Chapitre 17 : Cette fille à gavroche ne marche pas, elle court !
Ethelle rabattit sa capuche sur sa tête pour se protéger de la pluie. Elle ne cessait pas de tomber sur Acajou, et ça n'avait rien à voir avec la tempête sévissant à Oliville.
_ Les Leviator doivent vraiment être furieux…
_ C'est bizarre, non ? Tu en as capturé plusieurs avec ton capstick mais ça n'a pas suffit à les calmer.
_ Ce ne serait pas la première fois… Il y a très longtemps, avant même qu'on se rencontre, les Pokémon sont devenus incontrôlables dans la région d'Almia à cause de machines conçues par les méchants locaux, Pressand m'en a parlé. Ils devenaient impossible à calmer. Avec le temps, ce type d'invention a forcément été amélioré. Je commence à me dire que c'est quelque chose de similaire qui a lieu ici.
_ C'est pour ça que tu as laissé tes Pichu chez toi ?
Ethelle hocha la tête et sourit lorsqu'une violente bourrasque arracha la capuche de Liam. La pluie collait ses cheveux blonds à son visage, et ça lui allait bien. Elle lui remit sa capuche et quelques mèches de cheveux en place.
_ Viens, je vais contacter la Fédération Ranger pour demander des informations sur ce type de machines et…
_ Qu'est-ce qu'il y a ?
Ethelle tapota le capstick à son poignet, les sourcils froncés.
_ Cette fois c'est sûr, il y a quelque chose de bizarre, par ici. La communication est brouillée.
Liam gratta sa joue en réfléchissant, les sourcils froncés.
_ Si le signal est brouillé, c'est que quelque chose le brouille ; et avant de ricaner devant ma grande spiritualité, laisse-moi finir. Ce quelque chose, ce ''brouilleur'', existe donc, c'est un objet tangible, et il faut le trouver.
_ Et on fait comment ?
_ C'est toi la Pokémon Ranger, que je sache ! Et tu as su me débusquer tout en haut d'une montagne, tu ne devrais pas avoir de mal à trouver un engin bizarre dans un patelin paumé.
Ethelle sourit avec amusement et glissa son bras sous celui de son ami.
_ Tu as raison ! Alors partons à la chasse !
_oOo_
A Oliville, Kotone atteignit le haut du phare après une longue ascension par les escaliers. La tempête avait finit par faire sauter le courant de la ville en sectionnant les câbles d'alimentation ; et un ascenseur fonctionnant avec l'électricité…
_ On vit entouré de Pokémon Electrique, et personne n'a songé à les utiliser pour les générateurs de secours ! Les Motisma auraient été ravis de vivre dans des moteurs, c'est leur lieu de vie, les appareils ! Des amateurs, tous autant qu'ils sont !
La pièce en haut du phare était une pièce circulaire entièrement vitrée. Le vent hurlait, assourdissant, et la pluie se fracassait contre les fenêtres. La mer à peine visible en contrebas était démontée.
Au centre de la pièce, Kotone repéra une jeune fille aux longs cheveux châtain clair, deux mèches retenu par des perles orange dressées sur le sommet de sa tête. Elle portait une robe vert pâle au bas rehaussé d'un volant blanc s'arrêtant aux genoux, et un gilet blanc en laine fine fermé sur sa poitrine par un nœud orange. Elle aurait put être jolie si son visage n'était pas ravagé par la peur et ses yeux marron boursoufflés et rougis par les larmes. Elle était assise sur le sol d'acier, un Pharamp allongé à côté d'elle, la tête sur ses genoux. Au lieu d'être jaune vif, son pelage court était d'un ocre sale et terne, et le joyau sur son front brillant d'ordinaire d'une lumière écarlate était complètement éteint. A n'en pas douter, il était malade, et gravement.
Kotone s'approcha, faisant sursauter la jeune fille.
_ Bonjour, désolée de vous avoir fait peur. Vous êtes Jasmine ?
_ Oui… Désolée, si vous êtes une challenger pour l'Arène, je ne quitterais pas ce phare avant que Phary soit rétabli et que la lumière revienne.
_ Il ne guérira pas si vous restez ici à vous lamenter sur son sort. Il lui faut des soins.
_ Je sais ! Mais nous n'avons pas les médicaments qu'il lui faut, et avec la tempête, impossible d'aller les chercher à Irisia !
Kotone comprit tout de suite que la situation était dans une impasse, et qu'elle perdrait son temps. Quelque chose sonna soudainement, et la jeune fille regarda le Pokématos posé à côté de Jasmine. La Championne s'empressa de décrocher.
_ Qu'est-ce qu'il y a ?
_ Jasmine, c'est une catastrophe, un bateau arrive droit sur nous. Il lui faut de la lumière, ou il va s'échouer sur les récifs !
_ Phary est toujours malade ! On ne peut rien faire !
Kotone leva les yeux au ciel. Il ne devait pas y avoir un seul Pharamp dans les environs, pourtant, l'endroit grouillait de Dresseurs ! Et à défaut de Pharamp, il existait des tas de Pokémon Electrique. Elle-même en possédait un, qu'elle fit sortir de sa Pokéball. Lainergie secoua la tête et regarda autour de lui.
_ Aller mon grand, on a besoin de lumière. Jasmine, ça fonctionne comment ?
_ Ah… La lumière se réfracte sur les vitres et se diffuse pour être visible de loin.
_ C'est tout ?
_ Oui…
Kotone hocha la tête et se tourna vers son Pokémon. D'un simple hochement de tête, elle lui fit comprendre ce qu'elle attendait de lui. Lainergie émit aussitôt autant de lumière qu'il le pouvait.
_ Ça ne sera pas suffisant pour guider un bateau dans une telle tempête…
Kotone pinça les lèvres. Est-ce qu'elle avait tant envie que ça d'affronter tout de suite Jasmine ? Pas au péril de sa vie. Mais si un bateau faisait naufrage, la situation tournerait à la catastrophe. Ses cales déverseraient leur contenu dans la mer, et les marins qui se trouvaient avec ; sans parler du pétrole le faisant fonctionner ! Une belle marée noire en perspective… Non, décidément elle ne pouvait pas laisser une telle tragédie se produire. Elle n'était pas la fille de deux Pokémon Rangers pour rien !
_ Je vais aller jusqu'à Irisia chercher vos médicaments. Je vous confie Lainergie, mieux vaux un peu de lumière que rien du tout.
_ C'est de la folie ! Traverser le Chenal 41 par ce temps, c'est impossible ! Et les Tourb'Iles sont tellement proches, les courants pourraient vous attirer et vous noyer !
_ J'ai confiance en ma Lokhlass. Si elle ne le sent pas, je ne ferais rien et attendrais sagement que le temps passe, dans tout les sens du terme. Mais je n'ai pas envie de voir ce bateau qui arrive faire naufrage. Des tas de Pokémon marins seraient tués à cause de l'Homme et de ses inventions soi-disant brillantes, je n'ai aucune envie de voir ça se produire.
La jeune fille rangea ses Pokéball dans son sac et le ferma avec minutie pour être certaine de ne rien perdre, ne gardant que la Pokéball de Lokhlass à la main. Elle passa son sac en travers de ses épaules et retira sa gavroche blanche pour en coiffer son Lainergie. Ça non plus, elle ne voulait pas la perdre.
_ Garde-la pour moi, mon grand. Fais de ton mieux !
La jeune fille parti vers les escaliers en courant et son Pokémon se redressa, brillant avec un peu plus de force. Jasmine l'écouta dévaler les marches, bruit rapidement étouffé par le hurlement du vent. La Championne joignit les mains sur sa poitrine.
_ Faites attention…
_oOo_
Le vent était fort, affreusement fort, mais pas autant que le courant. Et pourtant, ça ne semblait pas gêner Lokhlass le moins du monde. L'élégante Pokémon Transport avançait en bravant les flots, Kotone installée sur sa carapace. La jeune fille était détrempée, l'un des élastiques retenant ses cheveux s'était cassé et ses mèches libres collaient à son visage.
Un rugissement plus assourdissant que celui du vent lui parvint. Kotone se pencha en avant, main en visière pour protéger ses yeux de la pluie. Elle apercevait un tourbillon peu accueillant un peu sur sa gauche.
_ Mieux vaut en rester éloignées…
Sa Lokhlass répondit d'un son de gorge et modifia son cap pour éviter la perturbation. Elle aimait peut-être nager dans cette tempête déchainée, mais pas au point d'aller défier un tourbillon énorme qui semblait vouloir les entrainer elle et sa Dresseuse tout au fond du chenal.
En temps normal, le trajet pour rallier Irisia depuis Oliville en traversant le chenal ne prenait qu'une petite demi-heure. Elles mirent presque deux heures à le faire.
Irisia tenait plus du village de pêcheurs que de la ville portuaire, et paraissait ridiculement petite, prise entre mer et falaise sur un simple banc de sable, par rapport à l'immense Oliville bourdonnante d'activité, quand aucune tempête ne faisait rage cela s'entend. La différence était aussi visible dans le comportement des habitants. A Oliville, tout le monde restait au chaud et à l'abri, alors qu'à Irisia, les gens continuaient de vaquer à leurs occupations sans laisser la pluie et le vent les arrêter. Aussi, Kotone n'eut-elle aucun mal à dénicher quelqu'un qui lui indiqua la pharmacie où elle trouverait un remède efficace pour le Pharamp malade.
C'était un petit bâtiment rustique tenant plus de l'apothicaire que de la pharmacie, mais l'intérieur était propre et sentait les herbes médicinales. Le pharmacien était un homme ventripotente, un peu boudiné dans sa blouse blanche qu'il s'évertuait à fermer, tendant les boutons sur son ventre presque jusqu'à la rupture. Il remonta ses lunettes rondes sur son nez à l'entrée de Kotone et afficha le sourire aimable du commerçant qui aurait préféré ne pas être dérangé. Et surtout pas par une gamine échevelée aux vêtements plus gorgés d'eau qu'une éponge.
_ Que puis-je pour vous ?
_ Bonjour, pour commencer.
_ Ah oui, bonjour.
Kotone esquissa un sourire amusé et entreprit de refaire sa couette défaite tout en résumant l'état du Pharamp.
_ Je vois… Si une Potionsecret ne le guéri pas, rien n'y parviendra.
_ La dure loi de la sélection naturelle. Je n'ai rien contre.
Le sourire du pharmacien se fit plus sincère.
_ Les gens ont tendance à vouloir que mes médicaments fassent des miracles… Tenez.
Il s'approcha de Kotone et lui remit un petit sac de toile brune rempli de ce qui semblait être des billes de chocolat. Kotone se doutait que ce n'en était pas.
_ Donnez tout le sachet à ce Pharamp. Pas le sachet, hein, seulement ce qu'il contient !
_ C'est effrayant que vous soyez obligé de le préciser…
_ Mes clients n'ont pas tous, comment dirais-je… la lumière à tous les étages !
Kotone éclata de rire.
_ En parlant de lumière, je ne dois pas trainer. Un bateau menace de faire naufrage si la lumière du phare ne se rallume pas.
_ Alors hâtez-vous, mademoiselle.
Kotone sorti d'un pas rapide, quittant la chaleur de la pharmacie pour la tourmente extérieure. Elle vit tout de suite que quelque chose avait changé dans le paysage, un point lumineux vif et constant loin à l'est, de l'autre côté du chenal.
_ Eh bien, on dirait que je n'ai pas besoin de courir, finalement. Si la lumière est revenue, alors inutile de retenter la traversée, surtout que Lokhlass est épuisée. Quand au Pharamp… sélection naturelle, quand tu nous tiens… Et Arène d'Irisia, me voilà !
La jeune fille se mit en marche en sifflotant malgré la pluie. Il lui semblait qu'elle se calmait, d'ailleurs, peut-être que le vent fort se mettant brusquement à souffler chassait les nuages… Elle fronça les sourcils en apercevant une silhouette quadrupède entre les gouttes de pluies, élégante et belle comme une déesse, avec un pelage bleu tacheté de blanc, une longue crinière ondulée d'un violet lavande et des rubans blancs ondulant dans le vent. La créature l'observa avec insistance et avança une patte comme pour esquisser un pas. Elle se ravisa et s'enfuit en direction de la mer, marchant sur l'eau comme sur la terre ferme et disparaissant avec la vitesse du vent.
_ SUICUNE ! MA DEESSE ! Attends-moi !
Kotone tourna la tête et reconnu l'homme en costume violet courant vers le bord de l'eau sans se soucier des vagues encore hautes. Il était avec Mortimer lorsqu'elle l'avait cherché avec Albert. Il semblait au bord du désespoir, se lamentant avec force au bord de la mer démontée.
Kotone leva les yeux et le laissa geindre. Elle rejoignit l'Arène et voulut y entrer. Une violente bourrade la fit tomber dans le sable envahissant tout le village côtier.
_oOo_
Silver quitta l'Arène après avoir défait Chuck. Le Champion était un imbécile, un faible, et il le méprisait. Il l'avait battu tellement facilement ! Le fait qu'il avait dissimulé ses autres badges n'y était peut-être pas étranger. Chuck l'avait prit pour un Dresseur débutant commençant seulement son tour des Arènes et lui avait envoyé son équipe la plus faible. A croire qu'il ne se renseignait pas auprès des autres Champions !
Silver s'en moquait, il avait gagné et ridiculisé le Champion, c'était tout ce qui comptait, et c'était avec cette fierté orgueilleuse qu'il quitta l'Arène. Il percuta alors quelqu'un qui voulait y rentrer à cet instant.
_ Espèce d'abruti ! Tu ne peux pas regarder ou tu… vas…
Il regarda Kotone en haussant un sourcil. Pourquoi fallait-il que la jeune fille soit toujours sur son chemin ? Elle lui rendit son regard, assise dans le sable mouillé. Elle ne devait pas le remarquer, elle était déjà dégoulinante comme après une baignade dans la mer. Nul doute qu'elle avait bravé le chenal démonté pour venir. Silver en était… impressionné. Il la savait courageuse, et détestait penser ainsi, mais pas au point de s'élancer sur un bras de mer en pleine tempête ! Elle aurait put tomber, se blesser, se noyer ! Et il ne savait pas pourquoi cette idée réjouissante lui déplaisait autant.
Si, il savait. Kotone était sa rivale, et elle ne devait pas disparaitre avant qu'il l'ait vaincue et humiliée pour de bon ! Oui, c'était forcément ça.
_ Tu comptes me regarder la bouche ouverte comme un Magicarpe hors de l'eau encore longtemps ?
_ Tu es agaçante.
_ Et toi imbuvable.
Elle se redressa et chassa de son mieux le sable collant à ses vêtements.
_ Tu as gagné contre Chuck, Silver ?
_ Parce que tu en doutes ?! Je suis le meilleur ! Et je serais le meilleur Dresseur du monde ! Ce n'est pas un Champion de pacotille qui m'empêchera de le devenir !
Il la poussa sur le côté et s'éloigna de quelques pas avant de s'arrêter. Il se retourna et toisa la jeune fille avec méprit.
_ Estime-toi heureuse que je ne te rende pas la gifle de l'autre jour.
_ Tu l'avais méritée. Tu traites tes Pokémon de façon déplorable.
_ Ne me sers pas le couplet de l'amour pour renforcer son équipe.
_ Non, mais la crainte n'a jamais été une façon de durable de contrôler quelque chose. Un jour ou l'autre, quelqu'un qui a peur se retourne toujours contre son tortionnaire. Je ne sais pas pourquoi, mais je suis sûre que tu devrais le savoir.
_ RIEN NI PERSONNE NE ME FAIT PEUR !
Kotone lui lança un regard éloquent en croisant les bras. Il détesta ce regard qui semblait lire en lui comme dans un livre ouvert. Avec un claquement de langue, le jeune homme se détourna de Kotone et s'éloigna d'un pas rageur.
Dire qu'il était de si bonne humeur après sa victoire contre Chuck !
L'homme blond aux allures de rockeur ayant eut le malheur de croiser sa route fit les frais de sa mauvaise humeur. Silver le laissa à moitié évanouis dans le sable, avec une lèvre fendue, un nez cassé ; et allégé d'une bonne touffe de ses affreux cheveux blonds, et d'un Pokémon. Un Farfuret vif et puissant, peut-être un peu petit, mais sa taille était un avantage plutôt qu'un inconvénient.
Silver regarda un panneau à l'entrée d'une caverne aménagée permettant de traverser la montagne et de rejoindre une route réputée pour la beauté de ses cascades. Il se moquait comme d'une guigne de la beauté du paysage, mais ce genre d'endroit attirait toujours des Dresseurs ; et c'était précisément de ce dont il avait besoin, de Dresseurs.
_oOo_
_ Elle est déjà arrivé à Irisia… cette fille à gavroche ne marche pas, elle court !
_ Tais-toi un peu, le match va commencer !
_ On devrait ouvrir les paris !
_ Miss gavroche va gagner, vous verrez.
Hector, le tout jeune Champion d'Arène d'Ecorcia, s'amusa de voir l'engouement que provoquait le combat à venir parmi les Dresseurs de sa ville. Rose, la petite-fille de Fargas, sautillait devant l'écran installé dans le restaurant, les yeux pétillants.
_ Elle est trop forte ! Ramoloss, nous aussi ont sera comme elle !
Son Pokémon répondit d'un grognement flegmatique. La fillette battit des mains et se tourna vers son grand-père, installé avec le forgeron autour d'un verre.
_ Papy ! Moi aussi je pourrais avoir un chapeau comme la fille ?
_ C'est vrai que sans ça, on ne la reconnaitrait pas, miss gavroche.
_ Elle est tout de même carrément banale, et son visage n'a rien de marquant. C'était quoi son nom, déjà ?
Hector leva les yeux vers l'écran et sourit. Elle n'avait rien de spécial, Kotone, et il ne semblait guère qu'y avoir ceux qu'elle avait vaincu pour se souvenir de son nom, mais elle marquait les esprits, à sa façon. Il l'aimait bien, cette Dresseuse, la toute première qu'il avait affronté en temps que Champion d'Arène. Il voulait la voir aller loin, aussi loin que possible, et une fois ce lointain atteint… il voulait la voir aller plus loin encore.