– IV –
Confidences en hyperespace

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Les volutes d'énergie blanchâtres dessinaient les parois cylindriques d'un tunnel devant le Présage de Mort, tandis que le vaisseau fonçait vers sa destination au travers de l'hyperespace. Opérateur 9 était alors assis seul au poste de pilotage: il pensait en effet connaître maintenant assez bien son nouveau jouet, pour pouvoir parer dans la seconde même à tout incident de navigation susceptible de se produire durant le trajet. Après tout, l'hyperespace était une dimension bien particulière, certes parcourue en permanence par des millions de vaisseaux de toutes tailles, mais dont bien des mystères demeuraient insondables même pour les navigateurs les plus expérimentés, et dont les dangers réels étaient d'ailleur sous-estimés par beaucoup.

Opérateur 9 accorda l'espace d'un instant une pensée vagabonde aux autres membres de son équipage au repos. Comme à son habitude, Vector Hyllus était allé s'isoler dans la soute du vaisseau, où il pouvait entrer en connexion avec les subtiles variations du cosmos, sans être dérangé par quelque nuisance extérieure que ce soit. Kaliyo Djannis, elle, venait apparemment de se lever et de quitter les quartiers de l'équipage; car d'où il se trouvait, l'Agent put nettement percevoir à l'autre extrémité du vaisseau les habituelles salutations mielleuses de 2V-R8, auxquelles répondait invariablement la non moins habituelle voix excédée de la Rattataki:

-–- Vous faut-il quoi que ce soit? Un casse-croûte chaud? un massage des pieds? une oreille attentive? N'hésitez p...

-–- Rhaaah! Mais va chier, la conserve!

Quant à la nouvelle pièce rapportée, ce Seigneur Beniko dont Opérateur 9 ne savait encore trop quoi penser au juste, elle devait encore se trouver dans la cabine privée que l'Agent lui avait cédée, juste derrière la paroi du poste de pilotage. Probablement occupée à méditer, ou peut-être à détruire consciencieusement le mobilier à coups de sabre-laser ou d'Éclairs de Force, pour s'entraîner ou se défouler... Allez savoir, avec les Sith.

La nouvelle invitée du Présage de Mort sembla pourtant faire mentir l'Agent, lorsque celui-ci entendit coulisser derrière lui la porte de son ancienne cabine, puis vit le Seigneur Beniko entrer dans le poste de pilotage d'un pas tout à fait tranquille – ni humble, ni conquérant, mais juste tranquille. Le visage de la jeune Sith blonde n'avait pas perdu la note de mépris qui semblait gravée à demeure sur ses traits, mais il avait quelque chose d'étrangement serein. Quelque chose qui ne pouvait certainement pas venir de sa méditation Sith, qui n'était rien de plus qu'une canalisation d'émotions négatives... Opérateur 9 avait manifestement de plus en plus de mal à cerner la personnalité de cette Sith tellement atypique.

-–- Vous permettez que je vienne vous tenir compagnie, Agent? demanda-t-elle alors de but en blanc.

La jeune femme n'attendit pas la réponse pour se diriger vers le fauteuil de droite encore libre, situé de l'autre côté du terminal d'astrogation et de son holoprojecteur de carte galactique:

-–- Vous savez piloter ce genre d'engin? demanda Opérateur 9 un peu surpris.

Lana Beniko eut un petit sourire supérieur, tandis qu'elle s'asseyait puis activait rapidement ses interfaces de contrôle:

-–- Agent, affirma-t-elle, je sais piloter au combat un Intercepteur Sith de classe Fureur, établir sa route de navigation hyperspatiale, calculer son angle d'entrée dans une atmosphère planétaire, et aussi exécuter toutes les procédures d'urgence qui pourraient s'avérer nécessaires. Je suppose donc que je saurai me débrouiller avec les commandes d'un simple yacht de luxe, merci...

Le silence s'installa un long moment, entre les deux pilotes assis côte à côte à trois mètres de distance, tandis que le Présage de Mort cheminait toujours au travers de son tunnel hyperspatial. Il fallait bien que quelqu'un parlât le premier, or Opérateur 9 avait surtout été entraîné à se taire. Ce fut donc Lana qui prit l'initiative de briser le mur du silence:

-–- Écoutez, Agent, je suis bien consciente que nous sommes partis sur de mauvaises bases, vous et moi. Nous allons être amenés à collaborer de près, peut-être en situation périlleuse, aussi vaut-il mieux crever l'abcès au plus tôt. Alors voilà: je ne ressens aucune rancune envers vous pour la petite altercation d'hier. C'est un luxe que je ne peux pas me permettre, pour le bien de notre mission; et en vérité, pour tout dire, je respecte ceux qui osent s'opposer à moi... du moment qu'ils soient capables d'y survivre! Ce qui est à coup sûr votre cas...

Pendant que la jeune Sith parlait ainsi, Opérateur 9 se concentrait moins sur le contenu de son discours, que sur le timbre de sa voix et sur les tournures qu'elle choisissait, de manière à évaluer la sincérité de ce qu'elle disait, et la part de ce qu'elle pouvait lui dissimuler. Pour le reste, l'Agent continuait à fixer le tourbillon lumineux devant lui, en conservant un visage de marbre, ce qui obligea Lana à poursuivre seule:

-–- ...Car je sais que vous êtes un élément de très grande valeur. Je n'ai bien sûr pas eu accès à votre dossier personnel; j'ai bien sûr tout de même essayé de le pirater, mais il est particulièrement bien protégé, je ne vous apprends rien. En tout cas, sachez que ce n'est pas Cerbère, ni le nouveau Ministre des Services Secrets qui vous ont proposé, mais que c'est bien Dark Arkous lui-même qui a requis votre intervention personnelle. Cela fait déjà un moment que je travaille pour lui; et pour moi, un tel choix de sa part est le gage d'une valeur professionnelle du plus haut niveau...

L'Agent Cilliax était décidément de plus en plus déconcerté par cette étrange sorcière Sith. Il la savait déjà technophile, et peu portée sur la violence gratuite; et il la découvrait à présent diplomate et conciliatrice, au point de pouvoir présenter ce qui ressemblait furieusement à des excuses, et qui possédait tous les accents de la sincérité! Jamais il n'aurait cru un Sith capable d'un tel comportement, à ce point humble et raisonnable. Et en dépit de son flegme apparent, son trouble intime était tel qu'il se sentit irrésistiblement poussé à faire lui-même l'autre moitié du chemin en vue d'une réconciliation:

-–- Quant à moi, je n'ai rien contre vous, Seigneur Beniko, affirma-t-il ainsi. Vraiment. Je protège les membres de mon équipe contre toute menace extérieure, c'est tout. Kaliyo et Vector sont simplement là depuis plus longtemps que vous; et ils voyageront toujours avec moi, encore longtemps après que notre collaboration éphémère aura pris fin, à vous et à moi. Mais cela ne signifie pourtant pas que je ne me sacrifierais pas aussi pour sauver votre vie à vous, Seigneur Beniko, comme je le ferais pour n'importe quel autre membre de mon équipe si le cas devait se présenter. Même si je doute que quiconque ayant suivi les enseignements des Sith soit pleinement capable de saisir la notion de sacrifice de soi-même...!

-–- Vous semblez entretenir une vision irrémédiablement négative des Sith, sembla regretter Lana, au-delà même du fait que les paroles irrévérencieuses de l'Agent pouvaient être considérées comme de la trahison.

-–- Avoir été récemment dupé et manipulé par ce misérable traître de Dark Jadus me donne quelques excuses sur ce point, ne trouvez-vous pas? relativisa simplement Opérateur 9.

Le Seigneur Beniko dut admettre de bonne foi la valeur de l'argument: elle-même avait été scandalisée par l'ampleur de la trahison de Jadus, alors même que la trahison ordinaire faisait partie du quotidien et de l'essence même des Sith. Elle chercha pourtant encore à contre-argumenter pour rapprocher l'Agent de ses vues – une nouvelle preuve de sa nature conciliatrice si inhabituelle pour une Sith:

-–- Il existe pourtant peut-être plus de similarités que vous ne voulez l'admettre, Agent, entre les seigneurs Sith et les opérateurs des Services Secrets. Nous servons tous la volonté de l'Empereur, et pour cela, nous ne reculons devant aucun sacrifice. Pour atteindre nos buts, nous savons alterner entre la manière forte et la duperie. Et puis surtout, admettez-le, nous menons des vies qui ne sont pas à la portée du premier Humain venu! J'ai entendu dire à quel point la formation d'agent impérial était dure et impitoyable, et combien la spécialisation d'opérateur était plus meurtrière encore. Là pourtant, ce n'est sans doute en rien comparable avec ce qui se passe chez les Sith. Vous n'avez probablement même pas idée du nombre d'acolytes puis d'apprentis qui doivent mourir, pour que de cette montagne de cadavres s'élève un seul et unique seigneur Sith...!

-–- Il se trouve au contraire que je dispose de chiffres extrêmement précis en la matière, la contredit l'Agent Cilliax avec un dédain évident. Et une telle hécatombe n'a rien d'étonnant en soi. Les Services Secrets opèrent déjà un premier tri très exigeant parmi les volontaires les plus prometteurs, avant de les soumettre à une formation autrement plus dangereusement sélective... Alors que les Sith, eux, raflent indistinctement tous les malheureux gamins un tant soit peu réceptifs à la Force, qu'ils soient volontaires ou non, pour les balancer sans pitié sur Korriban, alors même que la plupart d'entre eux n'auront jamais aucun espoir de devenir davantage que du matériel d'entraînement jetable pour leurs camarades plus doués!

La révolte et l'indignation avaient fini par percer dans le ton d'ordinaire si calme et pondéré de l'Agent. Quant à Lana Beniko, l'évocation de l'impitoyable sélection naturelle opérée par les Sith à l'Académie de Korriban parut réveiller chez elle l'écho d'une profonde meurtrissure. Elle demeura en effet un long moment silencieuse, avant de se livrer d'une voix lasse:

-–- Il fut pourtant une époque où je n'étais moi-même qu'une de ces pauvres gosses, Agent, et pas parmi les plus prometteuses. Ma famille n'était pas issue de plusieurs générations de Sith puissants dans la Force, contrairement à celles d'autres élèves. Et pourtant, j'ai survécu, là où beaucoup de ces enfants de privilégiés sont morts; j'ai été remarquée par un maître qui m'a prise pour apprentie; et me voici... Mais je dois admettre que les jeunes années que j'ai passés sur Korriban me hantent parfois encore. Vous comprendriez de quoi je veux parler, si vous... Tiens oui, au fait, êtes-vous déjà allé sur Korriban, Agent?

Opérateur 9 émit un ricanement discret, avant de répondre:

-–- Korriban est le berceau ancestral et le domaine réservé de l'Ordre Sith. Les larbins impériaux non-sensibles à la Force n'y sont pas les bienvenus: pas plus les petits fonctionnaires de Kaas City que les soldats de base de l'Armée impériale, et encore moins bien sûr ces sales fouineurs des Services Secrets de l'Empire, auxquels je m'honore pourtant d'appartenir.

La fréquentation des hautes sphères de l'Empire et de l'Ordre Sith avaient offert au Seigneur Beniko une certaine expérience en matière de faux-fuyants diplomatiques. Elle sut donc apprécier en esthète la pirouette digne d'un embobineur de haut vol par laquelle Opérateur 9 avait cru pouvoir esquiver sa question. Elle le lui fit d'ailleurs remarquer:

-–- Je note que vous ne m'avez pas réellement répondu, Agent... Vous êtes-vous déjà rendu à la surface de Korriban, oui ou non?

Cilliax haussa les épaules, et énonça comme une simple évidence:

-–- Oui, bien sûr que oui.

Lana Beniko entrouvrit d'abord la bouche de surprise. Mais elle se reprit presque aussitôt, et récupéra bientôt le ton pincé par lequel elle entendait diriger l'entretien:

-–- Étonnamment, je vous crois. Une telle affirmation est totalement improbable, et pourtant je vous crois. Je suppose donc que vous vous êtes fait passer pour un Garde impérial? À ma connaissance, ce sont les seuls militaires non-sensibles à la Force admis à arpenter aussi bien la Vallée des Tombes que les couloirs de l'Académie.

Les redoutables soldats de la Garde impériale étaient le plus souvent aperçus sur Dromund Kaas, même si l'on en trouvait aussi dans quelques centres de formation secrets dispersés dans l'espace profond. Yavin 4 était l'une des rares localisations connues par les Services Secrets de l'Empire. Mais une autre tâche moins connue des Gardes impériaux était d'assurer la protection du Conseil Noir et de l'Académie des Sith sur Korriban. Ils représentaient également la seule force militaire autorisée à patrouiller sur la surface désolée de la planète Sith. Ces combattants d'élite portaient alors les mêmes armures et casques intégraux que les soldats impériaux, mais de la même couleur rouge sang que les longues robes d'apparat qu'ils revêtaient le plus souvent – la tenue qu'ils arboraient d'ailleurs généralement à l'intérieur même des sombres dédales de l'Académie. Leur inféodation déjà totale au Côté Obscur de la Force, par le biais de rituels Sith, leur épargnait d'être encore davantage corrompus par l'influence néfaste où baignait Korriban, ce qui aurait pu être le cas pour de simples soldats humains qui y auraient été déployés.

Mais ce n'était de toute évidence pas la bonne réponse. Opérateur 9 hocha d'ailleurs la tête d'un air de profonde commisération, comme s'il pensait soit que la Sith était en train de tester son intelligence, soit qu'elle-même venait d'échouer à son propre test!

-–- Non, Seigneur Beniko, bien sûr que je ne me suis pas fait passer pour un Garde impérial. Vous savez aussi bien que moi que c'est impossible. Ceux d'entre eux qui parviennent au terme de leur impitoyable formation sont tous liés à l'Empereur par une sorte d'ancien rituel secret Sith. Il est donc impossible de se faire passer pour un Garde impérial en présence d'un autre; or ils vont presque toujours au moins par deux. Par ailleurs, ils sont totalement incorruptibles: il est donc également impossible d'acheter leur complicité ou leur complaisance muette...

Frustrée par son échec, le Seigneur Beniko se plongea dans une réflexion un peu plus approfondie, dont elle émergea brusquement en poussant un cri d'indignation:

-–- Dites donc, vous ne vous êtes tout de même pas non plus introduit en fraude parmi tous ces contrebandiers et pilleurs de tombes qui parviennent régulièrement à déjouer les patrouilles de la Flotte impériale? Entre les pièges qui pullulent dans ces tombeaux, les bêtes sauvages qui y nichent, et les acolytes Sith de l'Académie pour qui ils ne représentent rien de plus qu'un gibier distrayant, leur espérance de vie est extrêmement brève... Très peu d'entre eux parviennent à quitter Korriban en vie.

L'Agent Cilliax eut une grimace de mépris, comme s'il se sentait personnellement offensé que la jeune Sith ait pu seulement envisager une telle hypothèse. Sa voix habituellement si égale grondait d'une fureur contenue lorsqu'il répondit:

-–- Non, Seigneur Beniko, je n'ai pas rejoint les rangs de ces misérables vermines; pas même sous couverture. Mais j'ai effectivement croisé la route de quelques uns de ces nuisibles en explorant les tombeaux des grands seigneurs Sith de jadis. Du coup, les bêtes sauvages que je n'ai pas été obligé de tuer ont eu droit à quelques repas gratuits...

Une idée dérangeante se fit soudain jour à l'esprit de Lana Beniko, d'autant plus dérangeante qu'elle-même avait dû arpenter les salles obscures des tombeaux durant sa formation sur Korriban:

-–- Avez-vous également été obligé de... de tuer les acolytes Sith que vous avez croisés là-bas? Peut-être même des apprentis?

Opérateur 9 passa la main sur son imposante plaque de ceinturon incrustée de voyants:

-–- À l'époque, je maîtrisais déjà fort bien l'utilisation de mon générateur de furtivité. J'ai donc pu aisément passer inaperçu de ceux que je souhaitais éviter. En aucun cas je ne devais porter atteinte à un membre de l'Ordre sith, quel qu'il soit, ni à un Garde impérial: telles étaient mes règles d'engagement. Pour tout dire, cette incursion illégale sur Korriban, et ce circuit périlleux dans les nécropoles, représentaient le test de validation de la fin de ma formation d'opérateur des Services Secrets. Cerbère a... avait toujours des défis particulièrement exigeants à proposer à ceux de ses éléments qu'il estimait les plus prometteurs...

Lana croisa les bras d'un air boudeur, en une posture de reproche vite exprimé:

-–- Au final, vous ne m'avez toujours pas dit comment vous êtes parvenu à vous introduire sur Korriban. Auriez-vous utilisé un vaisseau furtif comme celui-ci?

-–- Voyons, Seigneur Beniko, on ne confie pas de vaisseaux furtifs de cette valeur à de simples recrues! Vous pouvez trouver mieux que ça...

-–- Mais alors à quelle identité d'emprunt avez-vous eu recours? s'écria presque Lana, au comble de l'impatience. Vous tenez tant que ça à me laisser dans l'ignorance?

Le vaisseau sortit brusquement de l'hyperespace à ce moment précis. Le temps d'un bref vrombissement, le tourbillon d'énergie laiteuse qui dansait sur la verrière du poste de pilotage se mua en une perspective de lignes blanches aveuglantes, puis presque aussitôt en une portion d'espace étoilé. Au premier plan, un large disque doré scintillant s'imposait à la vue: il s'agissait de Nar Shaddaa, la lune des contrebandiers, entièrement recouverte d'une mégalopole luxuriante sans lois bien définies, le paradis des opportunistes et des criminels de toutes espèces. Puis juste derrière, on trouvait un disque verdâtre plus grand: Nal Hutta, un énorme bourbier toxique, que personne n'aurait songé à disputer aux familles Hutts qui s'y affrontaient pour le moindre bout de territoire.

Dès que le vaisseau se fût stabilisé en orbite de la lune citadine, Opérateur 9 se leva de son siège en concluant sur un ton amusé:

-–- Je vous raconterai peut-être ça un autre jour. Et pour l'instant, oui, je préfère prendre un malin plaisir à laisser cogiter vos méninges. Prenez ça comme mon côté obscur à moi...

Lana Beniko dut ravaler sa frustration, et suivit l'Agent hors du poste de pilotage. Vector et Kaliyo attendaient déjà auprès du grand holoterminal qui trônait au milieu du salon lambrissé du Présage de Mort. Opérateur 9 activa l'appareil d'holotransmission, et après seulement quelques brumes parasites, la silhouette spectrale de Cebère se matérialisa en suspension au-dessus de l'appareil. Comme à son habitude, l'ex-Observateur 2 commença par verbaliser ses chers protocoles en un monologue un peu surréaliste:

-–- Connexion établie; alignement, paramétrage; codes confirmés; transmission sécurisée. Mes respects, Seigneur Beniko. Opérateur 9, je suppose que vous avez déjà profité du trajet pour informer vos équipiers des termes de la mission, comme convenu. Je passe donc directement aux mises à jour les plus récentes: l'enseigne Kearra Seybahr a été retrouvée! Elle se trouve actuellement au Centre des unités spéciales impériales, un avant-poste opérationnel situé non loin de l'aire de transit du Secteur industriel supérieur...

-–- Je connais l'endroit, intervint Opérateur 9. J'ai déjà eu affaire au chef de poste, un général du nom de Kolvin, pour régler une affaire, hum, disons confidentielle. Quoi qu'il en soit, Kolvin m'a laissé l'impression d'un gradé compétent.

-–- Comment l'enseigne Seybahr s'est-elle retrouvée là-bas? demanda le Seigneur Beniko.

-–- En fait, c'est encore un peu difficile à établir, dut admettre Cerbère, dont le ton légèrement irrité révélait combien elle détestait les demi-certitudes. Kearra Seybahr est certes arrivée à rejoindre ce point de repli qu'elle connaissait: mais elle s'y est présentée dans un tel état d'épuisement et de confusion, qu'elle a rapidement perdu connaissance après n'avoir pu fournir que quelques explications assez embrouillées...

-–- Mais encore? insista l'Agent.

-–- Eh bien d'après elle, le gang de pirates informatiques qu'elle était censée rencontrer et embaucher pour le compte de l'Empire, un nouveau groupe nommé La Promesse, l'aurait trahie et capturée après avoir éliminé ses gardes du corps par surprise. Ils l'auraient gardée prisonnière, droguée et menottée, en attendant de pouvoir la remettre à un commanditaire inconnu au sujet duquel Kearra n'a pu saisir aucune information précise. Elle est parvenue à surmonter momentanément les effets des drogues qu'on lui avait injectées, à se défaire de ses entraves, et à fausser compagnie à ses ravisseurs pour rejoindre l'avant-poste impérial le plus proche. Comme je vous l'ai dit, elle a ensuite perdu connaissance, et n'a pas été en mesure de nous en apprendre davantage pour l'instant.

-–- Si je vous comprends bien, résuma Opérateur 9 sur un ton presque imperceptiblement narquois, notre héroïque mission de sauvetage, si cruciale pour l'Empire, devient maintenant un simple boulot de rapatriement sanitaire jusqu'à Dromund Kaas?

-–- C'est en partie exact, confirma Cerbère, aussi imperturbablement que si elle n'avait pas perçu la note d'ironie dans le ton de l'Agent. Ne sous-estimez cependant pas la première phase d'exfiltration que vous devrez mener à bien, car ceux qui ont tenté de la capturer pourraient très bien tenter de s'opposer à vous lors de votre trajet du Secteur industriel supérieur jusqu'au Spatioport Mezenti. Une toute dernière chose: depuis les dernières minutes avant votre appel, nous venons de perdre tout contact avec le Centre des unités spéciales impériales! Alors si vous n'avez pas d'autres questions, je ne vous retarde pas davantage: vous jouez peut-être contre la montre. Cerbère, terminé.

La projection holographique se désactiva, et les idées ne tardèrent pas à s'échanger entre les participants à l'holoconférence:

-–- Seigneur Beniko, demanda d'abord l'Agent Cilliax, pensez-vous que le mystérieux commanditaire de cet enlèvement pourrait être l'un de ces seigneurs Sith rivaux contre lesquels Dark Arkous nous avait mis en garde?

-–- C'est une éventualité, admit Lana. Ce qui semble établi en revanche, c'est que ce groupe de pirates, La Promesse, est parvenu à éliminer par surprise les trois gardes du corps surentraînés de la fille du Moff. Nous manquons encore de détails, mais ils pourraient bénéficier d'une sérieuse supériorité numérique, ou tactique, ou technologique – ou les trois à la fois!

-–- J'espère que l'enseigne Seybahr pourra nous en apprendre davantage à son réveil, conclut l'Agent.

-–- Bon, alors c'est quoi, le plan? demanda Kaliyo qui battait déjà la semelle d'impatience, les bras croisés.

-–- On fait comme a dit Cerbère, trancha Opérateur 9. On se rend directement au Centre des unités spéciales impériales du Secteur industriel supérieur, on constate ce qui peut bien y clocher, et on en repart aussi sec avec notre colis, en faisant encore davantage attention à tout ce qui pourrait représenter un danger...

-–- Toi et moi, Agent? proposa juste Kaliyo d'un ton lascif.

Cilliax hocha négativement la tête, avec un léger sourire en coin sous sa moustache rousse:

-–- Désolé ma belle, mais pour cette excursion-ci, c'est notre dernière recrue que je compte emmener sur le terrain. Mon cher Vector, je t'ai... Enfin, je vous ai déjà vus combattre sur Aldérande, et vous m'avez impressionné; mais j'aimerais maintenant pouvoir évaluer ce que vous valez, loin de votre planète d'élection.

L'espace d'un instant seulement, Opérateur 9 avait perdu de vue que sa dernière recrue en question, l'ex-diplomate impérial auprès des maisons nobles d'Aldérande, s'exprimait toujours comme un esprit-ruche insectoïde, plutôt que comme un individu humain à part entière. L'Affilié des Killiks répondit d'ailleurs en inclinant légèrement la nuque, main sur le cœur:

-–- Nous nous estimons honorés par votre choix, Agent. Si nous étions pourvus de davantage de membres, nous les mettrions volontiers à votre service.

Un peu frustrée sans doute de ne pas avoir été choisie, Kaliyo passa une fois encore son irritation sur le pauvre Vector:

-–- Bordel, à chaque fois qu'il l'ouvre, j'ai l'impression de me balader avec toute une termitière à bord! Et ça me file systématiquement une furieuse envie de passer tout le vaisseau à l'insecticide!

-–- Nous ne relèverons pas cette provocation puérile, répondit simplement Vector de son ton imperturbablement égal.

Comme on pouvait s'y attendre, la criminelle rattataki prit rapidement la mouche:

-–- Puré-quoi? Non mais attends, là, tu me prends pour une gamine, Bug-man?! J'ai déjà vu des choses dont t'as même pas idée! Pour survivre, j'ai dû faire des trucs qui vous feraient même gerber vot' quatre-heures, à toi et à tes petits copains insectes anthropophages!

-–- Nous n'en doutons pas, admit l'Affilié d'une voix toujours aussi calme et horripilante. Nous préférons garder nos nutriments en nous.

Le Seigneur Beniko suivait en silence ces échanges déconcertants, les bras croisés et les traits impassibles; mais ses yeux jaunes pétillaient d'une jubilation évidente. Elle ne put finalement s'empêcher de constater avec amusement:

-–- Mais dites-moi donc, Agent, il règne une ambiance du tonnerre sur votre vaisseau!

-–- Sans commentaires, soupira Opérateur 9 d'une voix accablée. Seigneur Beniko, vous serez bien sûr du voyage, vous aussi. Si des pièges ou des embuscades devaient se trouver sur notre route, votre lien avec la Force nous sera certainement utile pour les anticiper.

-–- De toute façon, confirma Lana d'un ton hautain, je ne comptais pas rester inutilement à bord, à jouer au Pazaak avec votre Rattataki pour lui tenir compagnie! Pensez-vous que nous devrions revêtir un habillement particulier pour nous aventurer dans le Secteur industriel supérieur de Nar Shaddaa, Agent?

Opérateur 9 jeta un regard rapide à la poignée du sabre-laser accrochée bien en vue à la taille du Seigneur Beniko, puis à son propre uniforme d'officier impérial bardé d'armement, avant de trancher:

-–- Je pense au contraire qu'il serait contre-productif de tenter de camoufler votre appartenance aux Sith, tout comme la mienne aux forces armées de l'Empire. Notre apparence actuelle sera assez menaçante pour nous éviter un certain nombre d'altercations mineures; par contre, c'est sûr, elle fera de nous la cible privilégiée de quelques attaques plus sérieuses. Mais de toute façon, gros bras et petites frappes nous tomberaient dessus les uns comme les autres, si nous n'avions l'apparence que de simples civils sans compétences martiales! Alors l'un dans l'autre, nous y gagnons...

-–- Entendu, admit le Seigneur Beniko. Et est-ce qu'il y a autre chose que l'on peut faire pour votre service, Agent?

Cilliax regarda la jeune femme Sith bien au fond de ses yeux dorés, puis alors seulement annonça sur un ton sans réplique:

-–- Oui. Appelez-moi par mon nom: Opérateur 9!

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