Chapitre 6 : un vœu

Cette nuit-là, j'eus beaucoup de mal à trouver le sommeil, le loup lui dormait à poings fermés, il me tint chaud toute la nuit et juste ça fus d'un grand réconfort alors que je m'étais blottie contre lui, à lui lisser le pelage. Je n'arrive pas à me sortir le Marchand de la tête, il devient trop envahissant dans mes pensées et j'espère que cela ne va pas durer que c'est juste mon retour qui me donne cette impression. Je finis par trouver le sommeil, mais mes cauchemars ne sont pas de tout repos. Je rêve des différentes traques des méchants que j'ai due opérer avec des unités spécialisées, des différents vaccins que j'ai due élaborer. Mais un méchant en particulier hante ma nuit, le dernier que nous avons tous dû affronter en Afrique, c'était un monstre impitoyable et mystérieux, je ne l'ai vue qu'une fois, lors d'une infiltration. J'avais infiltré un laboratoire d'une compagnie terroriste, et j'étais tombée sur lui, j'étais seulement venue chercher un échantillon de leur expérience, mais je ne pensais pas en sortir vivante, je ne sais pas comment j'ai fait pour garder mon sang-froid ce jour-là. J'avais récupéré l'échantillon, prête à partir lorsque je suis tombé sur lui dans l'ascenseur de services, je ne pensais pas le trouver dans ce laboratoire et ma surprise fut grande. Il est monté dans l'ascenseur, et même s'il portait des lunettes teintées de noir, je sais qu'il m'a fixé du début à la fin, avait-il des soupçons, pensait-il me tuer, je ne le saurais jamais tout ce que je sais, c'est qu'il n'a pas bougé ni dit un seul mot, descendant dans cet immense ascenseur de verre, et que je suis resté paralysée devant lui. Il était la définition même du mot monstre et lorsque je suis sortie de là, je me rappelle avoir pleuré de soulagement.

Je me réveille en sursaut en criant de terreur réveillant mon compagnon au passage.

- Je suis désolé mon ami.

Je pleure doucement tremblante et terrorisée caressant frénétiquement le poil de l'animal. Je me lève péniblement et passe le manteau du Marchand autour de moi comme pour me réconforter et je quitte la chambre qui semble hantée d'ombres de mon passé. Je déambule à travers les pièces plongées dans la pénombre. Je m'arrête alors dans une grande bibliothèque et j'allume un feu dans la cheminée, je m'assois devant les flammes cherchant leur chaleur, mais je n'y trouve que cette sensation de froid intense qui m'enveloppe, je sert plus fort le manteau du Marchand sur moi espérant y trouver un brin de chaleur.

Soudain, je sursaute en entendant la porte derrière moi.

- Tu n'arrives pas à dormir ?

C'est le Marchand, il arrive doucement dans mon dos et s'assoit près de moi devant la cheminée caressant doucement le loup allongé devant moi qui se laisse faire.

- Vous non plus apparemment.

J'observe ses cheveux en bataille et ses yeux quelque peu bleus à la lumière des flammes, le bas de son visage toujours recouvert de son bandana violet, je remarque des stigmates sur ses bras, de petites lacérations comme de vieux coup de griffe.

- Il faut dire que tes hurlements m'ont comme qui dirait glacé le sang.

-Ho pardon je ne voulais pas vous réveiller.

- Terreur nocturne ?

Je hoche la tête quelque peu encore sous le choc.

- J'ai rêvé de ses dernières années, entre l'élaboration des vaccins, et le fait de combattre les méchants... Un méchant en particulier en Afrique.

Je me prends la tête entre les mains tentant de dissimuler mon mal, mais mes tremblements sont trop fort et tout mon corps est pris de spasmes.

- Allons tout vas bien tu ne risque rien ici, qui qu'il soit il n'est plus d'accord.

Il m'attrape doucement les mains et me les réchauffe dans les siennes.

- Est ce que vous avez déjà croisé la route de quelqu'un que vous savez qu'il a fait des millions de victimes et réussir à en réchapper.

- Je pense connaître ce sentiment oui.

- Et bien lui, c'était pire, il n'y a pas de mots pour décrire ce qu'il était. Je sais qu'il voulait me tuer, il était prêt à le faire, je n'avais rien à faire là, il avait toutes les possibilités de le faire, tout le sadisme se lissait sur lui, c'était un être immonde.

- Qu'a t-il fait ?

Je laisse une pose comme pour me souvenir du moindre détail de cette abomination.

- Rien, il est juste parti. Il m'a laissé la vie sauve. Pourquoi ? Encore aujourd'hui, je suis terrassée.

Je me mets à pleurer, je n'arrive plus à réfréner mon mal. Soudain, je sens ses bras m'entourer avec force comme me soutenant pour ne pas que je m'écroule pour de bons au sol.

- J'ai eu tellement peur si vous saviez.

- Sauf que ce jour-là, j'étais présent. J'étais là étrangère, et je n'aurais jamais toléré qu'il te touche.

Sa voix forte et déterminer me surprit encore plus que sa révélation.

- Vous étiez là, comment ça ?

Je le repousse doucement plantant mes yeux droit dans les siens comme cherchant la réponse en lui.

- Tu sais que je t'ai suivie. Je connaissais ta mission. J'ai fait en sorte de viser juste.

- Comment ça, je ne comprends pas ?

Il soupira un instant et me prit par les épaules avec tendresse.

- Je l'ai visé depuis le bâtiment d'en face, s'il bougeait, il mourrait soit en certaines. Dans la peur, tu n'as sûrement pas vu le laser qui le visait, mais crois moi qui lui l'as vu.

- Pourquoi ne pas avoir tiré ?

- Je ne pouvais pas intervenir dans ta mission Étrangère, mais crois moi chaque fois, je voulais sortir de l'ombre et venir vers toi, chaque fois, j'ai voulue intervenir, mais ce n'était pas dans mon droit. Je ne pouvais pas te faire penser que j'étais là sous peine de t'éloigner de ton objectif. Et j'ai bien fait.

Je le regarde surprise et bouche bée, alors qu'il me relâche doucement avant de se relever, avant de ne faire quelque pas dans la bibliothèque.

- Alors vous m'avez vraiment suivie. Parlez-moi en s'il vous plaît, depuis combien de temps, pourquoi je veux savoir ?

Il souffla d'exaspération.

- Ce n'est peut-être pas le moment, tu ferais mieux d'aller te reposer.

- Je ne suis pas fatiguée ! Arrêter de me traiter comme une enfant, j'ai le droit de savoir !

Je m'emporte retirant son manteau le laissant au sol et me lève à mon tour me pointant droit devant lui. Je suis déterminé à savoir et il le sait.

- Toujours aussi têtue. Hé ! Hé !

- Je ne rigole pas, Marchand.

- Moi non plus Étrangère.

Il me regarde longuement dans les yeux comme au premier qui baisseraient le regard, mais je tiens bon. Il fut un temps ou ses yeux m'auraient effrayé, mais aujourd'hui ce n'est plus le cas, le jaunes luisant autour de ses yeux bleus d'antan me fascine plus qu'il ne m'effraie.

- Très bien, tu as gagné.

- Dites-moi.

- Viens avec moi avant.

- J'ai laissé tomber mon voyage vers l'Amérique pour venir ici, ce n'est pas suffisant ?

Je le sens rigoler, mais il m'ignore et sort de la bibliothèque, piqué par la curiosité, je le suis à travers le château, et il me mène à une magnifique fontaine proche du labyrinthe.

- Qu'est-ce qu'on fait ici ?

- J'ai fait un vœu une fois, celui de ne plus être seul. La fontaine l'a exaucée en m'envoyant des étrangers américains qui ont libéré cet endroit de ces forces maléfiques, toutes sauf de moi bien évidemment.

- Vous n'êtes pas maléfique Marchand.

Il m'ignore et continue.

- Quand tu es partie, je pensais que c'était ma fin, que je devais en finir avec cette vie. Mais au moment de mourir enfin alors que j'allais appuyer sur la détente ton visage m'est apparue et ensuite, j'ai vu ça.

Il pointa du doigt la fontaine. Je secoue la tête cherchant ce qu'il veut me dire.

- J'ai su que la fontaine ne m'a pas envoyé ces Américains, mais bien toi. C'est toi qu'elle a envoyé.

J'ai les larmes aux yeux alors que je sens son émotion dans sa voix.

- Marchand, je ne savais pas, je suis désolée.

Il s'assoit sur le bord de la fontaine et je viens d'instinct près de lui.

- J'ai su que je devais te retrouver.

- C'est ma faute, je n'aurais jamais dû vous laisser.

- Non, tu avais ta mission.

Il m'attrapa la main et la serra fortement dans la sienne.

- J'ai décidé alors de faire la seule chose qui avait un sens pour moi. J'ai voyagé, je suis allé en Angleterre en France en Italie en Allemagne, et c'est arriver en Allemagne que nos routes se sont recroisé par le plus grand des hasards. J'étais sur un marché en ville, je me souviens avoir vue un pendentif en forme de pomme qui m'a rendue ton souvenir et lorsque j'ai relevé la tête, tu étais là, tu étais dans l'allée, tu es passé près de moi sans me remarquer, car je m'étais dissimulé, mais c'est à cet instant que j'ai décidé qu'il fallait que je te protège, car ce n'était pas pour rien que nos chemins s'étaient rencontrés à nouveau.

- Et finalement heureusement que vous étiez là.

Il hocha la tête et doucement, j'étends ma main pour toucher l'eau froide de la fontaine, comme pour la remercier de m'avoir mis un tel miracle sur ma route.

- Je ne vous remercierez jamais assez Marchand.

Il se mit à fredonner joyeusement soudain, il se mit à tousser.

- C'est mauvais pour les bronches. Hé ! Hé !

Je me mets à rigoler avec lui joyeusement. Mes jours ici ne seraient peut-être finalement pas si pénible.

- Allez, va donc te reposer maintenant.

Il se lève et il me tend la main que je saisis, je me retrouve alors à quelques centimètres de lui, tout deux en simple t-shirt nos peaux se frôlant presque, mes jambes nues sous mon short sentant le tissu doux de son pantalon.

- Merci Marchand.

Je chuchote alors que je vois ses yeux hypnotiques fixés sur mes lèvres.

- Ce n'est rien, va donc te coucher.

Soupire-t-il péniblement, mais sa main me tient toujours et je suis incapable de le lâcher tout comme lui, une sensation étrange me parcourt, mais je tente d'y résister de ne pas y penser. Doucement, il me relâche à contrecœur et je m'éloigne difficilement de lui retournant dans ma chambre.