Chapitre 56 : Réflexions, réflexions et encore des réflexions
Cette histoire avait commencé avec SA rencontre. Elle fut poursuivie avec un titre rappelant un intérêt pour le bdsm. Tranquillement, elle se mettait à s'éloigner quelque peu de ce titre : c'était une histoire à propos de LUI, de moi et de nous, au gré de nos actions et nos évolutions.
Bien que l'idée de bdsm semblait un peu loin, elle avait certes eu une place importante dans l'évolution de notre relation. D'une part, c'était bien vrai que j'avais eu un intérêt pour en apprendre davantage sur le bdsm, bien que les répercussions directes dans ma vie étaient peu visibles. J'avais tout de même passé tout mon été à écouter des vidéos à ce sujet en prenant des marches sur le bord de l'eau. À travers ces vidéos, je m'étais questionné sur ce que je voulais avec Mage, mais surtout j'avais vu la nécessité de mieux communiquer avec lui. En ce sens, cette exploration du bdsm fut probablement ce qui fit en sorte que notre communication s'améliora grandement à un certain moment. Mais ce n'était pas tout, ce fut aussi en écoutant ces vidéos que je compris comment dire ce que je voulais d'une meilleure façon, la base de cela étant « fais ce que tu veux ». Mais ce « fais ce que tu veux » n'était pas quelque chose que je prenais à la légère et j'avais trouvé une panoplie de réflexions dans les vidéos justement en lien avec cette idée de consentement par rapport à « faire ce que tu veux » qui m'avaient certes aidé à cibler ce que je voulais.
Après tout cela, notre relation demeurait quand même plus du côté vanille et, quelque part, c'était probablement parce que c'était ce qu'il voulait. Dans ce que je demandais (ou lui disait), je me centrais surtout sur des aspects strictement sexuels (X action est plaisante sexuellement). Ces aspects auraient absolument pu entrés en jeu dans une relation 100% vanille tout comme dans une relation plus kinky. Dans tous les cas, je demeurais sur ma position : tout avec lui était parfait. Il m'avait un jour dit qu'il trouvait notre relation bien alors qu'il ne voyait pas l'intérêt de changer les choses. Et moi, ça m'allait; si c'était ce qu'il voulait, ça serait bien cela! Ceci étant dit, je ne serais jamais fermé à l'idée d'essayer des choses plus kinky, mais c'était bien vrai qu'à certaines périodes de ma vie plus occupées (comme quand je donnais un cours), la routine de notre relation était peut-être plus facile puisque ça ne demandait que très peu d'effort.
Si le début de cette histoire avait pris racine dans un intérêt certain pour le bdsm, les questionnements entourant le polyam ou les relations interpersonnelles avaient pris le dessus quelques mois plus tard.
Je me questionnais beaucoup sur cette idée « d'amour amoureux » et sur l'idée de polyam vs monogamie.
Éventuellement, en parlant de Mage à mes amis, je me rendis compte que tout le monde tenait pour acquis que c'était certain que je devais avoir un « amour romantique » pour lui-même si ce n'était pas exactement ce que je croyais. Qui plus est, quand je parlais de lui, les gens référaient à lui avec des termes sous-entendant le concept de « couple », qui était pour moi un concept tellement loin de notre relation. En fait, je réalisais que, certes au début de notre relation, je n'aurais jamais employé ce terme. Et cela dura longtemps. Quand je lui demandais « est-ce que tu penses qu'on se verra encore dans 2 mois » et qu'il ne savait pas répondre, c'était là toute la réponse qui faisait que cette étiquette n'était pas adaptée! Par contre, plus le temps évoluait, plus cette étiquette semblait acceptable; si ça aidait les gens à me comprendre quand je parlais de lui, pourquoi pas les laisser l'utiliser; c'était bien leur choix. N'en demeurait pas moins que les termes « chum » ou « blondes » étaient des termes que je trouvais absolument agressants simplement de par leur lien fort avec un genre précis. N'en demeurait pas moins également que, bien que je laissais les gens utiliser le terme « couple » quand ça leur allait, cela ne voulait en rien dire que nous avions une relation comme celle qu'on attend dans un « couple socialement normé ». J'étais très bien avec mes propres enfants, dans mon propre domicile, à faire mes propres choix. Je réalisai même en parlant avec mes amis que, dans la majeure partie des couples avec des enfants, les finances devenaient un enjeu partagé : je suffoquais juste à l'idée de penser devoir gérer mes finances avec quelqu'un! Cela devait être bien ardu!
Et avec tout cela venait aussi les questionnements entourant la monogamie/polyam. Je réalisai tranquillement que j'avais parfois des questionnements et même parfois des craintes, mais ce n'était en général aucunement relié au polyam en soi; c'était des craintes personnelles que j'avais toujours eues et qui auraient été également présentes dans une relation monogame (et peut-être même plus). Tout ce qui relatait du futur ou du « est-ce que je suis quelqu'un d'assez important pour toi » était des questionnements qui me stressaient! Pourtant, je savais bien rationnellement que la réponse était « oui » et que forcément cela ne devrait pas être inquiétant, mais il y avait toujours quelque chose d'inquiétant lorsqu'on avait quelqu'un d'aussi important pour nous! Qu'arriverait-il s'il déménageait? Qu'arriverait-il si pire que cela : il mourrait? Ou peut-être un peu moins pire que la mort, s'il ne voulait simplement plus qu'on se voit?
Et sous-jacent à cela, qu'arriverait-il si je réalisais que je voulais une relation monogame. Plus j'y pensais, plus je me disais que ça ne pouvait simplement pas arrivé : ma relation avec lui était plus importante que l'idée de monogamie ou polyam, alors peu importe ce qu'il voudrait, ça m'irait tant que ça nous permettrait d'avoir une relation comme celle qui nous avions. J'avais cependant une petite crainte – qui ne se réaliserait jamais je me disais bien, mais tout de même – qu'arriverait-il si un jour, pour une raison inconnue, il était dans une phase ou il n'avait plus d'autres partenaires stables que moi, nous rentrant de force – momentanément – dans une relation un peu plus monogame (quoiqu'elle ne le serait jamais vraiment même dans ce contexte). Qu'arriverait-il si à ce moment je réalisais que je voulais plutôt une relation monogame? Dans le moment présent, cela n'aurait eu aucun sens de vouloir une relation monogame; j'aurais trouvé que c'était un manque de compréhension et de respect autant pour lui que pour son autre partenaire puisque je voyais bien à quel point cette relation était importante pour lui, alors, par défaut, c'était important pour moi puisque ça le rendait heureux. Par contre, dans un contexte où il n'y aurait pas d'autres personnes, est-ce que je dirais la même chose? Je ne pouvais pas vraiment savoir! Mais la question la plus importante n'était même pas celle-là, mais plus sa réponse dans un tel contexte. Il disait toujours qu'il ne voyait pas l'intérêt de la monogamie, mais qu'arriverait-il si on tombait accidentellement pour un court laps de temps dans quelque chose de près de cela et que je trouvais alors que ça m'allait mieux, est-ce que son discours serait alors « qu'il n'en voyait pas l'intérêt » même si pour moi c'était quelque chose d'important? Et dans cette question il y avait tellement de suppositions et d'idées qui n'arriveraient jamais, mais ça mettait une question fondamentale de l'avant : jusqu'où nos besoins et désirs respectifs étaient de l'ordre de « on peut trouver une entente » ou non. De mon côté, je savais qu'il y avait peu de choses pour lesquelles je ne pourrais pas trouver d'entente parce que je savais qu'avec lui j'avais tendance à accepter avec joie n'importe quelle proposition.
Et dans ce questionnement apparaissait un autre questionnement personnel : évidemment si jamais mes sentiments face au polyam changeaient, je lui dirai, mais je continuerais à vouloir le voir même dans une relation polyam parce que je ne pouvais simplement pas envisager ne plus l'avoir dans ma vie. Mais qu'est-ce que cela disait de moi? Est-ce que ça disait simplement que monogame/polyam était des choses qui m'importaient peu? Est-ce que ça confirmait plutôt ma personnalité de caméléon qui avait tendance à tout faire pour se conformer au désir des personnes importantes pour moi? La deuxième option était très probable et c'était quelque chose que je faisais souvent. Et je j'étais consciente de certains problèmes sous-jacents à cette personnalité caméléon, le principal était que, pour les gens que j'aimais, j'aurai été prête à accepter ou faire presque tout. Heureusement, je choisissais soigneusement les gens qui entraient dans ma vie et ils étaient tous des personnes avec les mêmes intérêts, voire valeurs, que moi, ce qui faisait que ce n'était pas problématique en soi.
Malgré tout, j'étais beaucoup dans le « mais si ». Et cette fois, ce n'était pas en lien avec un stress ou quoique ce soit, mais en lien avec un simple questionnement sur notre relation. Dernièrement, j'avais eu des questionnements, disons plus proche du plausible : mais si il déménageait très loin de chez moi? Mais si je devenais mère porteuse, quels seraient les impacts? (sachant très bien que c'était quelque chose qui arriverait fort probablement) serait-il capable de fréquenter quelqu'un d'enceinte? Serait-il capable de supporter les changements dans notre sexualité – mes variations de gouts et désirs et même les moments où il n'y aurait simplement pas de relations sexuelles pour un moment? Serait-il même capable de supporter des relations sexuelles avec un « bébé collé à moi »? Voilà des questions qui étaient en suspens. Je ne voulais pas que cette idée de mère porteuse soit influencée par lui, mais en même temps, cela aurait une influence sur lui, même si ce n'était pas son choix.
J'avais tout plein de questionnement qui allait dans tous les sens, parfois des questionnements de l'ordre de "ça n'arrivera jamais, mais?" ou parfois des questionnements très probables. Au final, j'avais bien hâte à l'été, hâte de pouvoir retourner marcher sur le bord de l'eau en réfléchissant à toutes ses questions. Éventuellement, j'avais même hâte de peut-être pouvoir partager une marche au bord de l'eau avec lui! À quel point cela serait un sentiment spécial d'avoir passé tant de temps à cet endroit en me demandant si notre relation durerait dans le temps et de finalement y aller avec lui!
