Salut, ça boom ? (rizz)

Voilà le chapitre 4, enfin!

Disclaimer : Hetalia appartient à Hidekaz Himaruya


"Ne te retourne pas !"

Roderich avait hurlé les mots qu'il voulait dire plus bas.

"Pourquoi ?"

Sur son visage, une vilaine cicatrice barrait sa joue de l'œil au menton. Boursouflée, rouge, elle était semblable à une tache d'encre sur un parchemin.

"Je ne veux pas que tu me voies."

Le visage enfoui dans ses mains, tentative désespérée à se dérober du regard d'Antonio, le brun voulait disparaître. Ne me regarde pas.

"Je t'en prie, laisse-moi te voir."

Roderich se tourna, et son visage se fana plus vite qu'une rose. Les traits ridés, les cheveux blanchis, il ne restait de lui qu'un homme arrivé au crépuscule de son existence, attendant d'être frappé de plein fouet par cette mortalité purement humaine.

Antonio n'était plus là.

Une fois encore, Roderich se réveilla dans un grand lit vide.

Tourmenté jusque dans ses rêves, jusque dans un monde nouveau, le mage était sans nul doute frappé d'une maladie mortelle qu'il ne connaissait que trop bien. L'amour était pareil à la boîte de Pandore, ce n'était qu'un concentré des pires maux, et pourtant l'amour restait beau. Il y avait quelque chose de fou dans l'amour, une folie pareille au feu -peut-être était-ce la passion-, qui consumait l'âme jusqu'à ce qu'il n'en reste plus que des cendres.

Quarante ans sans Antonio lui avaient paru être une éternité, mais Spain et Austria s'étaient séparés depuis quelques siècles déjà, et Roderich ne pouvait s'empêcher de mélanger ses souvenirs et ceux d'Austria. Il pensait, trop même. Il pensa et conclut à une simple constatation : il voulait se contenter d'une simple amitié, et pourtant, le brun ne pouvait y songer. C'était une sorte de torture mentale, Roderich ne trouvait pas d'autres termes à user.

Il voulait plus, mais il n'en avait pas le droit. Pourquoi en aurait-il eu le droit en premier lieu ? Il n'était qu'un pauvre type d'un autre monde qui s'accrochait à un mort, et maintenant qu'il avait une nouvelle vie, il allait juste recommencer ? Ne soyons pas ridicules. Austria et Spain s'étaient séparés, bien que cela fut du fait des Hommes, et nul doute que l'Espagnol n'en gardait qu'un souvenir lointain. Tout ça, c'était fini. Et Roderich, lui qui n'avait jamais pu passer à autre chose, ne pouvait que constater qu'il avait fallu du temps à Austria pour l'admettre. Admettre que tout avait une fin, même si les sentiments ne disparaissaient pas. Austria, lui qui avait été marié de si nombreuses fois, avait toujours eu du mal à oublier, à reléguer la chose dans un coin de sa tête. Roderich en regardant ces souvenirs-là ne pouvait s'empêcher d'avoir un large sourire amer sur le visage, car lui et Austria étaient des idiots transis d'amour.

Enfoui dans les lourds draps de son lit, Roderich fixait le plafond blanc de la chambre dans un silence de tombe. Pas un bruit, ou presque. Au-dehors, on pouvait entendre le gazouillis des oiseaux et le vent caressant les feuillages, mais pas un bruit d'origine humaine. Cette quiétude pouvait paraître angoissante pour les uns, tandis qu'elle était réconfortante pour les autres. Ce lit qui avait récolté ses états d'âme, pensées fugaces et larmes tenaces, était le lieu des angoisses émergées du silence, terre fertile aux idées qui n'ont pas lieu d'être, et le lieu du réconfort d'un pleutre qui n'avait pas l'envie de se confronter à l'autre, aux autres. Un lit ne jugeait pas. Un lit ne parlait pas. Un lit gardait les secrets. Un lit ne trahissait pas. Et tant qu'à faire, un lit ne partait pas.

Le jour suivant la réunion, Roderich demeurait seul dans cette grande maison qu'il n'avait pas pris le temps d'essayer d'explorer. L'étouffante demeure transpirait la solitude accumulée par les décennies passées depuis l'époque révolue de l'empire auquel appartenait un jour Austria.

L'un des points positifs de cette maison située en périphérie de Vienne était sans aucun doute le beau piano qui trônait au milieu du salon. Austria tout comme Roderich aimait la musique, et il tardait au mage d'effleurer le clavier de l'instrument pour le faire chanter. Le brun n'avait pas touché l'instrument depuis qu'il était arrivé dans ce monde, se contentant de lorgner dessus avec ses yeux violets.

Roderich voulait jouer. Il voulait y mettre son âme et en faire résonner le son, la magie fera son reste. Jamais le mage n'avait abandonné ses recherches sur la magie musicale, il avait été le seul dans le royaume, le continent même, à manier cette musique qu'il avait amalgamée encore et encore pour en diversifier les usages. Ainsi, il pouvait presque tout faire avec la musique. N'est-ce pas quelque chose de merveilleux ?

S'extirpant de son lit avec lequel il avait presque fusionné, Roderich traîna des pieds jusqu'au salon. Il n'y avait personne d'autre que lui, et le piano.

Prenant place sur la banquette du piano, le brun prit les partitions posées sur le pupitre pour en choisir une. Il choisit le Nocturne opus soixante-deux numéro un en si majeur, de Chopin, évidemment.

Roderich ferma les yeux, et la magie opéra le reste. Il sentait son cœur pulser frénétiquement dans sa cage thoracique, et les mains d'Austria se mirent à jouer à la suite du numéro un le numéro deux. Au fond de lui remuaient des sentiments contraires mais identiques alors que la fin sonnait comme un adieu au passé, et Roderich sentait une boule se former au fond de sa gorge. Il n'y avait en réalité aucune magie, juste lui et ses pensées.

Il ne sut combien de temps il était resté dans sa contemplation du néant, perception d'un rien sensible que le regard du simple homme ne pouvait saisir absolument. Au-delà de son insignifiante existence s'étendaient les champs de l'abîme, là où les ridicules sentiments s'écrasaient devant l'immatérialité, l'incorporalité de l'âme qui s'étendait et se rétractait à la manière de l'univers et de l'esprit qui va à sa propre ruine devant l'éther, espaces célestes supérieurs inaccessibles au monde des vivants.

Du chaos primordial jaillit la lumière, et Roderich ne sut pas quand il se fut endormi sur le clavier du piano alors qu'à nouveau, on le secoua comme un prunier et qu'à nouveau, il ne dut se débattre de tous les diables pour qu'on le lâcha.

Alors qu'il s'attendait à l'habituelle Elizabeta, le brun en levant sa tête se figea en voyant des cheveux vert vomi. Que fait-il ici cestuy-là ? Le visage plus renfrogné, Austria se leva, le dos bien droit, pour faire face à Prussia.

"Que me vaut cette désagréable visite ? dit-il sans détacher son regard de la ridicule couleur de cheveux du Prussien avec le début d'un sourire narquois."

Prussia le regarda comme si une deuxième tête lui avait poussé sur le corps, et comme s'il avait été un proche ami, il posa une main sur l'épaule d'Austria qui fronça les sourcils.

"Que fais-tu ? demanda-t-il, déjà agacé par cette visite impromptue, en repoussant cette main de son épaule."

Un large sourire fendit en deux le visage de la nation aux cheveux vert vomi qui ne prononça aucun mot.

"Très bien, si tu veux rester silencieux… je vais t'y aider. murmura l'Autrichien mécontent."

Roderich claqua des doigts, surprenant Gilbert qui n'avait pas entendu le murmure, d'autant que le brun souriait sournoisement.

"Mon pauvre Prussia… commença-t-il en secouant la tête. Tu as donc perdu ta si désagréable voix ? Je pensais que cela n'arrivait pas aux géniales personnes."

Réagissant au quart de tour, la nation habituellement albinos ouvrit grand la bouche, comme si elle voulait s'exclamer, mais aucun son ne sortit du fond de sa gorge. Prussia écarquilla ses yeux rouge rubis alors qu'il porta la main à sa gorge comme pour vérifier qu'on ne lui avait pas rompu le cou.

Roderich s'amusa intérieurement de la panique qu'il trouva dans les yeux de Gilbert, celui qui avait si longtemps tourmenté Austria était tourmenté à son tour.

Alors que le Prussien s'époumonait en vain et gesticulait un peu trop près de son piano à son goût, le mage claqua une nouvelle fois des doigts. Cette fois-ci, en plus de lui rendre sa voix, le brun lui rendit ses caractéristiques cheveux blancs et lui retira l'affreuse moustache en estimant qu'il s'était assez moqué de lui pour le moment.

"AAAAAaaah ? Eh ? Hein ?"

L'albinos en se rendant compte qu'il pouvait de nouveau s'entendre se médusa sur place en plongeant son regard rubis dans celui améthyste du brun. Le silence s'installa de nouveau, et Roderich commençait à se sentir sacrément gêné dans sa propre maison.

"Qui êtes-vous ? demanda finalement un Gilbert anormalement sérieux."

Eh merde. Forcément.

"Je suis Roderich. Je suis Austria. Il n'y a rien de plus que cela.

- À ma connaissance, le petit maître ne faisait pas de sorcellerie contrairement à vous.

- De la sorcellerie ! s'offusqua Roderich. Vous ne mâchez pas vos mots ! Vous n'y connaissez rien, malappris que vous êtes.

- Apprenez-moi donc !

- En quel honneur ? Nous n'avons pas élevé les cochons ensemble ! La preuve en est, vous avez décidé de me vouvoyer et ainsi ai-je suivi. Tu es anormalement poli, Prussia.

- C'est à n'y rien comprendre ! Explique-moi, Roderich. demanda Gilbert avec un regard de chien battu."

Argh, son visage me fait mal. Tu te ramollis mon pauvre.

Roderich soupira avant de s'asseoir dans le confortable fauteuil du salon, près de l'âtre de la grande cheminée. Gilbert le suivit du regard, et le brun lui fit signe de s'asseoir à son tour sur le canapé. D'un geste, la cheminée s'embrasa et Austria vit Prussia sursauter.

"Ce que je vais te dire là est la stricte vérité, alors je te prie de m'écouter sans me couper la parole.

- Je sais me tenir tranquille, marmonna l'albinos.

- Hmpf. Je te l'ai dit, je suis Roderich et je suis Austria. Toutefois, je ne suis pas tout à fait celui que tu connais…"

Le mage lui raconta sa vie dans les grandes lignes, sans s'attarder sur les diverses relations qu'il avait eues bien qu'il dut raconter grossièrement son amour avec Antonio. Finalement, il lui raconta son arrivée dans ce corps et son amitié avec Elizabeta.

Une fois que le brun eut terminé son récit, la pièce fut plongée dans le silence. Gilbert le regardait droit dans les yeux, ces nouvelles informations tournaient en boucle dans sa tête tant elles étaient fantasques.

"Et donc, c'est TOI qui m'as fait les cheveux verts ? Et cette moustache !"

Roderich souffla lourdement. Pourquoi on lui posait toujours de mauvaises questions ?

"Va te plaindre auprès d'Elizabeta, espèce d'orchidoclaste. marmonna le mage en lui jetant un mauvais regard, se disant qu'il ressemblait vraiment à son alter ego.

- T'es sacrément vulgaire contrairement au petit maître, ria Prussia.

- Ne me prends pas pour un malotru, s'agaça aussitôt Austria."

Un inconfortable silence prit de nouveau place dans la pièce. Roderich, le regard perdu dans les flammes de la cheminée, ne put voir le regard soudainement triste que lui porta Gilbert. Il y avait de tout et de rien dans ce regard, et seul le propriétaire en savait tous les secrets.

"Pour Antonio… commença le Prussien en se grattant la tempe, gêné.

- Je sais, soupira l'Autrichien. Spain n'est pas Antonio.

- Mais… est-ce que… est-ce que tu…

- L'aimes ?"

Le regard améthyste du brun se plongea dans le regard rubis de l'albinos, et Gilbert se sentit presque intimidé par la lueur étrange qui dansait dans le fond de ces prunelles. Il hocha la tête pour répondre, et à nouveau Roderich lâcha un soupir.

"Un imbécile restera un imbécile."


Voilà, c'est tout pour ce chapitre.