Pas grand chose à dire, si ce n'est MERCI !

La fic vient d'atteindre les 100 reviews ! ^_^ C'est fou ! Merciiiiiiiiiiiiiii ! A ce rythme, DSeDP deviendrait ma deuxième fic la plus commentée, ça serait top. Mais même si c'est pas le cas, merci merci merci !

Pour fêter ça, chapitre !

Journal des reviewers

Seulie : On est tous d'accord sur la musique lol XD

Liline37 : Vi, cette musique de psycho qui te fout les frissons dès la première note *_* Je voulais retranscrire ce moment de fou. La baston de Ketheric approche, mais c'est la P2 qui m'inquiète plus que la P1 ^^'''

Erwynia : Oui, ce passage de la « transformation » de Chantenuit est vraiment dingue avec cette musique.
OMG, tu as généré une de ces images dans ma tête. XD Je vois Astarion qui lèche le visage de Silesta maintenant. Mdr. Très tentant, mais non, c'est pas le moment de rêvasser.

Daidai : Oh, ça faisait longtemps ! ^^ Merci beaucoup et ne t'en fais pas, il y a encore beaucoup de lecture en prévision !

Let's go pour la P1 ! Popos, flasques, buffs, ready check et go ! Ah, désolée, on n'est pas dans WoW lol


CHAPITRE XXXII – À LA POURSUITE DE KETHERIC

Accompagnés de Jaheira, nos aventuriers se ruèrent à l'intérieur du château qui, à présent vidé des rangs de l'Absolue, avait presque perdu de sa magnificence. Il ne restait que des murs froids et délabrés, encadrant un silence fantomatique qui n'apaisait aucunement la tension de la petite escouade. Nos amis servirent de guides pour la druidesse ; ils connaissaient déjà le chemin à prendre pour rejoindre leur ennemi.

Les marches des escaliers furent franchies deux par deux, alternant bruits de talons qui claquaient contre la pierre et course feutrée étouffée par les tapis poussiéreux. Enfin, ils se tinrent devant l'immense porte qui était si bien gardée quelques heures auparavant, celle-là même devant laquelle Z'rell leur avait fait une démonstration de son redoutable talent psychique.

Jaheira comprit au signe de tête à son attention que c'était là que se cachait Ketheric. Elle se saisit de ses cimeterres et rendit à ses alliés un hochement du menton pour dire qu'elle était prête.

Quand la porte s'ouvrit sur une terrasse extérieure, un grand coup de vent balaya leur visage et l'air était froid. Le groupe longea la terrasse et ils montèrent le dernier escalier qui les conduisit à un large kiosque circulaire surplombé par une plus petite terrasse sans balcon. Ketheric Thorm se trouvait là, escorté d'une cultiste qui gardait les lieux, et l'arrivée des importuns mit fin à la méditation qu'il s'efforçait de s'accorder. Son regard à la fois las et impitoyable se mêla à ceux de ses hôtes et la flamme d'une fureur incandescente l'embrasa.

Attirée par un étrange bruit dans les airs, Silesta détourna son attention de l'elfe et scanna les environs. Des mages morts-vivants postés aux alentours se démenaient pour atteindre de leurs sorts nécromantiques une silhouette brillante et rapide comme l'éclair qui fendait les cieux pour abattre sans merci son épée d'argent sur les créatures impies. Dame Aylin !

« Vous ! Que m'avez-vous fait ? »

La voix de Thorm trahissait autant son courroux que la crainte.

« Vous vous êtes abreuvé du pouvoir de Chantenuit pendant trop longtemps. C'est terminé, déclara Gayle avec froideur.

_ Ketheric Thorm ! Enfin je vais pouvoir finir ce que j'ai commencé ! », rugit Jaheira en position d'attaque.

Le général secoua lentement la tête, visiblement ébranlé. Il ne réalisait pas. Comment était-ce possible ? Ils n'étaient que des sbires... des esclaves. Comment ? Son incrédulité se mut en vengeance assassine.

« Vous servez l'Absolue... Et vous me servez moi. À genoux, cancrelats. À GENOUX ! »

Ses yeux se chargèrent tout à coup d'une inquiétante lueur verte qui entoura également son poing étroitement serré. En réponse à cet afflux d'énergie violent, tous étouffèrent une exclamation de douleur. C'était comme si quelqu'un était en train de leur éplucher le cerveau avec une lame aux dents rouillées. Une pression irrésistible dans leurs jambes les contraignait à fléchir les genoux. Silesta s'enfonçait les ongles dans son cuir chevelu, les dents serrées par le mal. Sa tête allait exploser !

Soudain, une lueur orangée filtra au travers de la maigre ouverture laissée entre ses paupières. L'artefact d'Ombrecoeur s'était échappé du sac de la prêtresse. L'objet levita devant eux et Ketheric qui fut aussitôt privé de son pouvoir d'ascendance. L'elfe contempla la boîte avec une horreur non dissimulée. Le prisme ! Le prisme qu'il cherchait désespérément !

L'artefact tressauta jusqu'à irradier tout à coup d'un puissant flash de lumière qui aveugla le général et trancha nettement les mains invisibles qui étreignaient de leurs doigts acides les esprits de nos amis. La douleur s'évanouit d'un seul coup, ne laissant derrière elle qu'une faible migraine. Ombrecoeur eut à peine le temps de se redresser que l'artefact venait déjà se jeter littéralement dans ses mains.

« Le prisme. Vous l'aviez avec vous pendant tout ce temps... réalisa Ketheric d'une colère sourde. Vous vous prosternez devant moi. Et si vous ne le faites pas, je vous briserai !

_ KETHERIC THORM !»

Ce fut tout à coup comme si la lune elle-même venait de s'écraser entre eux et le général. Une aveuglante pression d'argent s'abattit avec fracas sur la terrasse, repoussant tout le monde en arrière. Silesta dut compter sur un réflexe millénaire pour éviter de se prendre le poids des armures de ses deux coéquipières quand elle tomba.

Genou à terre, Aylin se remit vite debout et se saisit à deux mains de son estramaçon d'or. Ses iris vierges de toute couleur étaient des abîmes de haine dévorante.

Ketheric plissa les yeux en reconnaissant l'impétueuse guerrière céleste.

« Debout, chien ! L'heure de la vengeance a sonné et son épée est mienne ! tempêta l'aasimar de toute la violence qu'elle avait accumulée contre son geôlier.

_ Ailyn, j'espérais que tu viendrais, lui répondit-il en se relevant.

_ Ha ! Sauf que te voilà privé de mon don d'immortalité et je prendrai un immense plaisir à contempler la vie quitter ton cadavre.

_ Il suffit, trancha Thorm du couperet de la résignation. Finissons-en ici et maintenant. »

Ailyn ancra ses pied dans le sol. Son aura pulsait avec tant d'agressivité qu'il aurait presque été possible de la saisir entre ses doigts.

« Il ne fera pas long feu ! prévint-elle à l'attention de ses alliés dans son dos. Ne retenez pas vos coups ! LES DIEUX SE BATTENT À NOS CÔTÉS ! »

La seconde d'après, Ailyn se jetait sur son ennemi, la lame de son épée imprégnée de lumière lunaire. Tous bondirent sur leurs pieds, les sens en alerte.

« Protégez Aylin des autres ! » s'écria Jaheira.

Ce fut comme si chacun avait reçu sa propre partition à jouer. La druidesse se précipita à corps perdu vers le groupe de mages non-morts postés sur la gauche accompagnée d'Ombrecoeur pendant que Lae'zel fonçait sur celui de droite épaulée de Gayle. Astarion, lui, espérait pouvoir décocher une flèche droit dans la tête de Ketheric mais le pas de deux endiablé que le général dansait avec Aylin lui rendait sa cible bien trop instable. Son inactivité donna une occasion pour la garde de Ketheric qui tendit la main sur le roublard. Il se fit surprendre avec Silesta par l'apparition inopinée près d'eux d'un curieux monticule formé de crânes scellés entre eux par des chaînes. Il émanait du macabre totem une odeur de décomposition immonde. Même sans avoir la moindre idée de ce qu'était cette chose, Silesta avait appris une dure leçon dans le temple de Shar : ne rien laisser passer.

« Je m'en charge, décida-t-elle. Occupez-vous de la cultiste. »

Laissant Astarion partir de son côté, elle déplia ses bolas et entreprit de détruire consciencieusement le totem qui semblait couver quelque chose de bien plus funeste qu'il ne le laissait paraître.

La terrasse était un véritable feu d'artifice d'étincelles vertes, blanches et dorées. Les sorts de la magie des morts se heurtaient à la radiance purificatrice de la lumière. Pour leur plus grande chance, même privée de la présence de Shar, Ombrecoeur n'avait rien perdu de sa magie sacrée. La prêtresse balayait les morts-vivants qui se présentaient à elle de vagues de feu purificateur en dépit de la fatigue qui perlait à son front.

Un gémissement de douleur fit lever le nez de Silesta. Gayle venait de tomber, la main crispée son sternum. La jeune femme accourut à ses côtés et vengea son allié d'un lancer de poids directement dans la tête du mort-vivant qui venait de lui lancer un éclair de putrescence.

« Gayle, ça va ? s'inquiéta la jeune femme en l'aidant à se redresser.

_ Ça picote... »

Disait-il alors que la peau qu'elle voyait au-travers du trou laissé dans sa tunique était en train de se nécroser. Hélas, les deux guérisseuses potentielles étaient encore occupées et Silesta n'avait plus de potion de guérison avec elle.

Une vocifération d'Aylin leur fit tourner la tête. L'aasimar jetait toute son énergie et son désir de vengeance dans ses coups et redoublait de violence dans les assauts qu'elle mitraillait sans ménagement sur Ketheric. Le général rassembla lui aussi ses forces et parvint à repousser la dernière attaque d'Aylin en la rejetant d'un grand coup de bouclier.

« Assez. Mon seigneur m'appelle », trancha l'elfe.

Loin d'en avoir fini avec son ennemi juré, Aylin s'envola au-dessus du kiosque et brandit son épée au-dessus de tête pour la charger de toute la puissance lunaire l'ultime attaque qu'elle voulait porter.

« Tu retournas dans ta prison ! prophétisa Ketheric à son attention. Et ma fille me reviendra ! »

La concentration d'Aylin se dissipa à la vitesse de l'onde qui froissait la surface de l'eau sous un jet de caillou.

« Ta fille ? Isobel ? »

Ce fut l'ouverture qu'il espérait. La pierre fuchsia de son armure brillante d'énergie, Ketheric brandit le marteau de guerre qui lui servait d'arme et une explosion ébranla les lieux d'un séisme retentissant qui figea tous les combattants.

Une tour voisine venait d'éclater, percée par l'érection d'un tentacule gigantesque. D'abord sonnée par cette apparition, Aylin se ressaisit et fondit vers l'appendice qui s'agitait. À son passage, les autres tourelles se brisèrent sous l'émergence d'un autre tentacule tout aussi gros. Guidés par le pouvoir de Ketheric, ils ondulaient comme un cobra et s'abattaient sur l'aasimar pour l'arrêter. Si Aylin parvint à esquiver la plupart des attaques, un des tentacules finit par la frapper de plein fouet, la rejetant brutalement aux pieds de Ketheric. Silesta tressaillit en voyant leur alliée, inerte, comme brisée.

« Non ! Dame Aylin !

_ Tu mourras, Aylin. Tout comme elle. Tout ceci n'est que le commencement », annonça Ketheric.

Tous s'attendirent à ce qu'il achève son ennemie mais il n'en fut rien. Le général fit amener une pointe de tentacule jusqu'à la guerrière ailée et quand il la toucha, l'aasimar et lui disparurent dans une volée de poussière ombreuse, ne laissant qu'un calme illusoire bordé d'horreur. Le souffle en suspens, Gayle et Silesta se regardèrent, hagards.

« Que... Qu'est-ce que c'était ?

_ Cette chose venait d'en dessous, murmura le magicien en se remettant debout dans une grimace. Il faut découvrir où elle a emmené Thorm et l'aasimar. »

Ils furent vite rejoints par une Jaheira essoufflée mais pas assez fatiguée pour ne pas soulager Gayle de sa blessure grâce à un rapide sort de soin.

« Le général décrirait cela comme un simple « repli stratégique » mais en réalité, vous l'avez mis en fuite, asséna la druidesse avec une pointe de frustration dans la voix. Cette chose qu'il a invoquée est un illithid. Il faut vite que vous le retrouviez avant qu'il ne soumette à nouveau Chantenuit à sa volonté.

_ Et comment ! enrageait un Astarion vindicatif qui les approchait à son tour, suivi de Lae'zel et Ombrecoeur. Nous étions à deux doigts de lui régler son compte. Il est temps de finir le travail.

_ Jaheira, vous ne voulez pas assister au dernier acte ? » questionna Silesta.

La femme fit la moue. Bien au contraire. Hélas, elle ne pouvait pas abandonner ses gens plus longtemps et il valait mieux assurer leurs arrières au cas où une contre-offensive serait détournée sur Hautelune. Les aventuriers comprirent qu'ils devraient poursuivre leur traque de Ketheric seuls.

Il y eut un silence et une pensée unique entre les visages brillant de sueur et les respirations légèrement sifflantes :

« Mon monde pour un peu de repos », se lamenta Silesta d'un air implorant.

Même si ses compagnons essayaient de garder la tête haute, ils partageaient le même désir qu'elle. Hélas, chaque minute qui passait était une chance pour Ketheric de se réapproprier le pouvoir d'Aylin. Il n'y avait pas de temps à perdre.

Le seul chemin possible menant au général était l'ouverture béante couverte de matière organique rose et luisante laissée par l'éruption d'un tentacule dans une tourelle. Les aventuriers traversèrent la petite corniche qui la reliait à leur terrasse et baissèrent les yeux dans les profondeurs grouillantes qui se profilaient à leurs pieds. Face à cette vision qui concrétisait l'un de ses pires cauchemars, Lae'zel en perdit sa prestance guerrière et réprima un frisson.

« Tsk'va. Aussi abyssal que la souffrance des giths sous le règne des ghaiks. »

Ils restèrent encore immobiles, le temps pour Gayle de protéger leur futur saut d'un sort de feuille morte. Passée la sensation d'air qui souleva son ventre d'une douce légèreté, Silesta prit une grande inspiration et sauta dans l'inconnu, imitée peu après de ses compagnons.

La chute dura de longues secondes qui donnèrent tout le loisir aux explorateurs d'apprécier tout le dégoûtant des fibres suintantes qui longeaient les parois avant de sombrer dans l'obscurité totale. La pression soudaine du sol sous ses pieds, bien que non douloureuse, fit à Silesta l'effet de se réveiller brutalement d'un cauchemar particulièrement sordide. L'apparition de lumière dans la paume de Gayle pour éclairer l'endroit où ils avaient atterri ne fit que l'y ramener avec dégoût.

« Une colonie ghaik... » souffla Lae'zel, saisie d'effroi.

Tout autour d'eux se dressaient des murs de peau fripée et cartilagineuse, la même qui avait été le décor du terrible point de départ de leur aventure commune. C'était la même couleur terne, la même brillance moite, la même impression d'être dans les entrailles d'une créature immonde. Tous eurent un instant de paralysie, transportés par d'horribles souvenirs.

La voix de l'habitante du prisme dans son esprit fit sursauter Silesta de surprise.

« Ce doit être ici qu'ils récoltent les larves. Nous approchons de la source de l'infection. La présence de l'Absolue est forte ici. L'orage psychique est en train de se transformer en typhon. »

La jeune femme frissonna à ces paroles. Peut-être allaient-ils trouver pire que Ketheric et son envie de se venger.

« Allons-y », encouragea Ombrecoeur.

Les aventuriers écartèrent les parois semi-rigides du sphincter qui servait de porte et s'engouffrèrent dans les méandres de la colonie illithid.

Si le vaisseau qui les avait enlevés n'avait rien de rassurant, cet endroit était mille fois pire. À la répugnance organique qui tapissait murs et sol s'ajoutaient en prime des amoncellements de crânes dans les coins et une persistante odeur de mort et de fer. Plus qu'un nid à flagelleurs mentaux, ils avaient pénétré dans une usine du massacre où nombreux pèlerins en route pour Hautelune avaient terminé en chair à canon ou pire encore. Les horreurs commises par le culte de l'Absolue ne cessaient d'étendre leur panel d'atrocités.

Dans les galeries obscures aux bruits étranges, ils croisèrent la route de plusieurs dévoreurs d'intellect qui trottinaient nonchalamment. Les créatures ne furent pas hostiles à leur encontre, sans doute parce qu'elles les prenaient pour des âmes éveillées qui inspectaient les lieux. L'envie d'exploser ces tas de matière grise ambulants était très forte mais nos amis prirent la décision de ne pas gaspiller le peu de force qu'il leur restait pour de la vermine de bas étage. Ils devaient s'économiser pour le plus gros gibier.

Ils progressèrent encore dans la pénombre de chair, de plus en plus gagnés par une sorte de langueur dans leur tête. Quelque chose rendait leur larve impatiente, presque heureuse. Ce fut cette sensation qui leur servit de boussole et les conduisit jusque dans une vaste salle qui s'enfonçait encore plus sous terre. L'endroit était calme, juste occupé par deux cerveaux sur pattes qui semblaient convoiter un drôle d'engin illithid.

« Qu'est-ce que c'est ? », s'interrogea Silesta en s'approchant.

L'appareil ne ressemblait pas à une console de contrôle comme elle avait pu en voir sur le vaisseau mais étrangement, les petits filaments bleutés qui ondulaient à sa surface l'attiraient beaucoup. Même sa larve semblait crisser d'envie dans sa tête. La saltimbanque tendit la main.

« Non, Silesta, ne... »

Trop tard, la jeune femme avait touché une extrémité de filament. La prodigieuse sensation d'énergie qui la traversa tout à coup lui fit contracter ses épaules dans un frisson jusqu'à la racine de ses cheveux. Son esprit était clair, alerte et son corps léger. Elle se sentait en pleine forme. Elle sourit.

« Croyez-moi, vous avez très envie de le faire aussi », assura-t-elle avec confiance.

En effet, quoi que fut cette machine, elle revigora les aventuriers exténués et les gratifia d'une énergie nouvelle qui ne leur serait que bénéfique pour la suite. Suite qui devait se trouver en contrebas de la plate-forme qui se trouvait un peu plus loin dans la salle s'ils devaient en juger par cette croissante effervescence dans leur crâne. C'était par là.

La plate-forme qu'ils activèrent les fit descendre dans de nouvelles profondeurs oppressantes et devant une nouvelle entrée scellée. Ils pouvaient maintenant presque sentir leur larve sauter entre deux synapses tellement elle était excitée. L'Absolue se trouvait juste derrière.

Le cœur battant à tout rompre sous la pression angoissante qui la gagnait, Silesta fit son possible pour faire le vide. Après un dernier regard d'encouragement entre eux, ils ouvrirent le sas et entrèrent sur la pointe des pieds, armes au poing.

Dans l'immensité silencieuse baignée de lueur verdâtre, un large plateau central s'élevait à plusieurs mètres du sol et sur lequel se trouvait Ketheric, accompagné de deux autres personnes. Il y avait tout d'abord cet homme aux cheveux charbon aussi noirs que ses yeux, richement vêtu et au jansénisme latent sous un sourire affable ; à ses côtés était assise sur le dos d'un soldat agenouillé une femme à la peau plus cireuse encore que celle d'Astarion et dont les très longs cheveux blonds nattés reposaient dans son dos. Sa tenue rouge moulante brillait comme si elle était faite de peau fraîchement écorchée et ses yeux de nacre vierges de toute pupille la faisaient ressembler à un magnifique cadavre.

Tous trois conversaient avec animation ; les visiteurs discrets tendirent l'oreille.

« Ce n'est pas à vous que je rends des comptes, Gortash, grinça Ketheric à l'attention de l'homme brun.

_ Gortash ? répéta Astarion à voix basse. Je connais ce nom. C'est un conseiller qui jouit d'une influence considérable dans l'industrie et la politique balduriennes, bien qu'il ne soit pas un aristocrate. »

Ce dernier toisa son mépris sur l'elfe en armure.

« Vous aviez levé une armée pour nos maîtres, certes, mais qu'en est-il du prisme ? Une âme éveillée paradait avec sous votre nez et au lieu de vous en emparer, vous avez pris la fuite ? siffla le brun avec dédain. Vous nous faites perdre notre temps, Ketheric. Nous avons peut-être commis une erreur en déterrant votre fille. »

À cette évocation, le courroux dormant de Ketheric s'embrasa en haine dévorante. Il se jeta sur Gortash, prêt à lui asséner un coup de poing magistral mais il fut vite arrêté par la lame de poignard que la femme avait glissé entre les deux hommes. Silesta remarqua aussitôt la pierre qui était incrustée dans le manche de l'arme, sœur jumelle de celle qui décorait l'armure de Ketheric.

Un frisson la traversa. Cette femme cadavérique avait été encore plus rapide et agile pour intervenir que pouvait l'être Astarion. C'était aussi effrayant que le sadisme cruel qui étendait son sourire sombre.

Gortash eut lui aussi un sourire, fort amusé par la scène.

« Je constate que vous n'avez pas perdu votre verve. Hélas, vous n'arrivez pas à la cheville d'Orin, énonça-t-il en considérant ses deux collègues tour à tour. La tueuse contre l'immortel. Je serais curieux de voir ça. »

Tout en gardant Ketheric en joue du bout de sa dague, la femme se mit à tourner lentement autour de lui comme un vautour autour d'une carcasse encore saignante tout en humant son parfum.

« Son haleine d'outre-tombe emplit mes sens, encore et encore et encore et encore ! trépigna-t-elle, la voix grésillante d'une folie meurtrière avant de se détourner, pleine de mauvaise grâce. Mais c'est à lui qu'il incombe de mener notre charge sanglante contre la «Tombe de Baldur». »

Gortash laissa son acolyte féminine à sa frustration et planta ses iris sombres dans ceux de Ketheric. Lui et Orin avaient déjà assez attendu. Le plan devait être mis à exécution : ils marcheraient sur la cité et ils comptaient sur le général pour les y rejoindre au plus vite avec toute leur armée... et sans oublier le prisme, bien entendu.

Orin suivit Gortash de quelques pas vers un immense bassin qui dormait au coin. L'homme leva la main et présenta son poing orné d'un curieux bijou doré doté d'une autre pierre brillante.

« L'édit de Baine. »

Une lumière rosée irradia du bijou tandis qu'Orin brandissait bien haut sa dague.

« Le fouet de Bhaal. »

La pierre du poignard s'illumina à son tour et un tremblement de terre gronda dans les profondeurs, forçant les espions cachés à mettre un genou à terre. Des éboulis de roche tombèrent des hauteurs et l'eau du bassin se mit à vibrer à gros bouillons. Les flots se fendirent tout à coup, laissant émerger de leurs abysses un gigantesque cerveau palpitant comme un cœur humain. Il était plus grand que trois maisons superposées les unes sur les autres. Au-delà du sentiment d'horreur glaciale que leur inspira cette vision cauchemardesque, ce qui frappa surtout les témoins tétanisés de la scène fut cette énorme couronne qui ornait le sommet du cerveau et qui semblait réagir à la lumière générée par les pierres de Gortash et Orin.

Ketheric finit par rejoindre ses associés face au cerveau auquel il présenta la pierre ornant son torse.

« Le testament de Myrkul. »

Face à la troisième lueur rose qui le frappa, la créature monstrueuse remua ses appendices pendants dans une sorte de plainte lancinante et sourde.

« Un cerveau vénérable... murmura la voix de l'elfe dans la tête de Silesta. L'une des créatures les plus cruelles et les plus puissantes de l'univers, réduite en esclavage par de simples mortels ? »

La jeune femme entendait mais les mots refusaient d'avoir du sens tant ce qu'elle voyait déconnectait sa raison du reste. Tout aussi ébahi qu'elle, Gayle affichait quant à lui plus d'admiration éperdue que de répulsion. Cette couronne... Elle dégageait une puissance telle qu'il n'en avait jamais vue auparavant et qui l'attirait comme un aimant. Si seulement il pouvait la tenir entre ses mains, ne serait-ce qu'un instant...

Il fronça du nez dans une grimace douloureuse. Non. C'était impossible. Ces yeux bruns se rouvrirent sur les échos d'un serment. Un serment divin.

« Nous y sommes, déclara-t-il avec gravité. Le dernier acte. Je dois accomplir la volonté de Mystra. »

Il avait parlé à voix basse et pourtant, ce fut comme si le tonnerre venait de claquer juste au-dessus d'eux. Silesta tressaillit, les idées soudainement redevenues limpides et prit les bras de son allié. Hors de question qu'il se fasse exploser !

« Non. Non, non, non. Ne faites pas ça, ordonna-t-elle en essayant de capter son regard.

_ Accessoirement, nous sommes là aussi, fit remarquer Astarion pour rappeler au magicien qu'il avait omis un minuscule détail. Vous nous condamneriez tous. »

Gayle les dévisagea, le teint livide. Il n'avait pas le choix. Plus que la reconnaissance de sa déesse, c'était l'avenir de tous les mondes qui était en jeu. L'Absolue était là, à quelques mètres. Il devait agir.

« Gayle, je vous en supplie, insista Silesta en plantant ses yeux dans les siens, la gorge serrée. Nous trouverons une autre solution, il y en a forcément une. C'est obligé. Dans ce monde où une githyanki, une sharéenne aidant Séluné, un vampire, un magicien prodige et une amuseuse des rues se retrouvent ensemble, il doit y avoir une alternative pour vous. N'activez pas votre orbe. »

Le magicien se demanda comment son amie pouvait ressentir cette même peur intacte quand elle était effrayée pour ses alliés. C'était les mêmes yeux implorants, la même volonté farouche de les aider, la même facilité à percer l'âme pour y distiller l'espoir. Il sentit sa funeste détermination vaciller sous la faible pression des mains de Silesta comme pour le garder avec elle.

« J'ai... J'ai confiance en vous, finit-il par lâcher. Je crois bien plus en vous qu'en moi-même... peut-être même plus qu'en Mystra. Je n'ai aucune envie de vous tuer. »

Il ferma un instant son esprit, tiraillé de toutes parts. En finir ici et maintenant... Poursuivre le combat... c'était une terrible décision qui se prenait en cet instant. Il inspira profondément.

« Entendu. Je m'en remets à votre jugement. »

Le visage de la jeune femme face à lui s'illumina de ravissement comme s'il lui avait offert le plus précieux des cadeaux. Durant une fraction de seconde, Gayle en oublia qu'il était prêt à tout faire exploser.

La voix revêche de Lae'zel les rappela à l'ordre et les contraignit à surveiller encore ce qui se passait plus loin.

Un appendice du cerveau géant était en train d'approcher dangereusement de l'homme armuré qui avait servi de trépied à Orin un peu plus tôt. Gortash l'approcha avec un petit ricanement suffisant :

« Votre attention, duc Gardecorbeau. Je vous présente l'Absolue. »

Astarion tiqua à ce nom et expliqua qu'il s'agissait de l'un des dirigeants de la Porte de Baldur.

L'homme à la peau brune réprima sa répulsion face à la chose dans une infinie dignité et baissa la tête en prière, invoquant la protection de Heaum. Loin de vouloir le laisser en paix, Orin alla s'agenouiller à ses côtés et lui releva le menton en lui invectivant de ne pas gaspiller sa salive. Sa voix suave était un serpent qui s'enroulait lentement, prêt à planter ses crocs venimeux.

« Une fois que la larve sera aux commandes, vos chairs meurtries nous seront entièrement soumises. »

La suite fut difficile à observer pour nos aventuriers sans réprimer une grimace accompagnée d'un tic dans la paupière : le cerveau vénérable venait d'implanter une larve de flagelleur mental dans l'œil du duc. Satisfait du spectacle, Gortash se frotta les mains et annonça qu'il était temps de partir.

« Nous allons vider les lieux et nous mettre en marche, annonça-t-il à l'attention de Ketheric. Vous n'aurez qu'à nous rattraper avec l'armée quand vous aurez récupéré le prisme. Et, Ketheric... ne soyez si rétif. Vous êtes censé être le redoutable général venu conquérir la Porte de Baldur. » Il poussa sa moquerie obséquieuse d'une petite révérence élégante. « Et moi, je suis le héros volant à son secours. »

Sur ces mots, Gortash, Orin, le duc Gardecorbeau et le cerveau vénérable disparurent, évaporés par le même toucher de tentacule qui avait pris Aylin auparavant. Il ne restait plus que Ketheric et un silence assommant d'interrogations et de mauvaise excitation.

Les aventuriers ne réagirent pas tout de suite. Tout ce qu'ils venaient de voir, d'entendre et d'apprendre représentait un contenu bien trop conséquent à digérer. L'Absolue, un cerveau vénérable ; le sommet de la pyramide de commandement des flagelleurs mentaux. L'évocation des Trois Dieux Morts. Un dirigeant de la Porte de Baldur infecté. Un plan pour prendre la ville.

Ils se mirent debout, le regard braqué droit devant. Qu'importe. L'heure n'était pas aux tergiversations. Il était temps de mettre fin à l'existence de Ketheric Thorm.

À croire qu'il perçut les ondes funestes qui pulsaient en sa direction, le général quitta des yeux Aylin qui gisait à demi-consciente dans un cercle magique dans un recoin reculé de la grotte et affronta les cinq paires d'yeux qui l'approchaient.

« Vous voilà, comme prévu. »


* soupir *

Combat de boss en prévision... ç_ç

Zevlor : Et moi, alors ? On m'a oublié ?

Carrément. Complètement. Désolée, j'ai pas eu la force ç_ç Je pense à toi souvent.

Parés pour la P2!