La Fin est le commencement
Chapitre 12 - Une idylle ordinaire - Partie 1
Le jeune homme récupéra le minuscule morceau de papier froissé au fond de sa poche. C'était un vieux ticket de tombola à moitié déchiré, dont l'encre avait pâli avec le temps. Il parcourut une seconde fois les quelques mots griffonnés au dos. Aucun doute, il était au bon endroit. De même, il n'y avait aucun doute quant à l'identité de la personne qui lui avait laissé ce message. Peu de gens à Midgar pouvaient glisser un morceau de papier sous la pièce d'armure de son épaule sans qu'il s'en aperçoive.
Mais, par Gaïa, pourquoi lui avait-elle donné rendez-vous dans ce lieu insalubre ? Au fin fond d'une ruelle sombre des taudis du secteur 3, le vieux bâtiment défraîchi se dressait, défiant les lois de la gravité par son état délabré. Il n'y avait bien qu'au panneau lumineux où était écrit "motel" en néon bleu fluo qu'on pouvait deviner la nature de l'endroit. Ses murs étaient couverts de vieilles affiches déchirées, de peinture écaillée et de moisissure, tandis que certains carreaux de fenêtres, brisés, étaient rafistolés avec des matériaux de fortune.
Le guerrier hésita un instant devant le portail parfaitement vétuste de l'hôtel. Son regard balaya les environs. Avec l'averse, la ruelle était déserte, à l'exception des ombres dansantes des lampadaires défectueux. Rajustant sa capuche sur son front, il se dirigea vers l'entrée qui émit un grincement sinistre en s'ouvrant.
Dans le hall obscur, des meubles délabrés étaient disposés çà et là. Ils paraissaient attendre depuis des siècles un quelconque visiteur. Une réception vide se tenait devant lui, couverte de poussière, avec un vieux registre jauni posé négligemment sur le comptoir. Une ampoule vacillante pendait du plafond et éclairait faiblement les lieux d'une lueur fantomatique.
Perplexe, mais intrigué, le SOLDAT avança prudemment dans le couloir sombre. Ses pas résonnèrent sur le sol craquelé et il se demanda ce qui l'avait poussé à suivre cette mystérieuse note jusqu'à cet endroit sinistre. Néanmoins une part de lui était également animée par une curiosité irrépressible.
Oui, il savait pertinemment qui lui avait laissé ce ticket, et il aurait menti en niant que leur précédente rencontre ne l'avait pas...comment dire...relativement "chamboulé".
Cela s'était produit quelques semaines auparavant, lors du gala annuel organisé par la Shinra pour célébrer les fêtes de fin d'année. La réception, conçue pour être une vitrine de luxe et de prestige, se déroulait dans le vaste hall d'entrée de la tour, transformé pour l'occasion en un splendide décor. Les lustres scintillants suspendus au plafond éclairaient majestueusement l'immense salle, tandis que des guirlandes lumineuses parsemaient les murs, créant une ambiance féerique. Des tables élégamment dressées étaient garnies de mets exquis et de vins raffinés. Toute la haute société de Midgar ainsi que l'intégralité des employés de la Shinra était conviée dans un festin des plus grandioses.
Compte tenu de sa notoriété, participer à ces mondanités avait toujours fait partie de ses obligations. Cependant, ces derniers temps, il réussissait à limiter sa présence à une brève apparition sans que qui que ce soit vienne lui faire le moindre reproche.
Après avoir répondu à quelques ennuyeuses questions d'une poignée de journalistes en mal de scoop, il avait discrètement pris congé.
Toutefois, il en avait profité pour patrouiller dans la tour, assurant ainsi la sécurité des festivités. Un travail normalement dévolu aux TURKs, mais qu'il aimait également assumer. Et puis, mis à part quelques malheureuses jeunes recrues, les autres avaient sans nul doute dû profiter de l'open-bar de la fête. Un TURK resterait toujours un TURK ! À croire que l'addiction à l'alcool faisait partie de leur curriculum vitæ !
Après avoir parcouru les premiers niveaux à pied, il s'était finalement décidé à emprunter l'ascenseur, en direction des derniers étages. À vrai dire, il cherchait surtout un peu de calme ce soir-là, et cette partie de la tour promettait certainement d'être déserte.
Alors que l'ascenseur s'élevait lentement, son trajet avait été interrompu, une fois le douzième palier atteint. Lorsque les portes s'étaient ouvertes, il ne s'était pas attendu à se retrouver nez à nez avec "elle".
Il avait clairement perçu dans son regard qu'elle non plus n'escomptait pas le trouver là. Nonchalamment, elle avait pénétré dans l'élévateur et avait pressé le bouton correspondant à l'étage inférieur au sien.
Comme le voulait l'occasion, et contrairement à lui qui avait préféré garder son éternel trench, elle avait laissé son uniforme de SOLDAT au placard et avait opté pour un costume trois-pièces avec une veste noire à queue de pie et un petit nœud papillon. Cette tenue la rendait parfaitement adorable, et le fait de savoir quelles formes elle dissimulait habilement en dessous éveillait en lui... une sensation indéfinissable. Une sorte d'attirance, qui le troublait légèrement. Il ne pouvait s'empêcher de remarquer la finesse de ses traits, la douceur de son sourire, et la lueur malicieuse dans ses yeux azur.
Alors qu'ils se tenaient côte à côte, l'ascenseur avait réamorcé son départ. Une atmosphère pesante flottait entre eux. Après un court instant de silence, elle avait fini par l'interpeller, sa voix teintée de reproche :
« Tu m'évites. Je peux savoir pourquoi ? »
Il avait hésité un moment avant de répondre, impassible :
« Je ne vois pas ce que tu veux dire.»
Elle lui avait lancé un regard perçant avant de lui rétorquer :
« Tu vois parfaitement ce que je veux dire ! J'étais toujours choisie pour partir à tes côtés avant cette mission à Modoeheim ! Et depuis, plus rien ! Même Lazard doit estimer ça bizarre que tu changes si soudainement de coéquipier ! Tu risques d'attirer les soupçons sur moi, en agissant de la sorte !
- Lazard ne se soucie pas de qui je désigne ou non pour m'accompagner, avait-il répliqué avec calme, mais détermination. Si tu n'es plus choisie, c'est simplement car j'ai trouvé un élément plus compétent pour me seconder. »
Sephiroth avait du mal à comprendre son propre comportement. C'était non seulement faux, mais c'était aussi blessant. Elle n'avait jamais rien fait qui justifie qu'il la traite de cette façon. Mais ce sentiment déstabilisant qui l'envahissait quand il se trouvait désormais en sa compagnie le perturbait.
« Zack Fair, c'est ça ?
- C'est un excellent SOLDAT. De plus, lui, est première classe. »
La petite rouquine avait plissé les yeux, mauvaise. Elle savait qu'il lui mentait. Ce genre de remarque médisante ne lui ressemblait pas du tout. C'était bel et bien le fait qu'il ait découvert qu'il avait à faire à une femme qui l'avait amené à l'écarter des missions à ses côtés. Elle en était maintenant persuadée. Mais pourquoi cela le dérangeait-il ? Il n'avait pourtant pas l'air d'être misogyne ! Dans ce cas, quoi ? Était-ce le fait qu'elle se travestisse et enfreigne ainsi le règlement qui le gênait à ce point ?
« Pfff ! Tu parles d'une excuse ! », avait-elle pesté en poussant un soupir d'exaspération.
Progressivement, le décor en contrebas s'était fait de plus en plus petit, tandis que les chiffres indiquant l'étage, au-dessus de la porte, s'étaient égrenés.
« Ce n'est pas une excuse », avait-il assuré.
Les bras toujours croisés, il était resté adossé contre la vitre. Elle l'avait alors fixé avec méfiance avant de riposter :
« Mon œil ! Tu mens très mal, tu sais !
- C'est toi qui t'imagines je ne sais quoi.
- Ah vraiment ? »
Du coin de l'œil, il l'avait vue appuyer sur le bouton d'arrêt d'urgence, avant de se tourner vers lui et de s'approcher d'un pas décidé, un éclair de défi dans le regard.
« Qu'est-ce que tu fais ?
- Quoi ? Le grand héros est timide ? »
Il détestait ce titre, surtout dans sa bouche. Peu à peu, elle s'était rapprochée davantage. De plus en plus près. Et, même s'il gardait son calme apparent, une panique sourde avait commencé à s'emparer de lui.
Il avait saisi son bras brutalement pour l'interrompre, comme une mise en garde. Toutefois, le simple fait qu'il ait affaire à une femme le poussait à retenir sa force, malgré son instinct de réaction.
« Je ne sais pas à quel jeu tu joues, mais arrête ça ! Tout de suite ! avait-il ordonné sèchement.
- Et si je refuse ? » avait-elle lancé, provocante, défiant ses limites.
Elle n'avait absolument pas paru gênée par la main de fer qui encerclait son avant-bras.
« Arrête ça, s'il te plaît ! » avait-il supplié, sentant une vague d'urgence l'envahir.
Elle avait esquissé un sourire moqueur, ses yeux pétillants de malice :
« C'est marrant ! Tu ressembles à un lapereau coincé dans un clapier, face à un renard !
- Arrête, Arèth, avait-il imploré de nouveau, tentant de maintenir une distance émotionnelle.
- Mon vrai nom, c'est "Théïa" », lui avait-elle chuchoté à voix basse tandis qu'elle s'était hissée sur la pointe des pieds.
C'est à cet instant qu'il avait senti les lèvres de la jeune fille effleurer délicatement les siennes. Il aurait pu la repousser. Il aurait pu facilement l'en empêcher. Mais quelque chose en lui désirait ce baiser plus que tout. Pour une fois dans sa vie, il avait abandonné toute réflexion rationnelle et avait laissé son instinct prendre le contrôle. Ses lèvres avaient répondu aux siennes. Un frisson lui avait parcouru l'échine. Sa main avait relâché la pression sur le bras qu'il tenait fermement jusqu'alors et était venue se poser tendrement au creux de son dos. Pendant ce temps, les paumes de la jeune femme avaient glissé sur les lanières de cuir qui barraient son torse, provoquant des frissons sur sa peau. Pendant quelques minutes, le temps avait paru disparaître et ils avaient échangé le plus tendre des baisers.
Puis, elle s'était doucement écartée. Elle avait reculé de quelques pas et avait réenclenché l'ascenseur. Un grand sourire dessiné sur son visage, elle avait laissé échapper un petit rire cristallin en lui soufflant :
« Est-ce que le reste du monde le sait ?
- De quoi parles-tu ?
- Que tu n'es pas ce qu'ils pensent tous de toi ! Qu'en réalité, tu es…tu es vraiment trop mignon ! »
La répartie aurait dû le vexer, mais c'était tout le contraire. Personne ne lui avait jamais dit qu'il était "mignon".
Les portes s'étaient ouvertes. Sur un clin d'œil, elle l'avait laissé planter là, le cœur battant encore la chamade.
Telle était la raison qui conduisit Sephiroth à se retrouver au beau milieu de ce couloir de motel miteux, devant la porte indiquant le numéro inscrit sur ce vieux ticket déchiré.
Il prit une profonde inspiration avant de frapper quelques coups au vantail.
« Entre ! » lui répondit une voix.
À l'intérieur, la pièce était baignée dans une lueur tamisée, émanant d'une grosse lampe tempête posée sur une caisse en bois, improvisée en guise de table de chevet. Dans un coin, sur une petite table ronde, se trouvait la moitié d'un puzzle de quelques centaines de pièces, déjà à demi assemblé.
La jeune femme s'était levée et se tenait là, debout à côté de la chaise, dans la semi-obscurité.
« Je ne pensais vraiment pas que tu viendrais, alors j'avais pris de quoi m'occuper ! », expliqua-t-elle en remarquant les prunelles de chat s'attarder un instant sur le jeu.
« Tu m'expliques la raison pour laquelle tu m'as fait venir, par le biais de ceci ? interrogea-t-il en lui montrant le bout de papier froissé.
« Ça me paraît pourtant assez évident… », répliqua-t-elle, ses yeux pétillants d'espièglerie.
Vêtue telle qu'elle l'était, elle n'avait plus rien d'androgyne. La robe qu'elle portait, courte, légèrement fendue de chaque côté des cuisses, épousait parfaitement ses courbes féminines et mettait en valeur sa silhouette avec grâce et sensualité. Confectionnée dans un tissu de soie chatoyant d'un cyan éclatant, le col montant, orné de délicates broderies dorées représentait des motifs traditionnels Wutaïen, et les manches courtes, légèrement évasées, dévoilaient délicatement ses épaules.
À l'avant, de magnifiques boutons en nacre polie ornaient la fermeture, ajoutant une touche de finesse à cette pièce remarquable. La robe s'arrêtait pratiquement en haut des cuisses, révélant les jambes fuselées de celle qui la portait.
« C'est la tenue des filles des maisons de plaisirs Wutaïennes que tu portes… » lâcha-t-il finalement, les yeux empreints d'incompréhension.
« Oh…oh…le vendeur m'avait juste dit qu'elle venait de Wutaï ! déclara-t-elle, un peu surprise. Je n'avais jamais passé de robe comme celle-ci ! Alors j'ai voulu essayer ! »
Le léger maquillage dont elle s'était parée lui allait à ravir et faisait ressortir l'azur de ses yeux. Elle était plus que désirable, et c'était bien ce qui le perturbait.
« Et d'abord, comment sais-tu ça ? » reprit-elle, taquine, un éclat de curiosité dans le regard.
Il resta muet, déconcerté par la tournure de la conversation.
« Bon, et bien, au moins les choses sont claires ! » continua-t-elle, avec une pointe d'amusement dans la voix.
D'une démarche féline, elle s'approcha lentement de lui. Sa silhouette se découpait gracieusement dans la pénombre de la pièce. Ses yeux azur le fixaient intensément et il se sentit déglutir péniblement :
« Et tu t'attendais vraiment à ce que je…à ce que je te traite comme une vulgaire fille de joie ?
- Et bien…pourquoi pas ? », murmura-t-elle avec audace.
Non, elle savait bien qu'il n'était pas le genre d'homme à traiter une femme de cette manière. Mais c'était plus fort qu'elle. Dotée d'un certain talent de comédienne, elle avait orchestré cette petite mise en scène pour comprendre. Pour le comprendre. Depuis cette maudite mission à Modeoheim, elle avait pris conscience de ce qu'elle ressentait pour lui. Après tout, il lui avait non seulement sauvé la vie, mais il avait pris pour elle des risques considérables en gardant son secret.
Pour être parfaitement honnête, elle n'espérait pas grand-chose en retour, surtout après la manière dont il l'évitait depuis leur retour.
Jusqu'à ce fameux baiser. Ce jour-là, elle s'était efforcée à gagner du temps. Un temps inestimable. En effet, alors que l'effervescence de la fête occupait l'ensemble du personnel de l'entreprise, une opération spéciale menée par quelques membres d'AVALANCHE infiltrés à la Shinra était également en cours ce soir-là. Profitant de l'événement où tous les employés étaient conviés et avaient donc l'esprit ailleurs, ces agents dormants avaient élaboré un stratagème pour récupérer les précieux plans qu'ils cherchaient.
Au niveau dédié à l'ingénierie, un complice avait été chargé de mettre la main sur les fichiers informatiques concernant l'architecture des réacteurs tandis que Théïa et un autre comparse s'occupaient, quant à eux, de veiller à ce que personne ne s'approche des bureaux en question. Bien planquée dans un recoin sombre des escaliers de secours reliant les étages, un ordinateur portable posé sur ses genoux, la petite rouquine naviguait à travers les systèmes de surveillance des caméras de sécurité. Une oreillette et un micro lui permettaient également d'être en contact avec ses acolytes.
Leur complice progressait silencieusement vers son objectif. Les serveurs contenant les données sensibles étaient à portée de main, encore quelques dizaines de minutes et il pourrait mener cette mission à son terme.
Soudain, Théïa avait entendu la voix affolée de son confrère dans l'oreillette :
« Quelqu'un vient d'emprunter l'ascenseur et se dirige vers le mauvais étage !
- T'en es sûr ?
- Certain. C'est indiqué par le moniteur de contrôle. Il faut aller l'intercepter et gagner du temps ! Une dizaine de minutes, ça devrait nous suffire !
- OK, j'y vais !
- Grouille-toi ! Il vient d'arriver au sixième ! »
La jeune femme avait rangé en quatrième vitesse son ordinateur et son micro dans sa sacoche et s'était empressée de se diriger vers l'ascenseur, entre le 11ème et le 12ème étage où elle se trouvait. Par chance, elle était arrivée à temps et l'ascenseur était encore en dessous, au 9ème. Elle allait donc pouvoir l'intercepter.
Lorsque les doubles portes s'étaient ouvertes et avaient révélé celui qui l'avait emprunté, elle avait tenté de retenir l'éclat de surprise dans ses yeux.
Et elle avait fini par trouver comment gagner les précieuses minutes nécessaires. Elle s'était attendue à ce qu'il la repousse. Après tout, il en avait les moyens. Il aurait très bien pu également la menacer de dévoiler son secret. Pourtant, il n'en avait rien fait. Il l'avait laissé lui donner ce baiser. Il y avait même répondu.
Alors, elle s'était secrètement mise à espérer. Mais aussi à se renseigner. N'ayant jamais mis le nez dans le moindre journal, surtout lorsqu'il parlait du Grand Héros, elle avait dû user de subterfuges pour obtenir des informations de la pire commère du SOLDAT : le seconde classe Kunzel. Toujours au courant de tout, il devait certainement en connaitre plus sur la vie amoureuse du fameux SOLDAT que n'importe quelle scribouilleuse de magazine people.
Et... rien. Il ne savait ABSOLUMENT rien ! Tout du moins, rien de plus que lesdites scribouilleuses ou que les groupies de son fan club. Tantôt dépeint comme un vrai Don Juan, tantôt incarnant un homosexuel aux mœurs secrètes et dépravées… Bref, en réalité, tout le monde ignorait ce qu'il en était réellement.
Dans ce cas, autant tirer les vers du nez du principal intéressé. Si c'était bel et bien un bourreau des cœurs, ce dont elle doutait sincèrement, il ne résisterait pas à son petit numéro de charme. Et s'il était homosexuel, elle finirait bien par s'en apercevoir…
En tout cas, elle était bien décidée à découvrir quel genre d'homme se cachait en réalité derrière le Golden Boy de la Shinra…
« Tu sais, tu es le seul ici à Midgar qui est au courant que je ne suis pas un garçon. Alors, je me suis dit qu'on pourrait peut-être… »
Le cœur du guerrier battit un peu plus vite à mesure qu'elle s'approchait, captivé par la grâce avec laquelle elle se déplaçait. Pourtant, une partie de lui résistait encore à cette attraction.
Elle s'arrêta à quelques centimètres.
« Ne me dis pas que tu ne sais pas faire ? »
La gêne qui traversa son regard ne lui échappa pas et elle balbutia, stupéfaite :
« Attends, ne…ne me dis pas que…que tu n'as jamais…
- Bien sûr que si ! » répliqua-t-il brutalement.
Il avait baissé la tête et sa longue frange cachait une partie de son visage.
« Une fois…enfin, en quelque sorte…et j'ai détesté… »
Là, elle devait bien admettre qu'elle ne saisissait pas tout. Une seule fois ? En quelque sorte ? Et pourquoi avait-il détesté ?
« Je n'aurais pas dû venir ici. Il est hors de question que je rentre dans ton jeu ! »
Il se dirigea vers la porte, prêt à partir, mais elle le retint :
« Eh ! Eh ! Tu n'iras pas bien loin sans ça je crois ! »
Coincée entre son majeur et son index, elle brandissait la clé magnétique que ses petits talents de pickpocket lui avait permis de subtiliser au fond de sa poche.
Il lui renvoya un regard glacial.
« Rends-la-moi…
- Mmmh… Non. »
Il s'avança de quelques pas vers elle et répéta en tendant sa main :
« Rends-la-moi. Immédiatement.
- Calme-toi. Bien sûr que je vais te la rendre ! Mais d'abord je veux comprendre.
- Comprendre quoi exactement ? demanda-t-il d'un ton froid, sa voix résonnant dans la pièce.
- Que s'est-il passé, avec…avec cette personne ? Tout le monde te prend pour un bourreau des cœurs, tu sais… » poursuivit-elle, tout à coup sérieuse.
Il laissa échapper un petit rire amer.
« On me prend pour beaucoup de choses que je ne suis pas, répondit-il avec lassitude.
- Ça, je m'en étais bien rendu compte. Explique-moi. S'il te plaît. »
Elle s'était assise au bord du lit, mains croisées sur les genoux.
« Après ça, je te rendrai ta carte. Tu as ma parole », promit-elle en levant la paume.
Il hocha légèrement la tête, acceptant l'échange.
« Ça n'a rien d'un scoop, tu sais, fit-il remarquer en soupirant.
- Je me fiche des scoops. Je cherche simplement à te comprendre. Comme…comme une amie. »
Elle avait délaissé son petit air de malice et lui adressait à la place un sourire plein de tendresse et de compréhension.
« C'était il y a plusieurs années. Je venais d'avoir dix-huit ans. Nous étions alors en pleine guerre, au Wutaï. Cela faisait des mois que nous étions sur le front et…mon meilleur ami avait l'habitude de fréquenter…ce genre de lieu. Il avait insisté pour que je l'accompagne. C'était son anniversaire et…je n'ai pas pu refuser. C'était la première fois que je mettais les pieds dans un tel endroit… »
A suivre
