Désolée pour le retard (déménagement en cours)...
Chapitre 3 : La Vérité
Le sommeil l'emporta à un moment ou un autre durant son attente. Ses rêves fugaces étaient emplis d'images brumeuses et de mots incohérents. Dans ses rêves, le monde n'était pas réconfort et lumière, mais peur et une terreur sans nom qui suintait dans la réalité, et il se réveilla hors d'haleine, la peau glacée. Komaeda, pour son cerveau à demi-conscient, ressemblait à un cadavre ambulant alors qu'il hésitait près de la porte.
« Désolé, Naegi-kun, je ne voulais pas te réveiller », dit Komaeda. Il tenait un plateau. « Je t'ai apporté ton dîner. »
Naegi hocha la tête en tremblant. Cette sensation de malheur imminent ne l'avait toujours pas quitté, et regarder Komaeda lui donnait la nausée.
Komaeda s'approcha et plaça le plateau sur le bureau devant lui. L'odeur effaça immédiatement toute pensée craintive. Comment... comment avait-il obtenu toute cette nourriture ? Les repas complets ne traînaient pas partout pendant l'apocalypse. Pourtant, sur le plateau devant lui reposaient un bol de soupe odorante, une sorte de viande sur un lit de légumes, et du pain sur le côté. C'était également frais ; de la fumée montait de sa surface. Juste... comment?
« Je n'ai pas réussi à trouver beaucoup de choses sur tes goûts, mais je te promets que tu vas aimer, dit Komaeda. Ça a été préparé par le Chef Ultime lui-même. »
Chef Ultime ? Il regarda Komaeda de plus près.
« Komaeda-kun, tu es un Ultime toi aussi, n'est-ce pas ?
-Chanceux Ultime, pour être exact. Non pas que la chance soit un talent digne de ce nom. Mais je suis quand même heureux d'avoir pu étudier aux côtés de camarades aussi impressionnants !
-Je sais ! s'exclama Naegi, en bondissant pratiquement sur sa chaise. Je ne peux pas me souvenir d'être allé à l'école avec eux, mais travailler avec des personnes comme Kirigiri-san ou Togami-kun était incroyable ! J'ai encore du mal à saisir à quel point Kirigiri-san est intelligente. »
Komaeda rit. Il avait l'air de vouloir tendre le bras pour ébouriffer les cheveux de Naegi. « Naegi-kun, tu ne te donnes pas assez de mérite. Tu es l'Espoir Ultime. Tu as ta place parmi des gens comme eux. »
Naegi haussa les épaules sans trop d'enthousiasme, recourant à la réponse qu'il donnait toujours. : « Je suis juste très optimiste, c'est tout.
-Tu devrais manger ton dîner. » Était-ce juste lui, ou le sourire de Komaeda était-il trop large ?
Suivant les exhortations de Komaeda, Naegi porta une cuillerée de soupe à ses lèvres... waouh. Waouh. Il ne pouvait rien dire d'autre. Juste waouh.
« C'est incroyable ! s'écria-t-il, déglutissant juste à temps.
-C'est le Chef Ultime, lui rappela Komaeda. Mais je suis sûr qu'il n'a jamais été complimenté par quelqu'un d'aussi extraordinaire que l'Espoir Ultime ! »
Naegi fronça les sourcils. « Tu sais que ce titre n'est pas officiel, non ? Kirigiri-san m'a juste appelé comme ça deux ou trois fois. »
Le regard que lui lança Komaeda suggérait que ce dernier était certain que Naegi essayait de lui faire une farce. « Et tu douterais des conclusions de la Détective Ultime ? »
Ok... Il n'avait pas tort.
« Mais c'est pas comme si ça voulait dire quelque chose. C'est juste un titre. Ce n'est pas important », dit Naegi. Il remua distraitement sa soupe, évitant le regard de l'autre.
Il manqua ainsi la manière dont le visage de Komaeda se relâcha.
« Désolé, Naegi-kun. Je ne pense pas t'avoir correctement entendu.
-Je... » Naegi releva la tête vers l'autre garçon et sa phrase mourut dans sa gorge. Komaeda souriait toujours, mais Naegi avait entendu le vide dans sa voix. Et ses yeux. Ils étaient trop écarquillés, et les lignes dans la peau qui les cernaient trop profondes.
« Komaeda-kun, ça va ?
-Je vais bien », dit férocement Komaeda. Malgré lui, Naegi se déroba devant son regard. L'angoisse rampante de ses rêves chuchotait à nouveau au fond de son esprit... C'était probablement juste de l'inquiétude. Il devait être à cran parce qu'il n'avait toujours pas vu ses amis.
« Komaeda-kun, est-ce que tu as trouvé ce qui est arrivé aux autres? »
Au moins, son changement de sujet chassa cette expression éteinte. Komaeda expira profondément et fixa un point sur le mur. « J'ai demandé à tous ceux que j'ai vus, mais personne n'a reçu de rapport disant les avoir vus. »
Quelque chose semblait bizarre dans la manière dont il avait dit cela, dans les mots qu'il avait choisis. Naegi les repassa à plusieurs reprises dans sa tête. Personne ne les avait vus ? Mais ça voudrait dire...
« Tu veux dire que je suis le seul ici ?
-Dans ce bâtiment ? Ouaip, tu es le seul élève de ta classe. » Komaeda se passa la main dans les cheveux. « Désolé, je ne comptais pas t'embrouiller.
-S'ils ne sont pas ici avec moi, que leur est-il arrivé ?
-Ils allaient bien la dernière fois que nous – enfin, je – les ai vus. Mais c'était il y a une demi-semaine, donc qui sait? »
Une demi-semaine... comment... ?
Et Komaeda reprit la parole. « Je me demande, sans l'Espoir Ultime pour les guider, leur résolution a-t-elle vacillé ? Ne serait-ce pas merveilleux que ton absence apporte du désespoir à tes amis ?
-Qu'est-ce que tu dis ? » Komaeda devait plaisanter, mais ce n'était pas drôle.
« Tu le vois toi aussi, non? » Le corps de Komaeda ne bougea qu'à peine, mais il se tourna brusquement, comme si le sol avait pivoté sous ses pieds. « Perdus dans les décombres, les Ultimes survivants réalisent qu'ils ont perdu la lumière la plus vive parmi eux et désespèrent... Mais ensuite, ils se rallient, leur espoir plus fort que jamais ! Ce serait magnifique !
-C'est... Ce n'est pas... Rien de cela n'est magnifique. » Il ne pouvait se rappeler quand ou comment, mais il s'était levé. « C'est horrible! On doit aller les chercher!
-Mais Naegi-kun, réfléchis. Leur espoir va devoir tellement se renforcer pour compenser ta perte. Imagine quels puissants symboles d'espoir ils deviendront !
-Arrête! »
Que se passait-il? Pourquoi Komaeda se mettait-il à parler ainsi et se comportait-il de façon inquiétante, et où étaient ses amis et pourquoi Naegi était-il le seul à se retrouver ici ? Qui étaient ces gens qui l'avaient sauvé, et...
Que lui voulaient-ils?
Naegi n'y avait même pas songé. Il avait présumé que Komaeda et ses alliés l'avaient secouru dans l'intention de le sauver. Et ce devait être le cas ! Pourquoi lui donneraient-ils des repas chauds et une chambre s'ils n'étaient pas des gentils ? S'ils étaient ses ennemis, ils l'auraient jeté dans une cellule, non ? Non, sûrement, ils étaient dignes de confiance...
Mais où étaient ses amis ? Naegi savait qu'il n'aurait jamais abandonné l'un d'entre eux. Il se serait volontiers soumis à une existence solitaire dans le monde extérieur pour qu'ils puissent se trouver là où il se trouvait désormais. Et il ne leur aurait jamais permis d'en faire autant pour lui. C'était lui et eux, ou seulement eux, en ce qui le concernait.
Il tenta de se souvenir. Il... il était en train de parler avec Hagakure et... et rien. Rien ne venait ensuite. Un point d'interrogation gisait à l'endroit où un autre souvenir aurait dû suivre, ça et une sensation semblable à des fourmis rampant sur sa peau. Où étaient ses souvenirs ? Quelque chose était censé être là. Il parcourut les informations qu'il possédait...
Une seconde. Quelque chose n'allait pas.
Naegi dit: « Tu as dit que nous les avons vus il y a une demi-semaine. Ce n'est pas possible. Je... »
Je ne me souviens pas être arrivé ici. Je ne me rappelle certainement pas avoir été séparé d'eux autant de temps.
« Non, c'est vrai ! C'était il y a une semaine. Tu ne t'en souviens probablement pas puisque tu étais inconscient la plupart du temps. »
Inconscient ? Il palpa machinalement son cuir chevelu, cherchant une blessure. Il ne pensait pas être blessé. Il était vrai qu'il avait mal à la tête, mais c'était surtout dû à sa confusion.
« ... Même si tu étais réveillé, la perte de mémoire à court terme est un effet secondaire des sédatifs que j'ai utilisés. »
Quoi.
« Je vois que tu veux que j'explique. Quel honneur ! » Komaeda ne fit pas que se redresser. Il sembla se déployer, telle une griffe glissant hors de sa gaine. "Je me doutais que tu ne serais pas coopératif quand j'essayerais de t'amener ici, alors je n'ai pas eu d'autre choix que de m'en occuper moi-même ! Et ça a été une bonne chose. Il aurait été impossible de semer la Détective Ultime en se battant entre nous. Je suis encore impressionné qu'elle ait été capable de nous suivre aussi loin.
-Komaeda-kun, pourquoi tu dis que je n'aurais pas été coopératif ? Tu veux dire que je n'ai pas donné mon accord pour venir ici? » C'était une autre possibilité qui ne lui était jamais venue à l'esprit, surtout parce que ça n'avait aucun sens. C'était complètement illogique que quelqu'un décide de le forcer à venir dans une chambre propre et meublée et lui serve des repas complets.
« J'allais te parler, mais j'ai d'abord croisé une de tes amis et elle a été claire sur ce que ta réponse aurait été... et c'était juste inacceptable. » Komaeda serra le poing et le leva devant lui. « Tu es l'Espoir Ultime ! Je ne pouvais juste pas te laisser dans ce monde de désespoir.
-Tu...
-Ne t'inquiète pas, je me suis bien occupé de toi ! Je t'ai donné les rations de premier choix, la couverture et même ma propre chaleur corporelle quand ça ne suffisait pas. Je me suis assuré qu'il ne t'arrive aucun mal. Tu n'as pas besoin de me remercier. T'entretenir toi et ton espoir est tout ce à quoi je suis bon ! »
De la sueur perlait sur sa nuque. Il comprenait. C'était la raison pour laquelle la porte avait été verrouillée. Komaeda l'avait drogué et emmené loin de ses amis. Komaeda ne l'avait pas sauvé. Il l'avait kidnappé. Et le pire était qu'il ne semblait pas penser qu'il avait fait quelque chose de mal. Ses yeux verts fixaient Naegi avec adoration et il joignait les mains comme pour simuler une prière fervente. Ça le rendait malade.
« Komaeda-kun, je dois partir. Mes amis ont besoin de moi. Je... Je dois savoir s'ils vont bien. » Il se mordit la lèvre, se raccrochant à l'espoir de pouvoir négocier avec Komaeda. Komaeda était un kidnappeur, mais il semblait raisonnable.
Komaeda cessa de sourire. « Naegi-kun, être séparé de tes amis t'apporte-t-il du désespoir ? »
Naegi hésita. Il pouvait presque sentir Kirigiri derrière son épaule, lui murmurant que c'était un piège. « P... Plus ou moins ? »
Un instant de silence. Et puis Komaeda rit. C'était un bruit rugueux, horrible, qui semblait meurtrir Komaeda alors même qu'il continuait à rire. Il écorchait les tympans de Naegi. Des instincts anciens remontèrent à la surface, lui ordonnant de sortir de là immédiatement. Malgré toutes les horreurs qu'il avait endurées à l'académie, il ne s'était jamais vraiment senti menacé par les autres élèves.
C'était différent. Cette fois, il se sentait menacé.
« C'est fantastique ! dit Komaeda. C'est un excellent départ. Ton espoir a déjà une chance de devenir plus fort. C'est parfait ! »
Le regard de l'autre garçon était absent, comme s'il était perdu dans ses pensées.
Il était distrait.
Naegi s'élança. Il s'écrasa contre la porte et attrapa la poignée. Elle ne tourna pas.
« Je le vois, dit Komaeda quelque part derrière lui. Le désespoir qui te suit... mais il pâlit comparé à la lumière de ton espoir. Allez, Naegi-kun ; on peut surmonter ça ensemble ! »
Il martela la porte. Quelqu'un devait l'entendre. Ils ne pouvaient pas être tous comme lui...
Komaeda se jeta en avant.
La masse du garçon maigre s'écrasa contre son dos, le plaquant contre la porte. Des doigts longs et fins s'agrippèrent à son visage, se plaquant sur sa bouche. Son cœur lui martelait les côtes, et il se tordit et se retourna dans la prise fébrile. L'autre garçon disait quelque chose, mais Naegi ne pouvait l'entendre par-dessus la ruée de son sang.
Il se tordit encore. Leur équilibre vacilla et tous deux tombèrent sur le sol. Il se débarrassa de Komaeda d'un coup de pied, roula sur le ventre et tendit le bras vers la porte...
Et Komaeda était sur lui ; une main sur le dos de son crâne, il pressait sa tête dans le tapis. Les genoux de Komaeda étaient plaqués contre ses côtes, bloquant un de ses bras. En rétrospective, cela visait à le maîtriser plutôt qu'à le blesser, mais tout ce à quoi Naegi pouvait penser était que Komaeda était plus grand et il ne pouvait pas le repousser et il ne pouvait pas respirer...
« Hé, tout va bien. Respire profondément, d'accord ? »
Les parties de lui en contact avec l'autre garçon frissonnèrent. Il ne voulait pas être là. Il ne voulait pas que Komaeda le touche. Il ne comprenait pas ce que Komaeda lui voulait. Il voulait retrouver ses amis.
Il se débattit, mais Komaeda parvint à conserver sa position jusqu'à ce que Naegi n'ait d'autre choix que de se calmer. Son cœur ralentit en de stables mais puissants battements. Il respirait plus facilement ; il n'avait plus l'impression de suffoquer sous le poids de Komaeda.
« Naegi-kun. » Komaeda ne parlait plus avec une bienveillance exaltée ou de la folie cachée. Il était calme et complètement sérieux, et ce fut pourquoi Naegi écouta. « Je sais que je n'ai aucun droit d'exiger quoi que ce soit de toi, mais c'est important. Tu ne dois pas faire de bruit. Tu peux parler, mais tu ne peux pas aller frapper à la porte comme ça. Seuls deux d'entre nous savons que tu es là, et si l'un des autres le découvrait... Hé bien, il essayerait probablement de te tuer. »
Ça ne pouvait pas être vrai.
« Ne t'inquiète pas, je vais te protéger. » Cette fois, Komaeda lui ébouriffa les cheveux. « Tu dois juste suivre deux règles : ne fais pas trop de bruit et ne quitte pas cette chambre. C'est tout ! Je peux m'occuper du reste. »
Naegi humecta ses lèvres soudainement sèches. Sa joue frotta contre le tapis quand il tourna la tête. « Pourquoi est-ce qu'ils voudraient me faire du mal ?
-Par vengeance. Je sais, c'est ridicule. Pourquoi quelqu'un voudrait venger le Désespoir Ultime, c'est au-delà de ma compréhension.
-Ultime... Tu parles d'Enoshima? »
Il n'avait pas besoin de confirmation. Il comprenait tout. Il avait été drogué et enlevé au milieu de l'apocalypse par un parfait inconnu pour une durée et une raison obscures. Il était retenu dans un endroit également occupé par les alliés de la marionnettiste maléfique que ses amis et lui avaient vaincue.
Naegi demanda: « Qu... Qu'est-ce que tu me veux ?
-Je veux juste que tu sois toi-même. »
Komaeda eut un sourire radieux et ce fut la chose la plus effrayante qu'il ait jamais vue.
