Note: Et voici le nouveau chapitre! Bonne lecture:-)
Chapitre 7
Une sensation s'imposa à la conscience de Milo. Un goût aigre, comme de la bile, dans une bouche pâteuse. Il tenta d'avaler sa salive, passa sa langue sur ses lèvres. Elles lui firent l'effet d'être en papier de verre. Il ouvrit les yeux avec difficulté – eux aussi étaient secs, ses paupières collées.
Il rejeta les couvertures et se leva. Il n'alluma même pas la lampe de chevet. Il dormait dans cette chambre depuis aussi longtemps qu'il s'en souvienne et en connaissait les moindres recoins. Il atteignit la porte sans encombre et se glissa dans le couloir. Au bout, de la lumière filtrait sous la porte de la cuisine, dessinant un rectangle jaune sur le sol carrelé. Quelqu'un aurait oublié d'éteindre ? Ou est-ce que l'un de ses parents était debout ?
Le couloir lui semblait long, trop long. Le froid des dalles se propageait dans son corps à chaque pas. De ses pieds, il envahit ses mollets, ses cuisses, puis déposa un bloc de glace dans son ventre et vint contracter sa poitrine. Milo sentait tous ses poils hérissés. Il voulait retourner se coucher. Retrouver la chaleur rassurante de son lit. Faire taire l'angoisse qui menaçait de le submerger d'un flot acide – la petite voix qui criait dans son esprit que quelque chose de mauvais l'attendait dans la cuisine.
Mais il avait soif, terriblement soif, et ce rectangle d'or pâle l'attirait maintenant inexorablement, comme un objet céleste pris dans le champ gravitationnel d'un trou noir. Ses pieds avançaient comme mûs par une volonté propre, sans souci de son corps transi ou de la peur qui lui liquéfiait les entrailles. Il avait l'impression qu'on avait enfermé sa conscience à l'intérieur d'un automate.
Quelque chose de mauvais.
Enfin il fut devant la porte. Son bras se leva, posa une main sur la poignée – il ne le contrôlait pas plus qu'il ne maîtrisait ses jambes, et la panique l'envahit alors que la porte s'ouvrait dans un grincement nonnonnonnon…
Milo se redressa dans son lit. Il avait l'impression d'entendre les battements de son propre cœur déchaîné dans sa poitrine. D'un mouvement, il rejeta les couvertures que la sueur avait collées à son torse et alluma sa lampe de chevet. Le décor rassurant de sa chambre chassa de ses rétines l'autre, celui qui hantait ses cauchemars.
Il resta un moment les yeux écarquillés pour ne pas offrir aux images du passé un seul espace où elles auraient pu se déployer, tandis que sa respiration se calmait peu à peu. Dans sa bouche, une acidité désagréable, trop reconnaissable. Il humecta ses lèvres parcheminées et tendit la main pour attraper la bouteille d'eau posée au pied du lit.
Il but tout son soûl, puis laissa sa respiration s'apaiser tandis que la réalité reprenait ses droits.
Il était chez lui. Loin, très loin de l'appartement qui surmontait le restaurant familial à Astoria. Il n'avait plus douze ans, pas d'école, pas de devoirs. Il passerait la journée du lendemain au Scarlet Needle, occupé à ranger les fournitures arrivées dans la semaine entre deux rendez-vous.
Il tourna les yeux vers le réveil. Six heures. Beaucoup trop tôt... Heureusement que sa main ne tremblait jamais, même quand il était crevé.
L'espace d'une seconde, il regretta d'avoir quitté sa conquête du soir précédent après leur partie de jambes en l'air. Remettre le couvert lui aurait permis de dissiper la tension qui formait un nœud dans son estomac et peut-être, de se rendormir. Il ne se sentait pas le courage de dessiner, ne faisait pas confiance à son subconscient pour ne pas glisser de formes trop connues entre les traces couleur sang qui étaient devenues sa signature. Il ne lui restait donc pas beaucoup d'options. Faire des pompes. Prendre une douche glacée. S'abrutir de vidéos sur YouTube. N'importe quoi pour ne pas penser. Ni à son cauchemar, ni à cette époque, ni au foutu connard qu'il avait failli frapper pour de bon au Valhalla.
Il attrapa son téléphone et désactiva le mode avion. Les réseaux sociaux l'occuperaient bien un moment.
Une série de notifications apparurent sur son écran. Les réponses de ses amis au dernier message qu'il avait envoyé hier soir discrètement pendant qu'il se préparait à "raccompagner chez elle" une prof de yoga dont il avait fait connaissance en admirant la fleur de lotus tatouée sur son épaule.
Moi: Hé, les gars, je ne vais pas vous rejoindre au Golden Triangle finalement… Je vais prendre un cours de yoga, plutôt ! ;-)))
Emoji rose : Cours de yoga? Qui t'a permis de réaliser MON fantasme ? Je ne te pardonnerai jamais
Emoji rose : Je veux un rapport détaillé sur toutes les positions intéressantes que tu auras apprises
Emoji étoile : Ça s'appelle des postures.
Emoji gant de boxe : Je crois que Milo ne faisait pas référence à ce type de yoga, chéri.
Emoji rose : Mu, mon petit agneau innocent
Emoji étoile : obsédés
Emoji dragon : espèce de sale lâcheur, tu pourrais au moins venir draguer dans MON bar au lieu d'enrichir la concurrence
Emoji renard : J'espère que ça te détendra. Enfin, pas trop non plus.
Milo laissa échapper un petit rire. Camus avait de l'humour quand il se laissait aller.
Et il se laissait aller de plus en plus souvent, peut-être parce que Milo et lui avaient passé pas mal de temps ensemble au cours des dernières semaines, entre les shootings dédiés au concours, le passage de Camus au Scarlet Needle pour photographier les lieux et le tatouage d'Ikki, et les préparatifs du vernissage de Mu.
L'estomac de Milo grogna, lui rappelant qu'il n'avait rien mangé depuis les tapas de la veille en compagnie de Sonia. Ou Tania. Sophia? Bref.
Avec un peu de chance, il lui restait quelque chose dans le frigo, et sinon, il piocherait sur l'étagère de Dite… Il rejeta son téléphone sur les draps et se leva.
Lové dans son fauteuil favori, Camus scrollait paresseusement sur l'écran de son téléphone portable. Il s'était encore réveillé aux aurores. Une faute de plus à imputer à son militaire de père qui appliquait les mêmes règles chez lui qu'à la caserne. Au moins, maintenant, il avait le luxe de pouvoir traîner en buvant un thé jusqu'au moment d'émerger véritablement.
Il relut les derniers échanges sur le groupe qui rassemblait ses colocataires, Mu, Aldé et Kanon. Le nombre de notifications de Camus avait explosé depuis qu'Aphrodite l'y avait ajouté sans lui demander son avis, et il avait fini par s'habituer à cette conversation permanente si différente de ses autres discussions pour la plupart strictement professionnelles. S'il était resté silencieux au début, il se surprenait de plus en plus à contribuer à la discussion, comme hier soir. La plaisanterie lui était venue spontanément, mais maintenant, il s'en étonnait. Il fallait croire que l'humour parfois graveleux de ses colocataires déteignait sur lui. Pourvu que ça en reste là. Il les aimait bien, mais il n'avait aucune envie de subir leur influence davantage. Sinon, ce serait quoi, la prochaine fois? Du vernis à ongles? Ou pire, un tatouage?
Le bruit d'une porte qui s'ouvre interrompit ses réflexions. Quelques secondes plus tard, Milo déboulait dans le salon, uniquement vêtu d'un boxer. Il s'arrêta net, ne s'attendant visiblement pas à tomber sur Camus.
Pendant une seconde, celui-ci se crut transporté au bord de la Méditerranée, en train d'admirer une statue grecque caressée par les rayons obliques du soleil matinal.
Puis Milo sourit et reprit sa route en direction de la cuisine, rompant l'illusion.
— Salut! Je ne m'attendais pas à te trouver déjà debout, commenta-t-il.
— Et moi, je ne m'attendais pas à te voir ici du tout, répliqua Camus du tac au tac.
La voix de Milo lui parvint étouffée depuis le frigo.
— On ne dort jamais si bien que chez soi, et comme j'étais à seulement quelques blocs d'ici…
Milo réapparut dans le salon accompagné d'un yaourt qui appartenait sans aucun doute à Aphrodite et d'un paquet de cigarettes.
— Ça t'ennuie si j'en fume une petite?
Camus esquissa un geste de dénégation et Milo ouvrit la fenêtre, s'y accoudant dans sa position favorite. Cette fois, constata Camus avec satisfaction, il s'était muni d'un cendrier qu'il déposa sur l'appui.
On ne dormait peut-être jamais mieux que chez soi, mais les traits chiffonnés de Milo démentaient l'adage. Parce que la nuit avait été courte? C'était plausible. Ou pour une autre raison? Que Milo ait préféré rentrer, soit, mais ça n'expliquait pas sa présence dans le salon à l'aube. Camus avait déjà pu constater que Milo n'avait rien d'un lève-tôt.
Il avait fini par réaliser que quoi qu'il y ait entre Milo et Kanon, ce n'était ni romantique ni exclusif, comme le prouvaient leurs taquineries en ligne. Ce qui n'avait fait qu'aiguiser sa curiosité concernant les cachotteries qu'Aphrodite reprochait à Milo. Si cela n'avait rien à voir avec les aventures de celui-ci… Est-ce qu'il y avait un lien avec ce qu'il avait perçu sur ces photos? Avec l'incident au Valhalla? Est-ce que c'était de nature à perturber le sommeil de Milo?
Inconscient des interrogations de Camus, Milo regardait dehors, alternant entre une bouffée de tabac et une cuillérée de yaourt. Il offrait à Camus une vue de trois-quart qui révélait plusieurs tatouages que celui-ci n'avait encore jamais aperçus. Il profita de les examiner à la dérobée.
Une scène qu'on aurait dite issue d'une estampe ornait le flanc de Milo : un coucher de soleil sur le mont Fuji, un cerisier en fleurs. La lourde masse bleu nuit de ses cheveux dissimulait en partie un scorpion en position d'attaque qui occupait tout son omoplate gauche. Une série de motifs géométriques s'alignaient verticalement le long de sa colonne vertébrale, du milieu de son dos jusqu'à la lisière du boxer sous lequel ils disparaissaient. Milo bougea légèrement, déplaçant son poids sur la droite, et Camus entrevit une ombre à l'intérieur de sa cuisse, indéchiffrable.
Il sentit sa bouche s'assécher. Si tôt le matin, et il faisait déjà trop chaud… Il but une longue gorgée de thé puis baissa les yeux sur une cheville encerclée d'une couronne de fleurs étrangement délicate et un pied sur lequel s'ébattaient des carpes koï.
Ces tatouages étaient aussi éclectiques, dans leur sujets et leur style, que les œuvres d'art que Milo exposait au Scarlet Needle, et pourtant ils formaient par miracle un tout parfaitement cohérent. Seul le scorpion détonnait un peu : il était plus brut que les autres, agressif.
— Tu apprécies le spectacle?
Camus sentit tout son visage s'échauffer sous le regard taquin de Milo. Il n'avait pas réalisé qu'il était en train de fixer son colocataire. Son colocataire qui ne portait qu'un boxer noir.
Milo n'avait absolument pas l'air gêné de se trouver dans cette tenue devant lui. Ça faisait sens, supposa Camus. Il lui avait confié qu'à l'époque où il bouclait les fins de mois grâce au mannequinat, il lui était arrivé plus d'une fois de poser nu, que ce soit pour des cours de dessin anatomique à l'université ou pour des photos à connotation plus ou moins sensuelle. Sans compter que Milo passait ses journées à manipuler des corps partiellement dénudés. Il n'avait aucune raison d'être gêné… Et Camus non plus.
Comme si je n'avais pas photographié des dizaines d'hommes en maillot de bain ou sous-vêtements…
Il avala sa salive et ignora le coup de chaud.
— Tu n'as jamais voulu de couleurs sur tes tatouages ?
C'était un détail qui l'intriguait : tous étaient uniformément noirs, avec au mieux des nuances de gris. Il se serait attendu à quelque chose de plus flashy de la part de Milo, qui maniait si bien le rouge.
— Non… j'adore les couleurs, hein. Juste, pas sur moi.
— Et ils ont tous une histoire ?
Milo haussa les épaules.
— Si on veut. Mais pas forcément des trucs hyper profonds, tu vois ? Certains sont principalement là pour la déco.
— Et le scorpion ?
En l'espace d'une seconde, le visage de Milo se troubla comme un lac dans lequel on aurait jeté un caillou. Derrière l'étonnement, la vulnérabilité qui y apparut frappa Camus comme un coup de poing à l'estomac. Puis son sourire réapparut, avec le soupçon de dérision qui constituait sa marque de fabrique, et il répondit d'un ton léger :
— J'étais jeune et je trouvais classe de me faire tatouer mon signe du zodiaque. T'es de quel signe, toi ?
Sans ce changement de sujet abrupt, Camus se serait convaincu qu'il avait imaginé la réaction de Milo.
— Verseau. Tu es le deuxième à me le demander en une semaine. Je ne savais pas que vous étiez aussi sensibles à l'astrologie, dans ce groupe.
Milo éclata de rire.
— J'imagine que le premier, c'était Mu ?
Evidemment, Mu avait voulu montrer à Camus la parure de son signe. Puis il lui avait longuement expliqué comment il avait conçu chacune d'elles. Il avait effectué des recherches sur les mythes reliés à chaque signe, les éléments qui leur étaient associés, leurs correspondances avec certaines pierres, l'histoire des constellations… Il n'avait pas caché à Camus que son inspiration première provenait de sa passion pour la mythologie et de son intérêt pour l'astrologie et sa richesse symbolique.
— C'est seulement Mu, je te rassure, continua Milo. Dite y croit quand les prédictions de son horoscope lui plaisent. Moi, je connais mon signe mais je ne m'y suis jamais intéressé plus que ça. Ça a dû frustrer Mu, d'ailleurs, il aime bien raconter ces histoires.
— J'ai remarqué.
Les yeux de Mu s'étaient illuminés quand Camus avait annoncé qu'il était Verseau. S'était ensuivie toute une théorie sur les caractéristiques de ce signe auxquelles Camus semblait parfaitement correspondre.
Les deux hommes se sourirent.
Un bruit de tôle froissée résonna et Milo se tendit vers l'extérieur à la recherche de son origine.
La manière dont son tatouage sur la colonne bougeait lorsqu'il se penchait en avant…
— Oups. Voiture contre réverbère, annonça-t-il en se retournant, arrachant Camus à sa contemplation.
— Rien de trop grave?
— On dirait que non. Le conducteur est sorti pour constater les dégâts. Il va passer une sale journée, par contre.
Il croisa les chevilles et l'oeil de Camus fut à nouveau attiré par les fleurs qui entouraient l'une d'elles.
— Elles sont jolies, commenta-t-il sans trop savoir pourquoi.
Milo, d'abord interdit, suivit son regard.
— Oh… Merci.
Sa voix baissa d'un ton.
— C'étaient les fleurs préférées de ma mère.
Oh.
Milo n'avait jamais parlé de ses parents. Camus hésita. Fallait-il offrir des condoléances? Faire comme s'il n'avait pas compris?
Il n'avait pas encore décidé que déjà, sa voix résonnait dans le salon. Il s'écouta parler comme il aurait écouté la radio.
— Ma mère aussi est morte.
Puis il resta figé devant l'énormité de ce qu'il venait de dire.
Pourvu que Milo change de sujet. Pourvu qu'il ne demande pas. Camus ne pourrait pas répondre, il ne pourrait pas lui expliquer…
Ou pire. Peut-être qu'il pourrait.
Il était trop petit, à l'époque, pour se rappeler de cette période. Tout ce qu'il en savait, il le tenait des récits de son père. Mais avec le temps et les répétitions, des images s'étaient formées dans son esprit, plus nettes que des souvenirs. Sa mère, tellement épuisée en permanence par sa lutte contre les idées noires qu'elle était incapable de s'occuper de lui ou même de le serrer dans ses bras. Sa mère, calfeutrée dans sa chambre, ses yeux comme deux feux éteints. Sa mère, qui s'était laissée dévorer par ses émotions au point de préférer la mort. D'abandonner son mari et son fils.
Devenu adulte, il avait trouvé dans ses lectures de quoi corriger l'interprétation des événements qu'en avait faite son père. Sa mère avait souffert d'une grave dépression, pas d'une sentimentalité excessive. Si quelqu'un méritait des reproches, c'était plutôt l'époux qui avait refusé qu'elle suive une thérapie sous prétexte que seuls les faibles allaient voir un psy et qu'il ne tolérerait pas la faiblesse sous son toit.
Cette réalisation avait beaucoup compté dans sa décision de quitter la France pour poursuivre ses études.
Mais malgré tout, c'étaient toujours les mots de son père qu'il entendait lorsqu'il pensait à sa mère. Ou lorsqu'il regardait la seule photo qu'il avait d'elle, prise à l'âge qu'il avait aujourd'hui. Elle aurait pu être sa soeur jumelle.
C'étaient toujours les mots de son père qu'il entendait lorsque les émotions menaçaient de le submerger.
Il releva la tête. Milo le regardait, une expression que Camus ne parvint pas à déchiffrer sur le visage.
— Je suis désolé, dit-il enfin.
Camus sentit sa poitrine s'alléger. Apparemment, Milo n'avait pas l'intention de le questionner.
— Moi aussi, répondit-il en espérant que cela suffirait à transmettre ce qu'il ressentait. Il ne faisait pas confiance à sa voix, en ce moment.
Milo hocha simplement la tête en signe de compréhension.
Un tintement cristallin salua Aphrodite lorsqu'il poussa la porte de l'herboristerie. Le comptoir à sa droite était désert, le propriétaire nulle part en vue. Aphrodite inspira l'odeur rafraîchissante d'eucalyptus qui s'échappait d'un diffuseur d'huiles essentielles exactement pareil au sien et s'aventura entre les rayonnages en attendant.
Cette boutique était l'une de ses préférées, et pas seulement pour ses produits bio de haute qualité. Il en aimait les meubles anciens, les jarres de céramique pleines de poudres et plantes séchées aux multiples vertus, les fioles dont les étiquettes arboraient des noms exotiques, les gravures de botanique qui ornaient les murs. Et le calme. Comme si le chaos de Manhattan n'osait pas pénétrer ce cocon préservé du temps. Le Jardin secret portait bien son nom.
Il récapitula mentalement sa liste de courses : des huiles essentielles de rose et de géranium, idéales pour garder une peau douce et un teint lumineux. Des sachets de lavande pour remplacer ceux qui parfumaient ses armoires et dont l'odeur commençait à se faner. Une tisane relaxante à laquelle il voulait faire goûter Camus.
Celui-ci avait bien besoin de se détendre. C'était à la fois plus subtil et plus flagrant que dans le cas de Milo. Aux yeux de la plupart des gens, le tatoueur était l'image même du mec cool ; Aphrodite, lui, savait que cela cachait une cocotte-minute qui maîtrisait l'art de relâcher la pression avant d'exploser… la plupart du temps. Camus, par contre, c'était un élastique tendu en permanence. Pas assez pour casser brutalement, mais suffisamment pour finir par s'effriter sous l'usure.
L'apparition du propriétaire, qui sortait de sa réserve les bras chargés de cartons, interrompit ses réflexions. Le jeune homme déposa ses paquets à l'extrémité du comptoir de bois patiné tout en saluant cordialement son client.
— Hey, Aphrodite ! Ça faisait un moment !
— Bonjour, Queen. Oui, là, je suis vraiment arrivé au bout de mon stock…
— Alors, de quoi tu as besoin aujourd'hui ?
Aphrodite égrena sa liste et les deux hommes échangèrent les dernières nouvelles pendant que l'herboriste préparait la commande. Ils s'étaient bien entendus dès la première fois où Aphrodite avait mis le pied dans cette boutique. C'était à l'époque où il s'était mis à fabriquer ses propres cosmétiques. Quitte à se ruiner en crèmes et masques, autant s'assurer qu'ils soient parfaitement naturels et de la plus haute qualité, s'était-il dit. Il s'était retrouvé là un peu en désespoir de cause, à la recherche d'un ingrédient rare. Le Jardin secret n'était pas décoré avec autant de goût à l'époque : Queen venait de le reprendre à son ancien propriétaire et n'avait pas eu le temps de faire des aménagements. Il n'y avait pas un chat. Mais les étagères étaient les mieux fournies qu'Aphrodite ait eu l'occasion de voir, incluant sa fameuse potion miracle. Et surtout, Queen s'était avéré être un puits de connaissance sur les plantes et leurs multiples usages. Aphrodite était reparti avec une série de décoctions dont il n'avait jamais entendu parler et une foule de bons conseils. Ainsi qu'avec un intérêt prononcé pour le séduisant jeune homme aux cheveux violine.
Il était devenu un habitué et avait vu la passion de Queen récompensée par le succès, mais n'avait jamais goûté aux délices que promettait son corps souple aux muscles déliés. Ni même fait de tentative en ce sens. Pas après que Queen lui ait parlé, les yeux pétillants, de l'homme qui partageait sa vie.
— J'ai un nouveau thé, à la rose et à l'hibiscus. Il se consomme froid. Très rafraîchissant, pour l'été. Je t'en mets un petit échantillon ?
— Pourquoi pas, tiens ! Ça ne sera pas de trop, vu les températures…
Queen venait de se retourner pour préparer le sachet lorsque le carillon de la porte d'entrée sonna. Il jeta un coup d'œil par-dessus son épaule et lança un « Bonjour, M. Sanghar » enjoué.
— Bonjour.
Aphrodite, qui n'avait pas bougé, sentit une décharge électrique le parcourir.
Il avait déjà entendu cette voix...
Il se retourna.
C'était bien lui.
Il lui tournait le dos, planté devant une sélection de bâtonnets d'encens, mais Aphrodite aurait reconnu n'importe où cette silhouette mince nappée d'or liquide.
— Et voilà !
Queen venait de poser le sac contenant ses achats sur le comptoir. Aphrodite paya et prit congé, presque machinalement. Incapable de détacher ses pensées de l'elfe derrière lui. Malgré toute sa volonté, il ne put pas s'empêcher de se tourner dans sa direction alors qu'il se dirigeait vers la porte. Exactement au moment où Queen disait :
— Je suis à vous, Monsieur Sanghar !
L'elfe referma le manuel et pivota d'un mouvement fluide. Qui s'interrompit lorsqu'il croisa le regard d'Aphrodite.
Il portait ces foutues lunettes de soleil.
— Tiens tiens, siffla Aphrodite. Vous êtes mon mauvais karma, ou quoi ?
— Je crains de ne pas comprendre.
— Heu… Vous vous connaissez ?
Les yeux de Queen allaient de l'elfe à Aphrodite et d'Aphrodite à l'elfe comme s'il se demandait lequel allait sauter à la gorge de l'autre en premier. Ce qui était absurde. Aphrodite n'allait certainement pas risquer d'abîmer sa manucure en griffant ce visage d'une beauté irréelle.
Par contre, arracher une poignée de ces cheveux à l'éclat satiné…
— Nous nous sommes rencontrés récemment, expliqua l'elfe, qui restait d'un calme olympien. Au Met. Il semblerait que notre discussion n'ait pas laissé un excellent souvenir à Monsieur.
Au moins, il se souvenait de lui. Aphrodite en ressentit une amère satisfaction. Faire bonne impression, c'était surcoté. Faire forte impression, voilà ce qui comptait. Et pour ça, il se débrouillait.
— Un malentendu, peut-être ? Hasarda Queen.
— Il semblerait que l'art du maquillage laisse Monsieur relativement indifférent, répliqua Aphrodite en imitant le ton sentencieux de l'elfe.
— Monsieur interprète mal mes paroles, déclara celui-ci à l'intention de Queen qui tapotait nerveusement du doigt sur le comptoir.
— Peut-être que Monsieur ne s'exprime pas très clairement.
Merde, on aurait dit un gamin de douze ans. C'était le genre de conversation qu'il avait normalement avec Kanon ou Milo, pas avec des elfes sublimes, arrogants et bornés.
L'elfe prit une inspiration bien visible avant de répondre.
— On dirait que le sujet est particulièrement important pour vous.
— Mon ami Aphrodite est maquilleur professionnel. L'un des meilleurs, intervint Queen, apparemment soulagé d'avoir l'occasion de dissiper la tension entre ses deux clients. Ou du moins d'essayer.
— Je comprends mieux…
Aphrodite sentit un frisson le parcourir. Même sans voir les yeux de l'elfe, il savait que celui-ci le balayait du regard. L'étudiait dans le moindre détail, comme s'il se trouvait sous la lunette d'un microscope.
— Qu'est-ce que ça change ?
— Sur quoi travaillez-vous ?
Aphrodite allait dire à l'elfe à lunettes de se mêler de ses affaires quand Queen coupa :
— En ce moment, Aphrodite réalise les maquillages de La Rose de Versailles. La comédie musicale. Vous en avez peut-être entendu parler ?
L'herboriste adressa à Aphrodite un sourire aux lèvres pincées et un regard d'avertissement à la signification limpide.
Arrête tes conneries et baisse d'un cran ou dix niveau hostilité, parce que j'ai aucune intention de perdre un client par ta faute.
— Ah, oui. Un collègue en a dit le plus grand bien…
La voix de l'elfe s'éteignit.
Ou plus précisément, elle fut coupée par le claquement de la porte.
Aphrodite se retrouva sur le trottoir, sans intervention de sa conscience apparemment. Incapable de savoir s'il était sorti de la boutique… ou s'il s'était enfui.
Bordel, mais pourquoi ce blondinet prétentieux lui faisait un effet pareil ?
Kanon déposa devant Milo un cocktail aux couleurs pastel identique à celui qui trônait déjà face à lui.
— Tiens ! Tu peux me remercier, parce qu'Isaak a failli me sauter à la gorge. Il protège ses shakers comme ses bébés et a horreur qu'on marche sur ses plates-bandes.
— Tu as droit à toute ma reconnaissance. Cela dit, tu aurais aussi pu lui demander de le faire, ce cocktail…
— Nan. Personne ne réussit le Dragon des Mers comme moi. La version d'Isaak va très bien pour le tout-venant, mais pour les vrais…
Il accompagna sa tirade d'un clin d'oeil.
— Ravi de faire partie des privilégiés qui ont droit à la version du Maître.
Ils trinquèrent. Le Golden Triangle venait d'ouvrir et la clientèle était encore peu nombreuse. Installés devant le bar, Kanon et Milo pivotèrent sur leurs tabourets afin d'observer la salle.
Thétis sillonnait les tables d'un pas nonchalant, sa longue robe bleue légèrement fendue accompagnant ses mouvements comme une vague. Elle s'arrêtait ici et là pour papoter avec des habitués, apparemment complètement inconsciente des regards que lui jetait le barman de son unique œil entre deux mix. Kanon sourit intérieurement ; s'il ne les avait pas surpris en train de s'embrasser sauvagement dans la réserve, il se serait sûrement laissé prendre à cette petite comédie de l'indifférence.
C'était une toute autre pièce qui se jouait dans la zone normalement réservée au DJ. Celui-ci y partageait son attention entre ses playlists et un jeune homme aux cheveux blond vénitien qui se penchait autant pour regarder l'écran par-dessus son épaule que pour déposer de légers baisers au creux de sa gorge.
— Il me semble que je l'ai déjà vu quelque part, le mec de Sorrento… Non ?
— Absolument. C'est Mime, le DJ du Valhalla.
— Ah mais évidemment ! Je ne l'avais pas remis… sans les spots…
— Depuis qu'ils filent le parfait amour, il commence toutes ses soirées ici avant de filer au Valhalla. Entre eux et Thétis et Isaak, j'ai l'impression que l'atmosphère devient un peu trop chargée en guimauve, je te jure.
Kanon but un peu de son Dragon des Mers. Il l'avait parfaitement réussi, comme d'habitude. La boisson était douce au premier abord, puis l'acidité du citron intervenait et la pincée de piment ajoutait une dernière surprise au cocktail complexe et sophistiqué qui était devenu sa marque de fabrique.
— Tu vas pas commencer à me dire que le célibat te pèse ? Qu'est devenu le loup de mer solitaire ?
Kanon grogna.
— Et toi, alors? Pas de coup de foudre à l'horizon?
Milo secoua la tête.
— Pas mon genre.
— Les coups de foudre ou l'horizon ?
— Tu sais bien. Les coups de foudre. L'amour. Tout ça.
Milo haussa les épaules avec un mouvement de tête vers Sorrento, que Mime avait enlacé par-derrière.
Kanon ne répondit pas. Oui, il savait. Il savait depuis la fois où Milo et lui étaient sortis au Valhalla pour se distraire et faire des rencontres, tout ça pour finalement décider qu'ils avaient plus envie l'un de l'autre que de n'importe quel autre client de la boîte. Kanon se souvenait parfaitement de ce moment : lui, appuyé contre un mur, et Milo qui envahissait son espace en le fixant d'un regard de prédateur que Kanon avait appris à associer au désir ou à la colère chez son ami.
— Le seul mec qui me fasse bander ici, c'est toi, avait dit Milo d'une voix qui était passée directement du cortex auditif de Kanon à son cerveau reptilien.
— Idem, avait-il répondu, comme hypnotisé par ces yeux d'un bleu intense qui lui donnaient l'impression de le déshabiller sur place.
Milo avait penché la tête légèrement.
—… Mais si on baise, avait-il ajouté, ça ne changera rien, ok ? Les sentiments, tout ça, c'est pas mon truc. T'es mon pote.
Et ça valait plus que quoi que ce soit d'autre. Milo ne l'avait pas dit, mais son intonation était claire. Et ça tombait bien, parce que Kanon avait beau avoir envie de plaquer Milo contre ce mur, là tout de suite, il savait aussi pertinemment qu'il n'entretenait pas l'ombre d'un sentiment amoureux à son égard.
— Deal, avait-il dit en attrapant les passants du jean de Milo pour l'attirer contre lui.
— Deal, avait répété Milo à son oreille avant d'en lécher le lobe.
La même scène à quelques variantes près se répétait depuis, à intervalles irréguliers. Des mois pouvaient s'écouler sans que Milo ne termine une soirée chez Kanon. Et parfois, une nuit se prolongeait sur un week-end entier au cours duquel ils ne quittaient le lit que pour la salle de bains.
Pour Kanon, les choses étaient simples. Il lui arrivait d'avoir envie de sexe, parfois avec Milo, parfois avec d'autres. Si Milo était dans la même disposition au même moment… ils étaient totalement compatibles sur ce plan, alors pourquoi se priver ? Aussi longtemps qu'aucun des deux ne nouait aucune relation exclusive par ailleurs…
Mais il se demandait parfois ce qu'il en était pour Milo. Milo qui pouvait séduire n'importe qui, mais semblait choisir uniquement les personnes les moins susceptibles de s'attacher, soit parce qu'il était évident qu'elles n'éprouvaient pour lui qu'une attirance physique, soit parce qu'au contraire elles étaient assez proches pour que toute ambigüité ait déjà été dissipée.
Pour lui, le sexe avec Milo était un divertissement plaisant en attendant le moment de passer aux choses sérieuses avec un homme qu'il finirait par rencontrer.
Pour Milo… il soupçonnait que c'était un moyen de s'assurer que rien de sérieux ne risque de se développer avec qui que ce soit d'autre.
Le portable de Milo vibra sur le bar. Milo l'attrapa et agita la tête d'un air incrédule en examinant l'écran. Il approcha le micro de ses lèvres pour enregistrer sa réponse.
— Je suis en désaccord total avec cette analyse. Pour les croissants, je m'incline. Les pains au chocolat, je veux bien. Mais la baguette ? La baguette ? Là non, Camus ! Prétendre que la baguette, c'est meilleur que les muffins aux myrtilles, je suis désolé, mais c'est du chauvinisme pur !
Milo reposa son portable et leva les yeux au ciel.
— La baguette. Non mais tu te rends compte, sérieux ?
— Tu papotes de viennoiseries par Whatsapp. Avec Camus.
Milo avala une grande gorgée de son Dragon des Mers, comme si Kanon ne tombait pas des nues.
— Tu l'aimes bien.
Milo fronça les sourcils au-dessus de son cocktail.
— Qui ? Camus ?
— Ouais.
— Ben, oui.
Milo le regardait avec tout l'air d'une maîtresse d'école qui énonce une évidence à un enfant un peu attardé. Avant de mettre les points sur les i, pour le petit Kanon qui décidément ne comprenait rien à rien :
— C'est mon pote. Comme… Comme Mu.
— T'as de la chance de pas avoir dit « comme toi ».
— Rooh ! Jaloux, va !
Un bon coup de coude dans les côtes sanctionna Kanon.
— Je sais que vous n'avez pas spécialement d'affinités, mais c'est un mec vraiment cool quand on le connaît un peu.
— Je ne sais pas si j'aurais dit "vraiment cool", mais j'avoue que je m'étais trompé sur lui, soupira Kanon.
Au cours des dernières semaines, le Français était devenu un membre essentiel du comité d'organisation du vernissage de la collection Zodiaque. Son efficacité et ses suggestions toujours pertinentes lui avaient valu d'être systématiquement invité à toutes les réunions, y compris lorsqu'elles n'avaient rien à voir avec la photo. Il avait rapidement gagné le respect de Marine et Saga. Mu et Aphrodite étaient surpris par le temps et l'énergie que Camus investissait dans ce projet. Quant à Kanon, il avait bien été forcé de se rendre compte que Camus n'était pas aussi fade et coincé qu'il le croyait. Il en était même venu à apprécier son intelligence vive, son humour pince-sans-rire, son maniement habile de l'ironie et son sens de l'auto-dérision. Finalement, ils avaient des points communs…
Et il voyait beaucoup mieux ce qui pouvait attirer Milo chez lui.
Parce que Milo était attiré, il en aurait mis sa main au feu. Les deux hommes avaient développé une vraie complicité, comme venait de le montrer le dernier échange. Et le visage de Milo s'illuminait quand Camus entrait dans une pièce. Bien sûr, Milo n'avait jamais été avare de ses sourires, mais là, il y avait juste quelque chose de différent. Quelque chose qui n'était ni purement amical, ni vraiment sexuel. Kanon était bien placé pour le savoir, lui qui recevait régulièrement les deux types d'attention de la part du tatoueur.
Il décida de continuer la pêche. Foutu pour foutu…
— Je veux dire, il est intéressant, c'est clair. Et beau gosse, n'importe qui le reconnaîtrait.
Milo plissa les paupières.
— Il t'intéresse ? Parce qu'il est très discret, mais rien ne laisse soupçonner qu'il ait quelqu'un donc y a peut-être moyen…
Kanon leva les yeux au ciel. Milo pouvait être d'un pénible, quand il s'y mettait…
— Mais non, abruti ! Beaucoup trop androgyne pour moi. Tu devrais quand même bien connaître mon genre, depuis le temps.
— Il n'est pas androgyne, juste fin et élégant.
— Voilà! C'est là que je voulais en venir. Tu l'aimes bien, et visiblement il te plaît. Ça pourrait… être une option, non?
Milo ouvrit des yeux comme des soucoupes. Visiblement l'idée ne lui avait même pas traversé l'esprit. Triple idiot.
— Une option de quoi?
Kanon s'obligea à boire une gorgée de son cocktail. Calme, patience et encore calme…
— J'en sais rien, mec. Mais il passe des heures à te photographier sous toutes les coutures, ça serait quand même propice! T'as jamais couché avec lui ?
— Couché avec lui ?
Kanon ricana intérieurement. S'il avait su que Milo ferait cette tête, il aurait dit un truc pareil bien plus tôt. C'était trop drôle.
Son ami finit par reprendre ses esprits.
— Mais t'es complètement con ? Pourquoi je ferais un truc pareil ?
— Parce que tu l'aimes bien et que…
Milo l'interrompit et se mit à énumérer sur ses doigts.
— Un : s'il fallait que je couche avectous les mecs que j'aime bien et qui me plaisent un peu, j'aurais pas fini…
— C'est marrant parce qu'en fait, j'ai l'impression que c'est exactement ce que tu fais…
Oups. Le regard meurtrier. Même à lui, il lui foutait les boules.
— Deux : Camus est mon colocataire et mon ami…
— C'est pas exactement la définition de Dite, aussi ?
— La dernière fois qu'on a couché ensemble, on était étudiants ! Y a prescription !
— Et Mu, alors?
Milo le fusilla du regard.
— On avait fumé avec le pote herboriste de Dite, et c'était pour le consoler d'un râteau! Ça compte pas!
Il reprit son décompte sans laisser à Kanon le temps de répliquer.
— Trois : c'est pas du tout le style de Camus…
— Qu'est-ce que tu en sais ? T'as dit qu'il était discret.
— Quatre : je sais où tu veux en venir, mais c'est absurde. Même s'il se passait quelque chose avec Camus, il n'y a aucune raison pour que ce soit différent de l'habitude.
— Et pourquoi pas ? Il n'est pas comme Dite ou comme moi, tu ne vas pas dire le contraire. Alors qui sait, tu pourrais avoir envie d'autre chose avec lui ?
— Justement, Kanon. Je n'ai pas envie que ce soit différent.
Toute trace de malice avait quitté le regard de Milo, et Kanon n'aimait pas le ton sérieux de sa voix. Ni la façon dont ses doigts se crispaient sur son verre. Il savait reconnaître quand il était allé trop loin.
Il leva les mains au ciel.
— Ok, ok… Aucune chance d'histoire croustillante avec le beau rouquin, j'ai bien compris ! Et au final, c'est tant mieux, parce qu'il y a déjà bien assez de guimauve par ici.
— Je devrais peut-être dire à Dite que tu souffres de ta solitude…
— Pitié, non !
Kanon surjouait à peine l'horreur pour achever de détendre l'atmosphère. L'idée d'un Dite fixé sur l'objectif de lui trouver une âme sœur était proprement terrifiante.
— Tu ne recules vraiment devant rien.
— Moi ? Je me préoccupe de ton bien-être affectif. C'est bien le rôle d'un ami, non ? répliqua Milo, une expression angélique peinte sur le visage.
Ok, il l'avait bien mérité.
Mais on ne lui enlèverait pas de la tête que Camus n'était décidément pas comme Dite et lui. Pas pour Milo.
Merci de m'avoir lue! Petite traduction des emojis en cas de besoin:
Emoji rose: Aphrodite
Emoji dragon: Kanon
Emoji étoile: Mu
Emoji gant de boxe: Aldébaran
Emoji renard: Camus
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