Mes amours : Vous m'avez bouleversée.
J'ai pas d'autres moyens de le dire, en vrai. C'est absolument incroyable et extrêmement émouvant que d'avoir tant de retours de la part de lecteurs dont je ne soupçonnais pas du tout l'existence, ni votre enthousiasme par rapport à cette fic. J'ai lu vos reviews avec les larmes aux yeux de VOIR que cette fic était vraiment appréciée, genre pour de vrai, que ce n'était pas des misclick et des erreurs.
Merci infiniment d'avoir prit de votre temps pour m'encourager et me laisser un petit mot, vous lire a été incroyable (on se répète Tasha) et je ne pourrais sans doute pas exprimer à quel point c'était important pour moi. À quel point ça m'a littéralement foutu dix tonnes de motivation dans les veines et de pure rage pour finir cette fic et surtout, surtout, NE PAS VOUS DECEVOIR !
J'espère pouvoir continuer à vous lire, les habituels revieweurs et les Lecteurs de l'Ombre (Merci Milie pour ce titre adorable) et surtout à échanger avec vous mais même si ce n'est pas le cas, du fond du coeur : Merci. Vous êtes extraordinaires.
Bon, ma petite minute émotion est passée (est-ce que j'ai possiblement épinglé vos reviews sur mon bureau pour me souvenir que des gens me lisent vraiment ? Possible XD), je vais vous laisser avec ce nouveau chapitre ^^.
J'espère et croise fort les doigts, comme toujours, que cela vous plaira. Je suis désolée qu'il n'y ait pas de smut dans celui-ci (Qui aurait cru qu'essayer d'écrire une vraie fic avec un vrai scénario impliquerait moins de porno ? Pas moi. Je sais. Je mérite ma stupidité)
Chapitre 6 : « POUR ME FAIRE BOUFFER ET PUIS QUOI ENCORE ?! »
« Tu veux ton café ? »
« Shhh, ta gueule. »
« Mais Kacchan... »
« Ta. Grande. Bouche. »
Izuku reposa avec soin le café sur la table basse, voulut tapoter le bras de Kacchan pour le réconforter et se retint in extremis devant le frémissement contenu qu'il perçut chez le blond. Bien entendu, c'était quand leur meilleur ami maîtrisait son ton qu'il fallait prendre des pincettes et il l'abandonna à sa contemplation effarée du loup-garou, trop perdu dans une incompréhension douloureuse pour entamer une discussion.
Dans le bureau fermé à double tour, Prince Carnage pleurnichait, dûment mis en sécurité pour sa propre santé cardiaque, Eij étant tout à fait capable de défoncer la porte – ou le mur – d'une pichenette. La pauvre bête devait avoir perdu dix années d'espérance de vie, tant elle avait eu peur et il se promit in petto de payer ses trois prochaines visites vétérinaires qui n'aboutiraient sans doute qu'à le gaver d'anti-dépresseur et anti-stressant. Kam serait ra-vi.
« Donc ça… ça, c'est Eij ? »
« Exactement. »
« Un loup géant. »
« Un loup-garou. »
« Un loup-garou. » se reprit bien volontiers Kacchan, d'une voix maladivement faible qui faisait peine à entendre et le vert soupira en se posant lourdement à côté de lui, cherchant le meilleur moyen de le distraire sans trouver la plus petite idée.
« Tu… tu veux ton café ? »
Dans l'espoir de le sortir de sa stupeur, Izuku lui tendit à nouveau le mug de café agrémenté d'un demi-sucre exactement, selon ses goûts, un sourire encourageant sur le visage tandis que Kacchan se murait dans un silence atterré en prenant la tasse à l'aveugle. Il y avait du progrès, indubitablement.
Kacchan avala d'une traite le liquide sous le regard consterné de son meilleur ami et finit par s'accrocher à son mug - à son effigie, s'il vous plaît - comme si sa vie en dépendait. Réfrénant l'envie de soupirer une fois de plus, Izuku se rencogna contre le dossier déglingué du canapé pour attendre patiemment que le choc reflue. Ça viendrait.
En attendant, Eij ne l'aidait pas beaucoup, allongé sur le sol en train de mâchouiller la bandoulière du sac de Kacchan, miraculeusement encore intacte : sa transformation ressemblait beaucoup à celle du premier soir, bien plus loup qu'humanoïde, en dehors des articulations, de la taille et tutti quanti. Ça prouvait donc qu'une palette de nuances était possible, dans cette étape de métamorphose, mais savoir quand, comment et pourquoi ça s'activait, bernique. Sûr et certain qu'Eijirô lui-même ne savait pas comment actionner la chose. L'émotion et les hormones y afférent devaient jouer un grand rôle, puisque toutes les transformations y étaient liées, d'une manière ou d'une autre : peur, désir, joie, colère… Là, c'était bête comme chou, le loup n'avait pas apprécié du tout l'intrusion de Prince Carnage sur ce qui était vraisemblablement son territoire et vu que le chien n'avait pas eu l'intelligence de se soumettre, ça avait fini en cata…
« Depuis combien de temps ? »
« Pardon ? »
« Combien de temps ? » réitéra Kacchan avec ce même regard vide et le même espoir que son mug le sauve miraculeusement de là.
« Heu… deux semaines ? Maximum. »
« Vous nous le cachez depuis deux semaines ? »
« On vous l'aurait caché bien plus longtemps sans Prince Carnage, crois-moi ! C'est déjà bien assez dangereux comme ça. »
« Pourquoi ? »
« Tu les as entendus, à la réunion, ils ont carrément mis tous les pro-héro sur le coup... J'avais aucune envie de vous mêler à ça. Eij non plus. »
« Et… » recommença Kacchan, puis son esprit reboota sur l'information qu'il n'arrivait pas à processer, la faute au machouillage accentué en face de lui. « Et ça, c'est Eij ? »
Izuku se retint de lever les yeux au ciel. Après tout ils auraient pu y aller bien plus en douceur sur une annonce de ce type qu'en laissant Eij exhiber l'entièreté de sa panoplie dentaire redoutable de tueur à trois centimètres du nez de Kacchan, de bon matin, après avoir terrorisé son chien-adoré. Patience et diplomatie.
« Oui Kacchan. »
« Il est grand, hein ? »
« Trois mètres. »
« Non. »
« Ben… si ? »
« Je te crois pas. »
« Mais… Que tu me croies ou pas, on s'en fout, il fait bien trois mètres de haut. »
« Je te crois pas. » recommença Kacchan, qui réfutait bien plus la réalité du loup-garou que la parole d'Izuku, son esprit si férocement accroché à une rationalité broyée par le loup qu'il en devenait irascible. Ce n'était pas faute d'avoir vu le loup debout, puisqu'il s'y était frotté de fort près sur sa table, mais ça offrait une échappatoire salutaire à sa panique et puisqu'il fallait en repasser par là, Izuku se releva en laissant le blond enfoncé dans le canapé.
Il passa par la cuisine y attraper une knacki dans le frigo, escalada en trois mouvements peu gracieux la table, sous l'air interrogatif de Kacchan et d'Eijirô, à qui il montra clairement la saucisse. La truffe huma l'air avec gourmandise tandis que la lanière mordillée tombait sur le sol, agrémenté d'un grognement dépité quand le loup vit son fiancé lever le bras le plus haut possible. Et il retourna mâchouiller son sac.
« Allez mon cœur, aide-moi un peu sur ce coup. »
Eij lui retourna un regard de reproche moqueur, sans doute amusé par la posture ridicule d'Izuku perché sur sa table, bras en l'air, tout en regrettant visiblement le subterfuge pour le faire se lever. Tout ça pour une knacki. Une seule.
« C'est pas comme si tu me laissais beaucoup de choix, là. Bouge ton cul poilu et viens remontrer à Kacchan, s'il te plaît. »
Avec un soupir agacé, le loup se redressa, passa tranquillement devant un Kacchan si médusé qu'il s'en raccrocha de plus belle à sa tasse, puis joua le jeu jusqu'au bout en se relevant sur ses pattes arrière et atteindre, sans avoir besoin de tendre le cou, la knacki. Une seule bouchée plus tard, il léchait les doigts d'Izuku, si dépité de cette si faible friandise que le vert s'excusa :
« Désolé, c'était juste pour montrer… Y'a le reste du paquet dans le frigo, si tu veux. »
Pas fâché pour trois sous, Eij lui mordilla délicatement le menton pour l'en assurer, ajoutant une léchouille qui remontant jusqu'aux lèvres d'Izuku et ce fut ce détail qui fit définitivement éclater la stupeur de leur meilleur ami.
« DIS DONC ! »
Sur eux en trois enjambées, Kacchan repoussa doucement, mais fermement le loup, qui le laissa faire avec un tranquille étonnement transformé en grondement d'avertissement quand le blond attrapa le haut du t-shirt d'Izuku et le tira vers le bas, dévoilant sa collection de morsure, bleu et griffures en tout genre.
« T'as couché avec un loup-garou ?! »
« Ba oui, c'est mon amoureux quand même... »
« Mais, mais c'est un loup-garou ?! Oh, tais-toi toi, je vais pas baiser ton mec, je l'ai déjà fait y'a bien longtemps ! » ajouta Kacchan à l'attention de la double rangée de crocs à sa droite, sourcils froncés et air indigné sous les mèches blondes, subitement indifférent à la différence de taille comme à celle des dents le menaçant. Son aplomb rebiffé de colère plut visiblement à Eij, assez pour qu'il tente de lui refiler une léchouille et qu'il se fasse repousser à grands cris outragés :
« Nan mais hé, c'est fini oui, je suis pas ton mec, tu me bisouilles pas, enfin ! »
« Et moi qui croyais que c'était le côté loup qui te gênait… »
« Je m'en bats les reins qu'il soit devenu une boule de poil géante et baveuse, tant qu'il essaye pas de me récurer l'intérieur de la bouche avec sa langue ! »
« Oh, on s'y habitue. »
L'expression scandalisée de Kacchan était divine, Izuku regretta amèrement que Kam n'ait pas pu voir ce chef-d'œuvre d'incrédulité choquée, il explosa de rire en essayant de ne pas se casser la gueule. Il riait encore quand le loup le déposa doucement sur le sol, préférant sans doute que son minuscule humain soit en sécurité les deux pieds sur terre plutôt que sur une table bancale, surtout vu l'indignation de Kacchan. Lequel repartit au quart de tour :
« Mais gros, tu baises pas avec un loup-garou, c'est à la limite de la zoophilie ça, enfin ! »
« Traite-le encore d'animal, pour voir, tu reviendras me faire une dissertation sur la légalité des relations charnelles monstres-humains avec ton bras en moins. » siffla Izuku, tandis qu'Eijirô claquait des crocs à l'attention de Kacchan pour marquer son approbation et ravaler dans la gorge du blond toutes remarques à ce sujet.
Izuku n'était pas totalement certain que son fiancé ait tout compris, sous cette forme, mais l'air mi-figue mi-raisin de Kacchan, qui ne savait pas trop quoi dire, était bien trop savoureux pour qu'il se permette la moindre réflexion. Il pourrait peut-être apprendre à Eijirô à faire ce genre de chose sur commande, histoire d'épater un peu plus leur meilleur ami, mais pour l'heure, il avait d'autre problème sur le feu.
« Sans épiloguer sur son statut juridique... Deku, t'as vu la taille de ce truc ? Comment ça se fait que tu sois encore en un seul morceau ? »
« Honnêtement, je me demande moi-même. »
« Attends, le canapé, c'était... » osa demander Kacchan, sans achever sa question qui n'en avait pas de toute façon pas besoin, vu la manière dont son regard faisait des allers-retours éloquents entre le canapé détruit et Izuku. Qui décida de passer à la vitesse supérieure, histoire de lui clouer le bec une bonne fois pour toutes :
« Tu sais, tu peux le dire si tu veux regarder, je te fais une place pour ce soir dans un coin de la chambre ! »
« Mais ça va pas ! »
« Ba je sais pas, ça fait déjà dix minutes qu'on parle de notre vie sexuelle, si tu veux tant que ça des infos, vient regarder, que veux-tu que je te dise ?! »
« Je demande parce que je suis inquiet ! »
« Ton meilleur ami se fait baiser ton autre meilleur ami, rien de nouveau ! »
« Ha ba non, rien de nouveau, en effet, à part que le meilleur ami en question est devenu un PUTAIN de loup-garou ! ET POURQUOI C'EST UN LOUP-GAROU D'ABORD ?! »
Et devant Izuku qui haussa les épaules en levant les mains, le tout assorti d'une moue éloquente, Kacchan perdit la dernière miette de patience qui lui restait :
« MAIS COMMENT ÇA TU SAIS PAS ?! »
« Mais, mais, mais je sais pas, je vais pas te mentir, je sais pas, je sais pas ! »
Il vit exactement le moment où la formation professionnelle de Kacchan reprit le dessus, juste après qu'il ait brièvement pincé l'arrête de son nez en soupirant. Il souffla un bon coup pour chasser l'angoisse colérique si caractéristique de sa personne et reprendre un ton posé, presque patient :
« Tu me racontes depuis le début ? »
« Si tu te rassois sur le canapé. »
« Deal. »
Kacchan réinstallé et ravitaillé en café, presque à l'aise face à Eijirô rallongé sur le sol, Izuku entama bien volontiers le compte rendu. Il commença bien entendu par le soir où Eij était revenu complètement laminé de sa mission, foutant du sang partout avec sa morsure dégueulasse qui avait guéri en moins de douze heures et le médecin absolument à côté de la plaque qui n'avait rien vu, rien voulut chercher et d'ailleurs, ils devraient effacer le dossier d'Eij s'ils voulaient continuer à dissimuler le roux et... »
« Izuku. Respire. Reprends à partir du médecin, s'il te plaît. »
Il essaya, vraiment. Il raconta le rendez-vous, les conclusions aux fraises, le reste de la semaine compliqué. Kacchan haussa un sourcil dubitatif lorsqu'il aborda les péripéties culinaires et fringales monumentales, sourcil rabaissé d'un bref coup d'œil vers la masse d'Eijirô qui justifiait à elle seule un tel appétit. Les tiroirs arrachés, les pots de verre brisés, les reniflements, Izuku prit la peine de tout détailler, d'expliciter à quel point Eij s'était mis à tout sentir, tout examiner du bout de la truffe. Il n'épargna aucun détails de la première transformation et de sa pure terreur face au loup-garou, s'attirant une mine éloquente de la part du blond, qui partageait visiblement son sentiment sur l'effet que faisait Eij, au premier abord.
Puis vint l'hôpital.
« Vous êtes partis tout seuls à l'hôpital ? Eij comme ça ? »
« Mais que voulais-tu qu'on fasse d'autre ? »
« Nous appeler ! »
« Kacchan, tu m'aurais ri au nez, si je t'avais appelé à deux heures du matin ! « Oui, salut Kacchan, heu, tu pourrais passer s'il te plaît, Eij est devenu un loup-garou » ? »
« Jamais de la vie ! »
« C'est qui, qui ment à l'autre, maintenant ? »
Le claquement désabusé de langue de son meilleur ami clôtura l'échange d'un aveu sans équivoque et il reprit avec l'espoir de faire passer son point de vue :
« Même si j'avais pu vous l'amener, je ne l'aurais pas fait. Je ne savais pas quelles seraient ses réactions face à d'autres personnes et surtout, je voulais récupérer mon mec au plus vite, alors je me suis dit qu'une visite chez le médecin spécialiste des effets résiduels d'alter... »
« Le même pignouf qui vous avait claqué « tout va bien » lors du premier rendez-vous ? »
« Yep. »
« Et vous êtes passés par le toit, pour éviter le parking, les journalistes, les étudiants et les caméras de surveillance ? Sans vous douter que quelqu'un vous verrait forcément ? »
« Hey, c'était l'idée d'Eijirô, pas la mienne ! » réfuta Izuku, un brin vexé de l'air perplexe de Kacchan face à ce plan bancal qu'il avait osé lui attribuer. « Et j'avoue qu'avec sa vitesse, c'était la meilleure option, d'ailleurs on ne s'est pas fait prendre durant la course ni le saut, mais après, quand on s'est... »
« Le saut ? »
« Eij a sauté... je dirais... Une centaine de mètres. Quelque chose comme ça. Avec moi sur le dos et un peu d'élan, mais une telle facilité, il a littéralement volé entre les immeubles pour atterrir sur le toit de l'hôpital. »
Kacchan accusa le coup, en une vague d'incrédulité visiblement étouffée alors qu'il posait à nouveau le regard sur Eijirô, détaillant comme Izuku l'avait fait des jours avant, la musculature, la masse, les articulations et les mouvements, si redoutablement efficaces. Organisme parfait à l'efficience inégalable.
« Admettons. Et vous êtes rentrés par l'entrée de service ? »
« Oui. Bon, il a fallu que je cajole Eij cinq minutes pour qu'il accepte de descendre les marches, parce que crois-le ou non, mais cette espèce de peluche géante a eu peur d'un putain d'escalier et - Ho, gronde pas comme ça, tu peux bien te faire charrier deux minutes ! »
« Nan, mais moi je crois qu'on devrait respecter les souhaits du truc baveux plein de dents, laisse tomber l'histoire de l'escalier, tu me la raconteras plus tard. » taquina Kacchan, presque plus du tout intimidé face au grognement agacé qui dévoilait les crocs gigantesques, mauvaise humeur retroussée sur les babines en fausse réprimande, démentie par l'éclat joyeux dans le regard vermillon du loup. Presque.
« Bref, on est descendu au dernier étage et j'ai dû bouger une caméra pour permettre à Eij de passer en dessous, rien qu'une mais qui a suffi, visiblement, à nous trahir.. Enfin on a essayé de descendre par l'ascenseur, Eij a refusé catégoriquement alors on a pris les escaliers parce que d'un coup, ça posait plus aucun soucis, apparemment, comme par magie et là ça a vraiment merdé, parce qu'on s'est retrouvé coincés par des infirmiers qui montaient au dernier étage et on devait vraiment, mais vraiment foutre le camp et les étages étaient tous saturés de visiteurs. Et on sait pas exactement ce qui déclenche ou pas, je crois que ça a rapport avec les émotions ou peut-être les intentions, à moins que ce soient les hormones en elles-mêmes, mais à ce moment-là, ça voudrait dire qu'on pourrait contrôler avec peut-être des médicaments ou des régulateurs hormonaux... »
« Abrège chaton, je sature, là... »
Que Kacchan use du petit surnom de Kam pour lui à ce stade était signe que sa patience était au bout du rouleau et Izuku glissa diplomatiquement sur cette confusion protocolaire pour reprendre son récit d'un ton militaire un brin plus construit :
« On a pris l'ascenseur pour descendre, il s'est coincé en raison de la surcharge. Un des néons s'est mis à clignoter et ça a enclenché le processus de transformation arrière, sans doute une surcharge visuelle ou un truc du genre… Se retrouver avec Eij nu et paniqué dans un ascenseur en plein hôpital, c'était pas le top, mais j'étais tellement heureux que j'ai pas vraiment assuré nos arrières. On s'est fait pincer par un des journalistes, tu sais, ceux qui zonent autour du complexe hospitalier ? » et devant le hochement sec de tête du blond, il enchaîna : « J'ai paniqué, j'ai attrapé son tel et refermé la porte de l'ascenseur. Et possiblement froissé le linteau au passage. Du coup, on était coincé, Eij nous a dépiauté la trappe de secours en haut de la cabine et on est sorti par l'étage supérieur. Je t'épargne les détails, mais on a réussi à sortir avec l'aide de deux blouses volées et des charlottes plastiques. »
« La trappe de secours ? »
« Oui. »
Kacchan fit immédiatement le même rapprochement que lui, comparant son récit et les photos de la cage d'ascenseur explosé comme un fruit mûr que le QG leur avait fournis. Sur son visage s'étoila la réalisation du mensonge, de la manipulation, la possibilité infime, mais tenace que cette tactique était habituelle et la recherche d'affaires passées qui auraient pu être « bidouillées » de la sorte, avec tout le dégoût et la révolte qu'Izuku avait lui-même ressenti lors de la réunion. C'était trop gros pour être vrai, trop tiré par les cheveux pour être réaliste et il s'apprêta à expliquer, jurer sur le petit doigt et prouver par il ne savait quel moyen que l'agence nationale avait menti. Peut-être en retournant sur les lieux, en regardant s'il s'agissait d'un montage ou en interrogeant les employés de l'hôpital.
Et puis Kacchan, dans toute son amitié bourrue, pétri d'amour pour ses proches :
« Bon. On fait quoi maintenant ? »
Le blond rougit un brin sous le regard surchargé de reconnaissance et de soulagement qu'Izuku lui lança. Il n'y avait nul remerciement suffisant pour cette amitié et de toute manière, il n'avait aucune envie de toucher de quelques manières que ce soit à ce cadeau de son meilleur ami, qui n'avait pas réfléchi ou hésité une seconde avant de s'inclure dans leur problème. Et qui les avait crus, quand bien même il était difficile d'encaisser une rencontre avec un loup-garou et une explication de cet acabit.
Izuku chassa le nœud de sa gorge d'un raclement, pendant que Kacchan faisait mine de ne pas remarquer son émotion et il bafouilla pour reprendre le fil de la conversation :
« Je sais pas... Eij a toujours refusé d'aller consulter les médecins, ça me gonflait, mais maintenant je suis tellement soulagé qu'il ait eu cet instinct-là... »
« Il a eu du flair. » cracha Kacchan et sous le regard noir d'Izuku, il ne put s'empêcher de glousser. « Désolé, j'étais obligé ! »
« Et dire que tu te permets de critiquer Kam pour ses blagues ! »
« Laisse mon mec en dehors de ça. » Et puis, après une seconde de réflexion, il leva un doigt. « On laisse Kam en dehors de ça. C'est non négociable. »
« Kacchan, c'est ton mec, c'est notre meilleur ami. On voulait vous protéger de ça, mais maintenant que tu sais, c'est pas juste qu'il soit laissé à part... »
« J'ai dit non. »
« Il est parfaitement capable de garder un secret... »
« Tu crois que je pense qu'il est incapable de garder un secret ? » Kacchan eut un reniflement amusé au possible, un truc mauvais qui tira une grimace à Izuku. « Je t'en prie, ne m'insulte pas ! C'est le meilleur dissimulateur de connerie de nous quatre ! Une vraie tombe, j'en veux pour preuve que t'as toujours pas réalisé qu'il t'a menti comme un arracheur de dent pour ta figurine d'All Might Collector Plus Ultra ! »
« Celle qui a été cassée par Prince Carnage ? »
« Et qui t'a sorti cette fable ? »
Izuku accusa le coup une seconde, durant laquelle Eijirô émit un son qui pouvait s'apparenter à un aboiement moqueur, sur son sol et le vert explosa :
« JE LE SAVAIS ! Je savais qu'il l'avait cassé et qu'il osait rien me dire, saloperie ! »
« Deux fois raté ! » s'esclaffa le blond, savourant beaucoup trop l'incrédule décomposition des taches de rousseur de son meilleur ami, pas ralenti dans son rictus pour trois sous : « C'est moi qui l'ai pété, ta figurine. J'ai foutu un coup de coude dedans et Kam me l'a recollé en me disant de fermer ma gueule et qu'il s'occupait de tout. »
« Mais... »
« Et t'as tout gobé, son air désolé, ses excuses de maître penaud face à la connerie de son chien, jusqu'à la manière dont il t'a fait son numéro de charme sur le « ciel et terre remués pour t'en retrouver une, promis, craché, juré sur le petit doigt »! »
« Mais vous m'avez menti... »
« Non mais dis donc, c'est l'hôpital qui se fout de la charité là, Môssieur Je-baise-un-loup-garou ! »
« Arrête de revenir là-dessus ou je te jure, je te menotte aux pieds du lit la prochaine fois ! Non, ne dis pas ce que tu vas dire. » rajouta-t-il aussitôt en voyant l'air moqueur de Kacchan, trop tard pour l'arrêter :
« Chiche. »
« Tu devrais pas dire un truc pareil devant Eij. Tu pourras t'en prendre qu'à toi-même. » glissa Izuku, savourant la revanche délicieuse que c'était, de voir Kacchan évaluer d'un rapide coup d'œil le sérieux de la menace. Et le loup de lui adresser le clin d'œil le plus salace qu'un loup pouvait faire, avec un sourire qui lui retroussait le museau d'amusement.
« C'est à se demander s'il comprend vraiment pas tout ce qu'on dit, l'animal. »
Eij montra les crocs, désabusé, avant de les passer dans le pelage de sa patte avec habilité, ce qu'Izuku catalogua automatiquement comme un comportement purement canin d'auto-nettoyage. Et cette saloperie qui l'avait laissé le schampouiner sous la douche.
« Je sais très bien que Kam garde les secrets mieux que personne, » reprit Kacchan, complètement décousu et Izuku remercia le ciel que son air perdu soit occulté par l'ébrouement en règle d'Eijirô. « alors n'insinue pas que c'est parce que je n'ai pas confiance en lui ! »
« Du coup, je ne vois pas de raison de le laisser à l'écart ! Il a le droit de savoir. »
« Izuku, on laisse Kam en dehors de ça. On a déjà la preuve que le gouvernement veut terriblement la peau du loup, enfin d'Eijirô, assez pour mentir, claquer le meilleur photomontage possible, déployer tous les pro-héros de l'Est de la ville sur cette mission. Ils sont sans doute prêts à faire des tas d'expériences pas très réglementaires sur lui s'ils l'attrapent et je veux même pas imaginer ce qu'ils vont nous faire à tous les deux pour l'avoir dissimulé. On va se retrouver au tribunal, ça tu peux en être sûr et certain, peut-être même en cours martial… Bref, je m'en fous en ce qui me concerne, mais il est hors de question que je fasse courir ce risque à Kam. Jamais. »
Y'avait du grondement, dans son ordre, quelque chose qui rendait impossible de questionner son amour infini pour Kam dans la férocité avec laquelle il posait cette condition sine qua none et Izuku regretta pour la seconde fois en très peu de temps que Kam ne soit pas là. Ou qu'il n'ait pas sorti son téléphone pour filmer tout ça.
Et il était très mal placé pour s'opposer à cette demande, lui qui avait dissimulé Eij spontanément pour ne surtout pas les mettre en danger :
« D'accord. Je persiste et signe, c'est une connerie, mais je respecte ton choix. »
« Merci. Du coup, on fait quoi ? »
« Si je savais… J'ai pensé à faire quelques recherches, mais j'ai trop peur qu'on fouille mon historique ou qu'on vérifie les ouvrages que j'ai consultés… »
Kacchan réfléchit une seconde, durant laquelle il essaya de siroter un café déjà avalé depuis longtemps, au point qu'Izuku lui ôta délicatement la tasse des mains pour aller le resservir. Il était à la moitié de la tasse quand un frisson de mauvais aloi interrompit net son geste :
« Tu vas pas aimer. »
« Alors, ne me dis rien. »
« Tu vas aller chercher les infos au QG. »
« J'ai dit que je ne voulais rien savoir. »
« Nan mais écoute-moi trente secondes avant de te braquer, j'ai un plan – et toi arrête de mâchouiller ma bandoulière, s'il te plaît, tu vas me la couper d'un coup de molaire ! Oui, c'est à toi que je parle, oui ! » relança Kacchan au loup, qui lui abandonna la courroie sur le sol pour s'occuper à fouiner dans ledit sac d'un museau habile.
« T'as encore caché des clopes là-dedans ? »
« Une seule, dans la poche intérieure à droite, et pourquoi tu demandes ? »
« Pour rien. T'es stressé ? »
« Izuku, tu as un loup-garou dans TON salon et TU me demandes si MOI je suis stressé ? »
« Aux dernières nouvelles, je suis pas celui qui a envisagé de se fiancer pour résoudre ses problèmes de couple. »
Kacchan tressaillit et Izuku se maudit de n'avoir pas su tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de lancer cette pique, peut-être bien trop fraîche et bien trop ajustée pour l'occasion et il s'excusa aussitôt :
« Pardon Kacchan, je voulais te taquiner et c'est clairement pas le moment, ni la manière de faire, je suis désolé. »
« Non, mais je l'ai mérité, j'avoue.. Bon, mon plan, » balaya le blond avant qu'Izuku n'ait pu le reprendre sur la première partie. « Tu vas aller chercher les infos au QG, tu vas te pointer avec ta plus belle gueule d'ange et moue innocente et tu leur claques le meilleur mensonge de l'année : tu fais des recherches sur les alters transmissibles parce que tu comptes leur ramener le loup géant. Avec papier-cadeau et option ruban de merde sur le cadeau. »
Immédiatement, l'esprit d'Izuku analysa le rapport avantage-inconvénient du mensonge, tout à fait plausible, quoi de surprenant de la part d'un pro-héro que de s'informer sur une mission, quoi de plus sensé de la part de l'héritier d'All-Might de sauter sur toutes les opportunités pour protéger le pays ? Et quoi de plus normal pour Izuku Midoriya que de faire des recherches ?
Bien sûr, il serait clairement affiché comme recherchant le loup, ce qui allait demander de jouer serré pour récolter d'éventuelles informations d'autre pro-héros, peut-être plus enclins à garder leurs tuyaux plutôt que de les refiler à quelqu'un disposant de plus de moyens humains comme financiers pour retrouver leur proie commune. Mais ce job-là, Kacchan pourrait le faire.
« Ok. Je me rends aux archives nationales dès cet après-midi ! Et toi, pendant ce temps ? »
Le sourire carnassier de Kacchan aurait pu faire concurrence aux crocs d'Eijirô, qui redressa très à propos le museau du sac pour écouter le blond cracher, ravi :
« Moi je me charge de voir ce que la boule de poil a dans le ventre. »
La lumière de l'écran lui arrachait les rétines de fatigue et il était sûr d'avoir les plus beaux cernes du monde, à concurrencer Shinsô, sans que ça ne change quoi que ce soit à l'entêtement de l'ordinateur en face de lui : fichier non retrouvé.
Izuku soupira en s'étirant, une contracture dans la nuque qui le rappela à l'ordre lorsqu'il essaya de tendre un peu plus son dos, lui faisant abandonner le mouvement en plein milieu, de toute façon trop absorbé par le mystère des fichiers des archives. Qui lui résistaient férocement.
Pourtant, ça avait bien commencé, avec un sourire aux agents d'accueil qui avaient gobé le mensonge concocté par Kacchan aussi facilement que des bonbons, lui accordant même le luxe de venir se servir dans leur cafetière s'il en avait besoin. Accéder aux documents et livres tout public, ça avait été aussi simple qu'une plaisanterie légère, donc.
Les documents classifiés, une autre paire de manche. Aizawa-sensei l'avait longuement regardé, de haut en bas, de long, en large et en travers, pour essayer de déterminer ses raisons, faisant suivre cet examen dans les règles de l'art par une question précautionneuse :
« Rappelle-moi pourquoi tu veux l'accès aux dossiers classés ? »
« C'est que... il n'y a rien dans les archives accessibles au public et rien non plus dans les dossiers usuellement réservés aux professionnels. »
« L'idée qu'on n'ait pas plus d'info que ça, ça t'a déjà traversé l'esprit ? »
« Oui Aizawa-senseï mais... je voudrais essayer de voir si des informations peuvent se recouper. »
Le grognement de son professeur fut la seule réponse qu'il obtint alors qu'Aizawa le regardait plus intensément encore, cherchant à décrypter son soudain intérêt pour le loup géant qui agitait les pro-héros de rumeur en tout genre et d'une excitation malsaine. Face au sourire candide et à l'air assuré de son ancien élève, il avait fini par signer le document d'autorisation, non sans lui administrer un froncement de sourcil de mise en garde, seul geste assez discret qu'il pouvait glisser dans ce bâtiment lardé de caméra.
Par pur désir de préserver sa santé mentale, déjà bien mise à mal par la situation angoissante au possible, Izuku n'avait pas cherché à savoir ce que son professeur savait exactement. Il avait présenté le document au vigile, s'était attablé devant l'ordinateur dernier cri de la salle des dossiers classés et entamé ses recherches.
Depuis, il suivait tous les jours le même protocole rigoureux : il se levait à 5h, s'extirpait du lit avec l'envie de pleurer tant la chaleur d'Eij était difficile à abandonner, se rendait aux archives comme il pouvait, avalait deux cafés en compagnie des agents d'accueil qui se faisaient un plaisir de lui raconter les derniers potins, se rendait dans la salle avec son troisième café et commençait. Chaque évocation, chaque suggestion, chaque synonyme était analysé, suivi, remonté jusqu'au document d'origine, puis il élargissait sa recherche à l'ensemble des comptes-rendus rédigés par l'auteur jusqu'à épuisement des traces. Un travail de fourmi, titanesque, qui lui laissait le corps en miette, les yeux éclatés et l'envie de bazarder l'écran par la fenêtre.
Parce qu'absolument tout se soldait par un « fichier non retrouvé ».
Et ça, ça le foutait en sacrément en rogne. Parce qu'un fichier non retrouvé, c'était un fichier existant et effacé, ou dissimulé, pas un fichier inexistant. Il y avait un ou plusieurs fichiers, comptes-rendus ou fiche explicative, aucune idée, auxquels menaient toutes les putains de recherches qu'il faisait et il était dans l'incapacité d'y accéder.
Ting !
Dépité, il se pencha sur son téléphone, sourit en voyant l'écran afficher un sms d'Eij. Bien qu'un brin rêche :
« Tu viens ? »
« Bonjour mon cœur ! Quelqu'un s'est levé de mauvaise humeur ce matin ? »
« Ça fait deux jours que je suis de mauvais poil, donc au lieu de me taquiner, mon amour que j'aime, pourrais-tu me dire quand tu viens ? »
Il était vraiment de mauvais poil, indéniablement mais Izuku passa sous silence le léger sourire que lui valait cette image :
« J'arrive. Le temps de fermer l'ordi. »
Juste avant qu'il ne déconnecte la machine, le résultat de sa recherche le nargua un instant, englouti par la mort des pixels et pourtant, gravé sur ses prunelles lessivées de lumière bleue.
Fichier non retrouvé.
C'était le sixième échec de la matinée et ça commençait à bien faire. Il n'avait pas les compétences nécessaires pour hacker le système, ni les autorisations pour accéder aux documents et aucun moyen de récupérer celles-ci. Pour exiger un niveau de visibilité supérieur, il aurait dû expliquer pourquoi il les voulait et là, ça coinçait sévère.
Comment expliquer de manière convaincante que les témoignages étaient bidons ? Que les loups-garous ne « buvaient pas le sang de leur victime » ? Qu'ils n'étaient ni bête, ni animal, ni agressif de nature, tout dépendant de l'individu subissant la transformation ? À moins de balancer Eij, il ne pouvait rien dire et de fait, il n'avait aucune explication pour justifier son refus de croire au moindre témoignage.
Il ramassa sac et veste, fourra en vrac son carnet dans le premier et balança la seconde sur son épaule avant de ressortir de la pièce, saluer le vigile et descendre la volée d'escalier en colimaçon. En bas, il reposa son gobelet - à son effigie, comme Eijirô le lui avait fait remarquer avec un sourire en lui déposant le bento préparé par Kacchan à son attention une semaine auparavant - sur le comptoir, près de la machine à café. Et fila avant que les agents d'accueils ne le retiennent pour un brin de causette.
Une fois la voiture récupérée et leur repas de fast-food sécurisé sur le siège passager, il enclencha le dernier enregistrement audio récupéré ce jour, d'une adolescente ayant soi-disant entraperçu un des « loups géants » au détour d'une promenade dans le parc proche de son domicile :
« Au départ, j'ai cru que c'était juste un gros chien, mais c'était tellement, tellement plus gros ! Le grognement dans les buissons était très fort, presque un aboiement. J'ai crié et je crois que ça l'a effrayé, il est parti en courant sur ses deux pattes arrière, avec les bras inutiles devant lui et... heu... il avait les yeux rouge sang ! Je n'ai pas bien pu voir son expression, mais c'était te-rri-fiant ! On aurait dit un démon et… »
Izuku interrompit ce tissu de bêtise et remonta légèrement la piste pour réécouter le passage sur la description hasardeuse du loup-garou – courir sur ses deux pattes arrière ? Avec les bras inutiles devant lui ? La gamine avait dû voir un bête costume d'Halloween un peu mieux conçu que les autres et son témoignage collé là pour étoffer un dossier bien maigre par ailleurs.
« J'ai crié et je crois que ça l'a effrayé, il est parti en courant sur ses deux pattes arrière, avec les bras inutiles devant lui et... heu... il avait les yeux rouge sang ! Je n'ai pas bien… »
Là. Une intervention extérieure, une deuxième voix derrière la première, quelqu'un qui lui avait soufflé la suite sur les yeux rouges. Un murmure infime sur l'enregistrement, qu'il passa et repassa jusqu'à avoir la nausée. Sans succès, à part une bouillie de voyelles mâchées absolument incompréhensible, c'était inutile au possible, il n'avait pas l'ouïe nécessaire pour distinguer ce que la seconde voix disait, si tant est que c'était intelligible. « Putain de merde. »
Agacé, il jarta la piste mp3, souffla un bon coup en s'efforçant de ne surtout pas tenir compte du chauffard qui venait de lui faire un refus de priorité et lança sa playlist spéciale « bonne humeur » qui comprenait le plus d'horreur musicale possible. Vingt minutes plus tard, il se garait dans un parking en bordure de forêt, à l'extérieur de la banlieue de Tokyo, presque vide, à l'exception de la moto de Kacchan, rutilante comme à l'ordinaire et soigneusement cadenassée à un tronc. Avec une chaîne et deux antivols, rien que ça. Izuku joua une minute avec l'idée de casser un des antivols, juste pour le plaisir de voir Kacchan hurler à l'idée que quelqu'un ait pu tenter de voler sa précieuse bécane, abandonna aussitôt en entendant une explosion retentir, quelque part dans les arbres, suivit d'un rugissement typiquement Kacchanien. Ils étaient en forme.
Après trois jours d'intenses recherches, ils avaient fini par dénicher cet endroit, une vieille clairière qui avait dû être utilisée un jour pour abriter un terrain de foot municipal, peut-être et qui désormais n'était rien d'autre qu'un trou dans les arbres, de dimension convenable. Et parfaitement assez loin de la ville pour constituer le lieu parfait pour entraîner en secret un loup-garou tout aussi illégal.
Izuku débarqua en lisière de terrain au moment où le pied de Kacchan s'écrasait contre l'avant-bras d'Eijirô, comblant la différence de taille par une savante et calculée explosion au niveau des pieds pour pouvoir accomplir son mouvement. Astucieux, mais pas assez rapide pour les réflexes du loup : il para, glissa ses griffes sous le pied jusqu'à la cheville du blond et l'envoya valser sans effort à trois mètres, que Kacchan parcourut en gueulant sans s'arrêter. À peine avait-il touché le sol qu'il se redressait en furie, mains incandescentes et prêt à voler en retour dans les plumes d'Eijirô dans un bond qui se serait avéré prodigieux – sans le sifflement d'Izuku pour le figer net. Il secoua les mains pour éteindre les explosions en devenir, le temps qu'Eij bondisse vers lui, flouant sa transformation jusque-là très humanoïde et frotte son museau contre les mèches ébouriffées :
« T'as de la chance, boule de poil ! »
Eij répondit d'un grognement et d'un mordillement sur l'épaule de Kacchan, bavant allégrement sur son meilleur ami rien que pour le plaisir de l'entendre hurler de dégoût.
« Bon, les enfants, on s'amuse bien ? » taquina Izuku, soulagé de voir que ni l'un ni l'autre ne s'était blessé. C'est pas qu'il n'avait pas confiance, juste que la tonne de muscle d'Eijirô n'était certainement pas à prendre à la légère. Pas plus que la mauvaise humeur et la volonté de gagner de Kacchan, qui avait déjà roussi une partie de l'épaisse fourrure du loup pour en tester l'inflammabilité.
« Et toi, tu t'es éclaté avec tes écrans ? »
« J'aurais été plus utile en m'entraînant avec vous. »
Le loup effleura de la truffe la mâchoire d'Izuku, renifla intensément son col, la couture de son t-shirt, remonta sur ses boucles et finit par lui mordiller rapidement la main qui tenait les sacs de fast-food, visiblement affamé :
« Espèce de sac à merde, tu penses qu'à ta bouffe ! »
Un frémissement, sur le bout de la truffe, remontant le long de la nuque et des épaules jusqu'à ce que les oreilles se mettent à rapetisser, la fourrure à rebrousser et rebiquer tant et plus qu'en moins d'une minute, Eij lui saisisse le visage entre les mains pour lui planter un baiser sonore sur le front.
« Rien qu'à ma bouffe, en effet. » le taquina le roux, un sourire mutin aux lèvres qu'il reposa derechef sur celles d'Izuku, sans aucun effort pour dissimuler la très légère excitation qui s'imprima dans son souffle, coulant au creux de la gorge du vert à lui étreindre le cœur.
« PUTAIN MAIS PAS QUAND T'ES NU, ESPÈCE DE PERVERS EN PUISSANCE ! »
Un grondement échappa à Eij, qu'Izuku reprit aussitôt en lui lança le t-shirt et le short prévu à son attention, pour dissimuler la très légère tension de tissus de son jean, la faute à son mec :
« Allez beau gosse, j'ai faim, rhabille-toi ! Tu voudrais pas manquer mon super compte rendu, n'est-ce pas ? »
« Ha je suis ravi par avance… Laisse-moi deviner, tu as fait chou blanc du début à la fin ? »
« Tu pourrais être un peu plus gentil en le disant, mais oui. Chou blanc. »
Pas tout à fait, cela dit, et il entreprit de raconter par le menu les maigres conclusions de sa matinée de recherche, le temps qu'Eij engloutisse un de ses six burgers et que Kacchan entame vaillamment le sien, entre deux volées de jurons pour la sueur de ses mains qui nappait sa bouffe de nitroglycérine.
« Pour l'amour du ciel, mets tes gants ! »
« Pour que y'a du gras dessus après ? Non merci ! »
« Mais quel bébé… » s'amusa Izuku, en décidant de voler trois frites à Eij pour le taquiner de sa gloutonnerie empressée, si empressée qu'il était sûr qu'il n'avait rien entendu de ses remarques sur les fichiers inaccessibles et les modifications de témoignages, trop occupé à s'empiffrer de fast-food. Les dents d'Eijirô, subitement longues de six centimètres aux bas mots, claquèrent à quelques millimètres de ses doigts et il retira sa main avec un jappement indigné :
« Hé ! Mais ça va pas ?! »
« Pardon, je sais pas… je sais pas ce qui m'a pris… » grogna Eij, manifestement plus occupé à réfréner sa pulsion de possessivité qu'à en être réellement désolé. C'était si peu dans son caractère qu'Izuku conserva un mutisme choqué, incapable de trouver une explication rationnelle à tout cela et encore moins une réponse logique. Le haussement de sourcil inquiet et, il l'aurait parié, un brin nerveux de son mec le fit bafouiller, à moitié perdu :
« Je sais Eij, je sais. T'inquiète pas. »
Par-dessus le roux replongé dans son burger, il échangea un regard avec Kacchan, qui n'avait pas perdu une miette du spectacle. D'ordinaire, ce n'était qu'un grognement d'avertissement et éventuellement un coup de truffe ou de main pour éloigner le voleur, quand bien même ce voleur était Izuku le resservant, mais jamais Eijirô n'avait été si proche de le mordre. Pour trois frites.
« C'est normal ça ? » signa le blond dans le dos d'Eij, ne s'attirant qu'un haussement d'épaule en guise de réponse.
La sonnerie du téléphone, quelque part dans la poche de sa veste, détourna à merveille la conversation de l'agressivité surprenante de son fiancé, le forçant à farfouiller ses multitudes de poches et autres zips pour trouver son portable. Et grogner devant le nom qui s'affichait :
« C'est Kam ! Vous mouftez pas d'un iota ! » et avant que les deux autres n'acquiescent son ordre, il décrocha :
« Salut Kam ! Ça va ? »
« Midobro, il va falloir m'expliquer comment toi et Katsuki faîtes pour aussi peu décrocher ces derniers temps ! »
Aïe, ça partait mal, malgré le ton taquin et bon enfant de son meilleur ami, qui lui remonta le long de la nuque en frisson d'appréhension.
« Je sais pas de quoi il en retourne pour Kacchan mais moi, je peux te garantir que je suis plongé dans ma paperasserie administrative jusqu'au cou ! »
« Encore ? Tu nous arrêtes combien de vilain à la minute, pour avoir un tel fatras bureaucratique ? »
S'il savait ! Il n'avait fait que trois patrouilles depuis deux semaines et son assistante commençait à lui poser discrètement quelques questions pour savoir s'il allait bien, si son couple tenait. Encore trois jours et elle lui demanderait carrément s'il mangeait assez de légume et se couchait avant minuit ! Et il savait pertinemment qu'il aurait été malvenu de la rabrouer : elle s'inquiétait. Comme tout son étage, Aïzawa-sensei et leurs amis, la brusque chute d'activité du pro-héro Deku, accro du boulot notoire, inquiétait. Une chance qu'il ait réussi jusque-là à foutre ça sur le dos de son futur mariage et d'une grippe passagère. Et inventée.
« Franc, pas tant que ça, mais mon assistante a relevé des fautes dans mes précédents dossiers, donc je les refais. »
« Tu devrais faire comme moi, embaucher quelqu'un qui ferait que les dossiers. »
« Kam, je suis déjà gêné de demander à mon assistante de traiter mes mails alors que c'est son boulot, hors de question que j'impose mes dossiers à quelqu'un d'autre ! »
« Mmm, on dirait Kats. En plus empathique et moins colérique. »
« Hey, lui casse pas du sucre sur le dos en son absence ! »
« Je voudrais bien lui casser du sucre sur le dos en sa présence, mais il est jamais là ! »
D'une main, Izuku signa « C'est quoi ton excuse pour être aussi absent ? » à l'attention de Kacchan, qui lui rétorqua d'un très agacé « Le boulot ! », nez retroussé de toute sa réprobation pour la situation et le mensonge qu'ils étaient obligés de servir à son homme.
« Il nous a dit qu'il était surchargé de taff. »
« Ouais je sais, je sais. Juste… c'est pas vraiment dans son caractère, de pas m'en dire plus sur ses missions et comme il m'a juste claqué un « ils me font bosser comme un chien », je m'inquiète un peu. »
« Si ça peut te rassurer, il nous a dit à peu près la même chose. Il devait passer lundi, récupérer ta veste, mais il a dû annuler à causer du taff. »
Kacchan avait tout simplement oublié la veste, il le savait bien puisqu'il avait dû la laver à cause d'Eij, dont la forme loup-garouesque s'était visiblement prise d'affection pour l'odeur de sucre acidulé, tirant sur le citron, de Kam et avait tenté par deux fois de la mâchouiller. En désespoir de cause, il avait foutu assez d'assouplissant et de lessive dans la machine pour ôter toute trace de leur meilleur ami, espérant régler le problème.
« Bref, c'était pas pour ça que je t'appelais, à la base ! » reprit le platine et Izuku eut la certitude que dans la légère hésitation de son meilleur ami se cachait un sourire raccroché à la force de sa volonté sur ses lèvres. « Je voulais te demander, avant d'oublier, à quelle heure on se retrouve déjà, demain ? »
« Demain ? »
« C'est pas demain que je t'accompagne pour les gâteaux ? »
Les gâteaux ! Merde, il avait oublié, complètement !
« Heu, si, si, si, bien sûr ! Désolé, j'étais complètement ailleurs ! »
« Si tu me dis que tu es encore dans ce putain de plan de table... »
« Si ! Et d'ailleurs, je l'amène demain, tu me diras ce que tu en penses ! » sauta sur l'occasion Izuku, résolut à ressortir leur précédent essai de plan de table rien que pour impliquer un peu plus Kam. Et essayer de noyer la culpabilité qui lui mordait la gorge.
« Midobro, j'en peux plus de ce plan de table. »
« Hé ba moi aussi et je peux pas vraiment y échapper, alors tu vas souffrir avec moi ! »
« J'ai rien demandé moi ! »
« Ha ouais ? Et qui a hurlé « Moi, moi, moi, moi je serais ton témoin et ton garçon d'honneur », mmm ? »
« C'est dégueulasse de me ressortir mon amour pour toi dans des conditions pareilles. »
« C'est dégueulasse l'organisation d'un mariage, je te signale ! »
« Mmm. J'y penserais pour le mien. Je vais te faire souffrir comme jamais. »
Izuku glissa un regard en coin à Kacchan, qui écoutait sans pouvoir percevoir, et Eijirô, dont l'ouïe était assez fine pour entendre la voix de Kam malgré la déformation du portable enfoui sous les boucles vertes, commença à lui signer la conversation. D'une claque sur la main, Izuku l'arrêta immédiatement et encaissa le retroussement de babine sans broncher, sourcils froncés : Kam lui parlait à lui et rien qu'à lui, merde.
« Mais mon ami, moi je ne ferais pas la même connerie que toi, je ne me porterais pas volontaire ! »
« Tu résisteras pas à mes beaux yeux Midobro. » et en dépit de la distance, Izuku aurait juré le voir lui lancer une œillade et un sourire faussement charmeur. Pendant ce temps, Kacchan devenait un brin plus pâle face à Eij signant, avec un brin de retard et mille précautions pour que son fiancé ne lui file pas une deuxième tape, « votre mariage », ce qui verrouilla la langue d'Izuku sur la question et le fit subtilement changer de sujet :
« Pour répondre à ta question, c'est 14 h demain ! Et Kam, tu manges rien avant ! »
« Mais le petit-déj… »
« Tu te lèves si tard que ton petit-déj, c'est déjà un brunch, alors non ! »
Son meilleur ami grommela dans son oreille un juron mâchuré pour raccrocher et rappeler aussi sec :
« Je sais plus où c'est ! »
« Je t'envoie l'adresse par sms ! » s'esclaffa Izuku, rattrapant une frite au passage sur ses genoux, froide depuis le temps. « Et Kam ? »
« Ouais ? »
« Merci ! »
« Attends de voir ce que je vais choisir comme gâteau avant de me remercier ! »
Le laissant raccrocher une seconde fois, Izuku adressa un sourire rassurant au regard inquisiteur du blond, à côté de lui :
« Il va bien, arrête de t'inquiéter comme ça ! Tu lui manques, c'est tout. »
« Normal. » commenta Eijirô en mordant dans son quatrième burger, dont il emporta la moitié d'une bouchée gourmande qui aurait suffi à étouffer un adolescent. Ils allaient vraiment finir par vider leurs comptes en banque avec cet appétit et pour l'instant, toutes ses tentatives pour amener Eij à adopter un régime alimentaire plus adapté à sa forme canine avaient lamentablement échoué.
Songeur, il mâchouilla une autre frite en tournant sa conversation avec Kam, sans oser aborder le sujet avec Kacchan, houspillé par le roux sur sa curiosité mal-placée avec son mec. Il n'aimait pas du tout l'excès de calme dans la voix de Kam, plus accoutumé à une agitation constante qu'à cette espèce de maîtrise de soi presque effrayante, dans laquelle il percevait une angoisse profonde face à son couple. Le saupoudrage du changement d'attitude de Kacchan par-dessus n'arrangeait rien.
« Tu finis pas ? » l'interrompit son homme, absolument pas raccord avec ses pensées et bien plus intéressé par son burger à moitié entamé, qu'il lui abandonna bien volontiers et sans relever sa gourmandise :
« En tout cas, je suis un peu coincé dans mes recherches… » reprit le vert extirpant son calepin de la poche de son jean pour souligner son raisonnement, décidant de se laisser du temps pour songer à Kam et Kacchan. « La seule chose que je peux dire, c'est qu'il n'y a qu'une seule personne qui s'est chargé de rédiger l'entièreté des témoignages écrits qu'on a. »
« Comment t'en es sûr ? » questionna poliment Eij, dans une tentative de lisser son comportement chelou, que Kacchan rebiffa d'un froncement de nez :
« Ça te suffit pas qu'il te le dise ? Tu sais bien comment fonctionne Deku, par raisonnements mathématiques rigoureux ! »
« Hé bien… On retrouve le même vocabulaire dans les témoignages, les mêmes formulations un peu lyriques et farfelues, « des yeux rouge sang, des « griffes comme des rasoirs » et autres imbécilités. Trop pour que ça soit une coïncidence, je suis sûr qu'une seule personne a tout écrit et avait la charge d'un dossier de ce genre, il y a des années. »
« Bien sûr, ils ont pas laissé son nom en bas du dossier ? »
« Ça aurait été trop beau… » ronchonna Izuku en croquant dans son propre repas. « La question, c'est pourquoi il a écrit ces tissus d'âneries ? »
« On lui a ordonné un dossier sensationnel et il a tout inventé ? »
« Non… C'est bien trop méthodique… Il a pris consciemment assez de trait reconnaissable d'un loup-garou pour qu'on puisse à chaque fois se dire « ah tient, un loup-garou » et les a twisté de manière à les rendre monstrueux. Consciemment. »
« Pourquoi faire ça ? » posa Eij, d'une petite voix tristoune qui gauchit un coin du cœur d'Izuku.
« Si seulement je savais… Je comprends pas pourquoi diaboliser ainsi les loups-garous… Aussi systématiquement, en tout cas, je ne doute pas que certaines personnes ont dû salement profiter de ce pouvoir mais… »
« Y'a pas besoin de diaboliser les loups-garous, je pense que c'est déjà assez une malédiction en soi, ce truc. »
« Eij ? » tenta Izuku, intrigué par la subite poussée de rage dans la voix de son mec, qui avala une pleine bouchée de frite avant de cracher, presque violent :
« T'as vu ma gueule en loup ? N'importe qui prendrait ça pour un démon ! »
Là, ça l'inquiéta vraiment. Eij était solaire, lumineux, un être de positivité qui prenait tout les problèmes à bras le corps et se battait corps et âme pour les résoudre, les alléger, les contenir, pas quelqu'un qui laissait ne serait-ce qu'une miette de défaitisme sourdre de ses paroles. Ou en tout cas, pas plus de trois secondes et en cas d'extrême gravité, genre transformation en loup dans un ascenseur, ce qui était plus que compréhensible.
Et ça, plus l'agressivité, plus la mauvaise humeur quasi-constante, plus le claquement de dent menaçant, plus les grondements, ça n'allait pas, vraiment pas et ça n'avait rien à voir avec le problème d'hirsutisme lupin. Izuku reposa précautionneusement sa frite, lissa sa serviette et entama la préparation de tout un laïus mental dans l'espoir de trouver la meilleure manière d'aborder la chose – soufflé par Kacchan :
« Toi mon grand, t'as besoin d'une bonne bataille des familles ! Deux contre un, Deku et moi contre toi, ça te va ? Tu vas nous démolir, mais on peut t'en rendre un peu la pareille ! »
« Deal. »
« Nan mais, vous voulez pas faire ça après ? On vient de manger… » tenta Izuku, dépité de voir Eij lui refourguer un sourire étincelant de crocs, le temps que le reste de ses frites et de ses burgers soient abandonnés sur le banc, aussitôt recouverts de son t-shirt lancé en vrac pour éviter de l'abîmer dans la transformation. Aussitôt suivi de son short.
« Allez mon cœur, viens, tu vas pas me dire que t'as peur du grand méchant loup ? »
Le sourire disparu dans un retroussage de babine, sans que l'éclat malicieux s'efface du regard du loup, déjà prêt et Kacchan lui emprunta le pas en se débarrassant à son tour de son jogging épais comme pas possible et crade du combat précédant en lui lançant un regard interrogateur :
« Wtf ? » lui signa Izuku parce que de sa vie, jamais Eijirô n'aurait abandonné de la bouffe, SA bouffe, pour n'importe quoi, en n'importe quelle circonstance et en prime lui rebiffer dans le museau une pique aussi… arrogante ? Il était peut-être malade, un truc spécifique aux chiens qui déclenchait hyper-possessivité, agressivité…
« Bouge le nerd, j'ai dit deux contre un, pas un contre un plus un spectateur marmonnant ! »
Le jogging roula quelque part à ses pieds, laissant le blond dans son habituel legging à étrier, tenue d'entraînement privilégiée pour son confort qu'il ne cessait de recommander en vain à Kam et Eij. Avec un soupir résigné, Izuku ôta sa veste et suivit Kacchan remonté à bloc qui faisait mine de boxer le loup, lequel l'envoya bouler d'une simple poussée du plat de la main, pour le plaisir de voir les mèches blondes en pagaille réapparaître aussitôt dans son champ de vision.
Consciencieux, Izuku s'étira lentement, échauffa genoux et épaule, sautilla pour actionner un peu son système sanguin et sa respiration, ignorant le coup de museau du loup, amusé de le voir s'obliger à de tels exercices.
« Ouais, fait le malin, c'est ça. Tout le monde n'a pas trois mètres de muscles à disposition immédiate. Allez, on se lance ? »
Sans attendre une seconde de plus, Kacchan entama les hostilités d'un coup de poing simple, efficace, distillant une légère explosion pour propulser son bras plus efficacement.
C'était de l'esbroufe, bien entendu, tout exprès pour qu'Izuku se faufile dans la brèche si Eij cherchait à parer et le roux ne s'y laissa guère tromper. Il s'effaça tout simplement, gardant Izuku dans son champ de vision et le mouvement que le vert fit pour se glisser derrière lui se vit contrer d'un simple revers du bras. Presque nonchalant.
L'occasion pour lui de se frotter pour la première fois au formidable potentiel du loup : la main griffue était lourde contre lui, dense, assez pour qu'une force minimale de la part d'Eij suffise à le faire vaciller. La facilité avec laquelle il fut mis à mal lui retroussa la lèvre d'orgueil, instillant une envie de gagner que seul Kacchan activait, d'ordinaire, mais il pouvait sûrement faire une exception pour son loup-garou d'amoureux.
En un éclair, Izuku fit mine d'être réellement déséquilibré, profita de sa soi-disant chute pour abaisser son centre de gravité et utiliser toute sa force naturelle, dénuée d'alter, envoyant son mollet dans les jambes du loup.
Tu parles. Il aurait eu plus de chance en frappant un putain d'arbre. Son pied d'appui ripa sur le sol, sa propre force retournée contre lui en une glissage magistrale et un vautrage dans les règles de l'art. Le blond passa au-dessus de lui pour attaquer Eij de dos, profitant vraisemblablement de la légère inquiétude du roux pour son mec et lui cracha au passage, arrogant à souhait :
« On fait pas la sieste Deku ! »
La remarque de Kacchan rebiqua le reste d'une fierté mal-placée. Ok. Ils voulaient jouer sérieux, pas de problème, il s'adaptait.
Se redressant d'un bond, il se propulsa par-dessus Eijirô, effleura son épaule d'une main pour entamer une rotation qui envoya son talon dans le pli du coude du loup, de toute sa force possible. Touché, son mec bascula vers l'avant, juste l'ouverture que Kacchan attendait pour l'aveugler d'étincelle et se retrouver roulé cul par-dessus tête d'un coup de museau vicieux. Pour éviter de subir le même sort, le vert actionna une seconde son alter, sur la plante du pied, appuyant son saut d'assez de ressort pour l'envoyer de l'autre côté du loup sans se faire attraper.
Là, un coup de poing savamment dosé en plein dans l'omoplate lui assura un jappement de surprise du loup, qu'il agrémenta d'un grognement quand son genou s'enfonça dans la taille, juste sous les côtes, là où la respiration commençait et pouvait donc facilement être coupée.
« Bien joué ! »
Malgré la douleur qui devait emplir ses poumons, le loup-garou esquiva sans broncher la seconde attaque d'Izuku, censé être un coup de genou sous l'omoplate, pour parachever son œuvre. Il fut tout simplement cueilli en vol par l'une des pattes avant d'Eijirô, qu'il n'avait pas vu pivoter pour l'attraper et se retrouva foutu au sol, cloué d'un pied griffu avec en prime un grondement furieux peu encourageant.
Eij ne grondait pas dans les combats. Jamais.
Écrasé sous la patte lourde au possible sur son torse qu'il compressait à éradiquer tout l'air de ses poumons, Izuku réalisa immédiatement qu'il y avait un souci et leva les yeux, désespéré de voir le tremblement infime dans la gorge du loup-garou, loin au-dessus de lui. Un truc mauvais qui n'avait rien « d'Eijirien », qui puait l'animal sauvage à lui glacer le sang et il inspira une goulée d'air pénible, incapable d'articuler suffisamment pour prévenir Kacchan attaquant sur le côté, si sûr de son coup. En une fraction de seconde, Eijirô se retourna avec une vivacité irréelle, gueule ouverte dans un mouvement parfait pour intercepter la jambe de Kacchan.
Le hurlement de douleur du blond vrilla l'ouïe d'Izuku d'une terreur absolue, à l'image du grincement d'os qu'il entendit lorsque les crocs du loup s'enfoncèrent un peu plus dans le mollet de Kacchan. Il referma les mains sur la patte d'Eijirô, l'adrénaline saturant assez ses nerfs pour qu'il puisse enfin hurler :
« LÂCHE-LE ! »
Et le loup secoua la tête. Férocement, mâchoires cadenassées pour assurer sa prise, secouant de droite à gauche dans la tactique bien connue de déstabiliser l'adversaire, ce qui marchait atrocement bien, la douleur devait être telle que Kacchan n'arrivait pas à répondre, à former l'explosion nécessaire pour étourdir Eij et se libérer et une sueur froide inonda l'âme d'Izuku en réalisant ce que loup-garou faisait. Chez les carnivores, ce mouvement de va-et-vient était utilisé pour cisailler, à l'aide des molaires du fond.
Il allait lui couper la jambe.
Sans s'embarrasser d'avertissement ou de préambule, Izuku lâcha son alter, se gaina d'étincelles vertes qui crépitèrent alentours, repoussa si violemment la patte d'Eij que le loup bascula et perdit l'équilibre. Un vacillement qui le fit arrêter son secouage, le temps de rééquilibrer son immense carcasse, sans pour autant relâcher Kacchan. Izuku passa à la vitesse supérieure : espérant pour que le coup soit équilibré, assez fort pour porter et trop faible pour blesser, il envoya son poing au creux de l'estomac d'Eijirô. Plié par la douleur, le loup cracha de l'air et une lampée de sang qui ne lui appartenait pas, obligé par l'action mécanique du mouvement de desserrer les crocs, lâchant enfin le mollet.
Kacchan s'effondra à moitié sur Izuku, avec un cri de douleur quand ses jambes heurtèrent le sol, ses réflexes défensifs s'efforçant de le remettre sur pied pour s'éloigner au plus vite, paumes luisantes d'explosions à venir qui risquaient d'enrager plus encore le loup :
« Stop ! »
« POUR ME FAIRE BOUFFER ET PUIS QUOI ENCORE ?! »
Remis du coup de poing, le loup se pencha sur eux avec un grondement, arrêté net par le regard furibond de son homme, boucles crépitantes d'étincelles et voix d'outre-tombe :
« Arrête Eij. »
Le grognement rauque s'aggrava de fureur, une fraction de seconde, le temps que son regard s'attarde sur le blond étalé sur le sol et prêt à vendre chèrement sa peau, avant que les prunelles vermillon n'accrochent celles d'Izuku.
« EIJIRÔ KIRISHIMA, STOP ! »
Il crut sincèrement que ça ne marcherait pas. Que la fureur animale dans le regard d'Eijirô, rebiqué de grondement et d'une rage inexplicable, ne refluerait pas. Que quelque part au milieu du sang de Kacchan qui maculait sa mâchoire et la fourrure de son cou, toute l'humanité de son fiancé avait disparu, engloutie dans un instinct primaire impossible à réprimer et le cœur compressé d'une angoisse infinie à l'idée de ne plus jamais l'entendre, le revoir sourire, le taquiner, rire, Izuku attendit.
Hors de question qu'il bouge d'un millimètre, avec Kacchan derrière lui.
Le temps sembla se dilater, rien qu'un instant où la respiration hachée de douleur de son meilleur ami affermissait sa volonté, accrochée aux prunelles du loup et puis celui-ci frémit. De ce frémissement familier qui relâcha immédiatement la respiration bloquée du vert.
Avec un soulagement à deux doigts de le faire pleurer, il vit Eij rapetisser, sa fourrure disparaître en laissant le sang de Kacchan tatoué sur sa peau, le museau se retrousser en nez qui se tordit immédiatement d'angoisse et ses yeux s'écarquillèrent d'effroi, lorsqu'il revint tout à fait à lui :
« Putain, je… je suis désolé… je suis tellement… »
« Plus tard ! » le coupa Izuku, déplorant la sécheresse de son ton, mais désormais qu'il n'y avait plus de risque de se faire croquer le dos par un loup-garou furieux, ils avaient d'autres chats à fouetter. Il se retourna immédiatement, un genou à terre pour se mettre à niveau de la plaie, saisir une seconde le poignet de Kacchan pour apercevoir l'étendue des dégâts. Ho. Bordel.
« Ça pisse le sang ! » siffla Kacchan, mains serrées de plus belle sur son mollet pour essayer de contenir tout ce rouge et la douleur qui creusait ses traits, et Izuku batailla deux secondes pour lui ôter ses paumes pleines de nytro de sa plaie ouverte :
« Je m'en occupe ! Laisse-moi faire, s'il te plaît ! »
« Je… je vais chercher la trousse de soin ! »
Il y avait indubitablement du loup, dans la façon dont Eijirô volta avant de partir à fond de train vers la voiture, comme si l'univers était à ses trousses et d'une certaine manière, c'était le cas.
« C'est si moche que ça, qu'il foute le camp ainsi ? » grogna le blond, enfouissant ses mains dans l'herbe pour s'empêcher de toucher à quoi que ce soit, tout son corps tendu de l'effort démesuré que c'était, de rester immobile le temps qu'Izuku défasse l'étrier de son pied. Quelle putain d'idée, de porter un truc pareil !
« Non, ça va. Pour une morsure d'un truc de la taille d'Eijirô, tu t'en sors vraiment bien. »
C'était un peu un mensonge vu la gueule du mollet, mais il n'aurait servi à rien de claquer que c'était franchement moche. Il déchira délicatement le legging de sorte à le remonter au-dessus de la plaie, histoire de faciliter le nettoyage qui s'annonçait comme une pure partie de plaisir, avec les bouts d'herbe collés partout à la salive d'Eij sur les chairs ouvertes. Et continua son idée : « Il s'en veut, Kacchan. Il s'en veut terriblement et il préfère fuir que de devoir affronter ta colère ou ta peine, là tout de suite maintenant. »
Kacchan soupira et se rallongeant, il enfouit son regard dans le creux de son coude, étalant sans le savoir une traînée de sang sur sa pommette tout en trouvant ses mots, fatigué d'avance :
« Je croyais que c'était ma spécialité à moi, de fuir les trucs comme ça. »
« Jamais dit que c'était un truc exclusif. »
« Je fais quoi ? »
Izuku se retient in extremis de lever les yeux au ciel : il avait passé la matinée à éplucher inutilement des dossiers avec un réveil à 5h du matin, la fatigue lui clouait les membres d'une lourdeur à en laisser échapper le bout de legging qu'il tentait d'ôter de la jambe de Kacchan et l'adrénaline continuait de ponctionner son organisme d'une tension difficilement supportable, tout ça pour se retrouver mains ensanglantées à expliciter les interactions humaines ? Il allait démissionner de sa vie. À effet immédiat.
« Tu rentres dans le tas et tu lui dis que t'es pas fâché. Si t'es pas fâché ? »
« Je suis pas fâché ! »
« Dis-lui alors, et si tu veux nous épargner dix ans de mea culpea et d'excuses, fais-en des caisses, pour une fois. Tiens, appuie ici ! »
Du bout des doigts, il positionna l'index et le majeur de Kacchan sur une artère trop déchiquetée pour que le travail naturel de coagulation arrive à endiguer le flot de sang, pour le moment sous contrôle. Il ne risquait pas de mourir d'hémorragie, ce qui était plus que ce qu'Izuku aurait osé espérer, avec la taille de la mâchoire d'Eijirô et le son que cela avait fait, entre ses crocs.
« Tu vas dérouiller… »
« J'ai déjà dérouillé, je te signale ! »
Le si discret frémissement de peur dans la voix du blond le fit relever le museau de la blessure, le temps de croiser son regard et d'y deviner toute l'angoisse rétrospective que son meilleur ami jugulait du mieux qu'il pouvait. De sa main libre, il serra spontanément le bras de Kacchan, le vit saisir son poignet pour s'accrocher un peu plus à la réalité, à la réalisation qu'il était en sécurité et vivant.
« J'ai cru qu'il me brisait le tibia… » chuchota-t-il, dans un aveu imbibé de honte, sans qu'Izuku sache si c'était de sa propre frayeur ou d'avoir douté d'Eijirô.
« J'ai cru qu'il allait te couper la jambe. » répliqua le vert, concluant l'échange pas une moue entendue et d'un accord tacite, ils enterrèrent le sujet à jamais. C'était Eij. Il ne l'avait pas fait, c'était tout ce qui comptait.
Satisfait de voir l'afflux sanguin refluer sous les doigts du blond, Izuku noua définitivement le legging au-dessus de la blessure, assez solide pour que ça ne bouge pas en dépit des soins et des mouvements à venir pour redresser Kacchan. Il achevait son double nœud quand Eij déboula à fond de train, silencieux comme la nuit, mains serrées sur la trousse de son passablement froissée qu'il tendit à Izuku si précipitamment qu'elle faillit lui échapper :
« Voilà ! »
« Merci mon cœur ! »
Avec une très désagréable sensation de déjà-vu, il se désinfecta les mains rapidement sous un filet de désinfectant qui coula brun, sur l'herbe, enfila des gants, commença à piocher le nettoyant et les compresses en affichant volontairement un air très concentré, histoire de laisser le champ libre à Kacchan. Qu'Eij commença par inonder d'excuse :
« Pardon Katsuki, je suis tellement, tellement désolé, je voulais pas… je sais pas du tout ce qui m'a pris et je sais que c'est pas pardonnable, mais je te demande pardon et… »
« Eij, je vais vraiment me fâcher si tu continues ! C'était pas de ta faute, on y a été trop fort, point, à la ligne. »
« Katsuki j'ai failli t'arracher la jambe... »
« Oui, bon, peut-être, m'enfin si je t'avais roussi entièrement la fourrure avec une de mes explosions, tu aurais réagi comme moi en refusant que je m'excuse ! »
« Mais je... »
« Écoute-moi boule de poil, on a merdé, c'est tout ! J'aurais dû réaliser que plusieurs adversaires seraient trop oppressants pour ton côté loup. Et que tu te sentirais un peu trop attaqué pour réagir rationnellement. C'est tout nouveau, tu maîtrises pas, c'est quand même le but de ces entraînements, de te faire apprivoiser ce truc !
Alors t'arrêtes de faire ta tronche de six pieds de long, je suis pas fâché. T'as juste récolté une période sans entraînement et franchement, si tu voulais des putains de vacances, fallait juste le dire, on était pas obligé d'en arriver là. »
Profitant d'une pause dans son discours, Izuku aspergea les plaies de nettoyant antiseptique, en quantité suffisante pour laver le sang coagulé et les débris divers et variés fourrés là-dedans. Une vraie boucherie. Une bonne partie du muscle avait tout simplement été broyée, écrasée par la pression des crocs et ils avaient une chance monstrueuse que l'os n'ait pas cédé. Loué soit l'ossature épaisse du blond, résistant comme du chienlit.
« Même, je suis vraiment... »
« Et je refuse que tu continues à demander pardon, j'ai dit que c'etait bon. On oublie et – AÏE ! »
« Faut bien que je nettoie ! » siffla Izuku en réponse au cri de protestation, faisant gicler un lambeau de peau hors de la plaie rien qu'avec la pression de l'antiseptique.
« Kacchan, je crois bien qu'il va falloir aller à l'hôpital, mes compétences médicales ne sont pas suffisantes... »
« On peut pas aller à l'hôpital ! Tout les services de sécurité cherchent un loup géant et je me ramène avec une morsure qui a failli me péter le tibia ? Je finis en taule avant ce soir. Et vous aussi ! »
Ignorant la brusquerie du ton du blond, qu'il lui pardonnait bien volontiers, Izuku demanda d'un mouvement de la tête à Eij d'examiner la blessure, pour avoir un avis différent du sien sur la suite des soins :
« Je suis d'accord avec Izuku, il faudrait un médecin… Ou un chirurgien… »
« Et sans ça ? »
« Je recouds deux, trois endroits, je laisse ça ouvert pour que les tissus morts puisse être expulsés, » soupira Izuku en cartographiant son plan du bout de l'index, scruté par les deux autres avec attention, « on attend deux jours et si ça ne bouge pas, médecin. Je peux pas te proposer mieux, attendre plus que ça, ça te garantit une septicémie ou une gangrène… »
« Hé ba roule, recouds-moi ce machin et je soignerai ça à coup de rhum. »
« Interdit. »
« Cause toujours mon lapin, t'es pas chez nous pour m'en empêcher. »
« Kacchan, je suis sérieux ! Tu nettoies bien et tu laisses ça le plus stérile possible. On va te ramener et on avisera demain, d'accord ? »
Comme s'ils avaient le moindre choix. Pendant qu'Eij renfilait son t-shirt, oublié jusque-là, Izuku sorti fils, aiguille et désinfectant spécifique, examina un instant la plaie, un peu moins impressionnante propre, puis piqua son premier point après avoir vérifié d'un coup d'œil si Kacchan était prêt. Le blond tressailli et grimaça franchement au deuxième point :
« Ma moto... »
« On te dépose chez toi et on te la ramène ? »
« Tu sais conduire une moto maintenant ? »
En temps ordinaire, Izuku l'aurait frappé, mais il se concentra sur le point suivant tout en répondant avec un calme qui frôlait l'olympique :
« Moi non mais il me semble que tu as appris à Eij, si je ne m'abuse. »
« Il a pas le permis ! »
« C'est ça, ou on la laisse là. »
« Puisqu'on a pas le choix... Heureusement que t'as ramené la voiture, j'aurais pas pu me traîner jusqu'à la maison. »
« Tu aurais rampé, t'es assez obstiné pour ça. »
« Hey ! »
« Heu… à propos de la voiture... » intervint Eijirô, soudainement redevenu timide et Izuku rassembla la moindre parcelle de patience de son être pour contenir le soupir et le roulement d'yeux qu'il avait failli laisser échapper. Ils allaient s'en sortir.
« Alors, je suis vraiment, mais vraiment désolé… Mais… j'ai cassé la vitre. »
« De quoi ? » releva Izuku, abasourdi, les mains trop occupées à recoudre une trace de croc pour esquisser le moindre geste. Eij se dandina, gêné comme pas possible :
« J'avais oublié les clés ici, j'ai paniqué, j'ai fichu un coup de poing dedans… Je l'emmène au garage dès demain, promis juré ! Et je paie. »
Izuku et Kacchan le dévisagèrent une poignée de seconde, si médusés que pas un son ne sortit. Celle-là, il ne l'avait pas vu venir et pourtant, il s'était fait sauter par un loup-garou pas plus tard que la nuit précédente.
« Mais… tu t'es fait mal ? »
« Juste des coupures, c'est déjà guéri. »
« Je t'envie, porc-épique ! » ronfla Kacchan, rappelant à l'ordre Izuku qui reprit sa couture en décidant de passer l'incident sous silence. Après tout, ils n'étaient plus à ça près et tant qu'Eijirô ne s'était pas déchiqueté le poing, les dégâts étaient contrôlables. Il acheva son point et passa sur le trou suivant, un peu plus compliqué par sa forme assez élargie qu'il attribua à une des prémolaires du loup-garou. Pour se faciliter la tâche, il utilisa le scalpel de la trousse pour découper les morceaux de peau trop abîmés, murmurant un « Je sais, je sais… » au long gémissement de douleur de son meilleur ami, qui creusait le regard d'Eijirô de cernes tristes à en crever. Un vrai miracle qu'il arrive à murmurer une question, plus destinée à occuper le blond qu'autre chose :
« Comment tu vas expliquer ça à Kam ? »
« Simple : je me suis fait bouffer le mollet par un chien qui essayait d'attaquer Prince Carnage. »
« Ça se tient… Si tu arrives à rentrer à la maison avant lui. »
« C'est pour ça que vous allez gentiment me déposer en repartant dans votre bagnole de cassos sans vitre ! »
La taquinerie fit baisser la tête à Eijirô, si gêné que le cœur d'Izuku se serra un instant. Alors qu'il achevait son dernier point, il tenta de lui adresser un sourire rassurant, sans réussir à croiser son regard un instant. Il enroula la bande autour du mollet d'un geste expert, l'ayant déjà fait des centaines de fois sur lui et fixa soigneusement la gaze, espérant qu'elle résisterait à la brusquerie habituelle de Kacchan.
« Tu me passes la trousse s'il te plaît, mon cœur, que je range ? »
Le prétexte parfait pour agripper son poignet, savourer sa chaleur irradiant sa paume de la présence de son mec, son mec à lui et non pas le loup dégoulinant de sang frais qu'il avait cru capable de lui passer sur le corps pour finir le travail auprès de Kacchan. Que le sang désormais séché incruste son menton, sa gorge et son torse d'une rouille malvenue n'arriverait jamais à égratigner le soulagement que c'était, de le voir poser sur lui un regard interrogatif.
« Ça va aller. Ok ? »
Eij cligna des yeux, ravalant une protestation qu'Izuku aurait pu déclamer lui-même et doucement, se pencha jusqu'à appuyer son front contre le sien, l'enveloppant de son odeur de framboise si délavée, dans la saveur métallique du sang de Kacchan mais présente, indubitablement. Il frotta son nez contre celui de son amoureux, heureux de le sentir lentement se détendre contre lui, relâcher un peu de la tension qui lui raidissait la nuque.
« Bon, tout ça, c'est très bien, vous êtes mignons tout pleins, mais je me caille le cul et je suis fatigué alors on arrête de se faire des mamours et on ramène la cinquième roue du carrosse chez lui ! »
Le ton faussement outragé et la colère si parfaitement dosée dans son jeu fit exploser de rire Izuku, sensible malgré lui à la douceur avec laquelle Kacchan intervenait. Et qui redonna un début de sourire au roux :
« T'es prêt ? Je te porte jusqu'à la voiture. »
« Je peux marcher si on me soutient, ça va ! »
« Dans tes rêves, pour une fois que tu peux rien me dire, je vais te porter comme la putain de diva que tu es ! »
Sous la pluie de juron que Kacchan balança sur son meilleur ami, pour laquelle il puisa visiblement dans les tréfonds de son imagination, Izuku rassembla toutes leurs affaires à gestes rapides, prenant soin de ne laisser aucune trace trop visible de la bagarre et du sang. Une bonne pluie réglerait ça une bonne fois pour toutes mais par prudence, il retourna une partie de l'endroit ensanglanté, mélangeant le rouge déjà passé à la terre pour le dissimuler un peu plus.
À distance respectable, il suivit Eij et Kacchan, ce dernier toujours furibond de se voir porté comme une mariée en dépit du sang qui étoilait déjà le pansement d'une traînée brunâtre. Et effectivement, la vitre avant côté passager avait été explosée, littéralement, il y avait des débris de verre partout sur le sol, qu'Eij avait vraisemblablement épousseté du siège avant, dans la précipitation de toute évidence.
Avec un soupir épuisé, il déverrouilla les portes d'une pression sur sa clé, jeta la trousse de soin sur la plage arrière et se glissa derrière le volant, absolument fracassé de la journée. Et il n'était même pas quinze heures de l'après-midi ! Il entraînait Eij dans une sieste longue durée sitôt rentrés et tant pis pour le dîner ! Moteur démarré, il réajusta les rétros alors que dehors, Eijirô venait de déposer le blond sur le toit, le plus doucement possible, le temps d'ouvrir la portière et Izuku se retint de sourire en voyant le pied valide de leur meilleur ami s'agiter, sur le haut de la vitre. Un clignotement sur l'écran de la voiture attira son regard, le système lui proposant automatiquement de rejouer le témoignage du matin.
Il lui semblait que mille ans avaient passés depuis ce maudit enregistrement, tant la fatigue née de l'adrénaline lui plombait les os et il adressa un froncement de sourcils réprobateur à la piste audio, de nouveau agacé de la qualité merdique qui empêchait de distingu…
« Eij... »
« Mmm ? » répondit vaguement son fiancé, occupé à déposer Kacchan à l'arrière avec une délicatesse digne d'une princesse, en dépit de l'expression renfrognée de ladite princesse.
« Tu peux entendre loin, avec tes oreilles de loup ? »
Lui et Kacchan le dévisagèrent avec le même froncement de sourcils dubitatif, qui faillit le faire sourire dans son explication :
« Dans mon enregistrement de ce matin, j'ai eu l'impression qu'une tierce personne interrompait la témoin, à un instant… J'arrive pas à entendre, mais peut-être que toi, avec ton ouïe... Tu crois que tu pourrais ? »
« Ça se tente, en tout cas. »
« Kacchan ? »
« Mmm ? »
« Ça ira si… si on essaie ? »
« Pourquoi ça n'irait pas ? » bougonna le blond, ronchon comme pas possible, mais vu le bandage qu'il se tapait au mollet, il avait tous les droits. À l'exact instant où Eij refermait la porte sur eux deux, profitant de la seconde où il n'y avait qu'eux dans l'habitacle, Izuku se retourna vers Kacchan, chercha son regard :
« Est-ce que tu veux attendre dehors ? »
« J'ai pas peur d'Eij. J'ai pas envie de revoir ses crocs de sitôt, mais j'ai pas peur de lui. Tu peux y aller. » acheva-t-il à l'attention du roux, tout juste glissé à la place passager avant, assorti d'un coup de menton bourru.
Passant sous silence la brusque humidité du regard de son fiancé, Izuku sélectionna à nouveau l'enregistrement du matin, poussa le volume à son paroxysme alors qu'Eij glissait dans sa peau de loup, juste assez pour que son nez s'allonge, ses oreilles pointent et un début de fourrure hérisse ses épaules.
C'était un peu gênant, de réécouter ces salades en compagnie d'un de ces « démon » aux « yeux rouge sang » pour l'instant fermés sur une concentration absolue, mais fascinant de voir la myriade de micro-mouvement parcourant les immenses oreilles, qui s'ajustaient en permanence pour mieux capter le moindre son. Et à sa grande surprise, son fiancé déclama sans hésiter, après la première écoute :
« Kathy. Un homme appelle la jeune fille « Kathy » et ça suffit à lui rappeler son texte, visiblement. J'ai cru entendre un tapotement, ça pourrait être un doigt sur un tableau ou une table, mais je n'y mettrais pas ma main à couper. »
« C'est bien maigre comme piste... »
« Au contraire ! » s'écria Izuku, vibrant d'excitation tant l'idée qu'il venait d'avoir lui semblait prometteuse et sans tenir compte du reniflement dédaigneux du blond, il continua son déroulement mental, ouvrant l'ordi portable au passage :
« C'est pas du tout japonais, comme prénom et d'ordinaire, on s'en ficherait complètement sauf que la loi impose un registre précis des témoins ! Les noms ne peuvent être archivés que pendant soixante-cinq ans, selon la législation actuelle, donc, elle devrait encore s'y trouver ! »
« Quelle importance ? On a pas accès au registre. »
« Vous non, moi si ! C'est un des premiers documents qu'on m'a filé quand j'ai demandé l'autorisation spéciale à Aizawa-sensei ! »
« Donc si je te suis bien, on regarde toutes les Kathy de la liste des témoins et on fait une déduction ? »
Sur l'écran, la recherche par « Kathy » avait réduit le nombre de témoins au nombre faramineux de trois : une née en 2013, bien après le témoignage, une seconde morte quelques années auparavant des suites d'une opération d'infiltration dans laquelle sa couverture avait apparemment été éventée. Et la dernière...
« Madame Kathy Favren. »
« Et ? »
« Elle est censée être née en 1969. Autrement dit, elle n'a plus du tout l'âge de raconter des mensonges. »
C'est parti ^^ !
Milie : Coucou ^^ ! Tu peux pas imaginer comme ta review m'a mis les larmes aux yeux, c'était tellement gentil et adorable, merci infiniment ! J'aime beaucoup cette appelation de lectrice de l'ombre d'ailleurs. Et je suis extrêmement reconnaissante que tu ais commenté, ça a vraiment eu un effet de fou sur la motivation et la confiance en moi, surtout, de savoir que cette fic était VRAIMENT lue et appréciée. Merci.
Ha ha, je suis très heureuse que The Manly Bottoms t'ai plut aussi XD. J'espère que le petit bonus de Noël a rassasié l'acarien sur le tapis du salon XD?
Merci pour ton commentaire, merci infiniment et j'espère que ce chapitre-ci aura été agréable aussi à lire ^^.
SAEKO : Holà ^^ ! En favori dans ton téléphone mais t'as pas idée de la fierté et de l'émotion que c'est ! J'ai toujours du mal à me dire que y'a des vrais gens qui me lisent et qui apprécient alors me dire que ma fic est en favori chez quelqu'un, c'est un concept… Alors non, je ne vais pas abandonner (à moins problème personnel grave type maladie/décés/etc qui risquerait de me forcer à une pause mais basta), je prends bien trop de plaisir à l'écrire et mes fanfics m'ont redonné une passion de l'écriture que j'avais perdu (la faute au travail et à la vie d'adulte DE MERDE). Donc je resterais fidèle au poste ^^.
"J'ai pas l'habitude de commenter du coup je ne sais pas trop quoi te dire " = tout ce que tu veux. Ce que tu as dit était parfait et adorable et tellement gentil ! Et si à l'avenir tu ne sais pas quoi commenter sur une fic, garde juste à l'esprit que pour n'importe , un simple "LHDBF" ou "j'ai adoré X ou Y", c'est déjà ENORME tellement c'est ouf et adorable.
J'ai effectivement réalisé qu'il y avait beaucoup de Lecteurs de l'Ombre et je suis heureuse de vous savoir là, désormais.
Merci tellement d'avoir prit de ton temps pour commenter, merci infiniment et j'espère que ce chapitre aura été à la hauteur de ton attente ^^.
Akane29 : MERCIII ! Merci merci t'es adorable ^^ ! J'espère que ce chapitre aussi t'aura plu !
Gabakaho : Je te l'ai déjà dit mais ton pseudo/nom : top notch. Et bonjour, oui ^^ !
Tu fais donc parti.e de ces de l'Ombre dont j'étais persuadée que c'était juste des misclick ou des erreurs ^^.
Oh merci, merci infiniment ! Je suis très heureuse et ravie que The Manly Bottoms comme Tie the Knot te plaise et que tu as accroché à mon style (pour quelqu'un qui a toujours voulu être autrice, cette phrase est extraordinaire à lire. Wahou. WAHOU).
Je comprends tout à fait la timidité et qu'on sache pas forcément quoi dire ! Ou qu'on y pense pas parce qu'on est dans sa lecture et on va pas se mentir, pris.e dans le chapitre, on oublie tout XD. Mais en tout cas, merci beaucoup d'avoir commenté et d'avoir prit du temps pour me dire que tu lisais et que tu appréciais, c'est extrêmement précieux et ça m'a fait si plaisir, merci infiniment. Et je suis désolée de m'être mal exprimée, je voulais vraiment dire que ma motivation était dans les chaussettes, pas que j'allais arrêter, je suis navrée si j'ai foutu un coup de stress T-T.
Ton petit mot m'a effectivement aidé DE OUF à me rebooster et à reprendre un peu de confiance et au moins six tonnes de motivation, merci merci merci ! Et merci. Et j'espère que tu auras aimé ce chapitre ^^ !
Nira Nanmet : Coucou ! OF COURSE QU'IL ALLAIT FAIRE CRAQUER IZUKU XD. Mais j'ai préferé opter pour une scène bien plus drôle (et c'était un délice à écrire XD). J'espère que le Kacchan de ce chapitre a été assez sonore, moi j'ai kiffé l'écrire XD. Merci beaucoup pour ta review, merci !
Omiya : COUCOU ^^ ! "Ho ho ho" HOOOO c'est fin ça XD.
J'avoue, j'ai foutu LA MAX de lemon dans le chapitre précédent mais ça me démangeait, j'ai commencé cette fic POUR écrire du monster fucker moi, alors attendre CINQ chapitres LHQIBFE. Hahaha je suis heureuse d'avoir réussi à te surprendre sur la fin XD.
Et juré sur le petit doigt (c'est sacré), j'avais déjà écrit le passage sur Kam et on peut pas lui confier des secrets avant de lire ton commentaire XD. Donc tu as raison à six cent pour cent sur la forme mais pas le motif (j'aime renforcer le côté ours-ronchon-protecteur de Kacchan XD).
Merci d'avoir prit le temps de commenter, c'est toujours un plaisir de te lire et d'avoir tes retours et tout. Merci.
JE VAIS ALLER TE LIRE DE CE PAS SUR WATTPAD ! MERCI ! (et j'espère que ce chapitre t'aura plu ^^ !)
BadMoy : Heey ^^. Kacchan a dégusté et dégustera, en effet XD. Mais tant que Prince Carnage va bien, on est bon XD.
Merci pour ta review ^^ J'espère que ce chapitre-ci était une bonne lecture !
AnonymeJulie101 : Coucou ! Je suis désolée si je t'ai fait te sentir coupable, c'était pas du tout le but ! Je voulais simplement être honnête et partager ma baisse de motivation (surtout éviter, si elle continuait, de laisser la fic en friche sans explication, ce qui n'aurait pas été correcte, je pense…).
Merci beaucoup ! Merci infiniment ^^ ! Je ne sais pas si tu aurais le temps/l'envie, mais je serais vraiment intéressée et ravie de savoir ce que tu entends par "mon univers est particulier" et "modifie tes perspectives" ? Ça me semble extrêmement intéressant et ça m'aurait fait plaisir d'échanger dessus ^^ ?
MERCI POUR LES LEMONS ! J'ai hâte d'en réécrire XD ! Et j'espère que ce chapitre aura été à la hauteur ^^ !
