourrais t'en tirer un bon prix, tu sais ?

- Il n'est pas à vendre.

Mon ton est froid sur la réserve et je le vois s'étonner de ma réponse.

-Ho pardon, je ne pensais pas t'offusquer, je dis simplement que c'est une belle trouvaille.

- Il appartenait à ma mère.

Il m'observe en silence continuant de marcher.

- Tu veux en parler ?

Je secoue la tête, je n'ai pas la force de le faire, pas après tout ce que j'ai affronté et ce que je viens de découvrir.