Eurydice se souvenait de la soirée, Louis en était certain. Elle n'avait pas pu soutenir son regard lorsqu'ils s'étaient croisés dans la cuisine et il l'avait vu rougir quand il avait effleuré sa taille par inadvertance.
— C'est toujours d'accord pour la visite de Corfou ? demanda-t-il l'air de rien alors qu'ils dégustaient leur petit-déjeuner.
— Oui, bien sûr, rétorqua-t-elle précipitamment. Tu pourrais me passer le miel, s'il te plaît, Alex ?
Alexander lui tendit le pot de miel sans même prendre la peine de relever le nez de sa tasse de café.
— On part à quelle heure ?
— On a rendez-vous avec le guide à seize heures. La visite est censée durer deux heures, répondit Eurydice mécaniquement.
Louis jeta un coup d'œil à la pendule et constata qu'il était déjà presque dix heures. Comme souvent, Eurydice, Alexander et lui étaient les premiers levés. Les autres avaient tendance à rester au lit jusqu'à midi et il n'était de toute manière même pas sûr que Nikolaï était rentré la nuit dernière.
Peu après le repas, Louis et Alexander s'installèrent autour de la piscine tandis que Eurydice avait disparu, ils ne savaient où.
— Et tu l'aurais vue Louis ! Une divinité ! s'exclama Alexander aux anges.
— J'imagine que vous l'avez fait alors, répliqua le jeune homme, pensif.
Il jeta un coup d'œil dans la direction de son ami et ne put manquer la petite moue qu'il arborait.
— On a prévu de le faire demain. Ses parents vont rendre visite à sa tante sur le continent et on aura la maison pour nous, expliqua-t-il. Et puis, je dois avouer que je ne me voyais pas faire ça sur la plage, surtout pour... Enfin, tu vois, répondit Alexander visiblement gêné.
— Certains trouvent ça romantique, remarqua Louis.
— Nikolaï m'a dit que ce n'était définitivement pas une bonne idée malgré ce que font croire les romans d'amour, pas que j'en lise en vrai mais... Enfin, tu vois ce que je veux dire ! D'après lui, c'est plus facile dans un lit la première fois. T'en penses quoi ?
Louis haussa les épaules. Bien qu'il ait eu plusieurs petites amies, il n'avait encore passé le cap du premier rapport sexuel. Détail qu'il avait omis plus d'une fois de préciser à ses amis, dont Alexander. Tous étaient partis du principe qu'il avait forcément vu sous les jupes de la vélane après que sa relation de six mois avec une de ses camarades de Serdaigle eut pris fin au mois d'avril précédent.
— Allez quoi ! T'es le seul de nous deux à l'avoir déjà fait ! T'as quand même pas envie que je me tape l'affiche devant Andonía !
Louis ne put s'empêcher de détourner le regard gêné.
— Ouais... En parlant de ça...
— Tu l'as jamais fait encore, c'est ça ? le coupa Alexander.
Son meilleur ami releva son visage vers lui et hocha la tête positivement tandis que le jeune Flint le fixait, visiblement éberlué.
— Tu veux donc dire que ces six derniers mois, tu nous as menti, que tu nous as fait croire que tu n'étais plus puceau alors qu'en fait si !
— Eh ! Je vous ai jamais menti ! Je vous ai jamais dit que j'avais couché avec Cordelia. Vous l'avez supposé tout seul, j'ai rien dit !
Alexander secoua la tête visiblement pas convaincu par les propos de son ami.
— Et t'as rien dit aussi quand les autres me charriaient car j'étais soit-disant le dernier de la bande à être puceau.
— Tu voulais que je dise quoi ? Que je l'étais aussi ? Ça aurait changé quoi ?
— Je sais pas ! Peut-être que je me serais senti moins incapable de plaire à une fille, plus normal.
— Plus normal ? Mais y a rien d'anormal à être puceau à notre âge, rétorqua Louis.
Sa voix trahit le doute qu'il ressentait face à son affirmation et Alexander dut le sentir car il éclata de rire.
— T'y crois pas toi-même ! Et c'est pour ça que t'as rien dit ! T'avais pas envie d'être la cible des moqueries des autres ! s'énerva Alexander.
— Un problème les garçons ? questionna une voix féminine.
Louis tourna son visage vers la porte-fenêtre et se sentit rougir violemment en voyant Eurydice seulement vêtue d'un bikini et d'un paréo sur lequel était représentée l'île de Corfou. Depuis quand était-elle là ? Avait-elle entendu leur conversation ?
— Non, pas de problème ! Je vais voir Andonía. A plus ! rétorqua Alexander en se levant.
Louis le suivit du regard alors qu'il s'éloignait à grands pas. Après quelques secondes, le jeune homme reporta son attention vers Eurydice dont les cheveux tombaient en une natte sur son épaule.
— Vous vous êtes disputés ? questionna Eurydice. Ne t'en fais pas, je suis sûre que ça va s'arranger. Nikolaï et moi, on se dispute de temps en temps aussi mais ça ne dure jamais longtemps, ajouta-t-elle face à son silence.
— Tu vas où ? demanda-t-il pour changer de sujet.
— Juste à la crique. J'ai envie de me baigner dans la mer.
— Je peux venir avec toi ?
Louis crut voir les joues d'Eurydice rosir avant qu'elle ne réponde par l'affirmatif. Malgré tous ses efforts, elle ne put pas cacher la gêne qui se lisait sur son visage. Elle s'en rappelait, il en était certain.
Le jeune homme attrapa sa serviette de plage sur la chaise longue sur laquelle il était installé et se dirigea vers les escaliers menant à la crique.
— Laisse ! Je vais le prendre, déclara-t-il en prenant le sac qu'elle portait.
Leurs doigts s'effleurèrent et les joues d'Eurydice devinrent encore plus rouges qu'elles ne l'étaient déjà. Il descendit les marches à sa suite admirant la courbe de sa nuque, de ses épaules. Ils installèrent leurs serviettes sur un petit bout de plage, à l'ombre des grands arbres qui bordaient la mer. Louis ne put s'empêcher d'admirer la jeune femme alors qu'elle retirait son paréo et commençait à s'enduire d'huile.
— Attends ! Je vais t'aider, déclara Louis en prenant le flacon des mains d'Eurydice.
Il commença à lui étaler l'huile de monoï dans le dos et sentit la jeune femme se tendre sous ses doigts en même temps que la chair de poule faisait son apparition.
— Ça ne va pas ? demanda-t-il d'une voix rauque.
— Si ! Si, mentit-elle de manière peu convaincante.
Les mains de Louis remontèrent vers ses épaules, effleurèrent sa nuque avant de descendre le long de ses bras. Le Serdaigle sentit sa respiration se faire plus forte alors que la course de son cœur commençait à s'accélérer. Ses doigts frôlèrent sa taille et la courbe de ses seins alors qu'il revenait vers ses épaules.
— Arrête ! s'exclama-t-elle soudainement en s'éloignant de lui.
Louis releva son visage vers celui d'Eurydice qui s'était levée et soutenait difficilement son regard. Elle baissa rapidement les yeux, mal à l'aise alors que lui-même se mettait debout.
— Écoute Louis ! Je... Je te suis vraiment reconnaissante pour hier mais je... Je n'étais pas moi-même et... Enfin, je ne sais plus trop ce qui s'est passé mais...
— Il ne s'est rien passé, la coupa-t-il.
Elle lui jeta un regard surpris tandis qu'il continuait :
— Tu étais droguée, je t'ai ramenée chez toi. C'est tout.
— C'est tout ? demanda-t-elle peu sûre d'elle.
— Eurydice ! Tu étais droguée, jamais... Jamais, je n'aurais tenté quoi que ce soit.
— Bien sûr ! Bien sûr ! Je sais que ce n'est pas ton genre, Louis, répliqua-t-elle rapidement, j'avais juste peur...
Elle s'arrêta de parler comme si elle en avait trop dit.
— Tu avais peur ? demanda-t-il en faisant un pas vers elle.
— Rien. C'est stupide, répliqua-t-elle en souriant.
— Eurydice ! Je me moque de ne pas avoir quatre ans de plus, lâcha-t-il soudainement.
La jeune femme perdit immédiatement son sourire et ses joues devinrent encore plus rouges qu'elles ne l'étaient déjà.
— Qu... Que... Comment ? bredouilla-t-elle, les yeux écarquillés.
— J'ai dit que je n'en avais rien à faire de ne pas avoir quatre ans de plus, répéta-t-il en prenant ses mains dans les siennes.
— Je vois pas de quoi tu parles, mentit-elle effrontément. Pourquoi tu devrais en avoir quelque chose à faire de ne pas avoir quatre ans de plus ?
Elle esquissa un sourire mal à l'aise.
— Tu sais très bien pourquoi. Eurydice, tu me plais beaucoup, déclara-t-il le cœur battant.
— Très drôle, Louis ! Franchement, tu n'as... commença-t-elle faisant mine d'être amusée.
Avant qu'elle n'ait pu finir sa phrase, les lèvres du Serdaigle se posèrent sur les siennes. Le geste avait été impulsif de la part de Louis et cela se ressentit sur le début du baiser. Trop surprise, Eurydice n'avait dans un premier temps pas réagi alors que l'une des mains du jeune homme s'était posée sur sa taille nue. Le cœur de Louis avait fait un bond dans sa poitrine lorsqu'il avait constaté qu'elle commençait à répondre à son baiser. Les doigts de l'ancienne Serpentard s'étaient glissés dans ses cheveux alors qu'il cherchait à la coller un peu plus à lui. La poitrine d'Eurydice était compressée contre son torse nu et Louis ne put s'empêcher de gémir en sentant ses tétons durcirent à travers son haut de maillot de bain.
Cela sembla être le signal du retour à la réalité pour la jeune femme car elle s'éloigna de lui précipitamment. Elle avait les yeux écarquillés et paraissait horrifiée.
— Eury... commença Louis en faisant un pas vers elle.
— Ne t'approche pas ! s'écria-t-elle en reculant.
Le jeune homme resta en place et sentit son cœur se serrer.
— Je... Tu es le meilleur ami de mon frère. De mon petit frère ! asséna-t-elle comme si cela était une raison suffisante en soi pour qu'il ne se passe rien entre eux.
— Je suis majeur, se contenta-t-il de répondre.
— Tu as dix-sept ans, Louis. Dix-sept ans. Je ne suis pas... Je ne peux pas...
— Tu me plais beaucoup, répéta-t-il.
— Louis, j'ai vingt-trois ans. Je suis trop vieille pour toi. Tu es encore à Poudlard, j'ai un travail. Je... C'est complètement... C'est impossible, Louis.
Elle avait dit la dernière constatation sur un ton où transparaissait une certaine mélancolie, presque de la tristesse. Il ne put s'empêcher de ressentir une pointe de soulagement en constatant que toutes ses raisons n'avaient rien à voir avec les sentiments qu'elle pouvait avoir pour lui.
— Tu sais quoi, Eurydice. Je crois que je te plais aussi, déclara-t-il après quelques secondes de silence. Ouais, je crois que je te plais aussi, que tu le sais pertinemment mais que tu as peur de ce que pourraient penser les autres, de ce que pourrait penser Alexander.
— Parce que tu n'as pas peur, toi ? Tu te moques de ce que pourrait ressentir ton meilleur ami en apprenant que tu fréquentes sa sœur aînée ?
Louis mentirait s'il disait qu'il n'y avait pas songé. Alexander et lui s'étaient rencontrés lors de leur premier voyage dans le Poudlard Express. Le garçonnet qu'il était à l'époque, avait décidé de faire le voyage avec Teddy Lupin. Ce dernier avait accepté de bon cœur et avait été rapidement rejoint par Nikolaï Gudgeon, son camarade de maison et aussi meilleur ami. Le train avait démarré depuis peu lorsque deux autres personnes étaient entrées dans le compartiment. Eurydice Flint, meilleure amie de Teddy et pire ennemie de Victoire, la sœur de Louis, et son frère de six ans son cadet, Alexander. Ils avaient fait connaissance durant le trajet puis avaient été répartis dans la même maison et étaient devenus inséparables.
— Alexander serait heureux pour nous, dit-il finalement peu sûr de lui.
Eurydice dut entendre son hésitation dans sa voix car elle esquissa un sourire triste.
— Louis... Tu sais très bien qu'il ne le prendra pas bien.
— Il finira par s'y faire, rétorqua-t-il. Eurydice, s'il te plaît.
— Je suis désolée, Louis, répondit-elle sincère.
Elle se baissa pour récupérer son paréo et sa serviette, et sans un regard en arrière se dirigea vers l'escalier menant à la maison. Le Serdaigle la suivit du regard et sentit son cœur se briser dans sa poitrine.
