.

En diligence.

.

Ils avaient d'abord transplané à Pré-au-Lard avant d'opter pour une diligence d'un noir profond, agrémentée d'une lanterne à l'avant. Bien que semblant plus décorative qu'utilitaire, elle ajoutait une touche de charme désuète, un peu surannée, à l'ensemble.

Devant le véhicule, trois sombrals majestueux attendaient patiemment leur départ. Aucun mot n'avait franchi les lèvres de Tom lorsqu'Harry caressa délicatement le museau de l'un d'entre eux, mais ce dernier sentit, sur son dos, le poids appréciateur du regard de son compagnon.

Puis, ils avaient pris place à l'intérieur de la diligence. Une vague odeur de paille imprégnait le compartiment et une légère nausée avait envahi Harry.

Le début du trajet s'effectua dans un silence pesant, chacun absorbé par le paysage qui défilait par la fenêtre. Harry se demanda si le chemin caillouteux, qui générait tant de vibrations, avait toujours été aussi désagréable. Il ne se souvenait pas d'avoir ressenti autant d'inconfort lors de sa scolarité.

Ce fut Tom qui rompit le silence : « Monsieur Potter, nous allons d'abord rendre visite à ce cher Directeur Dippet. Nous logerons une nuit ou deux au château, le temps que je retrouve la personne que je cherche. »

Harry détourna un instant son regard du paysage pour jeter un coup d'œil à Tom : « Pensez-vous vraiment que cette personne soit encore au château, Lord Gaunt ? »

Un sourire méprisant étira les lèvres de Tom : « Oh, elle est là, Monsieur Potter, et elle y sera éternellement. »

Le regard d'Harry se détourna, une lueur de compréhension naissant dans ses yeux. Il pinça les lèvres de désapprobation. Un artefact puissant, un fantôme, Tom… il ne fallait pas être Merlin pour faire le rapprochement.

Tom esquissa un sourire amusé, ses yeux scrutant la silhouette d'Harry, assis en face de lui : « Nous partagerons la même chambre. »

De la pure provocation.

Harry garda le silence, ses yeux rivés sur le paysage qui défilait au-dehors. Ce fut à peine s'il releva les sourcils, signalant son désintérêt pour la remarque. Le murmure des roues de la diligence et le cliquetis régulier des sabots des sombrals le berçaient doucement et il n'était simplement pas d'humeur à la conversation.

Cependant, Tom ne semblait pas enclin à partager cette quiétude. Bien au contraire, il semblait déterminé à perturber cette paix qu'Harry appréciait tant : « J'espère que cela ne vous dérange pas. Je n'ai pas prévu que je venais avec… un serviteur. »

« Vous savez ce que j'apprécie chez vous, Lord Gaunt ? Votre sollicitude. Ce souci constant que vous avez pour le bien-être de vos employés est tout à fait charmant. Vous vous inquiétez pour moi, pensant que je pourrais être gêné de partager votre chambre. Mais laissez-moi vous rassurer, je ne suis pas du genre à me formaliser : le manque d'espace ne me fait pas peur. Après tout, j'ai dormi pendant des années dans un dortoir, avec d'autres Gryffondors. J'ai même eu l'occasion de partager mon lit avec un Weasley et je n'ai pas eu à m'en plaindre pour autant. (Harry évita soigneusement de mentionner qu'il n'avait alors que 11 ans.) Alors, qu'il s'agisse d'un Weasley ou de vous, je n'y vois aucune différence. » conclut Harry d'un ton délibérément nonchalant.

L'insulte, à peine masquée, claqua au nez de Tom Riddle, faisant chanceler son sourire triomphant : « Je pourrais vous perdre dans Poudlard, pour vous punir de votre insolence. »

Harry, affichant un détachement évident, répliqua : « Ne vous embêtez pas. Vous vous perdriez avant moi. »

Tom ricana, sûr de lui : « Je ne pense pas. Je connais des endroits dont vous n'auriez même pas idée. »

Harry, de plus en plus ennuyé par la conversation, son regard toujours rivé sur la fenêtre, rétorqua d'un ton léger : « Vous seriez surpris. Je pense mieux connaître Poudlard que vous. »

Tom déclara avec arrogance : « Monsieur Potter, je suis allé dans des lieux dont même le directeur ignorait l'existence. »

Il n'était pas difficile pour Harry de deviner de quel endroit il parlait. Après tout, sa plus grande fierté quand il avait été élève à Poudlard, avait été d'ouvrir la chambre des secrets et d'y dompter le basilic. Basilic qu'Harry avait par la suite décapité sans remord. Mais Riddle semblait tellement certain de tout connaître mieux que tout le monde qu'Harry ne put s'empêcher de vouloir le taquiner un peu.

Il ancra son regard dans celui de Tom et, d'un air faussement innocent, enfonça le clou : « Comme je l'ai déjà dit, je connais bien Poudlard. Des dortoirs de Gryffondor aux toilettes des filles du deuxième étage. »

L'allusion n'aurait pas pu être plus claire et Tom la saisit parfaitement. Ses yeux se rétrécirent en deux fentes dangereuses et il émit un son sifflant, dérangeant.

Harry afficha une moue indifférente avant d'ajouter avec une pointe d'ironie : « Ne soyez pas vulgaire. Cela ne sied vraiment pas à un Lord. »

Les yeux de Tom s'ouvrirent de surprise : « Vous ne pouvez pas... »

Harry eut un léger sourire : « Je peux parfaitement. »

Tom s'adossa encore plus profondément dans le siège en cuir de la diligence. Le sifflement repris : « Seule la lignée de Salazar Serpentard comprend le Fourchelang. Vous m'avez menti. »

Harry soupira et répliqua en anglais : « Vous avez tort et je ne vous ai pas menti. Je la comprends. Quand j'étais plus jeune, je pouvais aussi la parler. Mais j'ai... perdu cette capacité après la guerre. »

Pour être plus précis, à la mort de Voldemort, quand leur lien avait été brisé, Harry avait tout oublié de cette langue. Cependant, même s'il ignorait comment, son retour dans le passé et sa fréquentation de Tom avaient réveillé en lui quelques vagues réminiscences de ces capacités. Alors que le Fourchelangue avait jadis été comme une deuxième langue maternelle, il devait à présent se concentrer un peu plus pour saisir le sens de chaque phrase, comme un touriste essayant de pratiquer une langue étrangère.

Tom observa Harry avec un éclat de curiosité dans les yeux : « Vous l'avez vu ? »

Harry haussa un sourcil interrogateur : « Qui ça ? »

« Dans la chambre... » Tom laissa sa phrase en suspens.

Une lueur de compréhension traversa les yeux de Harry : « Ho. Lui. Oui. Je l'ai vu. »

« Il vous a laissé passer... sans vous attaquer... » Tom semblait intrigué.

Harry grimaça en repensant au combat qu'il avait dû mener : « Pas vraiment. Il n'a jamais voulu m'écouter. Un enfant difficile, je suppose. »

La curiosité semblait dévorer Tom : « Comment ? »

La diligence tressauta sous une secousse, faisant piaffer les sombrals alors qu'ils s'arrêtaient. Un sourire doux se dessina sur le visage de Harry alors qu'il ouvrait la porte : « Nous sommes arrivés. »

.


.

Helloooow ! J'en profite deux secondes pour apporter une petite explication à une question que l'on m'a posée (parce que vous allez voir que cela va se reproduire) : pourquoi Tom et Harry passent du tutoiement au vouvoiement d'une scène à l'autre ? Il y a déjà eu un début de réponse dans un des chapitres précédents, mais je vais compléter un peu, car je sais que cela en dérange plus d'un/une :-D :

C'est une question de distance émotionnelle. Harry a toujours été habitué à tutoyer Tom : aussi, quand les émotions se font trop fortes (cela peut être peur, colère, désir…), il a tendance à repasser inconsciemment au tutoiement. Quand il se maîtrise mieux, il garde le vouvoiement.

Pour Tom, c'est plus une question de possession, je dirais : le tutoiement lui permet d'avoir une certaine ascendance sur l'autre, de montrer qu'il lui appartient. Quand il passe au vouvoiement c'est qu'il a établi une espèce de frontière avec l'autre et qu'il n'est pas spécialement dans un de ses jeux (type séduction, manipulation…). Bien sûr, le tutoiement arrive aussi quand il perd son sang froid (sivouvoyezckejveudir).

Je pense aussi que si Harry a une notion de politesse quant au vouvoiement, Tom lui, en a parfois une notion de mépris : c'est-à-dire qu'il aura tendance à vouvoyer quelqu'un qu'il méprise. Pour qu'il tutoie quelqu'un, il faut vraiment qu'il se sente proche de lui.