Chapitre 49 : Nouvel An
En cette soirée du 31 décembre, je repensai à mon année. C'était la première fois que je faisais cela. D'habitude, le Nouvel An ne changeait rien dans ma vie, mais depuis quelques années, c'était toujours dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier que j'avais des intuitions pour l'an suivant. Cette année, une que j'avais eue en aout/septembre était fausse alors j'avais bien espoir que tout cela cesse. Outre cela, cette année en avait été une très chargée.
L'an précédent fut l'an des rencontres. En mai, j'eus la chance de rencontrer ma fille. Puis, à la toute fin de l'année, j'avais eu la chance de LE rencontrer.
Cette année fut une année de découverte. J'avais commencé l'année en le voyant quelquefois, mais il avait rapidement mis un frein à notre relation avant qu'elle puisse évoluer de quelconque manière. À ce moment, je savais qu'on était fait pour s'entendre, mais lui non. Dans cette pause non souhaitée, j'avais finalement eu la chance de grandir et d'évoluer sur le plan de mes désirs sexuels. C'était pendant cette pause que j'avais commencé mes vidéos de porno; c'était quelque chose qui m'intriguait depuis longtemps, mais que je n'avais jamais osé faire. En quelque sorte, c'était grâce à son passage dans ma vie que j'avais osé la chose. À ce moment, je me contentais de me dire que j'étais simplement contente de l'avoir connu. En quelques rencontres, il avait déjà changé ma vie sans le savoir.
Ensuite, j'avais réussi à vivre ma vie sans trop penser à lui. Certes, j'y pensais de temps à autre (peut-être trop souvent à mon gout), mais je vivais bien tout de même. Quelque part en mai ou en juin, j'avais finalement décidé de lui réécrire. Avant, j'aurais dû prendre tout mon courage pour le faire, mais, avec lui et avec la maturité, j'étais prête à assumer toutes les réponses. S'il me disait qu'il ne voulait pas qu'on se revoie, au moins je saurais que j'avais tenté ma chance. Je savais également que je regretterais de ne même pas avoir essayé. Et c'est à partir de ce moment que nous recommençâmes à nous voir.
Au début, c'était comme au début de l'année; il y avait toujours une incertitude qui planait autour de nous. D'une part, il y avait une non-communication de plusieurs choses (autant sexuelles que d'autres aspects) qui rendaient le tout flou. D'autre part, il y avait la connaissance que notre relation pouvait s'arrêter du jour au lendemain et c'était stressant. C'était toujours comme juger si j'en faisais trop si je demandais à le voir ou de me dire qu'il ne tiendrait pas à me voir si je ne lui écrivais pas.
Je me rappellerai toujours les fois où je lui avais demandé s'il pensait qu'on se verrait encore à l'hiver (ou dans quelque temps). Sa réponse avait été honnête : je ne peux pas prédire l'avenir, mais pour le moment on a du fun ensemble. Ces mots comme un coup de couteau m'avaient montré l'écart qu'il y avait encore entre nos ressentis à ce moment. Puis, une fois subséquente, quand notre relation était beaucoup plus claire et beaucoup plus transparente, ou il m'avait dit qu'il savait que dans 2 mois on se parlerait encore. Et une autre fois encore où il s'était mis à réfléchir à « est-ce possible, un jour qu'on ne se voit plus ou qu'on ne se parle plus » et il n'arrivait pas à trouver comment cela arriverait. Ce ne fut toute qu'une évolution en quelques mois. Parfois, j'avais encore de la difficulté à croire que ces mots sortaient de sa bouche parce que je gardais encore en moi ses premières réponses. Quelque part, je crois que je les garderais longtemps et que, la majorité des insécurités qui émanaient de notre relation y prenait racine.
C'était incroyable comme en une année tout avait changé dans ma vie pour le mieux.
Et ce n'était pas seulement directement en lien avec lui. Tout l'aspect sexuel de ma vie avait également évolué de mon propre gré. D'une part avec mes vidéos de porn, d'autre part avec mon nouvel intérêt pour le bdsm. C'était drôle que cela eût comme peut-être origine des brèves discussions que j'avais eu avec lui à ce sujet, mais au final, mon intérêt était plus grand que tout ce qu'on faisait ensemble. Malgré tout, notre relation demeurait quand même très très vanille (disons en comparaison de ce qu'elle pourrait être). Peut-être allait-ce être une évolution pour l'an prochain? En même temps, je me disais bien que cette relation était ce qui m'allait à ce moment; c'était rendu très peu d'effort et tout était toujours super bien. Éventuellement, d'autres choses pourraient être ajoutées quand on aurait tous les deux le temps. Cependant, une partie de moi ne pouvait s'empêcher d'espérer qu'il pousse un peu dans le sens d'ajouter des roleplays (ou autres choses). En même temps, je savais que lorsque je le voudrais vraiment beaucoup, je n'aurais qu'à demander pour que quelque chose se passe.
Académiquement, ma vie avait également progressé. J'avais franchi des étapes importantes de mon doctorat.
J'avais également clôturé mon congé de maternité. Je ne pouvais pas dire si ce serait le dernier – probablement pas si je devenais mère porteuse – mais surtout je ne pouvais pas dire si c'était le dernier congé avec MON bébé. Avant d'avoir mes enfants, je m'étais dit : 2 maintenant, puis 2 quand eux auront 10 ans si je trouve quelqu'un qui veut des enfants. Après mon premier, je m'étais dit : c'est fini. Puis, j'étais retourné à ma volonté d'en avoir 2. Durant l'année, j'avais mis une croix sur 2 autres plus tard parce que c'était trop d'effort toute seule. Mais, tout comme après mon premier, je me disais finalement que ça ne semblait pas si impossible d'en avoir au moins un autre plus tard. À la fois, l'idée de ne plus tenir un petit bébé m'attristait si j'en avais pas d'autre, en même temps je savais tout l'effort que cela exigeait. Qui plus est, j'aurais la chance de côtoyer les bébés de mes amis. Dans tous les cas, aucune décision ne pressait, c'était certain que je n'allais pas avoir d'autres enfants pour moi avant 33-35 ans de toute manière.
Pour une fois, les fêtes furent à l'allure des gens que j'aime. Avant, je fêtais avec ma famille. J'avais toujours aimé fêter en famille parce que j'adorais ma famille; c'était la chose la plus importante pour moi. Malheureusement (ou heureusement), j'avais fini par constater que ce n'était pas réciproque. En fait, peut-être que cette année là, Mage m'avait aidé à le réaliser. Avec lui, je trouvais toujours une réciprocité dans notre relation même lorsqu'il y avait un décalage dans nos ressentis. Et c'est dans cette réciprocité (surtout dans l'effort que l'on mettait l'un l'autre pour se voir) que j'avais constaté l'absence de réciprocité dans ma famille. Je ne voulais plus être la personne qui propose tout le temps qu'on se voit comme si c'était un effort. À la fête de ma fille, pratiquement aucun membre de ma fille n'était venu et c'était la même chose pour la fête de mon garçon; ce n'était plus MA famille. MA famille, c'était des gens qui allaient être présents dans ma vie ET dans celle de mes enfants lorsque le besoin lorsque cela s'appliquait. C'était certain que plusieurs choses me faisaient encore de la peine, comme mon amie qui m'avait raconté que toute ma famille était allée chez ma tante et que tout le monde voulait qu'elle se joigne à eux. J'étais contente pour elle et je comprenais le contexte – elle habitait chez ma tante – mais je ne pouvais m'empêcher de me dire que moi et mes enfants, personne n'avait pensé nous inviter : pas ma tante, pas ses neveux et nièces et pas mon amie non plus. Rien de surprenant vraiment, mais toujours aussi attristant.
Cependant, à travers cette tristesse, je me rappelai le super Noël que j'avais passé. Bien que mes enfants étaient plus que fatigués et qu'ils avaient beaucoup pleuré, j'avais pu passer la soirée avec les deux personnes qui constituaient la famille que j'avais choisie (ainsi qu'avec mes enfants, ma famille voulue) : ma grande amie qui était comme ma sœur et Mage. Je me rappelai également la chance que j'avais d'avoir un autre de mes meilleurs amis – le parrain de ma plus jeune – dans ma vie. Il était toujours là pour moi et pour mes enfants. Parfois, je me demandais comment lui pouvait être si présent et ma famille si absente, mais j'essayais de me concentrer sur la chance que j'avais de l'avoir dans ma vie.
Encore une fois, cette grande présence de cet ami avait mis en lumière l'absence de mes autres amis. La dernière fois que je les avais vus, je m'étais sentie comme une étrangère dans ma propre maison : prise au piège à les écouter parler de choses inintéressantes pendant que je jouais avec mes enfants. Elles, elles regardaient mes enfants comme on regarde la télévision qui joue en bruit de fond dans une pièce. Si moi j'avais toujours eu ce rôle de « personne invisible », je ne ferais jamais vivre ça à mes enfants. Plus jamais je ne les inviterais ensemble chez moi. Je me mis même à penser que je ne les inviterais peut-être même pas à la prochaine fête de mes enfants; de toute manière cela ne changeait rien, soit elles ne venaient pas ou elles parlaient avec les autres invités sans m'accorder d'importance et sans accorder d'importance à mes enfants.
Je n'aurais jamais pensé que d'avoir des enfants aurait changé notre relation, mais c'était sans surprise. C'était des relations ou j'avais mis beaucoup de temps et d'effort et ce n'était jamais réciproque. Je savais que j'étais importante pour elles, mais, si je n'avais pas mis d'effort, cela aurait fait longtemps qu'on ne se parlerait plus. Alors, à quoi bon continuer? Peut-être allions-nous devenir de simples connaissances qui se voient une fois aux 2-3 ans, je ne pouvais dire.
Dans tous les cas, j'avais décidé d'arrêter de faire des efforts : d'arrêter de demander aux gens s'ils voulaient qu'on se voie, d'arrêter de faire des activités avec mes amis lorsque cela était trop un changement dans ma routine (comme quelque chose qui me faisait me coucher trop tard). Les seules personnes avec qui je faisais des efforts étaient les gens avec qui cet effort était réciproque. Au final, beaucoup de ces gens n'avaient pas nécessairement plus de temps pour moi (à cause de leurs enfants principalement), mais c'était des raisons compréhensibles et, malgré nos horaires tellement incompatibles, on finissait toujours par réussir à se voir.
Cette année, j'avais eu la chance de voir grandir mes enfants et de les voir développer leur complicité. J'avais eu la chance de les voir se courir après pour se faire des câlins et, finalement, à la fin de l'année, de les voir réussir à s'enlacer dans la joie. Je les avais vus s'aimer plus que tout; ils demeuraient ma meilleure décision. J'espérais qu'ils seraient toujours là l'un pour l'autre et que leur amour pour l'autre serait aussi fort que celui que j'avais pour famille. Contrairement à moi, eux allaient avoir la chance de se côtoyer aussi souvent qu'il le voulait (parfois trop même je me dis). J'espérais que, malgré le fait qu'être deux faisait que je ne pouvais pas leur donner toute mon attention, ils trouveraient un jour que c'était le meilleur choix que je pouvais faire parce que, dans l'attention que je ne donnais pas, ils pouvaient aller chercher l'attention de leur frère ou de leur sœur; une attention et un amour particulièrement fort.
Je finis l'année en remerciant la vie de m'avoir permis d'avoir la vie que j'ai et d'avoir les gens près de moi dans ma vie. Je ne savais pas comment c'était possible que tout s'aligner pour que tous ces gens soient à mes côtés, mais c'était tout ce dont j'avais toujours rêvé. Je vivais ma vie de rêve et j'en étais consciente. C'était à la fois palpitant, mais aussi épeurant quand je pensais au futur et à comment les choses allaient évoluer.
En cette fin d'année, j'eus également une pensée pour mon grand-père. J'aurais tellement aimé qu'il connaisse mes enfants, mais, je retrouvais tout ce que j'aimais de lui chez mon garçon alors je me disais qu'il était encore parmi nous. Personne ne pourrait jamais comprendre la relation que j'avais avec lui (sauf peut-être mes enfants avec ma mère, mais encore là ce n'était pas pareil). Parfois encore, ça me manquait d'être la personne la plus importante pour quelqu'un et d'avoir quelqu'un qui me disait toujours oui. Il y avait certes des choses problématiques là-dedans, mais, tant qu'il avait été en vie, j'avais toujours eu l'impression d'être importante pour quelqu'un. Je ne pouvais qu'espérer que mes enfants auraient cette impression avec moi.
En Mage, j'avais retrouvé une grande partie de ce que j'avais avec mon grand-père : une acceptation de moi qui va au-delà des mots et des étiquettes. Pour l'un comme pour l'autre, ce qui était important était ma personne et notre relation et non certains éléments de ma personnalité.
Ensuite, j'eus également une pensée pour ma mère. Parfois, j'avais l'impression qu'elle ne vivrait pas encore longtemps. Je me disais que je ne saurais pas comment vivre sans elle. En même temps, elle s'épuisait à toujours vouloir aider les gens. Elle le faisait depuis toujours, alors ce n'était qu'une question de temps avant que la fatigue la rattrape.
Bref, ce fut une année d'évolution. Je ne pouvais que me demander comment serait l'année qui s'amorcerait dans quelques heures.
