Hello!

Voilà un nouveau chapitre, un nouveau point de bascule. Le début de quelque chose que j'ai en tête depuis que j'ai imaginé cette histoire. Je vous laisse lire, et remercie au passage les .s genstes qui m'ont laissé des reviews!

Bonne lecture!


Le portauloin nous fait atterrir dans un champ en friche. Le ciel est gris, et l'odeur de la terre emplit mes narines. Ça faisait longtemps que je n'avais pas senti ces odeurs. Au loin, je distingue un bâtiment bas. C'est vers là qu'Alphonse nous dirige, en expliquant :

« C'est la maison de mes grand-parents, les portauloins n'y arrivent pas directement pour éviter des accidents, je crois. Je n'ai pas tout compris.

-C'est ça, explique Ewald. Les arrivées de portauloins ne se font pas au centimètre près, et il y a eu beaucoup de cas d'objets ou de sorciers abîmés suite à un voyage.

-Je vois. » je réponds.

« Ah, je crois qu'on a remarqué notre arrivée ! » sourit Alphonse, désignant une silhouette fine qui se dirige vers nous.

Lorsque nous nous rapprochons, nous découvrons une petite dame aux longs cheveux noirs, qui marche vers nous avec énergie. Dès que nous sommes à portée de voix, elle nous accueille dans un anglais teinté d'un magnifique accent français :

« Je suis Mathilde, la tante d'Alphonse ! Soyez les bienvenus ! »

Nous la remercions, et elle a l'air surprise que je parle français. Elle ne fait néanmoins aucune remarque, et nous amène jusqu'à la maison en discutant en français avec son neveu. Elle lui parle de qui est là, qui ne l'est pas, et je ne prête pas trop attention à la conversation.

Le bâtiment est une ancienne ferme réaménagée, où il règne une ambiance chaleureuse. Nous faisons la connaissance de Clothilde et Bernard, les grand-parents d'Alphonse. Tous deux très âgés, ils restent pleins d'énergie (l'avantage d'être sorcier) et passent leur temps à se chamailler affectueusement. Nous rencontrons aussi Agnès, tante de notre ami, et sa compagne Léa. Agnès se présente, sur le ton de la plaisanterie, comme le mouton noir de la famille. J'exploite mon apparence pour lui demander, d'un ton faussement innocent, si les sorciers sont homophobes. Al' me jette un regard, pas dupe de ma comédie, mais sa tante me répond tout de même, avec un sourire un peu triste :

« Non, ma relation avec Léa n'est pas un problème. C'est surtout le fait que je sois cracmolle.

-Et ça ne change rien du tout pour nous ! » lance Clothilde depuis la cuisine

« Je sais maman, je plaisantais ! » fait Agnès en souriant « Et ça me va très bien comme ça, je n'aurais jamais rencontré Léa si j'étais allée à Beauxbâtons. »

Agnès nous guide jusqu'au salon, où nous attendent encore deux cousins d'Alphonse, Christophe et Marie. Ils ont respectivement treize et huit ans, et je prie intérieurement pour qu'on ne me force pas d'aller jouer avec eux. Mathilde prend Alphonse à part pour parler organisation, pour ce que j'en comprends, je crois saisir qu'on doit repartir demain matin. Je fronce les sourcils, curieuse d'en savoir davantage, mais Agnès nous entraîne avec elle à la découverte de la maison. Je ne vois aucun prétexte pour rester écouter la discussion d'Al' qui ne serait pas suspect aux yeux des autres. Enfin, je pourrai toujours lui poser la question plus tard.

Agnès parle mieux anglais que sa soeur, et fait une très bonne guide. Elle nous raconte presque une bêtise d'Alphonse par pièce, ce qui rend la visite plutôt drôle. Dans la cuisine, nous apprenons qu'il a une fois voulu faire une surprise à sa mère en cuisinant un gâteau… À trois ans et demi. Ce sont les bruits de dégringolade qui l'avaient trahi, et ses grand-parents l'avaient trouvé au milieu d'un champ de bataille d'œufs brisés et d'objets éparpillés sur lequel planait un nuage de farine. Dans les chambres, Agnès évoque pour nous les concours de salto sur lit qu'il a fait avec ses petits cousins, résultant en trois lattes et une côte brisées. Toutes ces anecdotes donnent vie à la vieille bâtisse, et je peux totalement imaginer mon ami faire ces bêtises. Je suis sûre qu'Ewald note tout ça dans un coin de sa tête pour lui ressortir un jour…

La maison me plaît. Elle est un peu biscornue, un peu bas de plafond, mais elle a du caractère. Elle est meublée à la mode sorcière, avec quelques objets moldus par ci par là. Il y a même un antique frigo qui a l'air de fonctionner moitié à l'électicité, moitié par miracle. Nous regagnons le salon pour nous installer sur de larges fauteuils jaunes, où nous attendent déjà Alphonse et Mathilde. Clothilde et Bernard viennent lancer un sort de traduction, qui a l'air assez complexe. Il est censé durer une journée, et ils unissent leur magie pour la tisser. C'est un sort qui doit traduire simultanément tout ce que nous dirons en français, et tout ce que dira la famille d'Alphonse en anglais, après tout. D'après ce que je comprends, les français sont particulièrement bons en sorts de traduction, probablement à cause de leur nullité absolue en langues étrangères. Une fois leur sort tissé (car à ce niveau, on ne parle pas de lancement), ils s'éclipsent pour finir la cuisine.

Les tantes de notre ami font la conversation en attendant le repas, nous posant des questions sur Poudlard, nous parlant de leurs souvenirs d'école. Agnès, étant cracmolle, a eu droit à l'école moldue, et maintient qu'elle présente des avantages sur l'école sorcière, notamment en ce qui concerne la formation de l'esprit critique. Elle trouve aussi que l'éducation sorcière manque singulièrement d'enseignement des arts.

« La musique est une forme de magie, j'en suis persuadée, et les sorciers manquent cruellement de créativité.

-Vous avez raison, répond Ewald. Certaines magies nécessitent l'utilisation de chants ou d'instruments pour lier les sorts, et beaucoup de sorciers occidentaux ne les pratiquent jamais, par manque de connaissances dans ces domaines. »

Je repense à la célébration de Yule. Est-ce à ce genre de choses qu'Ewald fait référence ?

« Ne lui donne pas raison, elle va devenir insupportable. » répond Mathilde d'un air taquin.

« En attendant, tu pleures à chaque fois qu'elle joue du piano. » intervient Léa pour défendre sa compagne

« Pas à chaque fois ! » proteste Mathilde.

Ça fait bizarre de voir des adultes se chamailler comme ça. J'ai l'impression qu'elles surjouent en partie, pour qu'on se sente à l'aise, mais leur complicité est plaisante à voir. La conversation se poursuit autour de la musique, et je découvre qu'Ewald est assez cultivé dans le domaine de la musique classique et des sorts lancés via les chants, même si de son propre aveu il « chante trop faux pour pouvoir pratiquer ce genre de magie ». Arthur pose quelques questions sur la façon dont Agnès et Léa vivent entre les deux mondes, un sujet qui m'intéresse alors j'écoute avec intérêt les deux femmes parler de leur perception de la magie et des discriminations qu'elles ont pu subir. De fait, leur seul lien avec le monde magique est cette maison et la famille d'Agnès. Celle ci a déjà eu l'occasion de visiter Beauxbâtons et certains lieux magiques, mais Léa, en tant que moldue, n'a jamais pu voir tout ça. J'ai l'impression qu'elle aurait bien aimé, mais que les discriminations auxquelles sa compagne cracmolle a dû faire face ont tempéré son enthousiasme. La France a l'air moins stricte que l'Angleterre en ce qui concerne le Secret magique. D'après mes discussions avec Alphonse, il faut absolument être sorcier.e et marié.e pour espérer pouvoir parler de la magie à son ou sa conjoint.e.

Le repas est servi juste quand mon ventre commence à me tirailler, et il est délicieux. Clothilde, la grand-mère d'Alphonse, a cuisiné. Je la complimente sur ses plats, et elle rougit un peu, protestant :

« Oh, c'est juste de la nourriture de cantine, comme dirait Léa !

-Je vous assure que si on servait de la nourriture comme ça à la cantine j'aurais beaucoup plus apprécié mes années d'école ! »

Suite à ça la conversation dérive sur la nourriture à Poudlard, et la famille d'Alphonse écoute avec amusement les descriptions détaillées des plats préférés d'Al' et d'Arthur. La suite du repas se passe dans la bonne humeur, même si je remarque les regards intrigués des petits cousins d'Alphonse qui me regardent parler avec les adultes. Personne ne fait de remarque sur mon âge, mais c'est vrai qu'encore une fois je ne me comporte pas comme si j'avais onze ans.

Après le repas les adultes proposent de faire des jeux de société, et je profite de l'occasion pour m'éclipser, prétextant la fatigue. Évidemment, Ewald m'emboîte le pas, signifiant d'un geste à Arthur de rester profiter des jeux (il a l'air très enthousiaste depuis qu'il a appris qu'il y aurait des jeux de société moldus).

« La famille d'Alphonse a l'air très unie. » lâche Ewald, l'air pensif, pendant que je prépare mes affaires pour la douche.

« Ils me rappellent un peu ma famille, avant la mort de mon frère. » j'admets, du bout des lèvres. Je lève la tête vers mon ami et ajoute, réalisant ce qu'il se cache derrière ses mots « Tu n'as jamais connu ça, c'est vrai. Ça te manque ?

-Un peu, je crois. J'aime profondément ma mère, et ma grand-mère et moi nous aimons, à notre façon. Mais ça a toujours été… Compliqué, parfois froid, distant et discret dans le cas de ma grand-mère. Je n'ai jamais eu de cousins de mon âge, ou d'oncles et tantes. Je me demande ce que ça aurait changé…

-Je comprends. Je veux dire, intellectuellement, je comprends que tu t'interroges, et je peux un peu imaginer ce que ça te fait ressentir. »

Je me tais, ne sachant pas trop quoi dire d'autre, me sentant un peu inutile. Discrètement, je pose ma main sur la sienne quelques secondes avant de finir de ramasser mes affaires pour me diriger vers la salle de bain.

Ewald m'y accompagne, avant de me laisser pour rejoindre sa chambre, non sans avoir rétabli notre liaison télépathique. Je ferme la porte à clé derrière moi avec soulagement. Enfin un peu de calme… La douche est petite, son sol décoré d'antiques carreaux à motifs fleuris terriblement ringards mais qui ajoutent à son charme. Je prends une lame avec moi, mais je ne me coupe pas tout de suite. Pendant quelques minutes, je m'assois sous le jet d'eau chaude, serrant mes genoux contre moi, ma lame posée à côté de moi. Je respire profondément, et profite du calme. La famille d'Alphonse a l'air sympathique, mais être avec eux est fatiguant. Je n'ai jamais eu de grande famille comme ça, même si j'avais quelques cousins que je voyais régulièrement à l'époque de ma première vie. On avait à peu près tous le même âge, et suffisamment de centres d'intérêt en commun pour ne pas s'ennuyer. De combien de disputes le monopoly a-t'il été responsable ?

Je laisse mes pensées se dissiper peu à peu, traçant avec délicatesse des traits de sang sur mes bras, juste sous l'épaule. Les brûlures me calment, et je réfléchis à un plan. Il n'y a pas l'air d'avoir d'elfe de maison ici, donc pas de moyen de me surveiller toute la nuit facilement. J'imagine que je dois m'attendre à ce qu'Ewald ou un autre cherche à partager ma chambre pour s'assurer que je ne fasse rien de dangereux. Ça risque d'être compliqué pour eux, néanmoins, vu qu'on m'a installée dans une chambre avec les cousins d'Alphonse. Ce détail ne manque pas de m'agacer, mais ça risque d'être un avantage, en vrai. Si je parviens à sortir discrètement, je pourrai m'enfuir. Je préférerais que ce ne soit ni la famille d'Alphonse, ni mes amis qui ne trouvent mon corps, donc j'essaierai de m'éloigner de la propriété avant de mourir. Mais bon, on verra ce qui sera possible. Pour le moment, il est temps de sortir de la douche.

Je rejoins ma chambre pour poser mes affaires. Ewald m'y rejoint peu après, ayant sans doute entendu mes pas sur le parquet. Sa chambre, qu'il partage avec Arthur, est de l'autre côté du couloir par rapport à la mienne, et le sol du couloir est parqué de vieilles planches qui grincent doucement quand on marche dessus.

« Ça va mieux ? Me demande-il

-Oui, l'eau chaude fait du bien, je réponds d'un air détendu. Mais je pense que je ne vais pas tarder à me coucher, je veux être en forme pour la suite du voyage. Vous avez prévu quoi, d'ailleurs ?

-Tu fais bien de poser la question » répond le Serpentard avec un sourire qui n'atteint pas ses yeux. Il a l'air… Stressé ? « Demain, nous partirons pour une destination surprise ! » son enthousiasme sonne un peu faux, et je me demande ce qu'il cache.

« Je ne suis pas sûr de vouloir une nouvelle surprise. Ça me stresse un peu. » je réponds, avec franchise. Ewald pince légèrement les lèvres, avant de répondre :

« Notre petit voyage surprise ne te fait pas plaisir ? »

C'était ça qui le rendait nerveux ? Je m'empresse de le rassurer :

« Si, si ! » je me pose la question, deux secondes, et je poursuis. « En vrai, ça me fait vraiment plaisir que vous vous soyez donné cette peine pour moi. Je crois que ça me fait plaisir d'être de retour, même si il n'y a pas grand-chose à voir par ici. » j'ai un petit rire sarcastique, et Ewald me sourit, plus sincèrement.

« Rassure toi, on ne va pas rester à la campagne.

-On va aller où ?

-Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans « destination surprise » ? me taquine Ewald. « Je t'ai donné un indice, c'est déjà bien non ?

-On va dire que oui. » je grommelle, secrètement contente de le voir un peu plus sincère, même si il a toujours l'air tendu.

« À la bonne heure ! Tu veux venir lire un peu avec moi ?

-Non merci, je suis vraiment fatiguée, je préfère essayer de dormir avant que les cousins d'Alphonse n'arrivent. J'espère qu'ils ne sont pas trop bavards, le soir.

-On pensait qu'Alphonse pouvait échanger de place avec toi, pour que tu sois plus tranquille. Ça lui ferait plaisir de bavarder avec ses cousins. »

J'hésite. La chambre d'Alphonse est à côté de celle des septième années, au fond du couloir qui finit en cul de sac. Ça ne représente pas une distance beaucoup plus grande que celle que j'ai déjà à parcourir, mais ça présente surtout l'avantage non négligeable de dormir seule. Je suis surprise qu'Ewald me propose ça. Il doit y avoir une condition. Il a forcément un plan. Me voyant indécise, il ajoute :

« C'est comme tu veux. On pensait que ça te ferait plaisir.

-Je me demande juste où est le piège, Ewald.

-Le piège ? Vivian, tu sais très bien qu'on va te surveiller, là n'est pas la question.

-Et j'imagine que tu ne me diras pas comment ?

-En effet.
-Très bien, j'accepte la proposition. » je fais. Je n'ai pas l'énergie d'argumenter, et il a raison de toute façon. C'est le jeu. Mieux vaut dormir tranquille qu'avec ces gamins de toute façon. J'ai rien contre eux, hein, mais je dormirai mieux seule, et ils risquent pas de se réveiller si je pars faire une sortie nocturne.

Je m'installe donc dans la chambre d'Alphonse, transférant rapidement mes affaires avant d'aller me coucher. Du moins, c'est ce que je dis à Ewald, et à ma grande surprise il me laisse tranquille, maintenant simplement un fil de conscience relié à mon esprit, au cas où. Je sais qu'il se rompra quand je m'endormirai, et je sais aussi que comme d'habitude je me réveillerai sans doute plusieurs fois pendant la nuit, donc je ne fais aucun effort pour ne pas dormir. La chambre a une jolie fenêtre que je pourrai sans doute utiliser pour m'échapper, mais peut-être qu'elle est bloquée. Il faudra que je teste quand je me réveillerai.

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Je mets au moins une heure à m'endormir, car j'ai trop de choses à penser. J'entends des voix en provenance de la chambre des garçons, à côté, trop confuses pour que je comprenne quoi que ce soit. Quelques coupures discrètes sur mes jambes m'aident un peu à me calmer, mais je me sens un peu coupable vis à vis d'Ewald. Devoir masquer ce que je ressens à notre lien rajoute au stress et ne m'aide pas non plus à trouver le sommeil. Je finis néanmoins pas sombrer, et, sans surprise, je me réveille au bout d'une heure ou deux, la vessie pleine. Je décide que ce sera un bon test pour voir à quel point je suis sous surveillance. J'enfile mes vêtements, et je décide de sortir mes chaussures par la fenêtre. La maison n'a pas d'étage, et je pourrai facilement les récupérer si je me fais attraper. Contrairement à ce que je craignais, elle s'ouvre sans difficulté. Je caresse l'idée de m'enfuir directement par là, mais je n'ai pas envie de me faire attraper au bout de cinq mètres. D'abord, tester la surveillance.

La porte du couloir s'ouvre sans grincer, et je m'avance sur la pointe des pieds en direction des toilettes. Lorsque je passe devant la porte de la chambre d'Arthur et d'Ewald, je les entends en train de chuchoter. J'espère que leurs voix masqueront les quelques grincements du plancher que je ne parviens pas à éviter. Al' et ses cousins semblent eux aussi plongés dans de grandes discussions, mais ne font que peu d'efforts pour rester discrets. Ça me rappelle les soirées chez mes grands parents, où on discutait avec mes cousins, le soir, jusqu'à ce qu'un adulte nous crie de dormir. La nuit a toujours été propice aux confidences…

Soudain, j'ai un peu froid, dans ce couloir, cernée des chuchotis de ceux qui ont de la compagnie. Je me sens seule, décalée, et j'ai à nouveau cette impression d'être un fantôme. Sans plus m'attarder, je passe encore deux portes pour arriver aux toilettes. Je m'y enferme juste le temps de soulager ma vessie. J'hésite avant de tirer la chasse, finissant par décider de le faire. C'est sans doute moins suspect si je suis observée. Une fois de retour dans le couloir, j'hésite un instant. Personne n'est encore venu me voir. Si ça se trouve, Ewald était trop distrait par Arthur pour écouter, ou bien il a posé un sort sur moi pour savoir si je m'éloigne trop… Je ne peux pas savoir. Ce serait peut-être plus prudent de sortir par la fenêtre de la chambre, mais ça voudrait aussi dire repasser sur le plancher bruyant devant les chambres, alertant les septième années de mon réveil si jamais ils ne sont pas au courant. Et puis, je suis arrivée jusqu'ici sans encombre, non ? Je me dis juste que je vais essayer de pas trop m'éloigner de la maison, au cas où j'aurais raison concernant le sort. J'aurais dû me renseigner sur les sorts d'alerte. Je n'ai vraiment aucune idée de ce que le Serpentard a pu mettre en place.

Sur la pointe des pieds, je me dirige vers l'entrée sans allumer la moindre lumière. La maison est silencieuse, plongée dans l'obscurité, emplie d'odeurs étrangement familières. Je traverse la salle à manger déserte avant d'enfin arrivée dans l'entrée. Je suis tendue comme si j'explorais un chantier, prête à bondir à tout moment. Doucement, j'ouvre la porte qui mène vers l'extérieur. Les odeurs de la nuit, douces et entêtantes, me montent au visage. Je respire profondément. Je referme doucement la porte avant de me diriger vers ma fenêtre. Il fait froid, et mes chaussures seront utiles. De plus, ça me permettra peut-être de voir si les garçons dorment. Si je dois me faire surprendre, je préfère que ça soit maintenant. Je pourrai toujours prétexter avoir eu envie de voir les étoiles.

La chambre des septièmes années est obscure, et leur rideau est tiré, m'empêchant de voir à l'intérieur. J'imagine que c'est bon signe, avec un peu de chance ils sont en train de dormir. Je récupère mes chaussures, et les mets sans faire de bruit. Doucement, je m'éloigne de la maison, dans la direction opposée à celle de l'entrée. Je respire un peu plus librement. On dirait que j'ai réussi ! Le ciel est dégagé, et les étoiles éclairent suffisamment le sol pour que je me déplace sans encombre. Je me retiens de courir, savourant l'odeur de la nuit, lorsqu'une petite bute à ma droite attire mon attention. Ma respiration se bloque dans ma gorge. Une silhouette se tient debout à son sommet. Je suis à une quinzaine de mètres, mais je n'ai pas le temps de me convaincre que la personne ne m'a pas remarquée, car elle s'avance vers moi.

« Vivian ? »

Merde.

« Arthur ? Tu es venu voir les étoiles toi aussi ? »

J'arrive à son niveau, et je distingue un sourire triste sur son visage lorsqu'il me répond

« Je pense qu'on sait tous les deux pourquoi je suis là. »

Ses mots m'impactent, même si je ne le montre pas. Comme un petit coup à mon cœur sous tension. Il l'a dit sans amertume, simplement avec lassitude. Il me fait signe de le suivre et de m'installer sur la butte à côté de lui, séchant le sol d'un petit coup de baguette. Je m'exécute sans un mot, et il me lance un sort chauffant avant de ranger sa baguette. C'est lui qui rompt le silence en premier.

« J'aurais aimé que ça soit pour d'autres raisons, mais je suis heureux d'être sorti. Je n'avais jamais vu la voie lactée avant. »

Elle se déploie dans le ciel, basse sur l'horizon, tissu d'étoiles que je n'aurais sans doute pas pu voir sans monter sur la butte.

« C'est magnifique. Je ne l'avais pas vu depuis… Depuis que j'étais Aurore. »

On se tait quelques secondes, puis il demande :

« C'était à quelle occasion ? »

Je prends le temps de rassembler mes souvenirs avant de répondre :

« J'étais en colonie dans les montagnes, l'été. Je faisais mon stage bafa, c'est un diplôme pour travailler dans l'animation. On devait camper cette nuit là, et on était loin de la ville… J'ai proposé à mes collègues de laisser les enfants observer les étoiles, et j'avais passé la nuit dans mon hamac pour mieux les voir. La voie lactée était beaucoup plus haute que maintenant, j'avais l'impression qu'elle emplissait tout le ciel…

« Ça devait être impressionnant.

-Ça l'était, je souris. Et ça emplissait mon esprit autant que le ciel. Je n'avais pas de mots à ce moment là, je contemplais juste. »

À nouveau, le silence nous enveloppe, étonnamment confortable compte tenu de la situation. Arthur sursaute, avant de s'exclamer :

« J'ai vu une étoile filante ! »

Je lui souris, même si il ne peut sans doute pas le voir dans le noir. Je me rappelle une chanson que j'avais apprise à la chorale, au collège, et je commence à la fredonner doucement. Je sens qu'Arthur m'écoute, et je chante un peu plus fort.

« La belle aube se constelle d'étoiles encor
Et la nuit sombre étincelle de mille feux d'or
Et la nuit sombre étincelle de mille feux d'or

Elles parlent d'espérance des jours de bonheur
Elles parlent de la souffrance qui brisa mon coeur
Elles parlent de la souffrance qui brisa mon coeur... »*

Je chante la chanson en entier, sans qu'Arthur ne la comprenne, puisqu'elle est en français. Néanmoins, à la fin, il me dit :

« J'ai beaucoup aimé. Mais elle est triste, cette chanson, non ?

-Un peu. » j'admets. « Elle est pleine de nostalgie. »

Je m'allonge dans l'herbe, reconnaissante malgré moi pour les sorts qu'Arthur a lancés pour notre confort. Il ne tarde pas à m'imiter, mais je n'en suis que vaguement consciente, occupée comme je suis à emplir mes yeux d'étoiles. J'ignore le tiraillement doux des coupures sur mon corps, et j'essaye de ne pas penser au fait qu'on m'a encore empêchée de mourir. Après, je ne désespère pas. J'ai vu où Arthur a rangé sa baguette. Si je parviens à lui prendre, et mieux encore, à la faire fonctionner… Je secoue la tête malgré moi, emplissant mes poumons de l'air de la nuit pour mieux chasser ces pensées. Si je continue à me fixer là dessus, je vais partir en vrille, et ça ne m'aidera pas.

« J'ai toujours aimé la nuit. »

La confession qui m'échappe me prend par surprise. Je sens, plus que je ne vois, l'attention d'Arthur qui se tourne vers moi, détournant ses yeux de la voûte étoilée. Je tourne la tête vers lui, croisant brièvement son regard, avant de résolument détourner les yeux, poursuivant ma pensée.

« Quand j'étais en fin de collège, début de lycée, je sortais de chez moi la nuit. J'avais développé un système avec une échelle de cordes pour sortir par la fenêtre de ma chambre, qui était au premier étage. On se sent tellement libre quand on court, la nuit. On a l'impression d'aller tellement vite ! J'allais escalader des écoles et d'autres bâtiments, et l'adrénaline pulsait dans mes veines. Enfin, au début, j'avais tellement peur de me faire prendre que je me déplaçais de flaque d'ombre en flaque d'ombre. » j'ai un petit rire à ce souvenir.

« Et tu t'es fait prendre ? » demande Arthur avec fièvre. Il a l'air emporté dans mon histoire.

« Pas exactement.

-Comment ça ? » il s'est définitivement pris au jeu, et son implication est flatteuse. J'ai quelques réticences à parler de… lui, mais je m'exécute, poussée par la curiosité du Poufsouffle.

« Et bien, une fois, quand je devais être en troisième, j'ai cru entendre du bruit dans la rue alors que je m'apprêtais à quitter le jardin de chez mes parents, donc je suis allée à l'arrière de la maison en attendant que la personne passe. J'ai vu que fenêtre de la chambre de mon frère était entrebâillée, et j'ai trouvé ça bizarre vu qu'on était en hiver et qu'il a toujours été un peu frileux. Du coup je suis allée voir, mais il n'était pas dans sa chambre. C'est à ce moment là que quelqu'un est arrivé derrière moi. C'était Jérémy. Il a eu l'air surpris de me trouver là, et il s'est avéré qu'on avait choisi la même nuit pour faire le mur… Mais pas pour les mêmes raisons. Il était allé à une soirée avec des potes à lui, et il avait un peu trop bu. Je l'ai aidé à rentrer sans faire de bruit, et j'ai profité d'entrer par sa chambre pour éviter de me taper l'escalade via échelle de corde. Je n'avais plus la foi de sortir. Après ça, on s'est recroisés une fois ou deux dehors, et il nous est même arrivé de monter ensemble sur une tour radio pour regarder le lever du soleil. »

J'avais toujours eu la flemme de me lever assez tôt pour, mais avec la motivation d'y aller à deux, j'y étais allée. Le spectacle était grandiose, et on était rentrés juste à temps pour que les parents ne nous grillent pas. Quelques mois plus tard, il me violait.

« Une tour radio ? » la question d'Arthur interrompt mon fil de pensée, ce qui n'est pas plus mal.

« Oui, ça sert aux moldus à diffuser la radio. C'est une espèce de tour métallique, assez grande, avec une échelle pour monter. Vous la diffusez comment, la radio sorcière ?

-Je l'ignore. »

Je connais suffisamment Arthur pour deviner qu'il a vaguement rougi, embarrassé. Il reprend la parole.

« Mais ce n'est pas surveillé, ce genre d'endroits ?

-Je pense que oui, mais assez légèrement. En tout cas, je suis allée plusieurs fois à la mienne sans rencontrer de problème.

-Je vois.

-Et toi alors, tu as vécu des aventures nocturnes ? »

Arthur réfléchit quelques secondes avant de répondre :

« Et bien, j'imagine que visiter la forêt interdite en pleine nuit pour te sauver la vie ne compte pas… »

Avant que je puisse réagir, me sentir mal ou en colère, il continue :

« En troisième année, une fois, on a eu faim en jouant à des jeux de société dans le dortoir. Je ne sais pas ce qui m'a pris, mais j'ai dit que j'irais chercher à manger. Je savais où était la cuisine, et je n'avais pas tant de trajet à faire que ça, mais je crois que mon cœur n'a jamais battu aussi vite de ma vie ! Le château a l'air tellement différent dans le noir… J'avais l'impression d'être observé… Heureusement, j'avais un lumos pour me rassurer un peu.

-Un lumos ?

-Tout le monde n'est pas courageux comme toi, Vivian. Et puis, à ce moment là je ne savais pas encore que c'était une erreur.

-Au moins maintenant tu le sais, je grogne. Désolée, continue !

-Et bien, j'ai pu entrer dans les cuisines, et ça a réveillé un elfe qui est venu voir ce que je voulais. Je ne sais pas pourquoi, je pensais que les cuisines étaient actives tout le temps ! Je ne suis pas très fier de ça, du coup. Quoi qu'il en soit, l'elfe m'a donné des biscuits et une bouteille de jus de citrouille avant de retourner dormir, et je suis reparti vers ma salle commune. Je n'étais plus très loin quand j'ai entendu du bruit. Le concierge arrivait, et si tu as déjà eu affaire à lui tu sais qu'il est terrifiant ! J'ai essayé de m'enfuir vers la salle commune, mais il m'a rattrapé hyper vite. Il m'a demandé ce que je faisais là et j'ai dit la vérité. »

Arthur reste silencieux quelques secondes, et je lui demande, impatiente de connaître la suite :

« Et ? Il a fait quoi ?

-Il s'est moqué de moi.

-Quoi ?

-Il a rigolé, et a dit un truc comme « ces Poufsouffle n'arrêteront jamais de me faire rire ». Après ça, il m'a collé une heure de retenue avec Hagrid avant de m'expliquer qu'allumer un Lumos la nuit te rend visible à une grande distance. Il m'a aussi dit que si j'avais été futé j'aurais caché la nourriture en me faisant attraper, comme ça j'aurais pu la conserver en prétendant être en chemin pour aller à la cuisine. Je crois qu'il a dit ça par pitié, parce qu'il me trouvait trop pathétique. Ensuite, il a récupéré le jus de citrouille et les biscuits. Enfin, il m'en a laissé un. Je ne sais pas si c'était pour renforcer l'humiliation ou par compassion. Quoi qu'il en soit, je n'ai plus jamais osé quitter la salle commune la nuit ! »

J'éclate de rire. Je visualise tellement bien la scène qu'il décrit, le pauvre Arthur tout timide, confus et effrayé en face du concierge se sentant presque insulté par le manque de challenge. Le Poufsouffle rigole de bon cœur avec moi.

« J'avoue que sur le moment j'étais vraiment honteux, mais entre temps je trouve ça beaucoup trop drôle. Je ne me doutais vraiment de rien !

-Et pourtant, Ewald et toi avez quand même trouvé le courage de faire de l'escalade à Poudlard, malgré la menace du concierge !

-Oh, après cet incident crois bien que j'ai eu besoin de deux bons mois avant d'oser à nouveau faire quoi que ce soit d'interdit, et je sursautais dès que je croyais avoir entendu le concierge ! » rigole mon ami. Je l'accompagne volontiers, admettant sans problème :

« Je comprends, moi aussi je le trouve terrifiant. Enfin, au moins je lui ai échappé, moi. »

Arthur me tire la langue de façon puérile, et je lui donne un coup de coude pour me venger. Nous retombons ensuite dans un silence détendu, jusqu'à ce qu'Arthur propose de rentrer. Je le suis, parce que je ne vois pas comment je pourrais voler sa baguette, et j'espère juste avoir de meilleures occasions. Alors que nous descendons la butte, une silhouette se détache de l'obscurité et je sursaute.

« Tout va bien ? » c'est Ewald.

« Ça va, on s'apprêtait à rentrer. » répond Arthur tranquillement. Il savait, donc.

Nous n'échangeons pas davantage de mots, mais je suis contente de ne rien avoir tenté, sur la butte. Ewald nous surveillait sans doute depuis le début. Je suis à la fois ulcérée de sa surveillance constante et touchée de ce qu'il semble tenir autant à moi. Néanmoins, ce qui prédomine dans mon esprit reste la colère et la haine de moi même. Je veux juste crever. Ils m'en empêchent à chaque fois. Et pendant ce temps, mon désespoir ne fait qu'augmenter.

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Ewald m'accompagne dans ma chambre, et m'y attend pendant que je vais me changer aux toilettes. Je prends soin de laisser ma lame dans une poche bien fermée de mon pantalon, où elle sera plus facile à dissimuler. Lorsque je reviens, je lui demande :

« Tu as l'intention de rester là toute la nuit ?

-Seulement jusqu'à ce que tu t'endormes. »

Je grommelle pour la forme, sachant que je n'ai de toute façon pas le choix. Je préfère ne pas trop protester après mon évasion manquée. Je m'installe dans mon lit, et Ewald me regarde d'un air interrogateur. Je comprend ce qu'il veut, et je tapote l'espace à côté de moi. Il s'assoit délicatement, avec un certain naturel. Il éteint la lumière d'un informulé, avec sa baguette, et pendant quelques instant je n'entends que sa respiration paisible.

« Tu veux en parler ? » demande-il dans un chuchotement

« Parler de quoi ?

-De ton excursion nocturne.

-Il n'y a pas grand-chose à dire, je crois. » je réponds, sans totalement cacher l'amertume dans ma voix. « Les étoiles étaient belles... » j'ajoute, après une micro seconde de silence.

« C'est vrai. » répond Ewald avec conviction.

Le silence retombe entre nous, et je suis étonnée qu'il laisse couler aussi facilement. Est-ce qu'il a abandonné, ou est-ce que ça cache quelque chose ? Il ne serait pas le premier à laisser tomber, honnêtement. Mais si il pouvait le faire complètement et rapidement, ça m'arrangerait. Je presse discrètement les coupures toutes fraîches sur mes bras. La sensation de brûlure qu'elles me renvoient me soulagent un peu. Les sentir en relief sous le tissu fin de mon pyjama me fait souhaiter de les avoir faites plus nombreuses.

J'ai du mal à m'endormir, avec Ewald qui veille à mes côtés, toutes ces pensées qui tourbillonnent en moi et mes émotions chaotiques. Au bout d'un moment, le Serpentard tend la main vers mes cheveux, doucement, avec hésitation.

« Je peux ?

-Oui. » je réponds, le reste de mes mots bloqués dans ma gorge. J'aurais voulu lui dire que ça fait du bien, ou merci peut-être, mais je n'y arrive pas.

Il me caresse la tête, comme on ferait avec un petit enfant ou une personne malade, et je finis par m'endormir.

Mon sommeil est agité, et je me réveille plusieurs fois, mais à chaque fois que je me lève pour aller aux toilettes ou autres, je trouve Ewald qui m'attend à mon retour. Je ne pose pas de questions sur les sorts qui me surveillent, me contentant de me recoucher à chaque fois.

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Le matin finit tout de même par arriver, et c'est Alphonse qui me réveille, beaucoup trop tôt, vers sept heures du matin. Il a beaucoup trop d'énergie pour moi.

« Debout Viv' ! On a un train à prendre !

-Un train ? » je demande, partagée entre le sommeil et l'envie de l'assassiner pour m'avoir réveillée.

Son instinct de survie doit quand même exister, car il s'enfuit de la chambre sur un :

« Prépare ton sac et viens prendre ton petit-déjeuner si tu veux en savoir plus ! »

Je le maudis dans ma barbe inexistante, me promettant de me venger, mais je me lève néanmoins. Je m'habille et range rapidement mes affaires, puisque apparemment on est voués à bouger.

Les autres sont déjà attablés en compagnie d'Agnès, et je grignote quelques trucs tout en essayant de me renseigner sur le but de notre voyage. Tout ce que j'obtiens, c'est l'horaire du train, et l'agacement monte doucement en moi devant l'air beaucoup trop satisfait d'Alphonse. Ewald doit avoir remarqué mon état, car il a un léger sourire en suivant nos échanges. Arthur, en revanche, garde la tête plongée dans son bol, l'air un peu stressé. Il n'est pas du matin.

Peu de temps après que j'aie fini d'avaler mes céréales, nous montons dans la voiture d'Agnès qui nous conduit à la gare la plus proche. À défaut de mieux, je passe le trajet à diriger le soleil en train de se lever dans les yeux d'Alphonse à l'aide d'une montre abandonnée sur le siège arrière. Il met du temps à comprendre pourquoi le soleil l'atteint quelque soit sa position, et je ricane en l'observant se tortiller pour échapper aux rayons dans ses yeux. Lorsqu'il comprend enfin ce que je fais, je lui fais un magnifique sourire.

« Vivian, arrête ça tout de suite !

-Il me semblait t'avoir déjà prévenu de ne pas me réveiller. Il faut bien que je t'aide à apprendre de tes erreurs…

-On avait un train à prendre !

-Et peut-être que tu n'aurais pas eu besoin de me réveiller si quelqu'un avait daigné me prévenir hier soir qu'on devait prendre ce train, tu ne penses pas ?

-C'était plus drôle de te laisser la surprise !

-Et bien dans ce cas, il faudra en assumer les conséquences, très cher. »

Alphonse ne réplique rien, l'air peu rassuré, et j'ai un rictus satisfait. Je lui apprendrai à respecter mon sommeil, de gré ou de force. Ewald, a l'air amusé par notre échange, mais je suis un peu inquiète de voir qu'Arthur ne réagit pas du tout. Je le regarde plus attentivement. Il regarde dehors comme si il y avait quelque chose de passionnant à voir la campagne défiler sous ses yeux.

« Arthur ? » je lui demande.

Il sursaute.

« Euh, oui ?

-Tout va bien ?

-Ça va, ça va, je suis juste un peu fatigué. » me répond-il en rougissant légèrement.

J'ai du mal à le croire, mais nous arrivons à la gare quelques minutes après, et je mets l'incident de côté, occupée à essayer de comprendre pourquoi nous allons en Bretagne. En tout cas, le train dans lequel nous montons est à destination de Vannes. Est-ce qu'on ira jusqu'au terminus ? Je suis un peu rassurée, en tout cas, de constater que notre route ne nous amène pas vers la région lyonnaise, là où j'ai vécu ma première vie.

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Le trajet se déroule sans encombre, et Alphonse, décidément très en forme aujourd'hui, passe son temps à nous raconter des anecdotes plus ou moins vraisemblables sur les bêtises qu'il a faites à Poudlard, avant qu'Ewald et moi ne sortions de quoi lire pour échapper à son énergie disproportionnée.

Vannes s'avère effectivement être notre destination. Une fois arrivés, Alphonse prend la direction du groupe, s'aidant du GPS de son téléphone pour nous diriger vers une destination précise (que je n'ai bien sûr par le droit de connaître). Nous marchons une quinzaine de minutes avant d'atteindre un petit port charmant. Nous finissons par tourner à l'angle d'une rue pour nous diriger vers un petit café. Malgré le froid, un inconscient s'est installé en terrasse, profitant sans doute des timides rayons de soleil. Il regarde un peu partout autour de lui, l'air de chercher quelque chose. Alphonse le remarque, et lui fait un grand signe de la main. L'inconnu lui répond de la même façon.

Je le dévisage, surprise. Il a l'air vaguement familier. Nous ne sommes plus qu'à quelques mètres de lui à présent. Il a le visage doux, ouvert, et ses yeux se rivent aux miens.

Je me fige.

Je l'ai reconnu.

Mon univers se brise.

Quentin.

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« Il y a des moments bascule, des moments charnières, qui font prendre à ta vie une direction diamétralement différente à ce qu'elle aurait pu ou aurait dû être. Pour moi, ça a été le viol, déjà, mais aussi, plus tôt, le rejet de Mélanie, ou avant, le moment où je n'ai pas sauté le CP. Si j'avais sauté le CP, j'aurais eu d'autres amis, un autre parcours scolaire… Si Mélanie ne m'avait pas abandonnée, peut-être alors mon frère n'aurait pas pu me violer, ou que j'aurais su me défendre. Peut-être que je serais encore capable de faire confiance à quelqu'un ? Mais la vie a pris ces chemins, ces détours, ces brisures, et me voilà, celle que je suis. »

-Extrait d'un carnet d'Aurore Berger, conservé par Quentin Lemage après sa mort. Passage écrit en écriture codée.-


*Je n'ai pas pu retrouver le titre, ni le nom de la personne qui a écrit la chanson, malheureusement.

Alors? Vous pensez qu'il va se passer quoi maintenant? Comment va réagir Vivian? (je suis vraiment curieuxse d'entendre vos théories!) Que va faire Quentin? Comment expliquez vous sa présence?
Vous aurez quelques réponses dans le chapitre bonus que je publierai dans quelques semaines sur "Plus de jamais plus". Pensez à y jeter un coup d'oeil! Bien sûr, d'autres réponses vous seront apportées dans le prochain chapitre, qui paraîtra un jour :p

En attendant, à vos reviews!

À la prochaine!

moi