Ohayo mina !
Merci à tous pour votre patience ! J'espère que vous avez passé un bel été, que votre rentrée s'est bien passée et que vous vous portez bien...
Nous reprenons donc les publications du vendredi, du moins jusqu'à Noël– OK, rangez les hallebardes, merci :D
Vous avez tous beaucoup de théories différentes, certaines très justes, d'autres très... comment dire... imagées ? Bref, elles me plaisent toutes, et je ne me lasse pas de vous lire ; merci encore pour le temps que vous prenez à m'écrire !
Je suis encore en retard pour répondre à quelques reviews, mais les premières notes sont prises et vous aurez un retour avant le prochain chapitre à venir.
Sans plus attendre, je vous laisse avec cet écrit de reprise ; je vous souhaite une excellente lecture, les guests sont en bas de page, et...
Enjoy it !
Chapitre 20 :
Jour 48. Virage.
Louisiane, près d'Ostrica.
09 heures 30.
Luffy attaquait la troisième page de sa lettre quand la porte vitrée qui séparait la piscine du couloir s'ouvrit dans un léger grincement, attirant son attention ; Sugar, occupée à barboter sous la surveillance d'Ace, s'arrêta au bord du bassin pour se retourner et voir qui venait déranger leur séance, et sourit à Law qui se déchaussait à l'entrée, agitant la main à son intention.
- Qu'est-ce que tu fais là… ? s'étonna Ace en se hissant hors de l'eau pour s'asseoir au bord du bassin, lorgnant par-dessus son épaule pour vérifier l'heure affichée sur la grande pendule. T'es pas censé être en train de t'étrangler avec ta cravate entre deux bilans comptables… ?
- J'ai bien avancé, cette nuit, alors j'en profite pour venir voir Luffy, histoire de lui libérer son après-midi.
L'intéressé se contenta de donner un coup de pied dans l'eau, dont la plupart des gouttelettes aspergèrent le psychiatre dans une réponse pour le moins éloquente. Law s'essuya posément le visage et contourna les marches qui descendaient dans le bassin pour venir s'asseoir à un bon mètre de lui, trempant ses pieds nus dans l'eau après avoir retroussé son jean, non sans grimacer lors de la manœuvre quand ses côtes protestèrent sous sa peau.
Il avait tendance à les oublier quand il se plongeait un peu trop profondément dans le travail, cette fois n'échappant pas la règle.
Ace se laissa couler dans le grand bain sans un mot de plus, suivant Sugar qui s'éloignait d'elle-même, sûrement désireuse de leur laisser un minimum d'intimité. Luffy serra les dents mais garda la bouche fermée, reprenant son écriture la plus soignée possible pour poursuivre sa lettre, ignorant péniblement le psychiatre qui se trouvait à un peu plus d'une portée de bras de lui – un jeu d'enfant pour Kid ou Zoro, s'il l'un des deux se prenait l'envie de le noyer.
- Elle est pour qui, cette lettre ? murmura Law en avisant les feuilles clipsées au porte-document.
- Nami. Elle a vingt-trois ans le 03 juillet.
- C'est dans deux jours.
- Merci, je sais compter, répliqua-t-il en lui coulant un regard en biais. Je me grouille parce qu'Ace m'a dit qu'il faisait partir le courrier ce soir à dix-sept heures, et j'ai pas de temps à perdre avec vous.
La remarque avait le mérite de ne souffrir aucune ambiguïté.
Law sourit et baissa les yeux vers la profondeur de l'eau sous ses pieds, à peine troublée par les mouvements lointains des deux nageurs ; il savait qu'il n'allait pas avoir droit au meilleur des accueils, et la réaction de Luffy confirmait ce qu'il pensait déjà à propos de leur rendez-vous initialement prévu à 14 heures : il ne serait jamais venu de son plein gré.
- … je venais discuter avec toi de ce qu'il s'est passé la semaine dernière. De ce que j'ai fait, et des raisons qui m'ont poussé à le faire.
- Vous fatiguez pas. Vous vouliez que Zoro montre son nez, et vous avez été servi, poursuivit Luffy en désignant ses côtes blessées d'un geste du menton. C'était pas le bon moment, et vous avez tout fait foirer. Si vous voulez que je répare les pots cassés, fichez-moi la paix.
- Il fallait que j'avance.
- C'est la récompense des tricheurs, grogna le jeune homme en fixant obstinément ses feuilles. Vous vouliez avancer de deux cases, vous en avez reculé de trois.
« Merdier sans nom » était ce qui se rapprochait le plus de ce qui se passait dans sa tête, dans le chaos et la confusion de ses sentiments, ressemblant à s'y méprendre à ce qu'il avait pu ressentir quand il s'était réveillé dans sa chambre du Marina District ; il ignorait comment gérer cette situation, cette envie de haïr Law du plus profond de son être, de détester à en vomir ce type chez qui il allait devoir passer le reste de son existence.
Zoro avait fait son job et, encore une fois, Luffy n'avait pas les mots pour le remercier de lui avoir évité un passage à tabac dans les règles de l'art, mais une partie de lui ne pouvait s'empêcher de regretter son manque de self-control ; il aurait eu meilleur compte de rester lui-même, ne pas flancher, ne pas s'évader, rien que pour avoir la satisfaction de voir échouer le psychiatre, par pur esprit de contradiction – du Kid tout craché.
Par extension, il avait pris soin de ne pas terminer le questionnaire que Law lui avait remis, mais il était persuadé qu'il s'en doutait et qu'il ne se risquerait pas à aborder le sujet trop tôt.
- J'ai retenu la leçon, en ce qui concerne Zoro. Mais toi… tu es celui qui me pose le plus de problèmes, en fin de compte. Tu es le moins prévisible des trois.
S'il savait à quel point il se foirait.
Luffy roula des yeux et retourna sa feuille, poursuivant la phrase débutée sur la page précédente, tentant de ne pas perdre le fil entre sa discussion avec Law et sa séance d'écriture.
Il restait silencieux sur le différent qui avait opposé Zoro et le directeur de l'asile, car il était inutile d'alerter la cadette de la famille, qui pourrait pousser le vice jusqu'à prendre son téléphone pour insulter copieusement le premier membre du personnel qui se risquerait à décrocher. Et quand bien même imaginer cette situation avait quelque chose d'irrésistiblement drôle, il redoutait les effets de l'inquiétude sur sa famille restée à San Francisco.
Et cette tranquillité-là, il ne la briserait pour rien au monde.
- Parce que je sers de catalyseur aux autres ? Va falloir vous y faire. Vous l'avez dit vous-même, une thérapie prend des années, pas des jours. Vous vous attendiez à quoi, sérieusement… ? marmonna-t-il. Ça fait des années que Kid et Zoro sont là, au point que je finis moi-même par douter de qui je suis réellement, alors escomptez pas régler le problème trop vite.
- En un sens… vous êtes tous Luffy. Il y en a juste deux plus exacerbés que les autres.
- Je refuse de croire que Kid n'est que le résultat de ce que je serais devenu moi-même s'il n'avait pas été là pour l'être à ma place, rétorqua-t-il. Vous pouvez m'éclater la gueule si ça vous chante, mais poussez pas le bouchon trop loin, c'est clair ?
Law se tut momentanément, ses yeux glissant sur la silhouette de Luffy penché sur sa lettre, assis sur le rebord carrelé, lui aussi les pieds dans l'eau, mais en short de bain – il était sec, signe qu'il ne s'était pas encore baigné mais en avait l'intention. Aucune raison de le lui refuser, mais il s'interrogeait sur le besoin qu'il avait de le faire pendant les séances de Sugar, au lieu d'être accompagné d'autres pensionnaires de son âge.
- Pourquoi tu ne te baignes pas avec le groupe de quinze heures, demain ?
- C'est le groupe où il y a Pudding et Rebecca.
- Tu ne t'entends pas avec elles ?
- Rien à voir, soupira Luffy. Elles sont en deux pièces et j'ai pas envie que ça dégénère dans le grand bain, c'est… parlant, comme image ?
- … très. Mais tu ne pourras pas fuir les femmes toute ta vie, Luffy.
- En attendant, c'est tout ce que j'ai trouvé pour avoir la paix, alors excusez-moi de tenter n'importe quoi pour pas transformer cet asile en réplique de la maison des Hewitt.
La référence arracha un autre sourire amusé à Law, qui garda le silence pendant de longs instants, pensif.
Ce sujet-là devrait aussi être abordé avec Luffy, quand bien même il n'allait très certainement pas lui plaire ; il ne savait rien de ses précédentes relations, s'il avait eu ce qui se rapprochait le plus d'une petite-amie, ou tout du moins une fille dans son entourage proche hormis Nami. Ces pistes-là seraient intéressantes à exploiter, mais il se doutait que ses questions se heurteraient au mur de pudeur que Luffy avait construit après toutes ces années.
L'adolescent s'étira brièvement, changea de position avant de reprendre sa rédaction, voûté sur ses feuilles ; le geste attira l'attention de Law, ses yeux accrochant ce qui avait changé et qui perturbait la perception qu'il avait de son patient.
- … tu es tatoué… ? souligna-t-il en contemplant les lignes d'encre visibles à la lisière de son short, sur sa hanche gauche.
- Et alors ? rétorqua Luffy en tirant sur le tissu pour dissimuler le dessin.
- Tu n'as pas la tête de l'emploi.
- Vous avez une tête à vendre du crack dans des vieilles ruelles louches pleines de clodos, je viens pas contester vos diplômes, moi, répliqua-t-il en le foudroyant du regard.
- Sujet sensible… ?
Luffy s'enterra dans un silence buté, sa main plus aussi sûre reprenant son tracé, alors que les mots commençaient à lui manquer ; il s'était arrangé, depuis son arrivée, pour se laver avant ou après tout le monde, et de cacher ce profil à Ace pendant ses ablutions sous la douche, histoire que personne ne lui pose de questions à ce sujet. Même Shanks, Sabo et Nami étaient étrangers à cette marque indélébile : les seuls qui avaient pu contempler cette particularité étaient les flics de SF, lors de son arrestation, et personne n'avait eu l'air d'en avoir quoi que ce soit à faire, ce qui était un comble quand lui-même savait que tous ses secrets tenaient dans ce pan de peau encré.
- Tu accepterais de me le montrer ?
- Et puis quoi encore ?!
- Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, j'apprécie le travail de l'encre. Et je suis certain que tu ne t'es pas fait tatouer une connerie quelconque un soir de beuverie.
Il ne répondit rien à cela, se contentant de poursuivre la lettre, qui touchait à sa fin ; il aurait voulu écrire plus, encore, mais il savait qu'il devait en garder sous le pied pour de futurs échanges, notamment avec Sabo, dont il avait reçu le colis demandé quelques semaines auparavant. Ce qu'il leur avait suggéré, au téléphone, était bien à l'intérieur, et le soulagement qu'il avait ressenti avait, l'espace de quelques minutes, morcelé une bonne partie de la chape de plomb coulée sur ses épaules, et atténué la culpabilité qu'il portait depuis son enfermement et qui n'avait rien à voir avec ce qu'il avait fait à Vivi. C'était bien autre chose, qui le bouffait de l'intérieur et contre lequel il ne pouvait rien, ici.
Reprenant sa lecture depuis le début, il s'assura de ne pas avoir écrit d'inepties, Nami étant une kamikaze de l'orthographe, et prit son temps pour repasser sur chaque ligne, s'assurant de faire mariner Law le plus possible dans son jus ; il espérait sincèrement que les choses se passaient bien, pour eux, et que son absence ne jouait pas sur leur moral – chose dont il doutait profondément.
L'asile étant coupé de tout, sans télévision, internet et toute forme d'informations extérieures pour les patients, c'était avec Ace qu'il trouvait les réponses à ses questions, les infirmiers et Law étant les seuls à avoir la main sur tout ce qui se passait au-delà des mangroves ; il avait son rituel matinal, dès le lever : bombarder son gardien de questions, notamment sur Shanks. Et Ace, patience incarnée, de lui faire un résumé du monde qui continuait son cours, hors de ces murs.
Repliant les lettres, il les rangea dans sa pochette, qu'il alla déposer un peu plus loin sur les bancs qui bordaient le mur carrelé, avant de revenir s'installer sur le muret dont Law n'avait pas bougé, les yeux tournés vers lui dans une étude minutieuse de son corps à moitié dénudé ; Luffy se demanda ce qu'il cherchait à voir, en faisant ça, mais de toute évidence, ces raisons demeureraient inconnues pour le moment.
Être scruté de cette manière était loin de le mettre mal à l'aise, parce qu'il savait qu'hormis le tatouage, rien ne pouvait traduire quoi que ce soit d'anormal chez lui ; Kid ayant tellement l'habitude d'user à l'envie du corps qu'ils partageaient comme bon lui semblait, Luffy avait appris à ne plus s'offusquer de subir les gueules de bois et les heures passées à vomir dans les toilettes après les soirées beaucoup trop dépravées de son alter-ego, constatant que les filles avec lesquelles il s'était amusé étaient soient un peu plus sauvages que la moyenne, soit pas tellement consentantes, à en juger les griffures sur son torse et ses épaules.
Zoro n'avait rien contre se mettre une mine, de temps en temps, mais il ne désertait pas lors de la descente, ce qui lui avait valu de descendre quelques sakés avec Sabo et Nami en de rares occasions ; le seul capable de s'entendre avec les deux aînés, qui ne laissait pas le benjamin assumer les lendemains de beuverie dont il ne savait rien.
Marquant une pause, pendant laquelle il hésita un long moment, il tira sur le bord de son short, dévoilant le tatouage à Law qui riva son regard dessus, ses yeux clairs détaillant chaque ligne, chaque marque, cherchant certainement à en comprendre la signification ; la ligne la plus haute partait de l'iliaque, s'étendant sur une vingtaine de centimètres, jusqu'à la naissance de sa cuisse, zone facilement dissimulable derrière un sous-vêtement – Kid avait soigneusement réfléchi au motif avant de se rendre chez un tatoueur, au nez et à la barbe de Luffy qui s'était réveillé avec la sensation d'avoir été marqué au fer rouge sur la hanche.
Crier et pleurer n'aurait rien changé, et il s'était contenté de contempler pendant des heures le travail qui avait été réalisé et qui, il était forcé de le reconnaître, était particulièrement soigné ; et quand bien même une partie de lui détestait voir gravée sur sa peau la preuve de son imperfection, une autre ne pouvait s'empêcher d'aimer ce qu'elle représentait.
- J'aime beaucoup, murmura Law. Qui a réalisé le modèle ?
- Kid. Il a ordonné au tatoueur de ne rien changer.
Law laissa un sourire en coin trahir son amusement – pour sûr que le type n'avait pas dû avoir envie de rigoler quand Kid lui avait donné ses indications.
Le trait était fin, loin de ce qu'il aurait pu imaginer prendre vie sous les ordres de cet alter-ego ; il était certain que Kid n'avait rien choisi au hasard, que chaque motif avait une signification propre, tant individuelle que groupée, mais qu'il avait pouvoir s'asseoir sur une quelconque explication de la part du trio.
Le fait que le dessin soit caché avait aussi son importance, il en était certain ; quand bien même Kid était exubérant à souhait, peut-être souhaitait-il garder une partie de leur particularité cachée, comme quelque chose d'intime qui ne devait être là que pour eux seuls.
- Tu avais quel âge ?
- Mon seizième anniversaire.
- La Californie n'autorise pas les tatouages avant la majorité.
Le ricanement de Luffy résonna à travers la salle, presque amer.
- Tss, vous croyez que Kid en a quelque chose à foutre… ? Et à mon humble avis, il a pas été chercher le tatoueur le plus regardant de la planète. Je sais même pas où il a fait ça, ça aurait très bien pu être au fond d'une cave ou dans la boutique d'un gars qui a pignon sur rue…
- … pourquoi ces choix de pigmentation… ? hasarda le psychiatre en observant le dessin de plus près.
- C'est à Kid qu'il faut demander ça.
- Mais je suppose que tu appris tout ce qu'il y avait à savoir sur ce tatouage… C'est de ton corps, dont il s'agit.
- Je suis pas le proprio, rectifia l'adolescent en rajustant son vêtement, mettant fin à l'observation de Law. Je suis que l'un des colocs, rien de plus. C'est Kid qui leade, pas moi.
Il se laissa glisser dans le bassin, savourant la fraîcheur de l'eau sur sa peau ; il n'avait pas nagé depuis une éternité, et avoir l'autorisation d'Ace et Sugar pour les accompagner était certainement ce qu'il pourrait faire de plus constructif dans la journée – ce temps de détente était peut-être entaché par la présence de Law, qui suscitait une pointe d'agacement qu'il s'efforçait d'ignorer, histoire de ne pas avoir à supporter les déboires de Kid au mauvais moment.
Laissant Law derrière lui, il se laissa couler et, d'un coup de pied sur le bord, s'éloigna dans le bassin, nageant lentement mais sûrement en direction de Sugar, sous le regard pensif du psychiatre.
La communication était au point mort, mais Law songeait que c'aurait pu être bien pire ; Luffy semblait avoir la rancune moins tenace que Kid et Zoro, et il était peut-être le plus aisé des trois à manipuler – la situation actuelle ne jouait pas en sa faveur, mais il avait désormais toutes les clés en main pour pouvoir avancer. À lui d'être le plus malin dans cette partie, pour surclasser les alter-ego de Luffy, jusqu'à Luffy lui-même ; Law ne doutait pas un seul instant que, malgré la détresse évidente dans laquelle le jeune homme s'était retrouvé, il était aussi bon que les deux autres dans les jeux de faux-semblants, la faute à une vite passée à raser les murs pour se fondre dans le paysage, sans faire de vagues.
Sortant son dictaphone de sa poche, il le porta à ses lèvres, décrivant ce qu'il avait observé sur la peau de Luffy, motif du tatouage mis à part – les cicatrices l'intéressaient, car elles avaient toutes une histoire qu'il pouvait exploiter avec chaque personnalité qui y était associée. Il devait rentrer dans leur tête pour comprendre, pour être capable de déterminer ce qui les avait menés là, tous les trois, à cohabiter malgré eux.
Le clapotis de l'eau attira son attention, qu'il focalisa sur Ace, à quelques mètres de là, nageant vers lui tout en gardant un œil en biais sur Luffy et Sugar, au loin ; rangeant le dispositif, il laissa la bande poursuivre son enregistrement et attendit que son subordonné l'ait rejoint pour l'interroger du regard.
- Je peux savoir ce que tu foutais à lui reluquer le derrière… ? marmonna Ace en se frappant la tempe.
- Tu sais que tu peux être un vrai crétin, quand tu t'y mets, Portgas… ? sourit Law en donnant un coup dans l'eau, aspergeant son vis-à-vis qui lui présenta son majeur levé, signe familier au psychiatre. Je regardais son tatouage, celui que tu n'as pas vu alors que ça fait pile un mois que tu le reluques tous les jours quand il prend sa douche.
- … j'avais jamais remarqué qu'il avait ça, tu penses bien que je ne te l'aurais dit, sinon.
- J'en doute un peu, vu comment tu n'as pas jugé utile de me prévenir que tu partais en petite discussion avec Zoro autour d'un entraînement de boxe…
Cible atteinte.
Ace haussa un sourcil, et Law vit se peindre sur ses traits une expression qu'il commençait à bien connaître, en une décennie passée quotidiennement à ses côtés. L'insolence hautaine qui les caractérisait tous deux, et qui leur avait valu de lourdes prises de tête, sans compter celle qu'ils étaient possiblement sur le point d'avoir.
- Je t'ai fait un rapport complet et détaillé. T'étais pas en état de le voir et t'avais un boulot monstre, ça t'aurait obligé à annuler les rendez-vous avec les patients et j'ai jugé que je pouvais me débrouiller, rétorqua l'infirmier en lui envoyant une gerbe d'eau à la figure. Il aurait jamais voulu t'adresser la parole, tu le sais aussi bien que moi, Law, alors arrête de casser les couilles et dis-toi que grâce à ça, tu peux échanger avec Luffy sans que l'un des deux autres n'essaye de te prendre à la gorge. Me remercie pas, surtout, sale ingrat.
Pour cette manche, Law lui accordait le point.
Néanmoins, la frustration de ne pas avoir échangé avec Zoro lui était restée en travers de la gorge, et il allait devoir se retrouver obligé de négocier avec Luffy pour avoir l'opportunité de rencontrer une nouvelle fois cette personnalité dont il ne savait presque rien.
- Tu gagnes cette partie-là, Ace. Et si tu peux, essaye de le cuisiner à propos de ce tatouage. S'il t'envoie sur les roses, charge-moi la mule, dis-lui que c'est moi qui te mets la pression.
- … tu me fous déjà la pression, marmonna l'infirmier en se raccrochant au muret. Je vais pas avoir besoin de pousser des masses pour qu'il me croie… Pour ta gouverne, il a jeté ton questionnaire au fond du tiroir de son bureau, mais il en a pas fait des confettis, alors t'as encore une chance d'en faire quelque chose.
- Il ne l'a pas terminé ?
- … pas touché depuis que tu t'as voulu jouer aux super-héros. Je vais m'arranger pour qu'il remette le nez dedans.
- T'oublieras pas de poster sa lettre, ce soir.
- Putain, Law, t'es tellement chiant en ce moment, t'as quoi qui tourne pas rond, encore ? grogna Ace en lui frappant la jambe.
Difficile de lui dire à quel point il était plus déstabilisé que d'ordinaire, sans pouvoir se l'expliquer avec certitude ; était-ce entièrement lié à l'arrivée de Luffy et les souvenirs qu'il s'efforçait de nier de plus belle ?
Ce cas était celui qu'il avait cherché depuis longtemps, passant des années à s'en approcher au travers de l'étude de tous les patients réunis ici, sans jamais le toucher du doigt – ce qu'il pouvait faire, là, maintenant, au travers de Luffy.
- Je suis pas d'humeur à discuter de ça maintenant, Ace.
- Peu importe le moment, t'es jamais d'humeur. T'es comme Bonney, t'internalises et ça te bouffe à petits feux. Et ne me dis pas que je suis mal placé pour te faire ce genre de réflexions, parce que tu vas vraiment me gonfler.
- … je doute. Satisfait ?
- C'est humain, soupira Ace en s'accoudant au rebord. Tu peux pas toujours tout réussir, mais ça ne fait pas de toi un incompétent pour autant. Il faut… que t'acceptes de lâcher du lest. Y'a pas besoin d'être un génie pour comprendre que tu fais focus sur Luffy, et que t'es en train de tout faire reposer sur lui. Et sérieusement, Law, à trop te focaliser sur lui, tu vas pas en tirer autre chose que de la désillusion.
Suggestion recevable, aux yeux de Law.
Il avait conscience de faire sur Luffy ce qui s'apparentait le plus à une fixette, et d'y passer bien plus de temps qu'il n'en devrait.
Ace ne cessait pas de le fixer, ses yeux noirs rivés dans les siens, presque inquisiteurs – histoire de lui montrer à quel point leurs points de vue divergeaient sur le sujet. L'infirmier n'était pas du genre à mâcher ses mots ou prendre des pincettes inutilement, bien au contraire puisqu'il était le premier à prendre des risques quand le jeu en valait la chandelle ; qu'il mette autant de réserves sur le sujet faisait comprendre à Law que même lui mettait les pieds dans un nid de frelons, d'où personne ne pourrait le sortir s'il s'y aventurait trop loin.
- C'est quoi, la prochaine étape… ? murmura-t-il en jetant un regard à leur patient.
- Avancer dans la thérapie. J'ai trois noms, trois tempéraments. Je n'ai… plus qu'à me casser la tête pour réunir toutes les pièces, je suppose, soupira le psychiatre en croisant les bras, traçant des cercles dans l'eau du bout de ses pieds.
- Hypnose ?
- Ça donne de bons résultats avec la plupart des gens, et je suis sûr que Luffy n'y est pas insensible. Pas la même limonade avec Kid ou Zoro, ceci dit…
Surtout avec l'état d'esprit dans lequel il était susceptible de trouver Zoro ou Kid, l'un comme l'autre n'ayant, de manière certaine, aucune envie de laisser Law entrer dans ce qu'abritait le crâne de Monkey D. Luffy.
Pour que l'exercice porte ses fruits, il allait devoir fouiller plus encore dans la vie de son patient, en sortir ce qu'il avait de plus intime pour entrer plus loin, toujours plus loin – la partie qu'il aimait autant que le premier acte qui venait de se terminer, à savoir débusquer la proie : maintenant commençait la traque, la course sans relâche, la piste à suivre sans la laisser se refroidir.
Pour le moment, il était inutile de tenter une nouvelle approche directe avec Luffy, tant elle risquait d'avoir un effet boomerang qu'il ne saurait voir venir, il en était certain – rien qu'à voir à quel point les deux autres personnalités étaient réactives, il ne doutait pas un seul instant de l'arrivée d'un échec cuisant en voulant, trop tôt, tenter de nouer un lien dont il avait brisé les premiers brins déjà fragiles.
La confiance était pour Ace, mais il devait jouer le jeu à son tour pour être certain d'obtenir ce qu'il voulait.
Luffy, de son côté, s'efforçait d'ignorer le regard du psychiatre sur lui, sachant que c'était le meilleur comportement à adopter s'il voulait lui courir sur le haricot sans avoir besoin de beaucoup forcer ; de toute évidence, la leçon que Zoro lui avait enseignée ne porterait pas ses fruits très longtemps, Luffy en mettait sa main à couper – Law était beaucoup trop enterré dans ses principes pour lâcher le morceau, en faisant un ennemi à la hauteur de Kid, si ce n'était plus : ils étaient sur le terrain de chasse du médecin, pas le sien.
Il avait eu bien assez de temps pour explorer tout ce qui lui était possible de voir par lui-même, sans avoir besoin d'un infirmier pour lui ouvrir les accès, et force était d'admettre que les moyens étaient limités ; le seul accès le moins protégé avait été revu par Penguin, après le coup d'essai de Kid, et toute tentative d'échappatoire était vaine, pour le moment.
- Elle est où, Bonney ? murmura-t-il à Sugar, qui s'évertuait à grimper sur ses épaules.
- Je sais pas, je l'ai pas vue. C'est Ace qui m'a réveillée ce matin, marmonna-t-elle en repoussant sa frange de ses yeux. Pourquoi ?
- Comme ça. C'est déjà arrivé, que ce soit pas elle qui s'occupe de toi ?
- Ouais, souvent. Bonney, c'est celle que je préfère, mais j'ai pas… besoin d'avoir quelqu'un qui me surveille comme toi. Tu le prends pas mal, hein ? sourit-elle en lui ébouriffant les cheveux.
Comme s'il pouvait se vexer d'un truc pareil.
Il sourit et secoua la tête, avant de reprendre sa nage, la fillette accrochée à son dos, s'assurant de ne jamais s'approcher des deux hommes restés à leur poste d'observation. Du coin de l'œil, il détailla les mollet dénudés de Law, aussi tatoués que ce qu'il avait déjà vu sur ses avant-bras, et se prit à se demander ce que ces lignes représentaient, pour lui, de la même manière qu'il l'avait interrogé sur le motif que Kid avait choisi – sur le sujet, il savait qu'il ne pourrait pas demeurer éternellement une tombe et que, tôt ou tard, Law finirait pas comprendre ; d'autant que Luffy était certain qu'il venait de mettre Ace dans la confidence, à voir comment leurs murmures leur demeuraient inaudibles malgré le silence qui régnait dans la pièce, tous deux s'arrangeant pour ne pas être entendus – il devinait sans mal qu'il était question de son cas, et il détestait ne pas savoir ce que l'esprit tordu du psychiatre lui réservait : il avait, brièvement, cru qu'il pourrait s'ouvrir à lui comme il était plus enclin à le faire avec Ace, mais il redoutait à présent de passer à confesse, dont il ignorait les conséquences. Il avait parfaitement compris qu'il n'était pas uniquement question de le soigner, et que les motivations de Law allaient bien au-delà de l'aspect médical de sa condition, mais il ignorait de quoi il retournait exactement, et jusqu'où lui-même pouvait tenter de renverser la vapeur.
La porte vitrée de la piscine s'ouvrit, amenant un léger courant d'air qui le fit frissonner, attirant son attention au même titre que celle de Sugar, qui se retourna pour voir qui venait les déranger – Kaya, essoufflée et le visage brillant de sueur, dont l'attitude surprit tout le monde, jusqu'à Luffy qui s'était habitué à sa réserve et son calme à toute épreuve, plus encore qu'Ace. Courir était interdit, sauf cas d'urgence : celui-là en était visiblement un.
- Law… il faut que tu viennes, haleta-t-elle en désignant le couloir derrière elle.
- Qu'est-ce qui ne tourne pas rond, encore, ici… ? soupira-t-il en se redressant, sortant ses pieds de l'eau tout en rajustant sa blouse.
Elle pinça les lèvres – pas d'agacement, dans son geste, juste une expression que Luffy ne reconnut que trop bien, pour savoir qu'il arborait la même quand lui-même était enfant et qu'il s'interdisait de dire quelque chose, soit par peur d'avouer, soit parce que la personne concernée était dans la pièce.
Ses yeux clairs dérivèrent un instant sur Luffy, qui sentit quelque chose se manifester dans son ventre, une angoisse sourde qui lui rappela celle éprouvée lors de son dernier réveil, au Marina District.
Aussitôt, il porta son attention sur Law, qui semblait avoir lui aussi saisi qu'il était question de sa petite personne.
Est-ce que Kid avait fait des siennes, pendant la nuit, et qu'un interné avait été retrouvé dispersé à travers un couloir… ? Il était prêt à croire n'importe quoi, à en juger ce qui l'avait conduit ici.
Il se rapprocha du bord, aidant Sugar à descendre de son dos pour la déposer près de l'échelle de sortie, par laquelle elle s'extirpa de l'eau pour s'emmitoufler dans sa serviette, ses prunelles rivées sur l'infirmière toujours aussi mal à l'aise.
- C'est quoi, le problème, Kaya ? argua Ace en se glissant hors du bassin.
- CNN, dans le bureau des chefs de service. C'est–
Elle s'interrompit, inspira profondément et referma ses bras autour d'elle, signe dérisoire de protection ; Luffy dévisagea les trois membres qui se jaugeaient du regard avec une prudence qui témoignait du temps qu'ils avaient tous passés ici, enfermés ensemble, à apprendre par cœur les réactions des uns et des autres.
- … ça date de 10 minutes. Un attentat, sur l'avenue Arellano. L'académie techno de l'université de San Francisco.
- Je ne vois pas en quoi ça nous concerne, rétorqua Law en rabattant son jean sur ses chevilles.
- C'est arrivé sur le chantier de la nouvelle extension, poursuivit-elle, la voix rendue de plus en plus basse par la tension dans sa gorge. … le frère de Luffy était sur place, c'est lui qui chapote la construction, mais le bâtiment a–
Luffy agrippa l'échelle et se hissa hors de l'eau, le cœur battant à tout rompre – l'information avait écarté ce qu'il lui restait de sang-froid, et il se fichait pas mal de ce qu'Ace pouvait lui crier, à cet instant. Il courut jusqu'au couloir, qu'il remonta à la même allure, laissant des flaques d'eau derrière lui, ses pieds nus glissant sur le carrelage, débarquant au milieu de la salle commune, en maillot de bain et ruisselant de la tête aux orteils.
C'était irréel, encore une fois, sentiment identique à celui qu'il avait éprouvé en voyant les flics débarquer dans la villa, le reflet de son visage éclaboussé de sang dans les vitres, les photographies de Néfertari Vivi étalées devant ses yeux.
Un attentat.
Dans l'extension.
Impossible de nier sa culpabilité, dans cette affaire-là : c'était tout sauf du hasard.
Sabo avait payé pour lui.
C'était ce qui l'avait hanté, depuis son arrestation, et qui l'empêchait parfois de dormir, la nuit : imaginer les conséquences de ses actes et de ceux de Kid sur sa famille, eux qui allaient devoir affronter la honte qui les attendaient, jugés par le monde extérieur qui n'aurait aucune pitié, aucune compassion.
Il ignora le regard choqué des autres pensionnaires et traça en direction de l'escalier, qui menait vers ce qu'il savait être le bureau mentionné par Kaya, se cramponnant à la rambarde malgré ses mains tremblantes. Se vautrer au passage était le cadet de ses soucis, à cet instant.
Il arriva sur le palier et poussa la porte d'un coup de pied, l'envoyant claquer contre le mur, découvrant l'écran dont certains infirmiers arrachèrent leur regard pour le dévisager, stupéfaits.
- Luffy ? Tu–
- Laisse, Shachi, je gère, lança Ace en arrivant dans la pièce l'instant suivant, posant une serviette sur les épaules de l'adolescent dont les yeux ne lâchaient plus les informations qui défilaient devant lui, n'entendant plus que la voix du speaker énumérant les victimes déjà découvertes dans les décombres.
Le drone qui survolait la zone capturait les images des secours qui s'activaient dans les vestiges des murs encore fumants, tandis que les policiers établissaient leurs cordons de sécurité, tenant à distance les badauds qui se pressaient déjà autour de la zone. Plusieurs ambulances se tenaient garées le long de ce qu'il restait du trottoir, brancards dépliés – Luffy agrippa la chaise la plus proche quand la caméra s'attarda sur les sacs noirs rangés au sol, vraisemblablement déjà occupés à en juger la forme qu'on pouvait apercevoir à l'intérieur : douze morts, à ce qu'annonçait le présentateur, dont l'identité n'était toujours pas confirmée.
Le Gouverneur de la Californie avait lui aussi été informé et était apparemment en route pour l'Université, où son fils devait passer la journée pour suivre l'évolution du chantier en cours – s'ensuivit un flot d'informations inutiles, aux yeux de Luffy, qui s'attardèrent sur Sabo, son métier, son rôle dans l'agrandissement du bâtiment en travaux et son lien avec Shanks et Luffy, dont l'image apparut à l'écran : il eut le déplaisir de constater que le monde entier avait le droit à la photographie prise à la volée par un journaliste, quand Kid s'était distingué lors d'une des audiences, aggravant leur cas à tous en jouant au plus malin, une fois de plus.
- Des nouvelles de Sabo… ? demanda Ace en forçant Luffy à s'asseoir sur la chaise.
- Je m'en occupe, murmura Law en refermant la porte derrière eux, les coupant du reste de la clinique. J'ai des collègues de travail, à SF, ils en sauront plus que ces vautours-là. Luffy, il faut que tu retournes dans ta chambre.
- Je reste là, rétorqua-t-il en contemplant l'écran.
- Tu te tortures inutilement. Ecouter ces idiots déblatérer des inepties sur ta famille ne t'aidera pas. Va dans ta chambre, répéta-t-il en haussant légèrement le ton, s'attirant les regards tendus de ses coéquipiers et celui tout aussi glacial de son patient.
- … et sinon quoi ? chuchota Luffy en haussant le sourcil. Vous allez me frapper, encore une fois… ?
Ace ne laissa ni le temps à Law de s'enfoncer un peu plus, ni l'occasion à Luffy de pousser la provocation plus loin ; il tira sur la chaise de l'adolescent, le saisit par le bras et l'entraîna à sa suite, ignorant ses protestations, claquant la porte derrière lui en le tirant dans les escaliers, loin de se laisser démonter par les tentatives dérisoires de Luffy pour s'extraire de son étreinte.
- Sérieux, Luffy, à quoi tu joues… ? s'exaspéra-t-il en le regardant s'accrocher à la rambarde, refusant de descendre une marche de plus.
- Si je reste, je vais voir Papa. Je veux… je veux savoir, il faut que je le vois. Je peux pas rester planté dans ma chambre comme un putain de môme puni… !
- Tout ce qui va passer à l'écran pour la prochaine demi-heure, ce sont des cadavres, des murs en ruine et des retranscriptions de ton procès, répliqua Ace en l'obligeant à lâcher prise d'un geste sec et ferme. Crois-moi, t'as pas besoin de voir ça.
- J'vous emmerde ! s'écria Luffy en tirant sur la main de fer refermée sur son poignet, se fichant bien des regards des autres pensionnaires braqués sur lui et des infirmiers restés au rez-de-chaussée. Allez vous faire foutre ! Lâchez-moi !
- Si tu te calmes pas, j'appelle Magellan. Et j'ai vraiment pas envie de le faire, parce que toi comme moi on sait à quel point tu détestes ça.
Tout ce qu'il voulait éviter tenait là, entre ses doigts, à portée de main – l'arrivée de Kid ou de Zoro. Il avait besoin que l'adolescent coopère, et s'éloigne du baril de poudre que représentait la salle commune encore pleine de patients, à cette heure-là de la matinée. Jouant le tout pour le tout, il ramena Luffy à lui et le poussa à travers les couloirs, jusqu'à celui desservant les chambres, à l'écart du reste des zones fréquentées par les internés ; quelques tours de clés plus tard, tout en tâchant de ne pas laisser Luffy lui échapper et se carapater à travers la clinique, il le poussa dans la pièce dont il ferma le battant sur eux, enfin seuls et loin d'autres sources d'agitation. Là, il le relâcha enfin, se sachant le seul obstacle entre la porte et le jeune homme qui semblait vouloir en découdre lui-même, les poings serrés et la mâchoire crispée, ses cheveux encore humides gouttant sur son visage déterminé.
Ace était peut-être le mieux placé pour le comprendre, mais comment faire entendre raison à ce gamin persuadé que le monde entier était contre lui, à cet instant ?
- Maintenant, si tu veux péter un plomb, fais-toi plaisir, argua Ace en croisant les bras, s'adossant à la porte close. Casse tout ce que tu veux, retourne le lit ou le bureau si ça te chante, mais tu sortiras pas de là tant que Law en saura pas plus sur ce qu'il s'est passé.
- Je demande pas la lune ! vociféra Luffy en se débarrassant de la serviette jusqu'ici toujours sur ses épaules. Mon cul vissé sur une chaise et la télé, c'est encore trop pour vous ?! Vous feriez quoi, vous, si vous étiez à ma place, vous resteriez là à chouiner dans votre lit en attendant que ça passe ?
- Pour sûr que non. Mais il y aurait quelqu'un pour m'empêcher de faire une connerie de plus, ça, c'est certain, murmura l'infirmier en sortant une allumette du paquet rangé dans sa poche pour la caler au coin de ses lèvres, distrayant Luffy de ses pensées sombres pendant une fraction de secondes.
Cet endroit le rendait fou, bien plus qu'il n'estimait l'être déjà ; cette impression d'être en boucle, de stagner jusqu'à reculer, même, parfois, avait le même effet que le tic-tac lancinant d'une horloge dans le silence, une preuve que le temps s'écoulait et qu'il ne pouvait rien faire pour le ralentir ou l'accélérer, une preuve de son impuissance, de son incapacité à s'extraire d'une situation qui lui échappait et contre laquelle il ne pouvait rien.
Et tous ceux qui résidaient ici, avec lui, étaient coincés dans la même boucle. Il en était persuadé, chaque jour un peu plus.
- Je peux te concéder que Law a souvent des idées à la con, mais celle-là n'en est pas une. C'est mauvais pour toi d'espérer apprendre quelque chose de constructif par ce genre d'infos, t'es bien mieux ici.
- Parce que je suis loin des autres ?
- D'une, capitula-t-il. Et de deux, Law et Lami en sauront bien plus qu'eux en un bien meilleur temps. Tu veux que je te dise ? Ton frère est bien trop malin pour se faire avoir par un dégénéré qui utilise ce genre de méthodes.
- Je vois pas le rapport, répliqua Luffy, acerbe, sans cesser de faire les cent pas dans la pièce, l'arpentant en long, en large et en travers sous le regard impassible de son gardien.
- Il a passé treize ans avec toi, Kid et Zoro. Il sait gérer une situation de crise, sourit Ace en tirant une chaise jusqu'à lui pour s'y asseoir à califourchon, posant son menton sur le dossier pour suivre son patient des yeux.
Luffy réprima un sourire et secoua la tête, momentanément détourné de son objectif du moment ; Ace et son humour souvent douteux avaient encore frappé, et le grésillement dans le talkie acheva le travail déjà entamé : la voix de Law, toujours aussi basse et grave, annonça que Sabo avait été sorti des décombres et transporté à la clinique Zuckerberg – la même où Monet avait pris son pied à jouer avec Kid, des semaines auparavant. Loin d'être indemne, mais sans pronostic vital engagé ; la voiture de Shanks opérait un demi-tour radical en direction de l'hôpital, et certains journalistes quittaient l'université au pas de course pour suivre l'ambulance chargée de transporter l'aîné de la fratrie du Gouverneur.
Momentanément hors de danger, mais peut-être pas pour longtemps.
- … maintenant, tu t'assois et tu te détends, ordonna Ace en lui désignant sa couche. On en saura plus dans la journée.
- Mais je–
- Et habille-toi un peu, tant que tu y es, tu vas pas te trimballer à moitié à poil jusqu'à ce soir, argumenta-t-il en lui lançant un des tee-shirts posés par-dessus les barreaux du pied de lit.
- … vous avez déjà perdu quelqu'un ? marmonna Luffy en passant le tissu par-dessus sa tête, à brûle-pourpoint, tentant de tromper la pointe d'angoisse qui persistait dans sa poitrine, malgré l'annonce du psychiatre.
Ace se figea, l'espace d'une seconde, juste assez pour que l'adolescent ne devine que sa cible était atteinte ; peut-être pour ça qu'il savait comment réagir face à la bombe à retardement qui menaçait de se mettre en route, un peu plus tôt.
L'expression qu'il arborait était la même qu'affichait Shanks, quand il était question de sa femme ; le Gouverneur avait eu des années pour peaufiner son masque d'indifférence, habitué à entendre les mêmes interrogations tout au long de l'année, mais ce n'était certainement pas le cas d'Ace, qui n'était pas familier des questions curieuses de la part des patients, Sugar mise à part. Et quand bien même, la fillette était loin d'avoir le même processus de pensée que Luffy, qui n'allait pas se gêner pour mettre les pieds dans le plat, à l'instar de Kid ou bien encore Zoro.
- Il y a longtemps, oui.
- Qui c'était ?
- … mon père. J'avais 17 ans, murmura Ace en passant une main dans ses cheveux, ses yeux noirs se perdant momentanément dans la contemplation du ciel bleu, à l'extérieur. J'ai la chance d'avoir toujours ma mère mais… c'est… différent, ajouta-t-il après avoir laissé courir un long silence.
- De quoi il est mort… ?
Question délicate, qu'il n'essaya pas de couvrir de sucre et d'un ton mielleux à souhaits – il préférait une approche plus directe, presque un peu brute, à l'image de Zoro ou même d'Ace quand il décidait de ne pas prendre de gants, comme quelques minutes avant.
Ace sembla hésiter, se mordillant la lèvre sans le lâcher du regard, pesant certainement le pour et le contre ; comme il l'avait dit lui-même, instaurer une relation de confiance ne signifiait pas être amis, et la discussion à cœur ouvert dans les deux sens était peut-être une entorse à cette règle.
- On va passer un marché, toi et moi. Tu me fais confiance pour te tenir au jus pour Sabo, tu te tiens à carreaux et je veux pas te voir escalader les murs pour te barrer et te mettre bille en tête de rejoindre SF… et en échange, je réponds à tes questions. C'est non-négociable.
- … vous me la ferez pas à l'envers ?
- C'est promis.
Au tour de Luffy d'hésiter – dire qu'il avait déjà envisagé de faire le mur, coûte que coûte, était un lourd euphémisme ; une poignée de minutes avaient suffi à le convaincre qu'il était temps de se tirer et de laisser les rênes à une toute autre personne, mais la retenue qui le bridait au quotidien le freinait, encore et toujours, barrière entre le monde extérieur et le plein potentiel qu'ils réunissaient à eux tous.
La tentation était forte.
Donner une bonne raison à Kid de forcer le passage.
Partir d'ici à n'importe quel prix, peu importe qui se mettrait sur leur chemin.
Trouver une voiture, quitte à en virer l'automobiliste et le garder en vie juste le temps de lui faire raquer les pleins d'essence, et conduire jusqu'à la Californie, pour rejoindre sa famille qui semblait, plus que jamais, se balader avec une épée de Damoclès au-dessus de leurs têtes.
Aviser une fois sur place, parce que faire des plans ne servirait à rien, à cette distance et dans leur état.
Mais jamais, jamais Law ne le laisserait lui filer entre les doigts. Luffy était persuadé qu'il préfèrerait l'abattre plutôt que de prendre le risque de le voir dehors – pas pour la sécurité des citoyens de ce pays, non. Juste pour respecter un principe limpide, que Kid le premier avait très bien saisi chez leur adversaire : s'ils ne lui appartenaient pas, ils ne seraient à personne.
Pour le moment, faire profil bas était la meilleure option, qui lui assurerait une tranquillité relative, quand bien même elle serait éphémère. Il ne s'agissait pas de traiter avec Law, mais avec Ace. Et à ses yeux, cette différence revêtait une importance primordiale.
- … deal.
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Réponses aux guests :
Pinigin : Hello ! Merci beaucoup ! Oh, désolée d'avoir monopolisé ton temps de révision, j'espère que tout s'est bien passé malgré tout. La suite arrive bientôt (fin de la période estivale, en effet !), j'espère qu'elle te plaira. Peut-être à bientôt, merci encore pour ta review !
Crow : Bonjour chère Crow, merci beaucoup ! Je reviens en retard mais de retour tout de même… ! En effet, Zoro est là depuis très longtemps, il est loin d'être tout nouveau dans le trio ; sa raison d'être est la défense du groupe, mais ses origines précises arriveront dans quelques temps, il va vous falloir de la patience… Je promets aussi solennellement que tu en sauras plus sur Lami en temps et en heure, j'aime juste faire traîner les choses… une touche de procrastination et pop, vous voilà avec des chapitres à rallonge et des petites miettes disséminées ci et là. Je suis cruelle avec beaucoup de personnages, en fait, mais il est vrai que là, ça fait beaucoup pour Bonney en peu de temps ; néanmoins, elle n'est pas la seule à avoir une faille largement exploitable par Kid, qui va avoir largement de quoi s'occuper à la clinique pour s'amuser. Gladius est un membre du personnel, il est en binôme avec Bonney (tout comme Ace est en binôme avec Thatch). Sugar va rester dans les persos principaux de la clinique, alors je suis contente que tu apprécies sa personnalité.
Ô combien je compatis… le combat est long et perpétuel, mais mieux vaut ça que d'avoir des regrets et se dire que l'on a pas tout tenté. J'espère que tous tes efforts paieront, je pense bien à toi. Merci pour ta review, à très vite pour la suite…
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Nous nous revoyons dans deux semaines ! D'ici là, soyez sages et portez-vous bien !
