La fête battait son plein sur la plage. Le groupe d'amis se dirigeait en riant vers le bar où se déroulait la soirée. Même à une centaine de mètres, ils pouvaient entendre distinctement la musique. Alexander et Andonía marchaient en tête du cortège et Louis esquissa un sourire en voyant la jeune femme passer son bras sous celui de son ami. Il ne la laissait visiblement pas indifférente. Nikolaï discutait avec la Moldue qu'il avait rencontrée plus tôt dans la journée. Le Serdaigle osa jeter un coup d'œil dans la direction d'Eurydice et remarqua, à son grand soulagement, qu'elle ne semblait pas touchée par l'intérêt que son meilleur ami portait à la brune.

Peut-être qu'Alexander avait raison lorsqu'il disait que sa sœur, têtue comme elle était, ne voyait en Nikolaï qu'un ami et que jamais elle ne reviendrait sur la décision qu'elle avait pris des années plus tôt, de ne pas poursuivre une relation amoureuse avec lui.

— J'ai entendu dire que les petites filles de Mrs Flemings devraient être là, ce soir, remarqua Eurydice à la droite de Louis.

Ce dernier lui jeta un regard surpris et l'ancienne Serpentard lui fit un clin d'œil. Deux ans plus tôt, Louis avait fréquenté l'aînée des deux jeunes Canadiennes, un amour d'été avec qui il n'avait pas même cherché à garder contact.

— Ne me regarde pas comme ça ! Je sais qu'Arabella te plaisait pas mal la dernière fois qu'elle est venue, ajouta Eurydice.

Louis haussa les épaules ne sachant pas quoi répondre. Il était vrai que la Canadienne de seize ans à l'époque, avait su lui faire oublier pendant un certain temps son béguin grandissant pour la sœur aînée de son meilleur ami. Béguin qui était pourtant revenu en force lorsque la jeune femme était venue passer la dernière semaine du mois d'août avec eux à Corfou.

Les jeunes gens arrivèrent cinq minutes plus tard sur le lieu où avait lieu la soirée et le groupe se dirigea immédiatement vers le bar. Eurydice commanda un cocktail grec tandis que Louis se contenta d'un jus sans alcool. Aux yeux des Moldus, il n'était pas encore majeur et ne souhaitait pas être mis à la porte du bar comme il avait pu l'être quelques semaines plus tôt à Londres.

La musique qui se jouait dans la paillote était récente et internationale. La mode était revenue à l'électronique et les Moldus dansaient gaiement sur ses rythmes synthétiques. Du coin de l'œil, il vit Arabella venir dans sa direction. Ses cheveux blonds étaient coupés en un carré qui lui arrivait au niveau de ses épaules et la jeune femme avait appliqué un rouge à lèvres mauve sur ses lèvres bien dessinées.

— Salut Louis ! s'exclama-t-elle en s'arrêtant à moins d'un mètre de lui.
— Arabella, répliqua-t-il en levant son verre dans sa direction.

La Canadienne lâcha un petit rire amusé avant de trinquer avec lui.

— Ça fait longtemps, remarqua-t-elle.
— Deux ans, c'est ça ? demanda-t-il bien qu'il connaisse déjà la réponse.

La jeune femme hocha la tête avant de boire une gorgée de sa boisson à la paille.

— T'es venu avec les Flint ? questionna-t-elle.
— Ouais ! Alexander s'est trouvée une copine moldue donc...
— Donc il t'a abandonné, conclut Arabella. Je comprends. Ma sœur m'a un peu laissée tomber pour son copain ce soir, dit-elle en jetant un coup d'œil derrière elle.

Louis suivit son regard et constata que Gudule était installée sur les genoux d'un garçon dont il n'arrivait pas à deviner les traits. Non loin du couple, Eurydice s'était installée à une table avec son cocktail et observait les danseurs, pensive.

— Tu veux... Euh... Tu veux venir t'installer avec nous ? proposa-t-il en désignant l'endroit où l'aînée des Flint se trouvait.
— Oui ! C'est très gentil, Louis, répliqua-t-elle en le suivant dans la foule.

Eurydice releva un visage surpris vers lui lorsqu'il posa son verre à la gauche du sien. Son regard passa de Louis à Arabella et un sourire étira ses lèvres rouges. Le jeune homme crut déceler une pointe de mélancolie dans ses yeux mais son apparition fut si rapide qu'il n'était pas sûr de ce qu'il avait pu voir.

— Salut Eurydice ! s'exclama Arabella en s'installant à la gauche de Louis.
— Arabella ! Ça fait un moment, constata l'ancienne Serpentard poliment.
— Oui ! On n'a pas pu venir l'année dernière avec les préparatifs du mariage et le mariage en lui-même, mais je suis contente d'être de retour. Ça me fait plaisir de vous voir tous les deux, déclara-t-elle visiblement sincère.
— Nous aussi, Arabella, rétorqua Eurydice. Tu devrais passer à la maison un après-midi ! Je suis sûre que Louis ne serait pas contre. Hein, Louis ? demanda-t-elle en se tournant vers lui.

Louis lui jeta un regard surpris. Qu'essayait-elle de faire ? Pensait-elle vraiment qu'il avait encore des sentiments pour la Canadienne ?

— Ouais, ce serait cool. Et tu peux dire à ta sœur et à son copain de venir aussi, ajouta-t-il ne souhaitant pas qu'Arabella se fasse des idées.
— C'est gentil, je leur en parlerai, dit-elle en souriant avant de demander des nouvelles des parents d'Eurydice.

La conversation dériva sur leur vie, leur métier et leur famille. Louis avait oublié à quel point les deux jeunes femmes s'entendaient bien. Elles étaient toutes les deux fans du même groupe de rock et la discussion dériva sur le concert auquel Arabella avait eu la chance d'assister quelques mois plus tôt.

— Oh ! J'adore cette chanson ! Tu danses, Louis ? questionna soudainement Arabella en se tournant vers lui.

Il sentit Eurydice lui donner un léger coup de coude pour le pousser à accepter et finit par le faire. Le jeune homme ne connaissait nullement cette chanson moldue aux airs latins.

— Ça se danse plus près, déclara Arabella en se collant à lui.

Louis dut prendre sur lui pour ne pas se tendre alors qu'ils dansaient de manière bien trop proche. Le jeune homme n'avait jamais été très bon danseur mais il était certain d'être totalement ridicule lorsqu'ils voyait les autres couples bien plus à l'aise. Le regard du jeune homme se posa sur Eurydice qui était en train de discuter avec un homme d'une vingtaine d'années. Un autre s'était installé près d'elle mais ne semblait pas lui parler.

— Il faut croire qu'Eurydice a du succès, ce soir, remarqua Arabella visiblement joyeuse.
— Ouais, marmonna-t-il espérant qu'elle ne remarque pas l'amertume dans sa voix.

Une autre chanson démarra et Arabella voulut rester sur la piste de danse tandis que Louis s'excusait et retournait auprès d'Eurydice.

— Bonsoir, lança-t-il d'une voix froide en s'asseyant en face de la jeune femme.

Les deux hommes tournèrent un visage surpris vers lui alors qu'il se penchait pour récupérer son verre où il l'avait laissé quelques instants plus tôt.

— Vous voyez ! Il est là ! lança Eurydice faussement guillerette.
— Désolé, mec ! On voulait pas... Euh... on pensait qu'elle était seule, déclara celui qui lui parlait en se levant.

Louis fronça les sourcils sans comprendre mais ne put s'empêcher d'être satisfait de les voir partir.

— C'était quoi ça ? questionna-t-il en se rapprochant d'elle.
— Juste des lourdauds qui ne comprenaient pas que non veut dire non, rétorqua Eurydice avant de porter son verre à ses lèvres. Je leur ai dit que mon petit ami était sur le point de revenir et tu es arrivé, ajouta-t-elle. Mon héros !

Eurydice lui tapota gentiment le bras en souriant.

— Tu ne danses plus ? demanda-t-elle.
— Non, j'aime bien Arabella mais j'ai pas envie qu'elle se fasse des idées, répliqua-t-il.
— Comment ça ? Je pensais que... Désolée, j'ai été un peu trop empressée, déclara-t-elle, gênée.

Louis haussa les épaules et Eurydice but une nouvelle gorgée de son verre.

— C'est bon ce truc dis-donc ! lança-t-elle en fixant le liquide orangé. T'as pris quoi toi ?
— Un jus d'abricot. Pas majeur chez les Moldus, tu te rappelles ? plaisanta-t-il.

Eurydice perdit le sourire qui étirait ses lèvres quelques secondes avant de reprendre contenance sous le regard surpris de Louis. Ce dernier se maudit intérieurement d'avoir rappelé à la fille qui lui plaisait son jeune âge. Quel veaudelune, il faisait !

— Enfin... Je veux dire... J'ai entendu dire qu'ils contrôlaient les cartes de tous ceux qui font moins de vingt-cinq ans, bredouilla-t-il mal à l'aise.

Louis se sentit rosir légèrement tandis qu'il continuait de se flageller intérieurement en se rendant compte qu'il s'enfonçait.

— Ils ne m'ont pas contrôlée. Tu crois que ça veut dire quoi ?

Les joues du jeune homme commencèrent à chauffer et il sut qu'il devait être très certainement aussi rouge qu'une pivoine. Voilà qu'il venait de sous-entendre sans le vouloir qu'Eurydice faisait plus que son âge.

— Vraiment ? Peut-être que ce n'était pas ici alors... A moins que ce serveur soit tout simplement laxiste.

L'ancienne Serpentard esquissa un sourire amusé avant de répondre :

— Arrête d'essayer de me flatter, Louis. Je sais que je fais mon âge et parfois plus.
— Je ne cherche pas à te flatter. C'est... C'est juste la vérité. Enfin... Je veux dire... Je ne trouve pas que tu fasses plus de vingt-cinq ans, déclara-t-il. Euh... Tu veux danser ? demanda-t-il soudainement cherchant à changer de sujet.
— Laisse-moi finir mon verre, rétorqua-t-elle avant de le porter à ses lèvres.

En quelques gorgées, Eurydice but son cocktail et se leva de sa chaise.

— Je te prévins, je ne sais vraiment pas danser, déclara-t-elle en se dirigeant vers la piste.

La musique était redevenue plus électronique, la plupart des groupes d'amis dansaient en cercle, quelques électrons libres semblaient être venus seuls et un ou deux couples étaient en train de s'embrasser à pleine bouche tout en essayant, sans y parvenir, de suivre le rythme de la musique.

Louis offrit un sourire à Eurydice alors qu'ils se faisaient face. L'ancienne Serpentard n'avait pas menti, elle dansait mal. Ses mouvements étaient robotiques et seul le haut de son corps bougeaient suivant plus ou moins le tempo de la mélodie. Enhardi, Louis attrapa la main d'Eurydice et la fit tourner sur elle. Les volants de sa robe tournèrent autour d'elle en une jolie explosion de rouge. Reprenant difficilement son équilibre, l'ancienne Serpentard porta sa main à son front, fit un pas en avant et serait tombée si Louis n'avait pas été là. Le jeune homme la rattrapa de justesse plaçant ses mains sur sa taille alors que le visage d'Eurydice se trouvait au niveau de son épaule gauche.

— Ça ne va pas, Eurydice ? questionna-t-il inquiet.
— J'ai la tête qui tourne, répliqua-t-elle blottie contre lui.

Elle tenta de se redresser, fit un pas en arrière mais Louis la ramena près de lui en voyant qu'elle ne tenait pas debout.

— On devrait aller s'asseoir, dit-il en passant son bras gauche autour de sa taille.

Eurydice hocha la tête alors qu'elle posait sa main droite sur l'épaule du jeune homme. L'autre enserrait la main libre de Louis alors qu'ils se dirigeaient vers la table qu'ils avaient quittée quelques instants plus tôt. Des inconnus s'y étaient installés mais il restait une chaise inoccupée sur laquelle Louis aida l'ancienne Serpentard à s'asseoir.

— Ça va mieux ? Tu veux que j'aille te chercher un verre d'eau ? interrogea Louis en se penchant vers elle.
— Je vois flou, je... je sais pas ce qui m'arrive, répliqua-t-elle en attrapant la main du jeune homme.
— Il y a un problème ? demanda la voix d'Arabella.

Louis tourna son visage vers la Canadienne et lui expliqua qu'Eurydice se sentait mal.

— Il faudrait la ramener chez elle, remarqua Arabella.
— Jonas... marmonna Eurydice à moitié dans les vapes. Je peux pas laisser Jonas.

Louis et Arabella échangèrent un regard avant que cette dernière ne propose de partir à la recherche du jeune garçon pendant que le Serdaigle ramenait Eurydice chez eux.

— Il n'a pas dû beaucoup changer depuis hier, plaisanta la Canadienne lorsque Eurydice s'inquiéta du fait qu'elle pourrait ne pas le reconnaître.
— Allez ! On y va ! s'exclama Louis en aidant l'ancienne Serpentard à se lever.

Une nouvelle fois, il dut la rattraper de justesse en posant ses mains sur sa taille. Eurydice passa ses bras autour se son cou et nicha son visage contre son épaule avant d'éclater de rire.

— Tu sens bon, marmonna-t-elle en caressant sa nuque du bout des doigts.
— Euh... Merci, répondit-il tout simplement.
— Et tu es confortable.
— Allez ! Il faut qu'on y aille, Eurydice, souffla-t-il en se détachant doucement d'elle.

Un bras autour de sa taille, il l'aida à traverser la piste de danse. Leur progression était lente du fait de l'état dans lequel elle se trouvait. Louis ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Eurydice avait l'air complètement sous l'effet de l'alcool alors qu'il savait qu'elle n'avait bu qu'un verre. Soudainement des images des deux hommes qui l'avait abordée lui revinrent en mémoire et le Serdaigle serra les dents en comprenant. Pendant que l'un lui parlait, l'autre en avait certainement profité pour verser quelque chose dans sa boisson.

— Heureusement que tu es là, Louis, marmonna-t-elle le coupant dans ses pensées vengeresses.

Du pouce, Eurydice caressa le dos de la main du jeune homme.

— Tes mains sont douces aussi, continua-t-elle. Tu mets de la crème ? questionna-t-elle en relevant son visage vers lui.
— Euh... Oui, avoua-t-il.

Le jeune homme sentit ses joues rosir sous la gêne. Il savait que beaucoup pensait qu'il s'agissait d'un manque certain de masculinité. Pendant deux secondes, il se demanda si c'était le cas d'Eurydice avant de s'insulter mentalement. Elle venait d'être droguée et tout ce qui l'intéressait était de savoir si elle le trouvait assez masculin. Le sens de ses priorités était à revoir.

— Le sable est froid, se plaignit-elle, et j'ai la tête qui tourne.
— Tiens bon, on est bientôt arrivés, dit-il.

Il leur restait encore au moins un quart d'heure de marche avant d'arriver devant l'escalier menant à la maison des Flint, mais cela, Eurydice n'avait pas besoin de le savoir.

— Tu sais... Je t'aime bien, Louis, déclara-t-elle soudainement.

Le jeune homme tourna un regard surpris dans sa direction. La tête contre son épaule, Eurydice regardait au loin et un sourire illuminait son visage éclairé par les doux rayons de la lune.

— Tu es gentil et intelligent et tu as vraiment bon cœur, continua-t-elle visiblement sincère. Si tu avais quatre ans de plus...

Elle s'arrêta de parler soudainement et Louis sentit son rythme cardiaque s'accélérer. Que se passerait-il s'il avait quatre ans de plus ?

— Si j'avais quatre ans de plus ? s'entendit-il demander.

Eurydice s'arrêta soudainement de marcher et releva la tête vers lui. Elle prit doucement le visage de Louis entre ses mains et esquissa un sourire à la fois doux et mélancolique. Le Serdaigle crut que son cœur allait exploser lorsqu'il sentit son pouce effleurer ses lèvres.

— Mais tu n'as pas quatre ans de plus, souffla-t-elle tristement.

Le jeune homme déglutit difficilement alors qu'elle éloignait ses mains de son visage laissant seulement derrière elles des frissons.

— Eurydice, murmura-t-il.

Son regard descendit sur ses lèvres carmin. Son cœur battait toujours aussi vite dans sa poitrine et ses mains étaient devenues moites. Que faire ? Les pensées se bousculaient dans sa tête. Il n'était pas fou, n'est-ce pas ? Elle avait bien laissé entendre qu'il lui plaisait et que s'il avait quatre ans plus, elle se serait lancé ? Louis releva ses yeux vers ceux d'Eurydice. Les prunelles bleu ciel rencontrèrent celles vertes et embrumées par la drogue de l'ancienne Serpentard. Il hésita à peine quelques secondes avant de prendre sa décision.

— Allez ! Il faut qu'on y aille, Eurydice, déclara-t-il en attrapant sa main pour la maintenir en équilibre.

Ce soir ne le verrait pas profiter de son état de faiblesse.