Iain embrassait merveilleusement bien. Ses baisers étaient à la fois doux et passionnés. Il la maintenait appuyée contre le mur du couloir et parsemait son cou de baisers. Augusta poussa un gémissement alors qu'il plaçait sa jambe entre ses cuisses. La friction était délicieuse et merveilleuse. La jeune femme se laissait aller contre lui, tout à son plaisir.

— Augusta, appela Iain.

Non, c'était beau être lui qui avait parlé, ce n'était pas le son de sa voix. L'accent était plus policé et surtout bien plus anglais.

— Augusta, répéta la voix.

Elle sentit qu'on la secouait et grogna en se réveillant.

— Quoi, Tristan ? demanda-t-elle d'un ton irrité.
— Je m'inquiétais, expliqua-t-il d'une voix douce. Tu n'arrêtais pas de gémir et de bouger dans ton sommeil, comme si tu souffrais.

Le rouge monta aux joues d'Augusta et elle espérait qu'à la faible lumière, son époux ne puisse le remarquer.

— Je faisais juste un cauchemar, rien de bien grave, répliqua-t-elle. Rendors-toi, ne t'en fais pas.

Elle l'entendit ouvrir la bouche pour dire quelque chose, il sembla hésiter quelques secondes avant de se lancer :

— Tu sais que je suis là si tu as besoin de parler.
— Je le sais, mentit-elle, mais tout va bien, je te le promets, souffla-t-elle tout en se réinstallant convenablement sur son oreiller.
— D'accord… Dors bien, Augusta, murmura-t-il.

Il bâilla et le lit craqua légèrement alors qu'il reprenait sa position dos à elle. Moins d'une minute plus tard, les doux ronflements de Tristan lui vinrent aux oreilles. Une vague de soulagement la submergea. Elle avait évité de peu la catastrophe.

Comme tous les matins, peu avant onze heures, Augusta se mit aux fourneaux. Elle était en train d'éplucher les carottes à l'aide d'un sortilège lorsqu'on frappa deux petits coups à la porte de la cuisine. La jeune femme ferma les yeux et prit une grande inspiration avant de se tourner vers Iain. Suite à son rêve, elle avait préféré l'éviter ce matin-là. Elle ne savait pas comment elle pourrait le regarder dans les yeux sans rougir.

— Bonjour Mrs Londubat, déclara-t-il.
— Bonjour Mr McGowan, répliqua-t-elle en essuyant ses mains sur son tablier.

Ayant repris contenance, la jeune femme se tourna vers lui en souriant. Les cheveux de l'Écossais avaient été décoiffés par le vent, ses joues rougies lui donnaient un air vigoureux et son sourire était des plus charmants.

— Tristan m'a dit que vous aimiez les fleurs, dit-il en baissant les yeux vers sa main.

Dans cette dernière, se trouvait un joli petit bouquet de jonquilles. Malgré elle, Augusta se sentit rosir. Était-il vraiment en train de lui offrir des fleurs ? Même son époux, qui pourtant connaissait son amour pour ces dernières, ne lui faisait ce genre de surprise que pour des occasions spéciales.

— Des narcisses trompettes, j'espère que vous aimez ça, déclara-t-il en lui tendant les fleurs.
— Oh ! Merci beaucoup ! répliqua-t-elle en les lui prenant.

Elle fit particulièrement attention à ne pas effleurer ses doigts durant le processus et lui sourit, gênée. Son cœur battait la chamade dans sa poitrine.

— Je vais les mettre dans un vase tout de suite.

Sans attendre, elle lui tourna le dos afin d'aller chercher le petit vase que sa belle-sœur lui avait offert pour son mariage. Lorsqu'elle se redressa après l'avoir trouvé, elle constata que Iain était toujours présent.

— Vous désiriez autre chose ?
— En effet, je souhaiterais profiter de ce petit bouquet pour vous remercier de votre accueil. Je me doute que cela n'est pas facile pour vous, surtout que vous ne me connaissez pas, mais je vous en suis vraiment reconnaissant.
— Les amis de Tristan sont toujours les bienvenus à la maison, dit-elle un sourire crispé étirant ses lèvres.

Que croyait-il ? Pensait-il vraiment que son époux lui avait demandé son avis ?

— Oui, mais ce n'est pas tout le monde qui aurait accepté d'héberger un inconnu pendant six mois.
— Pardon ? lança-t-elle avant d'avoir pu se retenir.

Le visage de Iain se décomposa devant ses yeux alors qu'il comprenait sûrement qu'elle n'était pas autant informée de la situation qu'il le pensait.

— Je… Euh… Je suis seulement de passage en Grande-Bretagne, j'ai trouvé un emploi à l'école de magie de Mrs et Mr Barebone au Canada. Je commence en septembre et… Tristan m'a donc proposé de rester chez vous afin que je puisse faire quelques recherches sur les plantes de la lande en attendant. Je suis navré, je pensais que vous… que vous saviez.

Pendant qu'il parlait, Augusta réussit à se recomposer un visage aimable et lui sourit largement.

— Ah ! Oui ! Bien entendu ! Quelle tête de linotte, je fais ! Vous savez comme nous sommes nous les femmes ! On nous dit quelque chose et cela nous sort de l'esprit quelques instants plus tard ! répliqua-t-elle.

Tout plutôt qu'il sache que son époux se moquait comme d'une guigne de ce qu'elle pouvait penser.

— Ah d'accord, répondit-il visiblement pas convaincu. Je… je ne voudrais surtout pas vous déranger, souffla-t-il le rouge aux joues.
— Vous ne nous dérangez pas, Mr McGowan, déclara-t-elle d'une voix mécanique. Les amis de Tristan sont toujours les bienvenus à la maison, répéta-t-elle tout en installant les fleurs dans le vase. Elles sont très belles, merci.

Elle espérait que le changement de conversation à peine subtil permette de désamorcer cette situation des plus gênantes. Iain sembla comprendre le sous-entendu et commença à expliquer où il les avait trouvées à grand renfort de détails. Elle l'écouta poliment, ravie de parler d'autres choses.

— Navré de vous ennuyer avec tout cela, lâcha-t-il finalement en se frottant la nuque. J'ai cette tendance à toujours partir dans des envolées lyriques quand je parle botanique.
— Oh ! Cela ne m'a pas dérangée, répliqua-t-elle, sincère. Cela fait plaisir de voir autant de passion. De passion pour la flore, je veux dire, explicita-t-elle en détournant le regard, gênée.

La jeune femme se maudit intérieurement alors qu'elle faisait mine de retourner à sa découpe de carottes. Le silence s'installa dans la pièce et Augusta sentait le regard d'Iain sur sa nuque. Il brûlait comme un coup de soleil et faisait s'emballer les battements de son cœur. Malgré elle, les images de son songe lui revinrent en mémoire. Un frisson lui traversa le corps alors que le fantôme de caresses rêvées effleuraient sa peau. Instinctivement, elle serra les cuisses afin de calmer la sensation naissante dans son bas-ventre.

— Quelque chose ne va pas, Mrs Londubat ? s'inquiéta Iain.
— Non, tout va bien, ne vous en faites pas, le rassura-t-elle en souriant.

Ils échangèrent un regard et Augusta détourna les yeux, gênée.

— Puis-je vous aider à préparer le déjeuner ?
— Non, non, ne vous en faites pas ! Allez profiter du beau temps tant qu'il y en a !
— Vous êtes certaine que…
— Sûre et certaine, répliqua-t-elle l'attention toujours rivée sur ses carottes.
— Très bien. Je vous dis donc à tout à l'heure. Midi ?
— Midi pile, comme hier, répondit-elle.

Augusta ne put s'empêcher de pousser un soupir de soulagement lorsqu'elle l'entendit quitter la pièce. Ce qui lui arrivait n'était certainement pas bon ni pour son cœur et encore moins pour sa santé mentale. Elle n'osait pas imaginer comment les six prochains mois allaient se dérouler. Alors qu'elle songeait à cela, la jeune femme sentit son agacement envers son époux s'intensifier. Il lui avait assuré que Iain ne resterait qu'un mois, peut-être deux, le temps seulement qu'il puisse trouver un logement dans une ville où demeuraient des sorciers. Comment Tristan avait-il osé lui mentir ? Croyait-il qu'elle ne finirait pas par l'apprendre ? C'était tout à fait son genre de lui faire ce genre de coup ! Mise devant le fait accompli, il lui était, en effet, difficile de refuser à moins de passer pour une affreuse hôtesse et une mauvaise épouse.

Parfois, elle se demandait comment son époux avait pu être réparti à Gryffondor. Le courage ne l'avait jamais étouffé.

Hargneuse, elle jeta un sort aux pommes de terre pour qu'elles s'épluchent. S'il pensait qu'elle allait lui passer ce comportement, il se fourrait la baguette dans l'œil jusqu'au coude.

— Ah ! Augusta ! Je pensais bien que c'était toi ! s'exclama Callidora en ouvrant la porte de son charmant petit cottage.

Contrairement à Augusta et Tristan qui vivaient dans une dépendance du manoir Londubat, Harfang et Callidora avaient préféré se libérer du joug paternel en achetant une maison en Cornouailles.

— Callidora ! répondit-elle en souriant.

Les deux femmes s'enlacèrent pour se saluer. Après presque six ans à la côtoyer deux à trois fois par semaine, elle pouvait dire sans crainte que sa belle-sœur faisait partie de ses rares amis intimes.

— Je t'ai ramené de la confiture de rhubarbe, comme tu m'avais demandé, dit-elle en sortant le pot de son sac.
— Oh, tu me sauves la vie. Tu connais Alphecca, elle ne jure que par ta confiture de rhubarbe, dit-elle en souriant. On s'installe sur la terrasse pour prendre le thé ? proposa-t-elle.
— Avec plaisir. Rien ne vaut l'air de la mer pour nous revigorer, répliqua Augusta.
— Vas-y ! Je te rejoins là-bas !
— Les enfants ne sont pas là ? demanda-t-elle d'une voix forte.
— Ils ont voulu accompagner leur père à son entraînement. J'ai donc la maison pour moi toute seule cet après-midi, plaisanta Callidora en passant la tête par la porte-fenêtre de la cuisine.
— Je ne te dérange pas, j'espère ?
— Jamais ! Et de toute manière, je te l'aurais dit si je n'avais pas pu te recevoir, tu le sais bien.

Il était certain que Callidora ne manquait pas de franchise. Elle disait toujours les choses comme elle les pensait et s'arrangeait par-dessus le marché à le faire de la façon la plus douce et diplomate possible.

— Comment va Tristan ? questionna-t-elle en arrivant avec un plateau.

Comme à chacune de ses visites, Augusta était accueillie par une théière remplie et des petits gâteaux. Ce jour-là, Callidora les avait faits aux pépites de chocolat.

— Très bien. Travail, travail et travail ! Tu sais comment il est !
— C'est le métier que veux-tu, tenta de la consoler sa belle-sœur.
— Le prestige d'avoir épousé un auror ! plaisanta-t-elle en levant sa tasse, théâtrale.

Callidora esquissa un sourire avant de porter la sienne à ses lèvres.

— Et que dis-tu de celui de la femme d'un joueur de Quidditch ? renchérit l'ancienne Serpentard.

Les deux amies échangèrent un regard amusé avant de rire de concert.

— Oh ! Tu ne peux pas savoir comme cela me fait plaisir de te voir, Callidora, déclara Augusta, sincère.
— Je suis contente de t'avoir à la maison aussi, répliqua-t-elle.

Elle sembla réfléchir quelques instants, fronça les sourcils d'un air inquiet et demanda :

— Tout va bien pour toi, n'est-ce pas ?
— Oui, oui ! Tout va bien ! Je crois que j'ai juste du mal à me faire au fait d'avoir un invité, c'est tout.
— Ah ! Iain, c'est ça ? Oui, Harfang m'a dit qu'il était arrivé. Je ne l'ai pas croisé souvent, mais dans mon souvenir, c'était un garçon tout à fait charmant et très bien élevé. Ne va pas le répéter à mes parents, par contre ! Ajouta-t-elle d'un air agacé.

Callidora était une Black. Ses parents Arcturus et Lyssandra étaient tous les deux des Sang-Pur et étaient aussi tolérants que ceux d'Augusta envers les nés-Moldus.

— À qui le dis-tu ! Si Maman apprend que nous hébergeons un né-Moldu, je suis certaine qu'elle en ferait un malaise. Concernant Iain, il est vrai qu'il est tout à fait charmant et très sympathique. C'est juste…

La jeune femme plissa les yeux, réfléchissant à la manière d'exprimer au mieux ses sentiments.

— Disons que j'avais l'habitude d'être seule toute la journée et voilà que j'ai de la compagnie.
— Il ne travaille pas ? s'étonna Callidora.
— Oh si ! Il fait une recherche sur les plantes de la lande. Pour le moment, je ne le vois pas le matin et un tout petit peu l'après-midi. Toutefois, nous déjeunons ensemble.
— Ah !
— Que se passe-t-il ?
— Rien, mentit éhontément Callidora.
— Je vois bien que tu veux dire quelque chose.

Son amie hésita quelques secondes avant de déclarer d'une voix posée :

— Je n'avais pas compris qu'il restait toute la journée avec toi. Harfang ne me l'avait pas expliquée ainsi.
— Tu penses que Tristan lui aurait menti ? demanda-t-elle avant qu'elle ait pu se retenir.

Callidora lui lança un regard surpris avant de reporter son attention sur sa tasse. Pesant sans doute ses mots, elle touillait le restant de thé, pensive.

— Je ne sais pas. Peut-être ai-je juste mal compris ou peut-être a-t-il fait cela pour que la famille ne pose pas trop de questions. Tu sais comment vont les choses chez les Londubat !
— Et ? insista Augusta voyant qu'elle hésitait à continuer. Ce n'est pas dans tes habitudes de ne pas dire ce que tu penses.
— J'ai des difficultés à trouver comment le dire sans te vexer, voire te blesser, expliqua Callidora. Très bien, lâcha-t-elle sous le regard insistant de sa cadette. Disons que je suis étonnée que Tristan te laisse passer la journée seule avec un homme, qui plus est un homme célibataire. J'ai peur de ce que pourrait en dire la bonne société, toujours si prête à juger.
— Je ne crois pas que d'autres que vous, Harfang et toi, soyez au courant, tenta-t-elle de défendre son époux.

Pour une raison qu'elle avait du mal à expliquer, sans doute par loyauté, Augusta avait toujours du mal à ce que d'autres se permettent de critiquer son époux et ses décisions.

— Et je pense que c'est mieux ainsi. Nous avons bien entendu fait attention à ne pas en parler devant les enfants, Harfang et moi, et continuerons ainsi, dit Callidora en posant sa main sur celle de sa belle-sœur.

La conversation finit par dériver sur des sujets plus légers et les deux femmes finirent par s'échanger des bons plans coutures. Elles étaient en train de parler tissus quand Harfang et les enfants rentrèrent à la maison. Ce furent les enfants qu'elles virent, ou plutôt entendirent, en premier.

— Maman ! s'écria Aiden en se précipitant vers Callidora.
— Tante Augusta ! s'exclama quant à elle Alphecca.

La fillette allait fêter son onzième anniversaire au mois de juillet prochain et était de plus en plus excitée à l'idée de recevoir sa lettre et d'aller à Poudlard en septembre. Comme ses parents, elle avait des cheveux bruns et avait hérité des yeux gris de sa mère. C'était une jolie et gentille gamine toujours souriante.

— Oui, elle a ramené la confiture de rhubarbe, Alphie, intervint sa mère d'une voix amusée.
— Oh super ! Merci Tantine ! lança-t-elle d'une voix joyeuse.

Augusta rit de bon cœur en la voyant tourner sur elle-même comme une danseuse classique.

— Tu ne m'embrasses pas ? demanda sa mère en la fixant d'un air faussement las.
— Bien sûr que si, Maman, rétorqua Alphecca avant de déposer un bécot sur la joue de Callidora.
— Je préfère ça ! Et toi, va dire bonjour à ta tante, ajouta-t-elle à l'adresse de son fils.
— Bonjour Tantine, dit le petit garçon d'un air sérieux.
— Bonjour Aiden, répliqua-t-elle en souriant.

L'enfant la regarda quelques secondes avec de grands yeux avant de partir en courant vers la balançoire. Augusta le suivit du regard, pensive. Si sa sœur était explosive et pleine de vie, Aiden faisait partie de ces enfants timides dont le sens de l'observation était accru.

— Ton père n'est pas rentré avec vous ? demanda Callidora faisant sortir Augusta de ses pensées.
— Il a dit qu'il arrivait, rétorqua Alphecca.

En effet, à peine eut-elle fini sa phrase que Harfang apparaissait sur le seuil de la porte.

— Oh mais que vois-je ! Ma femme et ma très chère belle-sœur ! lança-t-il. Bonjour Dora, murmura-t-il avant de déposer un baiser sur la joue de son épouse. Augusta ! Un plaisir de te voir, comme toujours, ajouta-t-il en souriant.

Sans attendre, il prit une chaise afin de s'installer près de Callidora.

— Ton entraînement s'est bien passé ? demanda cette dernière.
— Aussi bien que faire se peut, rétorqua-t-il. Il reste du thé ? questionna-t-il en se penchant pour soupeser la théière.

Il remplit la tasse de Callidora et la porta à ses lèvres.

— Ouh ! Il a refroidi, remarqua-t-il en attrapant sa baguette.

Il jeta un sort au liquide et sembla satisfait du résultat.

— Alors ? Comment vas-tu, Augusta ? interrogea-t-il en se tournant vers elle.
— Je vais très bien, l'assura-t-elle en souriant.

Bien qu'elle y soit habituée désormais, il était toujours un peu difficile pour la jeune femme d'observer Callidora et Harfang. Ces derniers, après seize ans de mariage, étaient toujours clairement épris l'un de l'autre. De là où elle était Augusta pouvait deviner que son beau-frère avait passé son bras autour du dossier de son épouse et câlinait du bout des doigts son bras.

— Tristan m'a dit que vous alliez héberger Iain quelque temps, déclara-t-il d'une voix basse.

Les enfants avaient beau être à plus d'une trentaine de mètres, il ne servait à rien de prendre un risque en parlant trop fort.

— En effet !
— C'est un bon gars, ce Iain ! Je l'ai toujours apprécié. Tu te rappelles quand on dînait chez mes parents pendant les vacances d'été et qu'il était là ? dit-il en se tournant vers Callidora. Il devait avoir quoi ? Treize-quatorze ans ! Et il n'arrêtait pas de nous parler de ses plantes. On ne l'arrêtait jamais. En tout cas, ça fait plaisir de le savoir de retour au pays après toutes ces années !
— C'est vrai qu'il est sympathique et ne semble pas manquer d'éducation, déclara Augusta en souriant.
— Tristan m'a dit qu'il comptait chercher du travail ici. Tu sais s'il a déjà eu des entretiens ?
— Aucune idée, mentit-elle en souriant.
— Dans tous les cas, c'est vraiment gentil de ta part d'avoir accepté de l'héberger. J'imagine que ce ne doit pas toujours être facile.
— Oh ! Tu sais ! Pour le moment, cela fait tout juste deux jours qu'il est là, donc… Ce n'est pas comme s'il devait rester plus de quelques semaines chez nous de toute manière, plaisanta-t-elle.
— Oui, c'est certain.

Au loin les cloches d'une église moldue sonnèrent cinq fois. Augusta se redressa vivement en comptant les coups. Il était vraiment temps qu'elle rentre chez elle. Elle s'était promis de faire une quiche accompagnée d'une salade, ce soir-là, ainsi que des œufs à la neige. Poliment, la jeune femme prit congé de Callidora et Harfang et transplana dans le petit bosquet d'arbre à une centaine de mètres de sa maison après avoir fait de grands signes de mains à ses neveu et nièce.

Au loin, la jeune femme vit les silhouettes de Tristan et Iain. Ils semblaient installés autour de la table de jardin qu'elle avait ressorti quelques semaines plus tôt. Le mois de février avait été étonnamment doux cette année et après quelques jours de précipitations, le soleil était revenu en ce début mars.

Curieuse, Augusta décida de ne pas se faire remarquer en faisant un détour. Finalement, elle décida de faire le tour de la maison, elle ne voulait risquer qu'ils l'entendent ouvrir et fermer la porte de la demeure. Elle se colla au mur, à l'angle de la bâtisse, faisant attention à ne pas être trop près du rebord afin de ne pas être vue.

— … femme d'intérieur, disait Tristan. Le mariage n'est pas désagréable, même si elle a son petit caractère ! Je sais, on ne dirait pas comme ça plaisanta-t-il. Enfin, j'ai fait ce que mes parents voulaient et voilà !

Bien qu'elle sache qu'il ne l'avait épousée qu'à cause de ses parents, Augusta ne put empêcher d'avoir un petit pincement au cœur en l'entendant le dire si explicitement à une personne qu'elle ne connaissait pas.

— Enfin, tu sais comment sont les femmes, se plaignit son mari d'une voix rieuse. J'ai l'impression que tout ce que je fais n'est jamais assez bien. Tu ne la connais pas encore très bien, mais quand elle est déçue, quand je la déçois, je le vois dans ses yeux aussi clairement que si elle me le disait franchement. Elle croit pourtant qu'elle arrive à jouer le jeu, mais il faut croire que je la connais trop bien.
— C'est vrai qu'elle a un visage très expressif, remarqua Iain d'une voix étonnamment douce.
— Ah, tu vois ! s'exclama Tristan avant d'éclater de rire. Non, mais je me plains, je me plains, mais en fait je ne me vois pas marié à quelqu'un d'autre qu'elle, avoua son époux.

Augusta écarquilla les yeux en entendant cela. Le pire dans tout cela était qu'il semblait sincère.

— J'en suis sûr, répliqua Iain. Ah ! Tu peux pas savoir à quel point je t'envie ! Un job que tu aimes, une belle maison, une femme intelligente et belle, ne manque plus que les marmots ! Ah ! Sujet sensible, désolé, je ne… Pardon.

Augusta leva les yeux au ciel. Elle n'était visiblement pas la seule à avoir un visage « expressif ».

— Ce n'est pas ça… Disons que nous essayons, mais cela ne marche pas.
— Nous essayons ? Il ose ! Le sale petit troll, marmonna-t-elle entre ses dents.
— Ah ! Je suis désolé, répliqua Iain.

Le silence s'installa entre eux plusieurs minutes et Augusta allait sortir de sa cachette quand Iain reprit :

— Tristan, je voulais te demander.
— Oui ?
— Tu avais vraiment prévenu ta femme que je restais jusqu'à fin août ? Pas que je veuille me mêler de vos affaires, mais si tu lui as pas dit, j'ai fait une bourde, ce matin. Elle le sait maintenant.
— Ah !
— Ah ! C'est tout ce que tu trouves à dire ? s'agaça Augusta dans un murmure. Ah !
— Merci de m'avoir prévenu.
— Enfin, je voulais te dire que si… Si ma présence pose problème, je peux toujours aller vivre chez mon frère.
— Dis pas de bêtises ! Ton frère et sa femme ont déjà cinq enfants et ta mère vit avec eux !
— J'ai déjà vécu dans aussi exigu, tu sais.
— Ouais, mais non. On a une chambre d'amis, autant qu'elle serve à quelque chose.

De nouveau, le silence s'installa entre les deux amis.

— En parlant de tout ça, j'ai oublié de te demander des nouvelles de Carol ?

Augusta n'eut aucun mal à remarquer la pointe d'intérêt dans la voix de son époux. Il avait toujours ce ton quand il voulait que les gens croient que la question n'avait pas d'importance pour lui alors qu'elle était primordiale.

— Ah ! Carol… Disons que ça ne s'est bien fini. Je voulais ce poste à l'école de Mrs et Mr Barebone, elle voulait garder son emploi en Australie. On a préféré se séparer. C'était plus trop ça de toute manière. Je crois qu'elle n'avait pas très envie de s'engager et tu me connais… Bref ! On s'est séparé et retour à la case départ !
— Je suis sûr que tu finiras par trouver la bonne, déclara Tristan.
— Ouais… J'espère en tout cas qu'elle cuisinera aussi bien que ta femme.
— Elle devrait être rentrée d'ailleurs à cette heure-là ! Elle t'a…

Ne voulant pas prendre le risque de perdre du temps, la jeune femme n'attendit pas la fin de la phrase et revint vers le devant de la maison. Elle tourna la poignée de la porte et pénétra dans le hall d'entrée.

— Bonsoir ! C'est moi ! lança-t-elle d'un ton guilleret.
— Nous sommes dans le jardin ! rétorqua Tristan d'une voix forte.

La jeune femme traversa la maison et sortit par la porte de la cuisine.

— Ah ! Augusta ! On commençait à se demander où tu étais, déclara son époux en la voyant.
— J'étais partie rendre visite à Callidora, répliqua-t-elle en s'asseyant sur la chaise vide face à Tristan et à la droite de Iain. Les enfants étaient partis avec ton frère assister à son entraînement.
— Ah ! Et comment va tout ce petit monde ?
— Très bien ! J'ai vu ton frère brièvement, il avait l'air en forme. Les enfants aussi. Tout le monde te passe le bonjour. Et à vous aussi, Mr McGowan, ajouta-t-elle à l'adresse de Iain.
— C'est gentil de leur part, dit-il en souriant.

Augusta se força à détourner le regard. Elle ne souhaitait surtout pas que son époux puisse deviner qu'elle était indéniablement attirée par son meilleur ami. Et d'après ce qu'elle avait entendu, malgré le fait qu'il ne donne pas l'impression de s'intéresser, Tristan semblait assez la connaître pour reconnaître qu'elle jouait la comédie à certains moments.

— Bon, il commence à se faire tard, lança-t-elle après quelques secondes d'un silence gênant. Tristan, tu devrais aller passer à la salle de bains et moi, je vais préparer le dîner pendant ce temps-là.

Elle sentit le regard des deux hommes sur elle alors qu'elle s'éloignait et entendit son mari plaisanter sur son autorité naturelle. Elle leva les yeux au ciel. Il essayait simplement de se rendre intéressant devant son ami et ne méritait pas qu'elle y prête de l'attention.

D'un coup de baguette, elle alluma le four et commença à éplucher les oignons tandis qu'à l'aide d'un sortilège, les poireaux étaient coupés en petits morceaux. Elle était en train de chercher sa farine lorsque Iain pénétra dans la cuisine.

— Avez-vous besoin de quelque chose ? demanda-t-elle poliment.
— Je viens juste prendre la vaisselle pour mettre la table, expliqua-t-il.

La pièce n'étant pas très large, Augusta se mit dans un coin afin de le laisser récupérer tout ce dont il avait besoin. Elle esquissa un sourire alors qu'il trouvait tout du premier coup. Le couple vivait dans cette maison depuis leur mariage près de six ans plus tôt et elle était certaine que Tristan ne savait toujours pas où étaient rangés les couverts.

— Hop ! Et voilà, je ne vous dérange plus. À moins que vous ayez besoin d'aide, bien entendu, proposa-t-il.
— Cela… commença-t-elle avant de se rappeler qu'elle avait besoin d'ingrédients rangés à la cave. Ah si ! J'aurais besoin de beurre, de crème et d'œufs. Pourriez-vous aller les chercher, s'il vous plaît ?
— Bien entendu. Combien d'œufs ?
— Prenez la boîte de douze, ce sera plus simple !
— J'y vais de ce pas !

Elle l'entendit poser les assiettes et les couverts sur la table et le vit sortir de la maison quelques instants plus tard. Discrètement, elle le suivit du regard alors qu'il se dirigeait vers la cave. Augusta ne put s'empêcher de le détailler. Il devait faire un peu plus d'un mètre soixante-quinze et lui semblait bien bâti. Son regard descendit vers son postérieur et elle se sentit rougir en se rendant compte de ce qu'elle faisait.

Si elle se comportait ainsi, pas étonnant qu'elle fasse ce genre de rêve ! Il fallait vraiment qu'elle se reprenne. Certes, Iain ne semblait pas être l'amant de son époux – ils ne se seraient sans doute pas comportés comme ils l'avaient fait plus tôt dans la soirée si c'était le cas – mais cela ne changeait rien au fait qu'il était le meilleur ami de Tristan, et surtout qu'elle était mariée. Elle ne pouvait décidément pas se comporter comme une midinette énamourée !

— Reprends-toi, ma grande ! s'ordonna-t-elle avant de reporter son attention sur sa tâche.

Elle poussa un soupir. Oui, il fallait vraiment qu'elle se reprenne.