Hello!

Quelqu'un m'a posé la question du discord dans les reviews: si c'était plus pour lds ou général... Ca a commencé plus centré sur la trilogie mais c'est devenu un peu plus communautaire sur mes fics, des recommandations etc donc c'est plutôt général maintenant. Il y a un lien d'invitation sur mon compte twitter ou on le trouve facilement en cherchant la trilogie des cicatrices dans les serveurs.

Voilà pour les informations.

Enjoy & Review!


Chapitre 14 :


Quelques jours plus tard, Harry se retrouva incapable de dire non lorsque Snape décréta qu'il était grand temps qu'ils pratiquent la Défense au lieu de se contenter de la théorie et que le meilleur moyen pour cela était un duel dans une des pièces inutilisées du troisième étage. Snape avait l'air si enthousiaste, pour une fois, tellement plus proche de l'homme détendu qui avait habité le cottage que de la version fermée et froide dans ses robes de sorciers noires…

« Le venin… » tenta-t-il de le mettre en garde.

Mais le Professeur balaya l'argument d'un geste de la main. « L'impact sur mon organisme est minime, à présent, et je suis rouillé, Potter. Tu ne voudrais pas que je sois rouillé si je me retrouve face à un Mangemort, si ? »

Avec un soupir, le garçon capitula.

Et se retrouva sur les fesses au bout de dix minutes, à l'autre bout de la pièce. Heureusement qu'ils avaient poussé les meubles d'abord…

Si c'était ça quand il était rouillé…

Le bruit avait attiré Remus et Sirius.

Le duel était en trois manches.

Harry n'en gagna pas une.

Ce qui se passa ensuite, l'adolescent aurait vraiment dû le prédire.

Snape fit un commentaire sarcastique, Sirius répliqua…

Avec un rictus méprisant, le Professeur l'invita d'un geste à prendre la place que le Gryffondor avait laissée vacante.

« C'est une très mauvaise idée. » grinça Harry.

Remus posa la main sur son épaule et serra gentiment.

« Ou une excellente idée. » marmonna le loup-garou, avant de s'avancer pour se planter entre les deux. « J'arbitre. Pas de maléfices dangereux ou mortels. Mis à part ça… Tous les coups sont permis. »

Harry n'avait jamais vu de duel à ce niveau là.

Il ne savait même pas qu'on pouvait se battre à ce niveau là.

Sirius avait une approche brute qui était pourtant très efficace. Il pressait l'adversaire jusqu'à le pousser à se mettre sur la défensive, se servait de sa forme Animagus pour esquiver ou attaquer avec facilité ce qui rajoutait une dose d'imprédictibilité à ses coups et, généralement parlant, se servait de sortilèges simples mais efficaces.

Snape, c'était tout autre chose. Ses mouvements étaient fluides. Il pouvait être à un endroit à une seconde puis à l'autre bout de la pièce la suivante. Il virevoltait, se tournait, et utilisait sa baguette comme un orfèvre. Il n'avait pas honte de se reposer sur sa défense lorsque c'était nécessaire mais sa défense était, de toute manière, impeccable. Ses attaques étaient plus complexes que celles de Sirius et portaient leurs fruits. Son style semblait plus équilibré.

Le duel était serré.

Snape remporta la première manche, Sirius la seconde mais ce fut le Professeur qui eut la belle.

Ils étaient tous les deux un peu amochés sur la fin.

« Tu as triché. » accusa Sirius, avec mauvaise foi mais un peu moins d'hostilité que d'habitude. « Lunard ? Ton tour ? »

Remus s'inclina. « Volontiers. »

Remus et Sirius se connaissaient trop bien et ça faussait un peu le duel. Le style du loup-garou était plus proche de celui de Snape que de celui de Sirius, cela dit, et le commentaire continu du Professeur de Potions était intéressant. Il lui expliqua pourquoi, lors d'une bataille, son parrain était plus efficace en première ligne alors que lui-même et Remus étaient généralement en retrait pour mieux attaquer à distance.

Emploi du temps parfaitement minuté ou pas, ils ne firent rien d'autre de la journée.

Snape semblait revivre. Il ricana même lors d'un de ses duels contre Remus lorsque le loup-garou eut dévié un vilain maléfice de crache-limace et tenta de répliquer avec quelque chose de tout aussi puéril.

Harry apprit davantage ce jour-là, à les regarder se battre et à les affronter tour à tour, qu'en quatre ans de Défense à Poudlard.

Ça devint un rituel.

Tous les jours, ils commençaient et terminaient la journée par des duels.

De temps en temps, un membre de l'Ordre se prenait au jeu et les rejoignait pour regarder ou participer.

Perdre contre Bill Weasley fut presque un honneur pour Harry parce que le Briseur de Sorts avait un style de magie si précis, si parfaitement minuté, que le garçon décida presque qu'au lieu de devenir Auror, il voulait parcourir la planète pour briser des maléfices et des sorts vieux de mille ans.

Fol'Œil leur fit mordre la poussière à tous : Remus, Sirius et Snape – ce que ni Snape, ni Sirius ne prirent particulièrement bien ou avec beaucoup de grâce.

Kingsley enseigna à l'adolescent un combo de boucliers qui changea toute la donne. Avec, Harry était capable de bloquer presque tout. Avec, il parvint à surprendre Snape et à le désarmer. Certes, c'était une manche d'un duel sur cinquante mais c'était une victoire que les trois hommes fêtèrent dignement avec des bièraubeurres et le reste de tarte à la mélasse apportée par Mrs Weasley à la dernière réunion – même Snape et Sirius semblèrent faire la paix le temps d'une soirée.

Tonks était celle qui les rejoignait le plus souvent parce qu'elle passait régulièrement au Q.G. après son service pour rapporter les informations glanées au Ministère. Auror ou pas, Harry n'aurait pas parié beaucoup sur ses capacités, maladroite comme elle l'était dans la vie – et il le paya cher la première fois où elle le battit à plate couture et sans avoir à beaucoup se dépenser.

Envolées ses tendances à trébucher toute seule. Lorsqu'elle se battait, la jeune femme était d'une concentration exemplaire et d'une efficacité redoutable. Son style, la manière dont elle utilisait sa magie… Tout criait Fol'Œil chez elle et il n'était pas dur de deviner auprès de qui elle avait fait son apprentissage.

Parce qu'elle était disciplinée mais s'adaptait vite là où Sirius tendait à se reposer sur sa force brute, elle massacrait son cousin à chaque fois.

Remus parvenait généralement à gagner quelques manches voir quelques-uns de leurs duels mais Remus, Harry l'avait remarqué, apprenait vite d'un adversaire et, comme aux échecs, cherchait à anticiper ses coups. Et, la majorité du temps, c'était elle qui gagnait.

Quant à Snape…

Les duels contre Tonks se prolongeaient souvent au-delà des autres, que ce soit parce que le Professeur s'amusait à les faire durer ou parce qu'elle le mettait parfois en difficultés… Il gagnait toujours, ce qui la faisait enrager – mais avec bonne humeur. Ils étaient souvent en nage à la fin et s'attardaient pour disséquer ce qu'ils avaient fait, comment, ce qui aurait pu être mieux…

Sirius, Harry et Remus n'avaient jamais la patience de rester jusqu'au bout de ces discussions qui pouvaient durer des heures.

Un soir comme ça, où la maison était plutôt pleine à cause de la réunion qui se profilait et où cela avait donné lieu à plusieurs duels amicaux au sommet, Harry passa la tête dans le salon. Il venait de se faire botter les fesses une nouvelle fois par Kingsley mais avait réussi à battre Remus. La discussion dans la pièce tournait autour des duels, les plaisanteries fusaient et l'ambiance était plutôt bonne… Charlie taquinait sa mère qui ne participait généralement pas, uniquement pour s'entendre dire par Mr Weasley que sa mère avait été championne de duel en son temps et qu'il ferait mieux de se méfier si jamais elle condescendait à l'affronter, ce qui lui valut une gentille rebuffade de Mrs Weasley et des questions de plus d'un des membres de l'Ordre rassemblés là.

Mais Harry ne voyait pas celui qu'il cherchait.

Remus n'était pas là non plus mais, lui, l'adolescent savait où il était. Bill lui avait jeté un sort qui l'avait aspergé de liquide puant et le loup-garou s'était empressé d'aller prendre une douche.

En désespoir de cause, il approcha Sirius qui était avachi dans un fauteuil, de bonne humeur parce qu'il avait gagné son duel contre Kingsley, et osa poser la question qui fâche. « Tu sais où est Snape ? Si je ne lui donne pas ça ce soir il est capable de me mettre en retenue… »

Il agita le rouleau de parchemin dans sa main. Un rouleau soporifique sur les propriétés des plantes herbacées qui faisait le pont entre la Botanique et les Potions.

Son parrain pinça un peu les lèvres avec déplaisir mais semblait s'être résolu au fait que Snape faisait, pour l'instant, partie intégrante de leurs vies. Remus n'avait pas eu tort : leur permettre de se battre tous les deux régulièrement, de manière beaucoup plus encadrée que tous les autres, contribuait à alléger l'ambiance au quotidien. « Dehors, je crois. À l'arrière. »

Harry jeta un regard dubitatif à la fenêtre. Il pleuvait des cordes. Toutefois, il ne voyait pas pourquoi Sirius mentirait alors il longea les couloirs jusqu'à la petite porte qui donnait sur l'arrière de la maison et le jardin minuscule qu'aucun d'eux ne visitait jamais parce qu'il était envahi de mauvaises herbes.

Sauf qu'apparemment il avait tort et certains y allaient régulièrement.

Il ouvrit la porte et sursauta parce que, malgré la pluie, il ne s'était pas attendu à trouver des gens sur le perron, à l'abri sous le petit renfoncement qu'il aurait, jusque-là, affirmé être trop étroit pour deux personnes.

La cigarette changea de mains si vite et si discrètement qu'il n'aurait pas pu jurer qu'elle avait été entre les doigts de Snape une seconde auparavant.

Tonks la porta à ses lèvres sans une hésitation et sourit à Harry comme si tout était entièrement normal – comme si la moitié de son corps n'était pas plaqué contre celui de Snape, espace limité oblige.

Il remarqua à peine le tas de mégots détrempés par la pluie au sol qui tendait à prouver que ce qu'il venait d'interrompre avait lieu assez régulièrement.

« Euh… » hésita le garçon, soudain très mal à l'aise. C'était une chose de plaisanter ou de se faire des idées. Une autre de constater de visu qu'il y avait peut-être du poids à ces idées. « Vous vouliez… »

Il tendit le rouleau de parchemin au Professeur qui semblait incapable de le regarder en face mais le prit, l'inspecta, et le rangea dans la poche intérieure de ses robes.

« Oh, Harry… » grimaça l'Auror. « J'ai oublié de te dire… J'ai du neuf pour ton oncle… Il s'est réveillé. Les docteurs pensent qu'il est sorti d'affaire, on est censé aller l'interroger discrètement demain. »

Il éprouva un soulagement tel qu'il le surprit lui-même. « Et ma tante ? »

Tonks secoua la tête. « Pas de changements, à ma connaissance. »

« Oh. » Déçu sans savoir pourquoi, un peu inquiet malgré tout, Harry baissa la tête.

« Merci, Nymphadora. » répondit Snape, avant de pousser le garçon plus franchement vers l'intérieur.

Harry se laissa guider jusqu'au second petit salon qu'ils n'utilisaient jamais parce qu'il était rempli de poussière, de vitrines pleines à craquer de trucs glauques et que Kreattur y rôdait souvent.

Snape l'observait presque avec inquiétude. « Tu ne dois rien aux Dursley, Harry. »

Le garçon gigota, mal à l'aise. « C'est juste que… C'est ma faute. »

« Tu étais en Écosse avec moi. » contra le Professeur. « Ce n'est certainement pas ta faute. »

« Mais si j'avais été avec eux, j'aurais pu les défendre. » soupira-t-il. « J'aurais pu… »

« Te faire capturer ? » railla l'homme, avant de poser une main hésitante sur son épaule. « Et plus important… Méritent-ils que tu les défendes ? Que tu te mettes en danger pour eux ? »

Harry leva les yeux au ciel. « Ça n'a rien à voir là-dedans. On ne défend pas les gens parce qu'ils le méritent. C'est… » Il haussa les épaules. « C'est compliqué. »

« Une vérité pour une vérité ? » proposa calmement le Professeur.

Cela faisait longtemps qu'ils n'avaient pas joué à ce jeu là, depuis le cottage au moins. À nouveau, Harry haussa les épaules et enfonça les mains dans ses poches.

« Ils t'ont traité horriblement mais c'est la seule famille que tu as jamais connue. » remarqua Snape, avec une certaine prudence. « Je comprendrais que… »

« Ce n'est pas que je les aime vraiment. » le coupa Harry, en inspectant ses chaussures et les traces qu'elles avaient laissées dans l'épaisse couche de poussière au sol que seules les empreintes de pas de l'elfe de maison troublaient. « Mais je ne veux pas qu'il leur arrive du mal. Et Dudley… Dudley doit se sentir très seul. Tante Marge n'est pas vraiment du genre rassurant. » Il poussa un soupir frustré. « Ce n'est pas que je les aime ou qu'ils me manquent ou ce genre de choses. Je serais content de ne jamais les revoir. Mais si Tante Pétunia meurt… »

« C'est tout ce qu'il te reste de ta mère. » devina le Professeur.

Par réflexe et sans y réfléchir, Harry sortit sa baguette, caressant du pouce les spirales polies par l'usage de la hampe. « Plus maintenant. » Il prit une profonde inspiration, garda les yeux rivés sur la baguette de sa mère. « Je ne vous ai jamais dit merci. »

« Tu m'as remercié plus de fois que nécessaire. » contra Snape, le grondant presque parce qu'il trouvait parfois que l'adolescent s'épanchait en remerciements pour des choses qui étaient naturelles. « Et c'est inutile. Cette baguette te revenait de droit, de toute manière. » Le Professeur hésita. « C'est une clause de mon testament. Elle était censée te revenir si… » Harry leva la tête si vite que quelque chose claqua à l'arrière de sa nuque, son regard allant directement se poser sur les cicatrices que les crocs de Nagini avaient laissées, la toile de son venin était presque invisible désormais. Le sorcier se racla la gorge. « Bien que ce ne soit plus à l'ordre du jour. »

Ça aurait été facile de s'en tenir là mais Harry était un Gryffondor et les Gryffondors ne se contentaient pas de la facilité. Il prit donc son courage à deux mains.

« Je ne parlais pas de la baguette. » avoua-t-il, en croisant son regard.

Il n'était pas question de Legilimencie ou d'Occlumencie, à cet instant, mais l'intensité de l'échange était indéniable. Il y avait beaucoup de choses que l'adolescent ne savait pas comment formuler, beaucoup de sentiments, certains ambivalents, qui étaient trop compliqués à mettre en mots.

La gratitude prévalait.

Parce que Snape lui avait ouvert une porte sur l'enfance de sa mère.

Parce que Snape avait vu ce que des dizaines d'autres adultes avaient toujours refusé de voir et avait agi.

Parce que Snape lui avait donné un foyer, aussi temporaire que ça avait été.

« Une vérité pour une vérité… » murmura le Professeur, en détournant les yeux le premier. « J'aurais aimé. Être ton parrain. »

« Rien ne vous empêche de l'être. » décida-t-il, un peu sur un coup de tête. « Je peux en avoir deux. »

Le sorcier émit un bruit amusé. « Je ne suis pas certain que cela fonctionne ainsi. »

« Pourquoi pas ? » insista-t-il, avant de forcer un peu de gaité dans sa voix. « En plus, c'est probablement plus sûr… Mon parrain ne peut pas hurler trop, trop fort lorsqu'il lira mon devoir de Botanique. »

« Ah, c'était donc là le plan machiavélique… » plaisanta le Professeur. « Je crains que tu ne sois déçu… Un parrain hurlerait d'autant plus fort au contraire… »

« Flûte. » lâcha Harry, pince-sans-rire.

Snape leva les yeux au ciel mais soupira en entendant le bruit caractéristique de chaises raclant le sol. Visiblement, la réunion allait commencer dans la cuisine. « Je devrais les rejoindre. »

Harry ne put pas s'en empêcher. Peut-être était-il suicidaire. « Oui, il ne faudrait pas faire attendre… Nymphadora. »

« Un parrain hurlerait si fort que son filleul se retrouverait à récurer des chaudrons jusqu'à sa majorité. » rétorqua le Professeur avec un sarcasme très appuyé.

Le garçon leva les deux mains devant lui en signe de paix. « Ce ne sont pas mes affaires. »

« Du tout. » acquiesça Snape. « Mais puisque tu sembles incapable de ne pas y fourrer ton nez, sache que tu te fais des idées. »

Harry eut un sourire entendu. « Sûrement… C'est vrai qu'elle ne menace pas de décapiter tous ceux qui l'appelle Nymphadora sauf vous. Je dois me faire des idées. C'est comme les cigarettes que vous ne fumez pas. J'ai dû me tromper. »

« Voilà. » décréta le Professeur, en le poussant hors de la pièce d'une bourrade pas tout à fait amicale. « Tu t'es trompé. Une erreur tout à fait compréhensible dont nous éviterons de parler à d'autres personnes. Compris ? »

« Compris. » promit-il, sans parvenir à s'empêcher de ricaner. La taloche à l'arrière de la tête était si légère qu'il la sentit à peine. À dessein. Si Snape avait voulu faire plus que le frôler, il l'aurait fait. Ce n'était qu'un jeu. Et c'est pourquoi il prit son air le plus blessé et se frotta l'arrière du crâne de manière exagéré. « Aïe. Et moi qui pensais que vous m'aimiez bien, maintenant… »

« Tremble à l'idée de ce qui se passerait si ce n'était pas le cas. » rétorqua Snape, avant de se détourner dans un claquement de cape pour rejoindre la réunion qui avait probablement commencé sans lui.

Harry sourit comme un imbécile tout le reste de la soirée.

C'était idiot, il le savait bien, mais ça lui faisait plaisir que Snape ait plus ou moins admis l'apprécier. Et d'avoir gagné un parrain plus ou moins officiel.

Le changement de dynamique fut subtil, les jours qui suivirent, mais Harry ne s'y trompa pas.

La distance que le Professeur avait essayée de remettre oblitérée, ils retrouvèrent leurs anciennes habitudes petit à petit. À commencer par partager le petit-déjeuner tous les matins, généralement en tête à tête parce que Sirius se levait toujours tard et que Remus préférait prendre son café dans le salon. Snape ne poussa pas jusqu'à remettre ses tenues Moldues ou descendre en pyjama mais il semblait plus détendu, plus apaisé aussi. Ça aidait que Sirius ait semblé se calmer un peu sur les insultes et les provocations.

Tout ce qui manquait à Harry pour être heureux était des fish & chips et un contact avec le monde extérieur. Ils étaient enfermés ici depuis tellement de temps maintenant… Au moins le cottage était entouré de nature qu'il pouvait explorer autant qu'il voulait. Au Square Grimmaurd, l'extérieur se limitait au carré minuscule à l'arrière de la maison et, ce, si on était prêt à braver les mauvaises herbes qui paraissaient déterminées à s'enrouler autour de vos chevilles pour vous faire trébucher – et ce malgré les potions que Snape utilisait pour tenter de tuer ce chiendent magique.

Ils avaient enfin trouvé un équilibre et ils entamèrent le mois de Décembre avec une telle bonne humeur qu'Harry aurait dû savoir que ça ne pouvait pas durer.

« Ma cicatrice brûle de plus en plus souvent. » avoua-t-il, un soir, alors qu'ils fouillaient dans les boîtes de décoration que Sirius avait descendu du grenier.

Enfin… Lui et Remus fouillaient pour trouver des décorations convenables afin d'habiller le sapin que Tonks et Charlie avaient ramené la veille, Sirius inspectait chaque boîte pour vérifier qu'il n'y avait pas de maléfice et Snape était plongé dans un livre, ayant décrété qu'il exécrait Noël, ce qui avait poussé le loup-garou à le traiter de Scrooge sur le ton de la plaisanterie.

Le livre fut rapidement oublié, cependant.

Tout comme les boîtes de décorations.

« Comment ça de plus en plus souvent ? » releva Sirius. « Pourquoi tu ne nous en as pas parlé avant, Harry ? »

Il jeta un regard accusateur vers Snape, comme si le Professeur avait su et le leur avait délibérément caché.

Mais Snape était tout aussi contrarié que lui. « Qu'en est-il des visions ? Black n'a pas tort, c'est exactement le genre de choses dont tu dois nous parler immédiatement. »

Tout se passait tellement bien qu'il n'avait pas voulu tout gâcher avec ses problèmes.

Mais il était indéniable que la cicatrice brûlait de plus en plus et de manière trop forte pour être ignorée. Ou pour que ce soit accidentel.

« Je n'ai plus de visions, pas avec l'Occlumencie. » promit-il, avant de grimacer. « Mais la cicatrice… En général, c'est quand il est soit très heureux, soit furieux… Ça veut sans doute dire quelque chose… Si je baissais mes boucliers… »

« Non ! » s'exclamèrent Sirius et Snape, en même temps. Ils échangèrent un regard dégouté et détournèrent les yeux avec un synchronisme alarmant.

Malgré la gravité de la situation, Remus fut forcé de dissimuler un sourire. Le ton du loup-garou, pourtant, était sérieux lorsqu'il prit la parole. « Ce qu'ils veulent dire, Harry, c'est que c'est un trop gros risque. Pour ce que nous en savons, c'est exactement ce que Voldemort veut. »

« As-tu des migraines ? » demanda Snape, un peu abruptement.

Parce qu'il savait qu'il allait se faire gronder pour ne pas en avoir parlé non plus, il grimaça. Mais acquiesça. « Presque tous les jours. »

Snape se frotta les yeux. « Nous pourrions l'imputer à ta vue… Il est urgent que tu vois un Médicomage spécialisé… Cependant, étant donné les circonstances… »

« Il essaye de rentrer dans son esprit à son insu. » lâcha Sirius, d'une voix blanche.

Preuve que la situation était grave, Snape ne s'embarrassa même pas de sarcasmes. « C'est probable. Viens ici. » Harry obéit, se préparant mentalement à ce qu'il savait être très désagréable. « Ne cherche pas à me repousser, je veux inspecter tes défenses au repos. Legilimens. » La pression sur ses boucliers augmenta d'un cran mais l'attaque fut brève et le hochement de tête du Professeur approbateur. « Excellent. »

« Donc il n'a pas réussi ? » insista Sirius. « Harry est en sécurité ? »

« À distance, ses chances de réussir sont faibles opposé à une véritable résistance. » décréta Snape. « S'il arrive à bloquer les visions, il est peu probable que le Seigneur des Ténèbres soit parvenu à autre chose. » Il jeta un regard sévère au garçon. « En revanche, à partir de maintenant, je veux que tu me préviennes immédiatement si ta cicatrice te dérange ou si tu as mal quelque part. Je sais que les Gryffondors aiment leurs nobles sacrifices mais il est inutile de souffrir en silence quand les potions antidouleur existent. »

Harry n'avait pas l'habitude de se plaindre lorsque ça n'allait pas ou lorsqu'il avait besoin de quelque chose. C'était dur pour lui d'aller demander de l'aide à un adulte.

Il fit un effort les jours qui suivirent, tâcha de le dire à Snape ou à Remus lorsque la migraine était vraiment importante, accepta leurs regards inquiets et leurs sorts de diagnostics de bonne grâce…

C'est comme ça qu'il se retrouva, un soir, à descendre pour le dîner avec un mal de tête carabiné qui n'avait cessé d'enfler depuis le dernier cours de Métamorphose avec Sirius. Ça avait commencé par une démangeaison dans sa cicatrice qui s'était lentement transformée en brûlure et, à présent, il avait l'impression qu'on lui enfonçait un fer blanc dans le crâne.

Il ne trouva que Sirius et Remus dans la cuisine, hésita un peu à leur parler de sa migraine, comme toujours, puis finit par le faire en sachant que le Professeur de Potions n'aurait besoin de lui jeter qu'un seul coup d'œil pour déterminer qu'il y avait un problème. Il prit la potion que lui tendit Remus avec reconnaissance mais sans grand espoir que ce soit très efficace. Lorsque le mal de tête venait de la cicatrice, les potions parvenaient à peine à estomper un peu la douleur.

« Où est Snape ? » demanda-t-il, en avisant, avec un temps de retard, que la table n'était mise que pour trois. « Il va bien ? Il a eu une crise ? »

« Non, non… » s'empressa de le rassurer Remus. « Severus va très bien. Charlie, en revanche, est malade. »

Harry fronça les sourcils. « Et alors ? »

« Et alors, visiblement, tout le monde n'est pas en cavale de la même manière. » grommela Sirius. « Moi, je n'ai pas le droit de sortir et je dois rester enfermé dans cette vieille baraque mais d'autres ont le droit de se rendre utile. »

Il avait peur de comprendre…

« Tonks avait besoin d'un partenaire pour une mission de surveillance. » expliqua Remus. « Severus s'est dévoué. »

Il y avait un léger amusement dans sa voix mais le garçon ne releva pas parce que…

« Mais c'est dangereux ! » s'exclama-t-il. « Et si quelqu'un le reconnait ? Et s'il a une crise ? Et si… »

« Severus va beaucoup mieux. » l'interrompit le loup-garou, d'un ton apaisant. « Et il sait ce qu'il fait, Harry. Tout ira très bien, j'en suis sûr. »

« Pourquoi vous n'y êtes pas allé, vous ? » accusa-t-il presque.

Après tout, c'était le choix logique.

Mais Remus grimaça. « C'est la pleine lune, ce soir. »

Se sentant immédiatement coupable, l'adolescent baissa la tête. « Désolé, je… »

« Ce n'est pas grave. » lui promit le loup-garou.

C'était grave, cependant.

Il avait manqué de délicatesse et ça ne changeait rien au fait que Snape n'aurait jamais dû être là dehors, encore moins en mission

Le repas fut silencieux.

Harry remuait sa nourriture plus qu'il ne mangeait, ressassant ses inquiétudes. Sirius était plus que contrarié de ne pas avoir eu le droit de sortir. Et Remus… Remus accusait très visiblement le coup de la transformation imminente. En guise de dessert, le sorcier avala un gobelet fumant, sans aucun doute préparé par Snape plus tôt dans la journée.

Le loup-garou fut le premier à s'excuser pour rejoindre les sous-sols où il passait les pleines lunes, mais Sirius ne tarda pas à aller le rejoindre – et vu sa mauvaise humeur, c'était plutôt un soulagement.

L'adolescent traina un long moment au rez-de-chaussée mais le silence était trop pesant. Il le regretta néanmoins un peu, ce silence, lorsque le hurlement à la lune retentit sans prévenir, suivi d'aboiements presque joyeux.

Harry se prit à espérer qu'ils avaient bien fermé le verrou, même s'il savait qu'il ne risquait rien tant que Remus avait pris sa dose de potion Tue-Loup…

Il explora un peu les pièces dans lesquelles on lui avait déconseillé d'entrer puisque aucun adulte n'était là pour l'en empêcher, trompa surtout le temps jusqu'à l'heure où il montait généralement se coucher… Snape n'avait jamais ouvertement imposé d'horaires mais, en semaine, il commençait à jeter des regards appuyés à la pendule si Harry s'attardait après dix heures. Il s'était si bien habitué à ce rythme qu'il baillait déjà lorsque la vieille horloge à balancier sonna l'heure fatidique dans le couloir.

Il traîna les pieds jusqu'à l'étage, espérant un peu qu'il entendrait la porte ou la cheminée avant d'arriver en haut de l'escalier. Peine perdue. Il prit plus de temps dans la salle de bain qu'il n'en avait jamais pris de sa vie, s'accordant le luxe quasiment inédit d'un bain juste pour avoir une excuse toute prête si quelqu'un lui reprochait d'être encore debout… Au moins, cela fit du bien à son mal de tête. Voldemort avait dû se calmer parce que sa cicatrice s'était apaisée.

Snape n'était toujours pas rentré lorsqu'il émergea de la salle de bain.

Il laissa la porte de sa chambre entrouverte pour mieux l'entendre rentrer et finit par se glisser sous les draps, uniquement pour passer l'heure qui suivit à se tourner et se retourner dans le lit.

De guerre lasse, il renonça à son sommeil et redescendit au rez-de-chaussée, emmitouflé dans son sweatshirt en pilou, et s'installa sur le canapé, bien décidé à l'attendre coûte que coûte. S'il n'était toujours pas là passé minuit et demi, décida-t-il, il irait taper à la porte de la cave pour prévenir Sirius…

Non.

Non, très mauvaise idée. Sirius saisirait l'occasion pour se lancer à leur secours sans une hésitation ou sursaut de prudence. Il se ferait arrêter. Et…

Non… Il utiliserait la poudre de cheminette pour contacter le Terrier. Voilà. Mr et Mrs Weasley sauraient sans doute quoi faire. Quant à expliquer pourquoi il se sentait le droit de superviser les allées et venues de son professeur…

Harry était toujours en train d'alimenter sa liste d'excuses et d'explications lorsqu'il s'endormit comme une masse.

Ce fut le bruit qui le réveilla en sursaut.

Il avait toujours le sommeil léger, surtout lorsqu'il ne se sentait pas en sécurité.

Il lui fallut plusieurs secondes pour se repérer, trouver et remettre ses lunettes… Les bougies s'étaient consumées et le salon était plongé dans le noir, le feu n'était plus que braises dans la cheminée. Il s'assit lentement, tâcha de se souvenir de pourquoi il dormait là au lieu de dans son lit…

Le bruit assourdi de la porte d'entrée se refermant doucement le lui rappela.

Snape.

Snape qui était parti en mission, sans même le prévenir, de manière totalement inconsciente.

Il se serait précipité dans le couloir – pas pour lui faire la leçon parce qu'il n'était pas suicidaire mais peut-être pour lui faire une remarque culpabilisante ou deux – s'il n'avait pas entendu le rire étouffé trop féminin qui n'appartenait définitivement pas à son professeur.

« Ce n'était pas si drôle. » remarqua ce dernier, à voix basse.

Il faisait clairement un effort pour ne pas faire de bruit et déranger la maison. Toutefois, la nuit, les sons portaient et ils s'étaient visiblement arrêtés dans le couloir, à côté du salon. Harry osa un coup d'œil mais, de là où il était, il ne voyait rien. Il faisait trop sombre et ils n'avaient pas allumé la lumière.

« C'était un peu drôle. » rétorqua Tonks dans un chuchotement. « Ce borsalino ? Ça n'aurait pas pu être plus louche s'il avait marqué gangster sur son front… Sérieusement, c'est si difficile de se faire passer pour un Moldu ? »

« Pour un Sang-Pur ? Extrêmement. » répondit Snape, dans un soupir. « Et nous ne savons pas ce qu'il y avait dans cette enveloppe… »

« De l'argent. » décréta la jeune femme avec aplomb. « C'était forcément de l'argent. »

« Forcément est un bien grand mot. » contra le Professeur. « En tout cas, nous ne sommes pas plus avancés. Nous ne savons toujours pas ce que complote Mulciber. »

C'était sans doute le genre de choses qu'Harry n'était pas censé entendre, surtout lorsque Voldemort toquait à son esprit avec régularité.

Grimaçant parce qu'il savait qu'il allait sans doute se prendre un savon, il allait se lever et se signaler lorsque l'Auror reprit, d'un ton un peu plus feutré.

« Au moins, la soirée n'était pas totalement perdue… » lâcha-t-elle. « Le club était sympa, les cocktails étaient bons… »

« Les musiciens n'étaient pas trop mauvais. » lui accorda Snape, d'un ton légèrement hautain qui signifiait sans doute qu'il avait passé la soirée à se plaindre de la musique.

Un club ?

Harry s'était fait un sang d'encre et le Professeur avait passé la soirée dans un club ?

Il passa sur le fait qu'il n'arrivait pas à imaginer Snape dans ce genre d'environnement – pas ce Snape, du moins celui qui écoutait du rock, portait des lunettes de soleil et se baladait pieds nus, c'était autre chose – et se prépara à l'accuser de l'avoir inquiété pour rien. Sauf qu'il n'osa pas se lever. Parce qu'il ne voyait toujours pas ce qu'il se passait dans le couloir mais il entendait très bien or la voix de Tonks s'était encore adoucie.

« Le Polynectar a cessé de faire effet. » annonça-t-elle.

Snape ricana, un peu amer. « Déçue ? »

« Non. » murmura-t-elle, presque trop bas pour qu'Harry l'entende. « Pourquoi, vous me préfériez en blonde pulpeuse ? »

Il lui apparut tout à coup que sortir du salon, que ce soit pour accuser le Professeur de l'avoir inquiété pour rien ou avouer qu'il s'était innocemment endormi en l'attendant, était la pire idée du monde.

Il n'était pas censé entendre cette conversation.

Personne n'était censé entendre cette conversation.

Cette conversation était très clairement privée et c'était une chose de s'amuser d'une romance potentielle entre Snape et Tonks mais tout à fait une autre de les espionner même à son insu.

S'il sortait du salon, Snape allait le tuer.

Tonks allait le tuer.

Et ces deux là seraient probablement capables de cacher son corps là où personne ne le retrouverait jamais.

« Je n'ai jamais été très porté sur les blondes. » admit Snape, d'un ton que le garçon ne lui avait jamais entendu – et ne voulait jamais réentendre. Était-il en train de flirter ? Snape savait comment flirter ? Snape ?

Merlin… Que se passerait-il s'ils se mettaient à s'embrasser ?

Pire…

Que se passerait-il s'ils découvraient qu'Harry était là, après s'être embrassés ?

Il lui fallait un plan. Un plan solide.

« Non ? Quel genre de femmes vous attire, alors ? » demanda-t-elle.

Avec toute la discrétion d'un sioux, le garçon se rallongea lentement, sans geste brusque, attentif à ne pas faire craquer le vieux canapé ou à ne pas faire crisser le tissu.

Il allait faire semblant de dormir.

S'ils mettaient un orteil dans le salon, Harry lâcherait le ronflement le plus convainquant du monde. Il avait partagé un dortoir avec Ron pendant quatre ans, il était très doué pour imiter les ronflements de son meilleur ami.

Ils n'avaient pas l'air de vouloir quitter le couloir, cependant. La voix de Snape perdit un peu en amusement et gagna en regrets. « Celles qui n'ont pas la moitié de mon âge… »

Tonks émit un grognement trop théâtral pour ne pas être feint. Il pouvait parfaitement l'imaginer plaquer une main contre son cœur avec une expression blessée.

« La bonne réponse était toi. » soupira-t-elle, avec un amusement évident. « Mais je suppose que c'est une bonne chose que je n'ai pas dix-sept ans et que je puisse changer d'apparence à volonté… C'est bien comme ça ou je rajoute une ride ou deux ? Quelques cheveux gris ? »

Son propre rire sembla prendre Snape par surprise. Il était rauque, un peu cassé, rouillé peut-être…

« Nymphadora… »

Le ton se voulait réprobateur mais cachait mal son amusement.

Harry se demanda si son alibi serait toujours crédible s'il plaçait un coussin sur son visage pour mieux étouffer les sons et ne pas entendre la fin de cette conversation.

« Severus. » répondit-elle, sur le même ton. « À la fin d'un premier rendez-vous, en général, on s'embrasse et on propose de se revoir, tu sais… »

Le tutoiement était hésitant, un peu gauche. Nouveau, sans doute.

Harry ferma les yeux très fort et souhaita tout aussi fortement pouvoir fermer ses oreilles de la même manière. Un silencio… Il aurait dû y penser avant… Un silencio ferait l'affaire. Mais comment sortir sa baguette et prononcer la formule sans se faire prendre ? Non, décidément, c'était…

« Un rendez-vous ? » releva Snape, d'un ton perplexe.

Tonk soupira. « Eh bien… On est allé dans un club, on a bu des cocktails, on a écouté de la bonne musique, on a espionné un Mangemort aussi discret qu'Hagrid se faisant passer pour un première année, on a trop fumé et on s'est promenés au clair de lune… Si ce n'est pas le premier rendez-vous parfait, je ne sais pas ce qu'il te faut. »

Il y eut un silence.

Harry refusa résolument de tenter de deviner ce qu'ils faisaient.

« Est-ce là vos critères pour un rendez-vous réussi ? » lança le Professeur.

« Tes. » corrigea-t-elle, dans un souffle. « On a fumé la même cigarette et j'ai bu dans ton verre… On peut se tutoyer, je crois. »

« Je ne t'ai jamais autorisée à boire dans mon verre. » railla Snape, le ton un peu plus dur, un peu plus tendu. L'épaisse moquette qui recouvrait tout dans la maison assourdissait les bruits de pas mais Harry entendit distinctement une latte craquer, devina sans mal que l'homme avait fait un pas en avant. « Nous étions en mission. Le club, les cocktails, la musique… Tout cela faisait partie de la mission. Et ce n'était pas une promenade. »

S'il n'avait pas eu peur de bouger un petit orteil, Harry aurait secoué la tête.

Tonks était jolie, elle était drôle et pleine de vie… Il ne voyait pas pourquoi Snape essayait soudain de la repousser. Parce qu'elle était plus jeune ? Est-ce que c'était vraiment important ?

« Je préfère ma version. » contra l'Auror, sans se démonter. « Et puis… C'était une mission mais on n'était pas forcés de faire semblant d'être un couple. Et c'était une promenade parce qu'on a pris le chemin le plus long pour rentrer… » Il y eut un bruit étouffé, comme si Snape avait voulu parler mais avait été réduit au silence. « Et, non, ce n'était pas juste pour vérifier qu'on n'était pas suivis. On s'est amusés, non ? »

Il y avait une touche de supplique dans la voix de la jeune femme, à présent.

Harry rouvrit les yeux et fixa les braises dans la cheminée, espérant très fort que Snape n'allait pas la faire pleurer. Il n'y avait rien de pire qu'une fille qui pleurait.

Le Professeur poussa un soupir qui avait tout de la capitulation. « Est-ce l'espionnage qui te plait ? »

« Ça rajoute un certain piment. » admit-elle, sans détours.

Du piment.

Harry ne voulait pas entendre parler de piment.

Il ne voulait plus rien entendre du tout.

Pourquoi n'allaient-ils pas dans la cuisine au lieu de discuter de ça au beau milieu du couloir, à deux pas d'un portrait qui pouvait se mettre à hurler sans prévenir ?

« Je ne suis pas James Bond, Nymphadora. » lâcha Snape, la voix à nouveau dure. « Si c'est ce que… »

« Ne me prends pas pour une idiote. » le coupa-t-elle, sèchement. L'irritation disparut vite, cependant. « Écoute… » Elle hésita. « Le Professeur Snape, je n'en ai jamais vraiment eu grand-chose à faire… Mais depuis qu'on s'est revus, l'été dernier… Le membre de l'Ordre, l'espion, l'homme qui a un cottage où tout ou presque fonctionne à la Moldue, qui a de la couleur dans son placard, qui a les cassettes de tous mes groupes préférés, qui sait voler une voiture et qui porte des jeans… Lui, il m'intrigue. Et il y a une raison si je suis devenue Auror, tu sais. Je n'ai jamais pu résister à un mystère. »

« Cet homme là n'existe qu'un mois par an, si j'ai de la chance. C'est devenu un fantôme. » répondit le sorcier, après un long silence. « Être un espion n'a rien d'amusant. Ce Professeur Snape qui ne t'intéresse pas… Je ne dirais pas que c'est totalement une personnalité d'emprunt mais c'est un rôle que j'ai cultivé si longtemps qu'il m'est impossible de m'en détacher tout à fait désormais. » Il soupira. « Il n'y a guère de mystère, non plus, juste un homme aigri, colérique et perpétuellement mal luné. Tu serais déçue. »

Harry leva les yeux au ciel.

Snape était aigri, colérique et mal luné lorsqu'il était à Poudlard – ou lorsqu'il était forcé d'être trop en contact avec Sirius et Remus au Square Grimmaurd. Au cottage… Au cottage, il était détendu, plaisantait, vivait simplement mais appréciait son cadre de vie… Il l'avait vu interagir avec les habitants du village… Il ne cherchait pas leur compagnie mais il ne la rejetait pas non plus. Il aurait facilement pu aboyer sur Mrs Reid ou la décourager de tenter de l'aider, au lieu de ça, il avait toujours été gentil avec l'épicière qui semblait l'adorer…

Mrs Reid…

Qu'est-ce qu'elle devait penser d'eux, à présent ?

Le portrait robot de Snape et la photo d'Harry s'étalait dans la presse Moldue. Vernon, que ce soit par pure vengeance ou parce qu'il était confus, avait accablé Harry auprès des Aurors et n'avait pas longtemps hésité avant de désigner Snape comme son agresseur. Tonks disait que le témoignage avait été orienté mais le résultat était le même.

Aux yeux de tout le monde, Snape et Harry étaient des criminels.

C'était pour ça que, même avec du Polynectar, le Professeur n'aurait pas dû sortir.

« Tu es si dur avec toi-même. » murmura la jeune femme, si bas qu'Harry dut tendre l'oreille avant de se rappeler qu'il ne voulait rien entendre.

« Pas assez, je t'assure. » déclara Snape, d'un ton trop sérieux. « Mes crimes… »

« Sont du passé. » le coupa-t-elle fermement.

« Ce n'est pas si simple. » contra le Professeur.

« Ça peut l'être. » insista-t-elle.

À nouveau, il y eut ce bruit un peu rauque, un peu étonné. Le rire de Snape. « Tu es têtue comme une mule. »

« Je préfère obstinée. » répondit-elle gaiement. « Opiniâtre. Persévérante. Déterminée. »

« Déterminée… » répéta le Professeur, étirant le mot jusqu'à la limite de son ton traînant. « Déterminée à quoi, exactement ? »

« Je te l'ai dit… » Il y eut un autre grincement, comme si elle avait elle aussi fait un pas en avant. « En général, à la fin d'un premier rendez-vous aussi glorieux, on s'embrasse. »

Snape émit un bruit pensif. « Peut-être que je n'embrasse pas avant le second… Je ne suis pas un homme facile. »

Le rire de la jeune femme résonna un peu dans la maison silencieuse à cette plaisanterie douteuse. « Ah, donc il y en aura un second ? »

« Je n'étais déjà pas conscient que nous en avions eu un premier. » rétorqua le Professeur. « Qui sait ? »

« Fais attention, Severus… » le mit-elle en garde, la voix débordante d'humour. « Moi aussi je sais me faire désirer… »

La moquette avait beau étouffer les bruits de pas, Harry n'eut pas de mal à suivre mentalement leurs déplacements lorsque quelqu'un se dirigea vers la porte d'entrée, uniquement pour être suivi par une autre personne, un peu plus lourde. Tonks lâcha un léger glapissement puis ce fut le silence total.

Enfin, il n'était pas total mais Harry refusait d'entendre.

Il s'écoula longtemps, très longtemps, avant que la porte ne se rouvre doucement et qu'ils échangent un bonne nuit qui sembla tirer en longueur.

Snape referma la porte derrière elle, poussa un soupir, puis s'éloigna.

Harry attendit une bonne vingtaine de minutes avant de risquer retourner dans sa chambre et se jura d'enfouir cette scène tout, tout au fond de son esprit là où le Professeur n'irait jamais la chercher. C'était une bonne chose qu'il soit capable de repousser Snape de plus en plus lorsqu'ils s'entraînaient à l'Occlumencie.

Il lui fallut tout de même plusieurs jours avant d'oser regarder le Professeur en face – ce que Snape avait très visiblement remarqué et mettait sur le compte de visions ou de migraines qu'Harry lui aurait cachées, loin de se douter qu'il avait involontairement surpris un moment trop intime.

Et ce n'était rien à côté des choses qu'il ne pouvait plus ignorer.

Avant, il s'était amusé à interpréter chaque conversation dans un coin de la pièce ou les regards un peu trop prolongés ou même les plaisanteries de Tonks, mais, à présent… La jeune femme semblait avoir mis ses menaces à exécution et elle n'était pas particulièrement subtile.

Et, pourtant, personne d'autre ne semblait remarquer son manège ou alors personne d'autre ne s'en souciait.

Harry ne voyait que ça, lui.

La manière dont elle se penchait un peu plus lorsqu'elle s'appuyait en avant, si elle savait que Snape était derrière elle. Les regards qui s'accrochaient et s'attardaient sur le corps de l'autre. La manie qu'elle avait de toujours se tenir un poil trop près lorsqu'elle lui parlait. Les mains qui s'effleuraient délibérément dès qu'il fallait passer un objet. Les commentaires chuchotés à l'oreille lorsque la pièce était pleine uniquement pour arracher un sourire à l'autre.

Harry n'était pas idiot.

Il n'avait peut-être pas beaucoup d'expérience avec les filles mais il savait à quoi ressemblait un jeu de séduction lorsqu'il en voyait un. Il venait de lire tout un chapitre sur la parade nuptiale des Focifères et Tonks n'avait rien à envier aux femelles qui agitaient leurs plumes sous le nez des mâles.

Le pire, c'était les duels.

Les leurs avaient toujours été intenses mais désormais… Il ne savait pas si c'était son imagination ou s'ils avaient pris une dimension supplémentaire. Il avait décidé de se tenir loin de la pièce lorsque ces deux là s'entraînaient.

Pire, Sirius commençait à soupçonner quelque chose. Il faisait des remarques dès que Tonks et Snape disparaissaient ensemble pour prendre l'air quelques minutes ce qui était un code pour fumer une cigarette – ce que le garçon était censé ignorer. Étant donné qu'il n'était pas certain que la cigarette soit tout ce qu'ils échangeaient sur le porche, Harry s'en tenait généralement loin.

Il avait cessé de trouver ça drôle.

Entre tenter de rester aveugle à ce qui se jouait sous le nez de tout le monde et repousser les visions de plus en plus fréquentes de Voldemort, Décembre avait pris un tour peu joyeux.

Il aurait dû se méfier.

Il aurait dû se méfier que quelque chose allait se passer.

Une nuit, il se réveilla en hurlant, ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps.

Il hurla jusqu'à s'en arracher la gorge.

Le monde n'avait ni forme, ni son, ni couleur.

Il n'était que douleur.

Il sentit des mains agripper ses poignets et écarter les siennes de son visage, entendit le juron étouffé, se sentit attiré contre un autre corps qui lui coinça les bras pour ne pas qu'il se blesse à nouveau… Il avait griffé son front, pensait-il vaguement, avait tenté d'arracher avec ses ongles le point douloureux qui pulsait derrière sa cicatrice…

La douleur…

La douleur…

Il y avait des bruits de voix mais elles étaient étouffées…

Le monde était flou, les silhouettes qui s'agitaient lui donnaient le vertige…

Quelqu'un força le goulot d'une fiole à ses lèvres et il avala le liquide uniquement pour le vomir la minute suivante.

Il pleurait, les suppliait de mettre un terme à ce supplice sans aucune cohérence, sans même savoir ce qui sortait de sa bouche…

Quelque chose de froid fut pressé contre son front, au niveau de la cicatrice…

Une autre fiole fut pressée contre ses lèvres…

La nausée était trop forte mais il parvint à ne pas la rendre immédiatement. Peu à peu, ses sanglots se transformèrent en halètements alors que la douleur refluait lentement mais sûrement. La forme noire et floue devant lui posa ses lunettes sur le nez et s'il ferma d'abord les yeux, assailli par le retour au monde réel, il ne tarda pas à les rouvrir.

Remus était planté au pied du lit, l'air tendu et inquiet. Snape était assis au bord du matelas, un tas de fioles, certaines vides et d'autres non, répandues autour de lui. Il y avait aussi une serviette maculée de sang et une poche de glace à moitié fondue.

Le corps derrière lui détendit un peu sa prise mais ne le lâcha pas pour autant. Sirius. Il était totalement avachi sur son parrain mais n'avait pas la force de se redresser pour l'instant.

« Harry ? » appela prudemment Snape.

Le son de sa voix le fit grimacer.

« Il s'est passé quelque chose. » marmonna-t-il. « Je ne sais pas quoi mais il s'est passé quelque chose… »

« Tu sûr que ce n'était pas juste une attaque de Voldemort ? » demanda Sirius.

Snape tressaillit au son de ce nom. Le garçon se concentra sur lui parce que c'était plus simple et ça limitait le vertige. Il portait une épaisse robe de chambre noire en laine mais, dessous, le pantalon à coton à carreaux gris perçait. Ça lui rappela le cottage. Et cela lui permit de se calmer un peu.

« Il s'est passé quelque chose. » répéta-t-il, en croisant les yeux noirs.

Le Professeur n'effleura même pas son esprit mais hocha tout de même la tête, avant de se tourner vers Remus. « Bats le rappel des troupes. Je veux savoir où est tout le monde, particulièrement ceux qui étaient en mission seuls. Contacte Albus. »

« Tu veux vraiment contacter Dumbledore si… » hésita Sirius.

« J'ai confiance en Harry et je préfère pécher par excès de prudence. » l'interrompit Snape. « Lupin, contacte Albus. Harry… Peux-tu te lever ? Je peux utiliser la magie pour nettoyer mais je pense qu'un peu d'eau sur le visage te ferait du bien. »

L'odeur mêlée de sang et de bile le prit à la gorge à ce moment-là et il se rendit compte, avec un temps de retard, qu'il y en avait plein les draps – et Sirius, mais ce dernier était trop généreux pour faire de commentaire.

Soudain désespéré de quitter cette pièce, Harry hocha la tête – un choix qu'il regretta dans la seconde parce que ça ne fit que raviver la douleur et le vertige. Son parrain dut le soutenir jusqu'à la salle de bain et l'aider à se débarbouiller. Il se sentit effectivement plus humain une fois propre et insista pour descendre au salon où il entendait Snape et Remus s'agiter.

Leurs expressions confirmèrent immédiatement le pire.

Sirius posa les mains sur ses épaules, comme pour mieux l'aider à encaisser le choc.

Ce fut Remus qui annonça la mauvaise nouvelle.

« C'est Arthur, Harry. »