Bonjour, bonsoir !

Me revoilà en cette année 2024 pour une toute nouvelle fanfiction. Je l'ai commencé début septembre 2023, et elle est toujours en cours.

Disclaimer : Hetalia appartient à Hidekaz Himaruya


Roderich était le plus grand mage du royaume. Issu de la haute noblesse, il n'avait pourtant jamais vécu dans l'opulence dans laquelle un aîné et héritier de la famille Edelstein aurait dû baigner dès son plus jeune âge. Né une nuit de lune bleue, la nuit la plus chargée de magie, le jeune bambin avait été de facto confié aux plus hautes autorités relevant de la magie et de sa pratique au sein du royaume. L'assemblée des mages, appelée Magicus Collegiarius, recueillait chaque année le peu d'enfants naissant avec une magie supérieure à la moyenne pour les former à la magie, l'un des piliers du royaume. La magie servait d'abord à la royauté pour asseoir son autorité, elle s'entourait des meilleurs mages pour sa protection et elle n'hésitait pas à envoyer ceux-ci faire disparaître les personnes qui les gênaient. La magie servait également à faciliter le quotidien, pour les plus nobles dans un premier temps, puis progressivement dans les plus grandes villes pour l'entretien des rues, des éclairages, et autres choses qui simplifiaient la vie des petites gens.

Roderich avait beau être aujourd'hui le plus grand mage du royaume, il fut une fois un apprenti mage qui ne faisait pas d'effusion de son éminente magie, préférant se réfugier au milieu des livres de la grande bibliothèque accessible aux différents mages. Ce fut dans cette bibliothèque que le jeune mage fit la rencontre de la personne qui allait bouleverser le reste de sa vie.

Ayant toujours été intéressé par la musique, le jeune homme aux cheveux bruns cherchait ce jour-là parmi le peu de travaux que les mages précédents avaient laissé sur les différentes applications possibles de la magie avec celle-ci. Roderich était déterminé à développer cette branche de la magie, ayant en tête la voix enchanteresse des sirènes et les différents récits mythiques et légendes des envoûtements réalisés par un simple son, pouvant faire faire moult prouesses à celui qui avait écouté ce son. Assis sur l'une des nombreuses tables de la bibliothèque, les livres et parchemins s'étalaient tout autour de sa personne si bien qu'aucun ne pouvait s'attabler à ses côtés. Différentes partitions de musique étaient également sous ses yeux, Roderich sentait que les plus grands compositeurs laissaient une partie de leur âme dans leur plus grandes oeuvres et il cherchait à prouver une résonance entre les bouts d'âmes de ces compositeurs et les âmes des musiciens qui faisaient ressentir aux auditeurs toute la beauté de la composition jouée.

Plus ses recherches avançaient et plus le jeune homme pensait à coupler ses recherches avec la magie de l'âme, voire l'alchimie, parce qu'il avait l'impression de tourner en rond. Toutefois, la magie de l'âme n'était que peu étudiée, la plupart des mages se refusait à approfondir ces recherches en raison d'un lien avec la nécromancie, interdite par l'assemblée des mages. Grognant de frustration, le brun se laissa glisser contre la chaise qu'il n'avait pas quittée depuis des heures maintenant.

"Eh bah, ça en fait de la lecture."

Roderich sursauta avant de se redresser, plantant son regard améthyste dans les yeux les plus verts qu'il n'avait jamais vu. Un jeune homme, d'à peu près son âge, se tenait devant lui, un petit sourire sur le bout de ses lèvres. Tirant l'une des chaises inoccupées, l'homme au regard vert s'assit pile en face de lui. Des cheveux bruns, un teint olive, un corps plus musclé que le sien qui n'était bon qu'à rester à l'intérieur, Roderich devait avouer que le nouveau venu n'était pas désagréable à regarder. Replongeant dans sa lecture sans adresser un mot au jeune homme, il peinait néanmoins à se concentrer en sentant le regard de l'autre toujours posé sur sa personne. Au bout d'une trentaine de minutes, agacé, il se leva brusquement de la chaise en fusillant du regard le brun qui n'avait toujours pas bougé. L'inconnu n'avait d'ailleurs rien fait d'autre que le regarder. Rassemblant les différents ouvrages, Roderich se dépêcha d'aller les ranger avant de retourner à sa table pour chercher ses notes. L'autre le regardait toujours.

"Quoi ? Qu'est-ce que tu me veux ? finit-il par lui demander, sans prendre le temps d'être plus poli.

- Rien. Je me disais que t'avais de beaux yeux."

Silence. Réflexion. Deux neurones qui se connectent ensemble. Le rouge qui monte aux joues.

"Heiiiiiiin ?!"

Quand il y pensait des années plus tard, Roderich ne pouvait s'empêcher d'esquisser un sourire. Quel idiot, avec sa drague à deux balles. Ils étaient jeunes, ils étaient insouciants.

Si le passé lui paraissait aujourd'hui beau, le présent n'était qu'un amas d'immondices qui s'amoncelaient de jour en jour. Le royaume allait entrer en guerre avec l'un de ses voisins, une banale histoire de conquête paraît-il. Le jeune homme aux yeux violets ne s'intéressait habituellement pas à ce genre de choses, mais les années passées aux côtés d'Antonio Fernandez Carriedo, le garçon de la bibliothèque, avaient changé sa perspective sur la vie en général.

Depuis ce jour-là, Antonio s'était immiscé dans sa vie et ne l'avait plus quitté. Comme lui, l'homme aux yeux verts était un mage. Roderich se concentrait à ce moment-là plus sur la recherche, alors que Antonio effectuait des missions sur le terrain en sa qualité de mage guerrier bien qu'il se disait aventurier. Ces dernières années, il s'était par ailleurs plus soucié de sa pratique de la magie bien qu'il ne délaissait en rien la théorie et ses recherches. Ainsi, même si son niveau physique était toujours catastrophique comparé à quelqu'un comme Antonio, Roderich était nettement l'un des plus puissants mages du royaume. Désormais, on l'envoyait quelques fois sur le terrain, mais il restait avant tout un chercheur. On était encore loin du remarquable personnage qu'il sera dans quelques années.

Étudiant les différents rapports disponibles à la bibliothèque des dernières missions diplomatiques entre son pays et leur prochain adversaire, le brun aux yeux améthystes ne pouvait que constater la dégradation des rapports entre les deux nations. La guerre était désormais inévitable, et elle ne tardera pas à éclater. Les territoires ne paraissaient qu'être un plus. Inquiet de la situation, Roderich ne se rendit pas compte que quelqu'un s'approchait derrière lui.

"Mon Dieu, est-ce que je vais devoir y aller aussi ?" réalisa-t-il en se souvenant qu'en temps de guerre, on mobilisait le plus de mages possible. Il détestait aller sur le terrain.

Agité, le brun se tendit lorsqu'on l'enlaça par derrière. Un souffle chaud vint caresser sa nuque, et il frissonna. Un baiser à la commissure de ses lèvres, et Roderich leva les yeux vers Antonio qui zyeutait sur les rapports qu'il tenait dans ses mains.

"Arrête d'être aussi crispé Rody, tu vas avoir des rides !

- Tonio, si tu es venu pour me déranger, tu vas le regretter ! maugréa-t-il en posant les parchemins.

- Je ne peux pas te déranger, tu m'aimes~

- Très bien, très bien. Je ne dirais rien là-dessus. Que se passe-t-il ?

- Rassemblement général des mages. Tous."

Le ton était sombre, contrastant avec l'attitude habituellement joviale de son compagnon. Roderich sut directement que cela était grave. On allait bientôt mettre le feu aux poudres, et il ne pourra pas s'échapper des flammes.

Du haut de ses vingt-cinq ans, Roderich n'aurait auparavant jamais pensé qu'il terminerait en sang sur un champ de bataille, théâtre d'une dévastation jouée par l'humanité. De la vaste plaine où tout s'était joué, il ne restait plus qu'une terre retournée, désolée, cimetière de milliers d'hommes tombés au combat. Le sol était gorgé du sang d'amis et d'ennemis, les corps froids dormaient profondément. Jamais ils ne se réveilleront.

Le brun parcourait l'horizon de ses yeux, à la recherche d'un quelconque signe de vie, ami ou ennemi. La bataille s'était terminée il y a relativement peu de temps, et Roderich se sentait poisseux, son sang et celui d'autres personnes tâchaient ses vêtements déchirés par le fer adverse. Les bras ballants, n'ayant pas la force de faire un mouvement sans s'effondrer, le mage ne pouvait que contempler le paysage macabre d'un champ abandonné par la vie, habité par la mort.

Au loin, les mages du Magicus Collegiarius se rassemblaient, chacun se soutenant après cette rude bataille. Un bras vint se poser sur son épaule, et Roderich quitta la scène en s'appuyant sur son allié. La guerre était désormais derrière lui, seulement dans son esprit restait son inquiétude au sujet d'Antonio qu'il n'avait pas vu depuis le début des affrontements. Un pas, puis un autre, et le brun s'avachit dans les bras de son camarade. Il avait atteint sa limite, ses paupières se fermèrent au point du jour d'un nouvel acte de la grotesque tragédie appelée vie.

Lorsqu'il se réveilla, Roderich reconnut la chambre encombrée de livres qu'il occupait dans les bâtiments de l'assemblée des mages. Sa première pensée fut que son corps était douloureux, poussé à ses limites pour lui permettre de rentrer sain et sauf là où l'attendait la seule personne qui comptait pour lui. Le brun n'avait jamais été quelqu'un de sportif en dépit des entraînements pour augmenter son endurance que lui élaborait Antonio, soi-disant pour sa bonne santé. Vraiment, il détestait les efforts physiques et c'était bien pour ça que Roderich était le cerveau du couple et Antonio les muscles.

Difficilement, le mage s'extirpa de son lit, remarquant par ailleurs qu'on lui avait mis des bandages recouvrant son torse. Il se souvint s'être pris un coup d'épée au flanc gauche plus important que d'autres égratignures qu'on lui avait infligé un peu partout, et il pensa avoir été chanceux d'avoir réussi à autant ignorer la douleur. Cependant, une fois l'adrénaline baissée, Roderich ne pouvait que grimacer en se tenant sur ses deux jambes.

Une fois devant le miroir de la salle de bain attenante de la chambre, le brun ne pouvait que constater sa mine fatiguée et l'affreuse balafre partant du bas de l'œil droit à son menton. Il n'était pas défiguré, mais voir son visage ainsi griffé lui avait mis un sacré coup au moral. Il s'attarda sur ses yeux violets puis son grain de beauté avant de se débarbouiller la face. Roderich prit une bouffée d'oxygène avant de s'habiller convenablement pour sortir. Il n'avait aucune idée de combien de temps s'était écoulé depuis la fin de la bataille, mais le jeune homme devait s'assurer qu'Antonio allait bien.

"Ne t'inquiète pas, il est costaud…" se souffla-t-il pour ne pas être démoralisé.

Rejoignant la grande salle servant de salon principal pour discuter entre mages, Roderich chercha du regard le brun aux yeux verts parmi les mages présents. Il remarqua vite qu'il n'était pas là. Peut-être était-il ailleurs ? Cela ne l'arrangeait pas, le mage s'était déjà donné du mal pour venir jusqu'ici. Le brun balaya de nouveau la pièce et remarqua un mage qu'il n'aimait pas du tout, toujours exubérant. Ce mage arrogant était néanmoins ami avec Antonio, alors il était un peu obligé de lui demander en premier à lui.

"Où est Antonio ?"

S'étant rapproché suffisamment du mage, Roderich ne s'était pas embarrassé d'une politesse fallacieuse. Le mage qui parlait avec un autre se tourna vers lui, et le brun put voir les yeux rubis de l'autre s'agrandir en le voyant. Les autres mages de la pièce qui avaient entendu la question s'étaient tu, et personne n'osait répondre, détournant le regard. Le visage du mage affichait désormais une grimace, et le brun fronça les sourcils. Quel était le problème ? Les secondes lui paraissaient être une éternité, dans ce silence. Un silence qui commençait à être drôlement éloquent, et la peur s'insinuait doucement en lui.

"Où est-il, Beilschmidt ?"

Aucune réponse. Le dénommé Beilschmidt arborait une expression sombre que Roderich ne lui connaissait pas, et un mage de la pièce lui tendit un long parchemin. Des noms, des centaines de noms y étaient inscrits. Roderich sentit son sang faire un tour, incertain de s'il voulait vraiment lire cette liste. Il avait peur. Peur de lire le nom de l'homme qu'il aimait le plus au monde. Il jeta un regard à l'ami de son amant avant d'inspirer un grand coup pour parcourir la liste, redoutant à chaque ligne d'y lire LE nom.

.

.

.

Antonio Fernandez Carriedo

… Impossible.

Une fois, puis deux, puis trois. Peu importe le nombre de fois qu'il lisait et relisait le nom, celui-ci ne voulait pas s'effacer. Bouleversées, les améthystes éplorées de Roderich Edelstein rencontrèrent les rubis tristes de Gilbert Beilschmidt.

"Où… où est son corps ? demanda-t-il avec une voix déformée, le regard larmoyant, en se tournant vers le mage lui ayant tendu le parchemin.

- Il a déjà été enterré. Vous avez été inconscient pendant trois jours."

Roderich n'en pouvait plus. Le poing serré, son corps tout entier tremblait. Il tremblait, et bientôt, la terre trembla avec lui. Assez pour renverser des papiers, assez pour renverser des assiettes, assez pour bouleverser toute une vie, la terre trembla alors que le brun serrait son poing rouge.

"Calme-toi !" hurla la voix de Beilschmidt.

La terre tremblait. Le sol pouvait bien se fissurer sous ses pieds, Roderich s'en fichait. Il le rejoindrait alors six pieds sous la surface, là où la lumière ne pouvait percer les ténèbres.

"Roderich Edelstein ! Je vous en prie, arrêtez !"

La terre frémissait, et il ne reviendra pas. Poing serré, poing détendu, au fond tout cela ne servait à rien. Il ne reviendra plus.

Le brun se sentit secoué comme un prunier, c'était cet exécrable Beilschmidt une fois de plus. Il avait l'air presque sympathique, avec son regard inquiet. Il n'était jamais inquiet pour lui, cet exécrable mage.

La terre ne s'agitait plus. Roderich desserra son poing, et d'un geste, il se défit de la prise du mage aux yeux rouges. Pas un mot, pas un regard superflu, le mage endeuillé s'en alla sans se retourner alors qu'il sentait ses confrères fixer son dos.

La magie de l'âme, magie délaissée. La nécromancie, magie interdite. Faire mouvoir de nouveau un corps, rattacher l'âme à ce corps. Jouer avec la vie et la mort n'était pas quelque chose d'aisé. La magie de l'esprit, une magie à ne pas négliger pour des recherches croisées. Âme, esprit, corps ; voilà les indispensables domaines de recherches pour faire revenir les morts parmi les vivants. Créer la vie à partir de rien, créer la vie à partir de tout, les recherches s'étendaient dans de multiples domaines. Le travail d'une vie, une vie poursuivant la mort pour y arracher ce qui a été volé autrefois.

Les années passaient, inlassablement, et les recherches continuaient.

Roderich était le plus grand mage du royaume. Roderich était le plus grand mage, le plus seul du royaume. Roderich était le plus grand mage, le plus désespéré du royaume.

Il y était presque. L'œuvre d'une vie.

Elles étaient loin, les jeunes années où ses cheveux étaient bruns, où son visage était lisse, où son cœur était un seul et même bloc.

Aujourd'hui, Roderich, soixante-sept ans, mettait un point final à ses recherches. C'était enfin fini, la fin d'un travail colossal sur la vie, la mort, l'âme, l'esprit, le corps.

Aujourd'hui, Roderich allait ressusciter Antonio.

Pourtant, la vie ne se perd qu'une fois, et il l'avait oublié.


Voilà, c'est tout pour ce premier chapitre ! N'hésitez pas à dire ce que vous en avez pensé.