Hello!

Je sais que ça fait un bail que j'ai pas posté, j'ai un peu eu du mal à me remettre à l'écriture maintenant qu'on a passé le gros tournant de l'histoire que j'attendais depuis le début (et que le prochain gros truc bah... C'est la fin). En plus ma vie a été bordélique (pour changer). Bref, j'ai fini par ne faire qu'un.e avec le chaos de ma vie et réussir à me remettre à écrire alors que j'ai une crève monstre et que j'ai mis les pieds chez moi que deux nuits en deux semaines.
Anyway, vous êtes là pour l'histoire de Vivian, pas la mienne (mais elle est passionnante, vous ratez quelque chose!), donc voilà un chapitre!
Pour rappel, on avait laissé Vivian très dissociée qui ne pouvait plus mourir, et ses amis déterminés à trouver des informations sur le mystérieux docteur Kayns qui est la personne derrière la résurrection impromptue de Vivian.

Un grand merci à celleux qui laissent des reviews, et une bonne lecture à toustes!


Je ne sais pas exactement ce qu'Ewald a dit aux autres, qu'est-ce qu'il leur a expliqué, mais ils se sont passé le mot, et savent tous que je n'ai pas pu me tuer. Je le sais, parce qu'Arthur n'a pas manqué de venir me parler, pour savoir comment j'allais, pour se réjouir de l'avenir qui m'attend maintenant que j'ai décidé de donner une chance à la vie. Étrangement, c'est la réaction d'Alphonse qui m'a surprise un peu. Il sait forcément, mais il ne s'est pas réjoui à grands cris, il n'a pas vraiment fait de commentaires, j'en viendrais presque à me demander si il est content du résultat. Peut-être qu'il n'y croit pas, tout simplement. Après tout, il n'est pas aussi naïvement optimiste qu'Arthur. Pourtant, je ne peux vraiment pas me tuer. C'est la vérité.

Dans le train qui nous ramène à Poudlard, je passe la majeure partie de mon temps à regarder par la fenêtre, en apparence perdue dans mes pensées. En réalité, j'évite au maximum de penser, justement, parce que ça ne me fait aucun bien. Arthur est allé rejoindre Cian, et Alphonse a réussi à convaincre (ou à forcer?) Ewald à disputer une partie de bataille explosive avec lui. Il a bien essayé de me faire jouer aussi, mais sans grande conviction. Le vert et argent m'a à peine parlé ces derniers jours. De façon générale, je l'ai trouvé plus distant que d'habitude. Pour ma part, je n'ai pas vraiment réussi à me défaire de mon état de dissociation, mais je n'ai pas vraiment essayé non plus.

Lorsque le train ralentit, approchant de Poudlard, le Serpentard m'interpelle. Je lève les yeux vers lui, et je le vois me tendre ma baguette. J'approche ma main pour la récupérer, mais au lieu de me la donner directement, il plonge son regard dans le mien. Je le fixe en retour, bon gré mal gré, avant de détourner les yeux. J'ai du mal à soutenir son regard. Ça rompt le moment et Ewald me donne la baguette, en disant d'une voix neutre.

« J'imagine qu'il est temps que tu la récupères.
-Merci. »

Empoigner à nouveau ma baguette fait courir une vague de magie dans mon corps, et pendant un instant je savoure la sensation avant de retomber dans mon apathie. Alphonse ne dit rien, mais il n'a pas l'air ravi. Il croit que je vais me tuer ? Et Ewald… Il a l'air vraiment tendu. Il n'ajoute rien, néanmoins, et ça me fait un peu mal, quelque part. Est-ce qu'il a abandonné ? Ou est-ce qu'il est simplement en colère contre moi ? Je n'ai pas envie de creuser davantage la question, alors je renforce mon esprit, utilisant mes barrières occlumentiques pour renforcer le brouillard de ma dissociation. C'est sans doute une mauvaise idée, et je doute fort que l'Occlumencie soit destinée à cet usage à l'origine, mais ça fonctionne un peu. Je me prépare à sortir du train, peu pressée de me retrouver entourée d'élèves dans le couloir, mais n'ayant pas vraiment le choix.

Je devrais être heureuse de revenir ici, peut-être. Le seul soulagement que je ressens est celui de penser que je pourrai probablement avoir davantage d'intimité ici que chez Ewald. J'ai un pincement au cœur en pensant au début des vacances, où, bien que forcée, la proximité avec le Serpentard m'avait fait du bien. J'ai aimé en apprendre davantage sur lui, et j'avais l'impression qu'on s'était rapprochés… C'était avant que lui et les autres me mènent à Quentin, bien sûr. Je ne lui en veux pas, de toute façon, je n'ai plus l'énergie pour. Ces vacances ont été épuisantes, émotionnellement parlant, et je dissocie toujours énormément. Pas comme si ça avait de l'importance. Un bref coup d'œil à Ewald me montre qu'il y a peu de chances pour que la proximité que j'ai ressentie la semaine dernière se fasse à nouveau sentir prochainement. Je hausse les épaules. Au moins, je lui fais moins de mal comme ça. Cette pensée en entraîne une autre. Je pourrais aussi essayer de lui faire du bien, plutôt que de faire simplement « moins de mal ». J'ai même des idées de comment faire… Mais de ça aussi, je suis incapable. Alors, je monte dans une calèche à la suite de mes compagnons, laissant mon regard errer sur les sombrals. Le serpentard capte mon regard, mais il ne commente rien. Lui aussi, il les voit, et je sais pourquoi désormais. Je me demande à quoi il pense.

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Le premier jour de reprise est fatiguant. Les gamins sont tout excités après noël et le nouvel an, et échangent en braillant des nouvelles, comparent leurs cadeaux et leurs vacances, du matin jusqu'au soir. Même en classe, ça ne s'arrête pas, et les profs sont obligés de rappeler plusieurs fois mon groupe à l'ordre. Je ne vois presque pas Arthur de la journée, on dirait qu'il est soudé à la hanche avec Cian. C'est toujours ce petit bout de paix de gagné, je suppose. Al', lui, garde un air un peu sombre inhabituel tout au long de la journée, et je commence à me demander si j'en suis la seule cause. Vu qu'il n'est pas allé retrouver ses autres amis, préférant rester avec Ewald et moi à tous les repas, je dirais qu'il est toujours inquiet par rapport à moi. En ce qui concerne le Serpentard, il est pleinement replongé dans son rôle d'élève modèle, affichant sa façade neutre et polie aux yeux de tous, laissant à peine glisser le masque avec nous. Malgré moi, je me sens un peu abandonnée par lui. Je hais mon cerveau. Je m'épuise moi même, avec mes sentiments paradoxaux. Je veux prendre de la distance, et je veux qu'il fasse attention à moi. Je veux qu'il me fiche la paix, mais me sens abandonnée si il le fait. C'est tellement frustrant !

Au moins, Ewald et les autres m'ont laissée rester dans ma chambre habituelle, et semblent avoir complètement laissé tombé la veille de nuit. J'ai même lancé un homnius revelio, hier soir, pour m'en assurer. Comme je ne maîtrise pas vraiment ce sort, je ne suis pas sûre à cent pour cent du résultat, mais j'ai bien l'impression qu'ils me laissent véritablement seule. Pourtant, je ne tire pas autant de réconfort à cette tranquillité que je le pensais. Ça me fait du bien, c'est sûr, parce que je n'ai pas besoin de maintenir un masque quand je suis seule. Je n'ai pas besoin de faire semblant de m'intéresser à ce qui m'entoure. Il faut avouer que je n'ai pas fait tant d'efforts que ça ces derniers jours, mais même le peu que j'ai fait est fatiguant. En tout cas, même la solitude ne peut rien contre le vide dans ma poitrine. Je me débrouille, bien sûr, pour piquer un taille-crayon à un autre né moldu dès le premier jour, pour pouvoir recommencer à me couper, mais même ça ne m'apporte rien.

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La première semaine se déroule dans le même brouillard. Je vais en cours, je mange, je passe mes nuits de mauvais sommeil entre les insomnies et les réflexions oppressantes. Je croise Arthur, Alphonse et Ewald, mais on ne discute pas tant que ça. Entre les devoirs et les cours, on a tous replongé dans le tourbillon de la vie à Poudlard. En parlant d'Alphonse, au moins, il semble aller un peu mieux au fil des jours, ce qui me rassure secrètement. Il recommence à être plus bruyant, taquin, et par là même un poil agaçant, comme à son habitude.

J'ai du mal à me concentrer en classe, au point que Scorpius m'en fasse la remarque en cours de Potion, une fois. Je lui sors un mensonge quelconque pour détourner son attention, et ça s'arrête là. J'ai bien conscience, néanmoins, qu'il faut que je fasse davantage d'efforts si je ne veux pas que mon état ne soit trop visible. Si même un gosse de onze ans remarque quelque chose… Pourtant, une part de moi n'arrive pas vraiment à s'en soucier. Mes notes baissent un peu, parce que je n'ai pas la moindre motivation et que certains professeurs prennent mon attitude je m'en foutiste personnellement. Pour autant, elles sont toujours très bonnes, parce que je comprends toujours beaucoup plus rapidement les cours que mes camarades. Je ne fais même pas d'efforts pour rester en tête de classe.

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Le samedi matin je m'ennuie ferme. En désespoir de cause, je me mets à explorer un peu le château. Je finis par me retrouver en haut de la tour d'astronomie, et je m'assois sur la margelle. Je passe quelques temps à regarder le vide, un léger sourire m'échappant en repensant à ma rencontre avec Alphonse. L'adrénaline que j'ai ressentie en sautant… Peut-être que c'est de ça dont j'ai besoin. D'adrénaline. Peut-être que ça m'aiderait à me sentir vivante, ou du moins que ça serait un minimum distrayant. Je me mets debout sur le parapet, m'amusant à fermer les yeux en le parcourant pas à pas. Rien. D'un autre côté, je sais que je ne cours aucun risque si je tombe. Je me penche au bord du vide, à la limite de la chute. Déçue.

C'est dans cette position que me trouve Alphonse, qui arrive au sommet de la tour en claquant la porte, essoufflé. Je me retourne en entendant le bruit soudain, surprise. J'aurais dû l'entendre venir, mais j'ai un peu de mal à me concentrer ces temps-ci.

« Descends de là tout de suite ! »

Il a l'air furieux. Je ne comprends pas. Je saute souplement au sol, demandant innocemment :

« Qu'est-ce qu'il y a ? »

Mon interlocuteur semble se retenir de hurler de frustration, et souffle un grand coup, violemment, avant de répondre.

« Je savais que c'était une idée à la con de te rendre ta baguette, de te laisser sans surveillance ! Deux jours seule et tu recommences, hein ?
-Je recommence quoi ? » je demande, un peu confuse
« C'est ça, fous toi de ma gueule ! Tu vas me dire que tu n'allais pas sauter, bien sûr ? »

La lumière se fait dans mon esprit, et je réponds avec un poil de provocation.

« En fait oui, c'est exactement ça que je vais te dire. À quoi ça aurait servi de sauter, alors qu'il y a un sort en bas ? »

Alphonse pâlit un peu, et j'ajoute avec amertume, plus sérieusement.

« J'adorerais comme toi penser encore que je peux me tuer. Mais Ewald ne t'a pas menti, quoi qu'il aie dit. Vous avez gagné. Donc si tu pouvais me foutre la paix et me laisser au moins m'amuser un peu, ce serait cool. Je ne peux pas me tuer, okay ? J'en meurs d'envie, et j'adorerais que ça soit littéral, soit dit en passant. »

La rage du Gryffondor semble fondre un peu au fil de ma réplique. Il prend un air circonspect, et demande :

« Tu es sérieuse ?
-Alphonse, réfléchis deux minutes. Si j'avais pu me tuer, je l'aurais déjà fait. Tu as reconnu toi même que j'étais sans surveillance, et crois bien que je l'avais déjà remarqué. J'aurais pu me tuer chez Ewald déjà ! »

D'une certaine façon je me hais de remuer le couteau dans la plaie. Mes yeux brillent de larmes que je contiens de toute mon énergie, des larmes de frustration que je refuse de laisser couler. Le fait qu'il ne me croie pas rend les choses encore pire. Lui, il a l'air en colère, toujours, mais aussi, pour la première fois, je crois qu'il commence à me croire. Pour appuyer mes propos, ou pour lui faire mal, je laisse mon glamour tomber.

« Tu vois ces coupures ? J'aurais pu me trancher la gorge vingt fois cette nuit. Je ne l'ai pas fait. Tu peux en tirer les conclusions qui s'imposent. »

Il a mal, je le vois, et j'en tire une brève satisfaction qui s'efface instantanément, remplacée par le mépris de moi même. Il fait un pas hésitant vers moi, et je relance mon glamour.

« Je suis désolée. Je n'avais pas besoin de faire ça. Je suis en prison, okay? Je n'aspire qu'à crever enfin et je n'ai même pas cette option! Je suis désolée d'agir comme ça, la situation me rend folle. Mais je suis vraiment désolée.»

Je doute fort que mes excuses puissent sonner sincères, même si je pense les mots que je dis. Je me crois toujours tellement maline, hein ? Il s'inquiétait simplement. Ce n'est pas de sa faute si son scepticisme était comme de l'acide sur une plaie ouverte. Il ne faisait pas ça pour me faire souffrir. J'ai envie de me couper pour me punir. J'ai envie de mourir. Je ne peux faire ni l'un ni l'autre pour l'instant.

Il considère mes excuses un instant, secouant la tête comme pour gommer la vision de mes plaies.

« Je te crois... » soupire t'il, avant de rajouter « Tu devrais laisser Ewald ou Arthur te soigner. Je ne sais pas faire le sort. Et Viv', on peut discuter, d'accord ? Plutôt que tu fasses ça... » fait il, avec un geste vague dans ma direction.

Je lui souris, un sourire carnassier plutôt que timide, ignorant sa proposition, repoussant ma frustration, ma douleur et ma honte derrière mes barrières occlumentiques.

« Je sais ce dont on a besoin.
-Ah bon ? » demande t'il, déstabilisé par mon changement d'humeur
« Une bonne session de saut sur balais !
-Je ne suis pas sûr que ça soit une bonne idée... » proteste t'il

Il manque de conviction, néanmoins, je l'ai désarçonné. J'enfonce le clou. Il a toujours été mal à l'aise dans les discussions sérieuses, et je lui offre une échappatoire.

« On a tous les deux besoin de se défouler, non ? Et je te promets de ne pas mourir ! »

Alphonse soupire avant de répondre.

« Okay. »

Il ajoute, en marmonnant, quelque chose qui ressemble à « Ewald va me tuer et Arthur m'écorcher vif ». Je l'entraîne à ma suite dans les escaliers de la tour sans relever, discutant d'où on pourrait aller pour sauter.

Au final, nous trouvons un coin à peu près tranquille près de ma tour dortoir, un spot qui donne sur une petite cour intérieure dont la plupart des fenêtres sont murées, dans une aile du château peu fréquentée un samedi matin. Nous enchaînons quelques sauts d'échauffement avant que je ne commence à tester mes limites. C'est seulement là que je commence à m'amuser. Au début, Al' est enthousiaste, mais peu à peu je le vois hésiter à sauter, les yeux rivés sur moi. Comprenant son hésitation, je lui répète à nouveau que je ne vais pas mourir, lui expliquant que je maîtrise ce que je fais. Ça ne le tranquillise qu'à moitié, ce qui est bien dommage car je commence à peine à m'amuser. Quelques sauts plus tard, je me rattrape vraiment à la dernière seconde, et un éclat de rire m'échappe. Enfin des sensations, enfin, je me sens vivante ! Je n'ai pas totalement maîtrisé mon saut, peut-être, mais Alphonse n'a pas besoin de le savoir. Malheureusement, il écourte la séance après ça, arguant qu'il n'est pas encore prêt à me voir prendre autant de risques après les récents événements. Rabat-joie.

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Le lundi d'après, je reçois une lettre de Quentin via le hibou d'Ewald. Le Serpentard me la tend sans faire de commentaires, et je me demande combien de temps il va rester distant comme ça. Ça continue à être un peu douloureux. En parallèle, je m'interroge aussi sur le fait que cette lettre me parvienne par son biais, mais je ne pose pas de question. J'attends d'être seule dans ma tour pour l'ouvrir, après la fin des cours, et au début je ne la lis même pas, occupée à juguler l'émotion qui m'étreint à la vision de son écriture malhabile. Je me sens si nostalgique en cet instant. Lire une de ses lettres, à nouveau, après tant d'années… Il me manque, et le passé paraît si lointain en cet instant, hors d'atteinte alors même que je le frôle.

« Chère Aurore,

J'espère que tu vas bien ? J'aurais aimé t'écrire plus tôt, mais j'ai été pas mal occupé avec la venue d'Élias, et il fallait aussi que j'attende qu'Ewald m'envoie son hibou. C'est pas évident, de contacter une sorcière !

Il faut que je te parle de la visite d'Élias, d'ailleurs. J'ai eu dû mal à ne pas lui parler de toi. En partie parce que j'avais envie qu'il sache, lui aussi, mais surtout parce que lui a remarqué que j'étais… différent, je suppose. Il a beaucoup insisté pour que je lui parle. Il fait toujours ça, mais cette fois c'était vraiment quelque chose qui me tenait à cœur, et que j'avais envie de partager avec lui, alors ça a été difficile de me taire. C'est la première fois que je me retrouve dans une telle situation. Ne t'inquiète pas, je ne lui dirai rien, même si il serait capable de garder le secret. Je ne veux pas mettre tes amis en danger, et je pense aussi que si il devait être mis dans la confidence, ce serait à toi de le faire. Mais je crois que ça pourrait être une bonne chose, tu voudras bien y réfléchir ? »

Sans qu'il ne me manque autant que Quentin, loin de là, l'évocation d'Élias m'est un peu douloureuse. Maintenant que j'ai renoué le contact (plus ou moins de mon plein gré), imaginer le revoir, lui aussi, est une idée tentante, un peu. Oh, je ne le ferai pas. Je ne pense pas que ce serait bon pour lui, je ne sais pas ce qu'on pourrait bien se dire, et Alphonse et les autres ont déjà pris beaucoup trop de risques. Aussi, je ne vois pas dans quel univers j'aurais le courage de regarder Élias en face après ce que j'ai fait. Mais cette idée est à la fois douce et amère.

« En vérité, Tessa aussi a remarqué du changement en moi depuis que je t'ai revue. Elle dit que je suis un peu plus ouvert et je crois que même moi, je n'avais pas réalisé à quel point ma culpabilité me pesait. Je me sens toujours coupable, mais c'est bien plus facile à porter à présent. Je sais que tu n'as pas initié cette rencontre, mais je suis reconnaissant à jamais qu'elle aie eu lieu. Je te dis tout ça parce que tu avais tort de penser que te revoir me ferait du mal. Je veux que tu voies tout le bien que ça m'a fait. »

C'est intéressant de voir comme nos situations sont inversées. Me revoir a dû lui faire un peu de mal, aussi, ne serait-ce que parce qu'il m'a vu me couper, et parce qu'il se fait du souci pour moi. Alors que moi, au contraire, ça m'a fait un peu de bien pour un effet négatif durable. Néanmoins, ce qui est fait est fait, et si au moins lui peut-être davantage heureux, tant mieux. Peu importe ce qu'il m'arrive, après tout.

« J'aimerais bien que tu me dises comment tu vas depuis qu'on s'est vus. Comment tu te sens ? Ça m'a fait tellement plaisir de te revoir. C'est étrange de me dire que c'est à tes amis de Poudlard de partager ton quotidien, maintenant, et de prendre soin de toi avant moi. Notre relation a été mise en pause pendant onze ans, et maintenant tout a changé. Enfin, c'est ce qu'on pourrait être tenté de dire, mais il y a des choses qui ne changent pas, je crois. On sera toujours liés, et c'est à nous de voir ce qu'on voudra faire de ce lien. Et je t'aime, Aurore, n'en doute pas. Il y a aussi des choses qu'on ne retrouvera jamais, comme le quotidien au lycée, mais ça nous permet aussi de construire des choses nouvelles. Je ne sais pas comment tu vois les choses, mais pour ma part je tiens à continuer à faire partie de ta vie.

J'attends ta réponse avec impatience. En attendant, prends soin de toi s'il-te-plaît. Je n'aime toujours pas de savoir que tu te coupes, alors évite, s'il-te-plaît. Je sais qu'à présent je ne peux plus t'en empêcher physiquement, mais je peux toujours essayer de te convaincre. Tu peux m'écrire quand tu veux, et je te lirai.

À bientôt,

Quentin/Danlael »

Sa lettre est tellement lui. J'ai un pincement de culpabilité en pensant à mes coupures. Effectivement, il ne peut plus m'en empêcher, et je sais pertinemment que je vais continuer. Il n'empêche que sa désapprobation ouverte aura toujours un impact sur moi. Je ne sais pas quoi lui écrire, comment lui répondre exactement, et je ne m'y attelle pas tout de suite de toute façon. Lire la lettre de Quentin me rappelle que je n'ai jamais lu le mot qu'Ewald avait glissé dans mes cadeaux. Ça ne me ressemble pas pourtant… Au début, j'ai été prise dans les dîners, puis le voyage en France. Après le voyage, ça m'est sorti de la tête. Je récupère l'album photo dans ma malle, étonnamment encore touchée par les cadeaux d'Ewald malgré le brouillard de dissociation dans lequel je vis. Ses cadeaux montrent à quel point il a été attentif à moi.

En prenant l'album photo, je m'aperçois qu'il n'est pas entièrement vide, contrairement à ce que j'avais cru en le déballant. Avant d'en découvrir le contenu, je sors la petite enveloppe de la couverture. Il me faut quelques instants pour me décider à l'ouvrir, car c'est quelque chose qu'Ewald m'a écrit avant que je ne le trahisse. Je pourrais me dire, hypocritement, qu'il devait bien s'attendre à ce que j'essaie de me tuer. Mais je le comprends assez bien pour savoir que c'est un mensonge. Ce que j'ai failli faire ce soir là, j'allais le faire alors qu'il était juste à côté, alors que c'est lui qui aurait découvert mon corps. Comme il a trouvé celui de sa mère, des années plus tôt, alors même que je connais ce traumatisme à présent. Et le pire, c'est que ce n'est pas cette connaissance qui a retenu mon bras. Ça me fait mal qu'il me batte en froid à présent, mais je sais pourquoi, et je sais que je l'ai mérité.

J'ouvre l'enveloppe, malgré tout, parce qu'il a écrit ces mots pour moi, et que je veux savoir ce qu'il dit. C'est la première fois que je reçois un mot de lui, et si j'ai aperçu son écriture sur ses devoirs, c'est la première fois que j'y prête réellement attention. Elle est soignée, comme de juste, belle comme celle des manuscrits du moyen-âge, mais avec peu de fioritures.

« Chère Vivian,

J'ai conscience que t'offrir un album photo est un cadeau digne d'Arthur, néanmoins c'est ce que j'ai trouvé de mieux pour convoyer mes sentiments. Je n'ai pas besoin d'expliciter le message derrière, je le sais, mais je voulais t'écrire pour une autre raison.

Avant ça, je ne veux pas que tu te méprennes sur le moment où j'ai écrit ces mots. Nous sommes la veille de Noël, le soir, après être rentrés du chemin de traverse. Je ne t'en veux pas de t'être enfuie, pas vraiment. J'ai eu très peur. Mais ce qui s'est passé m'a aussi permis de prendre pleinement la mesure de l'importance que tu as commencé à prendre pour moi. Pour autant, je ne peux pas t'en vouloir, parce que je savais que tu essaierais quelque chose comme ça. Ceci étant dit...

Je voulais te remercier.

Je me suis surpris à m'habituer à ta présence, à apprécier ta conversation, alors même que je te prenais pour une enfant de onze ans, un peu étrange et particulièrement brillante.

À présent que je connais la vérité, ça fait sens. Néanmoins, je ne m'attendais pas à partager autant avec toi en t'invitant ici. Je ne pensais jamais inviter qui que ce soit ici, pour être honnête. Même Arthur n'était jamais venu. J'avais trop peur pour ma mère, et peur aussi, je m'en rends compte, de ce que les potentiels invités changent de regard sur moi en découvrant ma vie.

Je sais que tu n'es pas venue de ton plein gré, mais ce que tu m'as offert en étant ici, ça venait de toi. Je crois que tu me comprends mieux que quiconque. Sans doute parce que nous avons tous deux souffert, peut-être aussi grâce au lien que nous avons partagé.

Je te vois respecter mes barrières, je sens ta délicatesse lorsque tu me poses des questions, et ton respect pour mes limites. C'est étrange de se dire qu'en quelques mois, une inconnue est devenue la personne qui en sait le plus sur moi. Et pourtant, c'est ce qui est arrivé.

J'espère voir le temps où je n'aurai plus à craindre que tu nous files entre les doigts. Je vais à nouveau faire quelque chose digne d'Arthur et te dire que je pense que ton avenir en vaut le coup. Je suis bien placé pour savoir qu'il y a des choses dont on ne guérit jamais complètement. Mais je suis aussi bien placé pour savoir que les choses peuvent quand même s'améliorer, et qu'on peut quand même trouver du bonheur. Le sourire de ma mère, lors de notre bataille de boules de neige, a une valeur inestimable pour moi. Et c'est aussi pour ça que je te suis reconnaissant.

Alors merci Vivian, et joyeux Noël,

Ewald »

Ses mots me vont droit au cœur, prenant un raccourci que j'ignorais exister à travers mon brouillard de dissociation. Je suffoque, le souffle momentanément coupé. Un instant, je suis encore capable de tout verrouiller grâce à l'occlumencie, mais à quoi bon ? Je reste figée un instant, puis range doucement la lettre dans l'album photo. C'est seulement une fois qu'elle est en sécurité que je me roule en boule sur sol de mon grenier et que je m'abandonne à mes sanglots.

Ils sont violents, grossiers. Je pleure à chaudes larmes, je halète, j'ai mal. Je ne peux pas m'arrêter. À chaque fois que je commence à me calmer, une nouvelle pensée me transperce, et relance la machine. Ewald pensait ça, et puis je l'ai trahi. Je pleure. Je savais pourtant, je le comprenais, et j'ai dû lui faire tellement mal. Je pleure. J'ai une impression de gâchis. Et pourtant, pourtant, je n'y peux rien, pourtant qu'aurais-je pu faire d'autre ? Je savais que je le trahissais. Mais voir ces mots sur le papier me donne une mesure différente de l'ampleur de ma trahison. Ça me fait tellement mal de penser que j'ai gâché notre relation. Il s'est ouvert à moi, et j'ai piétiné ce qu'il m'offrait. Je continue à pleurer.

Longtemps plus tard, lorsque mes sanglots se sont enfin taris, je me sens vide. Mais pas le même vide que d'habitude. Il y a un écho de tristesse dans ce vide, un soupçon de nostalgie. Et je suis… présente à moi même, pour la première fois depuis des semaines. Ça fait mal. Mais, peut-être à cause de toutes les larmes que j'ai versées, je suis capable de le supporter pour l'instant. Je ramasse l'album photo, et cette fois-ci je regarde ce qu'il y a mis.

Il y a trois photos à l'intérieur. Sorcières, bien sûr. Sur la première, je vois Arthur et Ewald dans le poudlard express. Arthur sourit, donnant une bourrade au serpentard qui a un fin sourire avant de regarder l'objectif. J'imagine que notre poufsouffle de compagnie lui a forcé la main dans le train à la rentrée. Sur la deuxième photo, Alphonse, un peu plus jeune, lève son poing d'un air triomphant devant les buts de Quidditch. Il a un grand sourire et sur les gradins les gens semblent applaudir. Enfin, la troisième photo montre Arthur et Ewald, qui doivent être en… cinquième année ? En train de disputer une partie de Dominaris. J'ai un sourire attendri en voyant le sourire tordu d'Ewald alors qu'il joue une carte de sa main, faisant protester Arthur d'un air véhément.

Je comprends le message qu'Ewald a voulu me faire passer, bien sûr, avec cet album photo à peine commencé. Qu'il y a tant à vivre pour le remplir… D'ailleurs, le connaissant, il l'a sans doute enchanté pour qu'il s'ajoute des pages au fur et à mesure que j'en compléterais… Je ne sais pas trop quoi en penser. Je reprends la lettre en main, prenant le temps de relire chaque phrase. C'est étrange comme la lettre est presque en fouillis (venant d'Ewald, en tout cas). C'est touchant de lire ses craintes, presque douloureux en pensant qu'à présent il est à nouveau fermé avec moi. Quelques larmes m'échappent à nouveau, et je ne finis pas ma lecture. Je range délicatement mon cadeau dans ma malle, auprès des autres cadeaux qu'il m'a offerts à Noël. Ce qu'il m'a offert montre si bien l'attention qu'il m'a portée…

Je ne réponds pas à la lettre de Quentin tout de suite, mes mots sont bloqués à l'intérieur de moi. J'hésite à juste rester enfermée dans ma tour jusqu'au lendemain matin, mais finalement je descends, marchant jusqu'au lac noir à la recherche de je ne sais pas quoi. J'évite les endroits où les étudiants ont l'habitude d'aller, suivant le pourtour du lac jusqu'à un endroit où un petit bosquet me dissimule à la vue depuis le château. Je regrette de ne pas avoir pris de quoi écrire, j'ai l'impression qu'un lieu comme ça aurait été propice à faire sortir les mots qui s'entrechoquent dans ma tête. En même temps, je ne sais pas si j'aurais su quoi écrire, tellement tout est confus.

Je ramasse une pierre à peu près plate, et j'essaie de faire des ricochets. Ma pierre ne rebondit qu'une fois avant de sombrer au fond du lac, alors j'en prends une autre, et j'essaye à nouveau. Je continue, encore et encore, me concentrant uniquement sur mes ricochets pour ne pas avoir à trop penser. Ça a un effet presque thérapeutique. En soi, je ne m'arrête pas réellement de penser, mais c'est comme si mon cerveau profitait de ma distraction pour faire un peu le tri. Je pense beaucoup à Ewald. Je regrette vraiment ce que je lui ai fait. J'aimerais pouvoir réparer, ou du moins apaiser, les blessures que je lui ai infligées. En même temps, je ne suis pas sûre que je devrais lui parler de ça pour l'instant. Peut-être qu'il vaut mieux attendre, lui laisser un peu de temps. Je n'arrive pas à savoir si c'est trop tôt, ou trop tard. Peut-être que j'aurais dû réagir plus vite. Ce qui est sûr, c'est que je ne veux pas le perdre.

Je continue à faire des ricochets jusqu'à tomber à cours de pierres. Sortant un peu de mes réflexions sur Ewald, je relève la tête. La lune se reflète dans le lac, plus haute dans le ciel que lorsque je suis arrivée. Je lance un tempus. Le repas du soir doit être bien entamé, là bas, au château.

À ce moment, j'entends un bruit de pas venant de la forêt. J'hésite à me cacher, mais une silhouette apparaît déjà.

« Vivian ? »

Ewald. Comme si mes pensées l'avaient invoqué. Une vague de tristesse et de culpabilité m'étreint alors qu'il s'avance vers moi. Son masque habituel est bien en place, alors même que nous sommes seuls. Il reste debout à mes côtés, le regard dirigé vers le lac. Lorsqu'il parle, sa voix est neutre.

« Tu ne devrais pas rater le repas comme ça. »

Je tressaille légèrement. Je n'ai pas envie d'avoir une discussion superficielle avec lui, coupée de nos émotions. Je sais ce qu'il est en train de faire, vu que j'ai fait ça toute ma vie. Se distancier de ce qui nous a blessé. Ce soir, mon brouillard de dissociation est bien affaibli, et je ne peux pas faire comme si de rien était. Je me tourne vers lui, et me force à parler. C'est difficile, parce que j'ai honte, et parce que j'ai peur qu'il m'envoie bouler, ou pire, qu'il continue à faire comme si de rien n'était. Mais il faut que je m'excuse. Il faut qu'il sache que j'ai réalisé le mal que je lui ai fait.

« Je suis désolée, Ewald. »

Il fait assez clair dans la lumière de la lune pour que je distingue son visage alors qu'il me regarde enfin, et que je le voie hausser un sourcil interrogateur.

« J-je sais que désolée c'est faible, j'ai juste pas d'autre mot. Je-je suis tellement désolée pour ce que je t'ai fait. Je-je sais que je t'ai trahi. Je suis désolée. »

Les larmes me montent aux yeux, mais ce serait trop facile de pleurer, de le laisser me réconforter, ou pire, qu'il me regarde pleurer sans rien faire. Il ne dit toujours rien, mais j'ai vu une expression d'incertitude traverser son visage, et son masque n'est plus aussi neutre qu'avant. Lentement et délicatement, il s'assoit à côté de moi, non sans marmonner un sort pour éviter de salir ses vêtements. Je fixe le lac, incapable de le dévisager à présent qu'il est si proche. On ne se touche pas. Je devine que lui non plus ne me regarde pas alors qu'il parle enfin.

« Pourquoi maintenant, Vivian ? »

Son ton n'est pas vraiment froid, mais pas exactement chaleureux non plus. Parce que je le connais, je sais qu'il est soigneusement maîtrisé.

« J'ai lu le mot que tu m'as offert à Noël.

-Tu ne l'avais pas encore lu ? »

Une pointe de curiosité perce dans sa voix, et peut-être un peu de déception. J'explicite, mon débit s'accélérant progressivement alors que je panique. J'ai peur qu'il ne comprenne pas, j'ai peur qu'il m'en veuille, ne pas savoir ce qu'il pense me met vraiment sur les nerfs.

« Non, je… J'ai voulu attendre d'être seule pour le lire, le jour de Noël, mais avec le dîner chez Arthur et la soirée ça m'est un peu sorti de la tête. Et après… Après Quentin, j'étais bouleversée, puis quand… J'ai pas arrêté de dissocier énormément depuis… C'est que ce soir, quand j'ai lu la lettre de Quentin, que je m'en suis rappelée. S'il-te-plaît, ne vas pas croire que ça ne m'intéressais pas, j'ai juste été incapable d'y penser… Je… Tes mots ont dispersé mon brouillard. Je savais ce que j'avais fait, mais j'avais pas pleinement conscience que… Je savais, mais ma connaissance n'était pas reliée à mes émotions ! Je n'avais pas conscience de l'importance que tout ça avait pour toi… Je suis tellement désolée. Je… Je n'ai pas envie que tu te refermes à cause de moi. Je sais que je le mérite, mais j'ai peur pour toi, et Arthur n'a rien fait de mal lui. Je suis tellement désolée. J'ai tout gâché. »

Quelque part au milieu de mon discours, j'ai commencé à pleurer. Pour une fois, des larmes discrètes, silencieuses. Je suis tellement triste en pensant à Ewald, à ce que j'ai fait.

Pendant un moment, Ewald ne dit rien, mais il se lève doucement. J'hésite à le suivre, mais sa main se pose délicatement sur mon épaule, la serrant comme pour me donner de la force, réconfortante. Je ne fais pas un mouvement, mais tout mon corps se concentre sur la sensation, et mes larmes se tarissent. Ça fait tellement de bien. Et puis le Serpentard prend la parole, et pour la première fois depuis des semaines ses émotions ne sont pas voilées.

« Merci pour tes excuses. C'est important pour moi. Mais pour l'instant… Il va me falloir du temps pour ordonner tout ça, tu comprends ? Je comprends très bien ce que tu as ressenti, lorsque tu disais que tu avais été conne de nous faire confiance. Je ne m'étais jamais ouvert comme ça, et j'en paie le prix. »

J'ai l'impulsion de me lever, de lui promettre que je ne ferai plus jamais quelque chose comme ça, de m'excuser encore, mais il secoue simplement la tête, comme si il savait.

« Quelque chose s'est brisé, et c'est encore trop tôt pour que je sache ce qui peut-être réparé. On est toujours amis, Vivian. Je sais que tu comprends, je sais que tu est désolée. Mais on est bien placés tous les deux pour savoir qu'il y a certaines choses pour lesquelles on ne peut rien. Pour l'instant, tout ce que je te demande, c'est de me laisser tranquille pour digérer ce qu'il s'est passé. »

Je reste figée, incapable de trouver mes mots, et de toute façon il a exprimé clairement sa volonté. Je dois lui laisser du temps, et ajouter quelque chose ne serait pas respecter ça. J'ai déjà fait assez de dégâts, non ?

Il laisse s'écouler quelques instants avant de dire :

« Je retourne au château, tu viens avec moi ?

-Je vais rester ici encore quelques instants. »

Ma voix ne tremble pas. C'est toujours lorsque je suis le plus mal, lorsque mon univers s'effondre, que j'ai la plus grande stabilité.

« À plus tard alors Vivian. Et merci de t'être excusée. »

Je ne réponds rien, regardant fixement la surface du lac, écoutant ses pas s'éloigner dans la forêt. Je suis incapable de bouger, incapable de faire le moindre geste. Si je bouge, je m'effondre. Je regarde le lac, fixement, mais mon regard passe au travers. Ce n'est que lorsque je n'entends plus du tout le Serpentard que je bouge enfin. Je passe mes bras autour de mes genoux et je serre, très fort. J'éclate à nouveau en sanglots. J'ai l'impression qu'un trou béant a pris la place de ma poitrine. Je ne sais pas si je réussirai à me calmer. J'ai l'impression qu'à nouveau, mon monde a basculé sur ses bases. J'essaie de ne pas pleurer trop fort, malgré tout, parce que je suis dehors, que n'importe qui pourrait me voir… Je l'ai trahi et je l'ai sans doute perdu. Son rejet fait mal, même si il est mérité. Et j'ai tellement peur qu'il ne se renferme. Je ne l'avais pas réalisé avant, et c'est dur d'en être certaine, parce qu'on ne se connaît pas depuis si longtemps que ça, mais j'ai l'impression qu'il était de plus en plus ouvert, et pas juste avec moi. Et j'ai peur qu'à cause de ce que j'ai fait il renonce à s'ouvrir. Qu'il s'isole. On est similaires, lui et moi, et je sais comment je réagirais. Je me sens déjà coupable, mais cette idée me fait encore plus culpabiliser.

Contre toute attente, je me calme relativement vite, une forme de paix prenant forme dans mon esprit. J'ai peut-être trop pleuré aujourd'hui. Je suis peut-être trop impuissante. J'ai toujours aussi mal, mais je laisse ça de côté pour l'instant pour regagner le château. Je n'utilise pas l'occlumencie pour repousser ces sentiments, néanmoins, parce que c'est la première fois depuis des semaines que je ne dissocie pas, et agir ainsi me repousserait sans doute dans le brouillard. Et surtout, je mérite de ressentir les conséquences de ce que j'ai fait. Je ne dois pas fuir. Je ne peux plus, après tout, puisque je ne peux plus mourir.

Lorsque je rentre dans le château, je trouve Arthur près de l'entrée. Il m'attendait sans doute, puisqu'il est seul, pour une fois. En soupirant, je me dirige vers lui.

« Tu vas bien, Vivian ? Je t'ai pris à manger au dîner. »

Je hausse les épaules. Pour une fois, je n'ai pas envie de mentir. À quoi bon ? Ça m'étonnerait qu'il me croie, mais de toute façon sa question devait être rhétorique car il n'insiste pas lorsque je me contente de le remercier pour la nourriture. Il m'accompagne une partie du chemin avant de s'arrêter.

« Je dois retourner à ma salle commune maintenant, c'est bientôt le couvre-feu.
-Pas envie de voir le concierge ? »

Arthur frisonne, et je ne suis pas certaine que ça soit entièrement simulé.

« Non merci ! Passe une bonne soirée, Vivian. Et n'oublie pas que tu peux venir me parler quand tu veux.
-Je sais. » je réponds, avec un sourire.

Sans réfléchir, je le serre brièvement dans mes bras. Surpris, il n'a pas le temps de réagir, et je m'éloigne avant qu'il n'aie le temps de bouger.

« Merci Arthur. Et désolée d'être comme ça.
-Ça va Vivian ? Là, tu m'inquiètes vraiment ! »

Sa plaisanterie m'arrache un fantôme de sourire, et je suis reconnaissante qu'il n'essaie pas de me faire un câlin, ou quoi que ce soit du genre.

« Je m'inquiète aussi, rassure toi. » je plaisante, avant d'ajouter plus sérieusement : « Ne t'inquiète pas je suis juste… reconnaissante pour ce que tu fais pour moi. Bonne soirée ! »

Et je m'enfuis avant qu'il ne puisse me retenir.

xxx

« I hid it well and no one wanted to know »
-Réflexion tirée du carnet bleu de Vivian-


Fin du chapitre, qu'est-ce que vous en avez pensé? J'aime particulièrement l'interaction avec Ewald, même si elle est triste.
Comment vous voyez la suite?

à bientôt (ou à dans trois mois, vous mêmes vous savez)