Hinata n'avait pas dormi de la nuit, et cela se voyait sur son teint. Ses yeux étaient las et des cernes lui barraient le visage. Ses cheveux ressemblaient à un nid d'oiseau. La jeune fille se passa une main sur le visage en laissant échapper un soupir. « Tout finit et tout commence aujourd'hui » pensa-t-elle à mesure que des larmes roulaient sur ses joues. Elle les essuya alors d'une main rageuse. « C'est la dernière fois que tu pleures » s'imposa-t-elle en son for intérieur. Elle ne voulait plus pleurer, elle ne voulait plus que ses larmes coulent pour des choix qui n'étaient pas les siens. Elle devait suivre son destin. Ne devait plus pleurer. Elle devait être une femme forte, elle avait devenir chef de clan. Même si ce n'était pas le sien. Un coup frappé à sa porte sortit la jeune femme de sa torpeur. En activant son Byakugan elle vit qu'il s'agissait d'une ribambelle de servantes portant des brosses, des vêtements, des crèmes. Tout l'attirail pour préparer la futur mariée.

_Entrez, annonça Hinata d'une voix qu'elle voulait forte.

Dans la seconde la porte de papier coulissa et les servantes firent leur entrée dans la chambre d'Hinata. Sans dire un mot elle attrapèrent la jeune fille et commencèrent à la préparer pour la cérémonie. Elles s'attaquèrent d'abord à ses cheveux qu'elles brossèrent avec énergie jusqu'à leur rendre leur aspect habituel de cascade indigo. Elles déshabillèrent ensuite la jeune fille pour l'enduire de toutes sortes de crèmes. Des crèmes qui rendent la peau douce, et brillante, mais certaines aussi censées améliorer la fertilité, et provoquer un effet aphrodisiaque chez celui qui touchait la peau. Hinata ne put s'empêcher de laisser échapper un frisson en pensant à l'effet de la crème. «Pourquoi faut-il qu'ils doivent aussi décider de ça ? » pensa-t-elle honteuse.

C'était son corps. Ils décidaient déjà de son mariage, de la suite de sa vie, et voilà qu'ils prenaient même des dispositions pour son corps, pour sa vie sexuelle. Elle en était malade. Plus rien ne lui appartenait. Ni son corps, si son libre-arbitre et peut-être même plus ses pensées.

De nouvelles servantes arrivèrent ensuite en apportant le Shiromuku (kimono appelé Shiromuku (白無垢 à manches longues et de couleur blanche) comme s'il s'agissait de la relique la plus précieuse du clan. Et d'une certaine façon ça l'était puisque c'était la tenue de mariage de sa mère. Hinata était livide. Elle ne voulait absolument pas porter le kimono de sa mère. Elle ne voulait pas souiller cette relique de sa mère avec un mariage qui l'a terrifiait. Au moins sa mère aimait son père quand ils se sont mariés. Cette tenue était le symbole d'une union d'amour, il ne pouvait devenir le symbole d'un vulgaire contrat entre clans.

Hinata soupira mais se laissa pourtant habiller. Elle n'avait pas son mot à dire de toute façon. Elle devait obéir, elle l'avait fait toute sa vie, et le ferait sûrement tout le reste de son existence. La jeune fille s'abandonna alors aux mains expertes de ses servantes.

Elle avait les lèvres peintes en rouge vif et la peau fardée de blanc. Son chignon agrémenté d'ornements tirait ses cheveux en hauteur. Son kimono à manches longues—d'un blanc immaculé la faisait paraitre minuscule. Elle semblait comme disparaitre sous sa tenue. Pourtant elle garda la tête haute et le visage fier. Mais Sasuke savait—et il était sûr que tout le monde pouvait le voir—que sous la surface se cachait une jeune femme résignée.

Son regard était lointain, comme ailleurs, lorsqu'ils réalisèrent l'étape du San San Ku Do. A l'instar de son futur époux elle but pourtant les trois différentes coupes de saké données par une miko. Les trois coupelles différentes étaient censées symboliser le passé, le présent et le futur. En buvant ainsi le saké, les futurs mariés prêtent le serment de partage éternel des joies et des peines. Sasuke et Hinata savaient parfaitement que ce mariage n'était pas une affaire de partage, loin de là. C'était une alliance égoïste, où chacun y trouvait un intérêt personnel. Oui, même Hinata, qui au moment d'avancer vers l'autel, s'était rendu compte qu'en acceptant ce mariage elle échappait aussi à un autre sort tout aussi funeste. Appartenant à un autre clan, elle ne pouvait plus désormais être menacée du sceau de l'oiseau en cage. Elle était libre—libre d'être la prisonnière d'un autre. Tout juste libre, on l'emprisonnait à nouveau.

Au moment de l'échange des alliances, c'est Sasuke qui prit l'initiative. C'est lui qui avait choisi les anneaux. Sasuke avait choisi d'utiliser les alliances de ses grands-parents maternel. C'est en repensant à son grand père, un homme bourru, et sa grand-mère, une femme taciturne, qu'il avait pris sa décision. Les alliances étaient de simples anneaux d'or blanc, sans aucune fioriture. Aux yeux de tous, Sasuke attrapa la main gauche d'Hinata et passa la bague au doigt de la jeune femme. A son tour, Hinata fit de même. Et par ce simple geste devant témoins, ils étaient mariés. Ils se tenaient toujours la main quand on entonna une prière pour clore la cérémonie.

La réception fut brève, mais animée. Amis et familles furent conviés à partager un repas en l'honneur des mariés. Sasuke et Hinata parlèrent peu, seules les formules de politesse et de remerciements quittant leurs lèvres. Hinata s'efforça cependant d'afficher un sourire sur son visage dès que sa sœur la regardait. Elle voulait paraitre sereine, digne en toutes circonstances. Sasuke gardait un air impénétrable, comme si les évènements qu'il vivait ne le concernait pas vraiment. Il était là, simplement là. Et c'était tout.

Comme la tradition le voulait, les jeunes mariés quittèrent leurs convives en fin d'après-midi. L'époux devait alors conduire sa femme dans son nouveau foyer, où l'union pourrait être consommée à l'abri des regards. Regardant sa grande sœur s'en aller, Hanabi, sentit son cœur se briser et elle fut persuadée d'entendre clairement le cœur d'Hinata se briser à son tour.

_Et voilà ta chambre, annonça-t-il en ouvrant la porte de la deuxième chambre de la maison.

Les affaires de la jeune femme étaient entreposés dans la pièce. Elle savait que ses effets personnels avaient été apportés lors de la cérémonie. Ce fut cependant étrange de voir ce qu'il lui appartenait, ici, dans cet endroit.

Hinata écarquilla les yeux—surprise. Elle ne s'attendait pas à avoir sa propre chambre. Un microscopique sourire se dessina alors sur ses lèvres. Sasuke regardait la pièce sans vraiment la voir. Comme tout au long de cette longue journée, il semblait absent, ailleurs. « La journée a été aussi dure pour lui que moi » pensa-t-elle. Et c'était étrange, car c'était lui qui avait demandé ce mariage. Pas elle. C'était à cause de lui si ils étaient dans cette situation. Il l'avait choisi.

Sasuke venait de faire visiter à Hinata la demeure qui était désormais sienne. Elle avait pu apprécier la propreté et l'ordre qui régnait dans la maison du dernier Uchiha. Elle avait aussi pu se rendre compte de l'impression de vide qui y régnait. Le silence assourdissant, l'état méticuleux presque clinique dans lequel se trouvait la maison. Surtout depuis qu'ils s'étaient retrouvés seuls une atmosphère lourde entourait les deux ninjas. Et à mesure que le temps passait, que dehors la lune prenait la place de l'astre solaire, cette ambiance pesante grandissait.

_Hn, Merci, répondit-elle, refusant de croiser son regard.

Sans un mot de plus Sasuke se dirigea vers la salle de bain. Ce n'est que quand elle entendit l'eau couler qu'elle laissa échapper un soupir bruyant. Posant une main sur sa tempe, elle se rendit compte que ses doigts étaient glacés. Un frisson lui parcouru l'échine alors qu'elle avait l'impression de manquer de souffle. Son cœur rata un battement et elle eut l'impression de s'étouffer.

« Respire. Inspire, expire. Respire juste ».

Elle se mit alors à défaire sa coiffure. Elle enleva les bijoux, les pinces, les épingles pour que ses cheveux puissent à nouveau librement tomber ses épaules. Elle passa une main dans ses cheveux, appréciant la douceur de sa chevelure. Elle se peigna distraitement avec les doigts.

Les sens en alerte, elle put entendre Sasuke sortir de la salle de bain pour entrer dans une autre pièce. La chambre parentale, comme il le lui avait présenté. Quand il lui avait présenté cette pièce, elle avait cru apercevoir un furtif rougissement sur les joues de Sasuke. Mais il avait disparu aussi rapidement qu'elle avait cru le voir apparaitre. Maintenant, c'est elle qui rougissait. Elle entendit alors une porte se refermer brutalement.

« Inspire. Expire ».

Un knock à sa porte sortit Sasuke de sa torpeur.

Après s'être débarrassé de sa tenue de mariage et avoir fait un brin de toilette, il s'était enfermé dans sa chambre. Il s'était alors changé pour une tenue plus confortable. Enfermé dans cette chambre, la chambre parentale comme il l'avait lui-même décrit à Hinata, il faisait les cent pas, pensées sombres et sharingan activé quand on toqua à la porte.

Les cheveux encore mouillés par sa douche, des gouttes lui mouillant le cou, il alla ouvrir.

Elle se trouvait là, sur le pas de sa porte. Toujours habillée de son Shiromuku, et les yeux rivés sur le sol. En l'observant il pouvait remarquer qu'elle avait les joues rouges et le souffle court. Il l'a trouva fragile. Pire que cela, elle paraissait apeurée. Il voulait la forcer à remonter la tête, à croiser son regard. Il voulait peindre un air fier sur son visage, effacer la peur qui se dessinait sur ses traits. « N'ais pas peur » avait-il envie de lui dire. Il ne le fit pas.

_Je, j'ai besoin d'aide.

Elle avait couiné, plus que parlé. Sa voix presque inaudible. Elle refusait toujours de le regarder et gardait son regard rivé sur le sol. Ses cheveux détachés, ils encadraient son visage, cachant sa figure bouleversée. Avec ses mains elle jouait nerveusement avec la ceinture de son kimono.

_Je ne peux pas le retirer seule, ajouta-t-elle finalement après un moment.

Un grognement involontaire s'échappa de la gorge de Sasuke.

_S'il te plait.

Elle leva enfin les yeux vers lui. Ses grands yeux blancs le fixèrent—il fut sur de voir une lueur de terreur dans ses orbes sans pupilles. C'est lorsqu'il sentit cette image se graver dans sa mémoire qu'il se rendit compte que son sharingan était toujours activé. Il ne pouvait qu'imaginer le reflet monstrueux qu'il avait dû lui renvoyer. Il avait l'habitude de la terreur que pouvait créer sa pupille rouge. Pourtant son cœur se serra de la voir elle, celle qui était devenue sa femme, effrayée par son attribut génétique. Il désactiva son dojutsu et l'invita à entrer dans la chambre.

_Viens, dit-il simplement.

Sa voix n'était pas douce, mais elle n'était pas dure non plus. Hinata s'en contenta. Les yeux rivés sur le dos du dernier Uchiha elle le suivit jusqu'à ce qu'il fit une pause devant un antique miroir à pied. Elle se plaça face au miroir tandis que celui qui était devenu son mari se plaçait juste derrière elle. Elle sentit alors son souffle chaud balayer les quelques mèches folles qui étaient retombées sur sa nuque. Elle frissonna.

Elle ferma les yeux et Sasuke commença à défaire son kimono. Avec des gestes méticuleux il dénoua les divers pans du précieux habit. Cela lui prit un moment—c'était la première fois qu'il faisait ça. Hinata gardait les yeux fermé—ne voulant pas voir dans le miroir le reflet de son mari qui la déshabillait. Pourtant, alors qu'elle avait lutté toute la soirée pour garder une respiration normale, à ce moment-là elle eut l'impression d'avoir les poumons remplis d'air. Elle respirait. Elle respirait bien.

_C'était le kimono de ma mère. Celui qu'elle portait le jour de son mariage.

En entendant sa voix Sasuke jeta un coup d'œil dans le miroir. Les yeux toujours fermés, sa femme souriait légèrement. Sans s'en rendre compte, un sourire se dessina à son tour ses lèvres.

_C'est un très beau kimono, répondit-il finalement les yeux toujours fixé sur le reflet du miroir.

_Merci, murmura-t-elle à peine audible.

Sasuke reporta son attention sur sa tâche. En silence il continua de dénouer le kimono. Quand il délassa le dernier pan, le vêtement tomba au sol dans un bruit lourd. Devant lui, devant le miroir, Hinata se retrouva en nuisette couleur chair. Il eut un mouvement de recul alors qu'il sentait un fourmillement familier se déclencher dans sa pupille. Son sharingan allait se déclencher—voulant embrasser de son regard rouge la silhouette de la jeune femme devant lui. Son dojutsu voulant inconsciemment garder en mémoire l'image qu'il avait sous les yeux. La peau blanche de la jeune femme, le dessin de ses formes, la beauté de son corps. Il secoua alors la tête, reprenant le contrôle, et gardant son dojutsu désactivé.

_Va au lit, lui intima-t-il finalement.

Hinata sursauta et ouvrit les yeux. Elle s'attendait à trouver le regard de Sasuke dans le reflet du miroir, mais celui-ci s'était retourné. Elle ne vit alors que son dos. Ses cheveux sombres retombant sur sa nuque.

Comme en transe, elle se dirigea alors vers le lit et se glissa sous les couvertures. Elle ne s'était même pas rendu compte qu'elle s'était glissée dans ce lit-là.

Sasuke se retourna et vit alors sa femme dans son lit, dans leur lit. Son cœur rata un battement. Le souffle lui manqua. Il cherchait de l'air.

_Hinata, murmura-t-il incapable de dire autre chose.

En réalité, il était même incapable de penser. Il la voyait dans son lit, et était comme figé, bloqué. Elle leva alors le regard vers lui, et leurs yeux se rencontrèrent. Blanc et noir. Noir et blanc.

_Ils vont vérifier tu sais, dit-elle finalement ses yeux sans pupilles toujours plantés dans les siens.

Cela sembla le ramener à la réalité. Il imagina alors des yeux comme les siens, grands ouverts, les observant tous les deux. Vérifiant qu'ils partageaient le même lit, qu'ils consommaient cette union. C'était cela qui rendait vraiment un mariage officiel, ils le savaient tous les deux. La rage l'envahit. Elle le vit, mais ne s'en effraya pas. Au contraire, elle lui offrit un sourire. Un vrai sourire. Son cœur rata un deuxième battement.

_Je suis désolée.

_Moi aussi.

Il se glissa à son tour dans le lit. Elle frissonna. Il se tourna vers elle. Elle frissonna à nouveau. Il posa une main sur sa joue, et elle arrêta de frissonner. Elle le regardait toujours, ses grands—trop grands—yeux l'observant avec appréhension. Sa main toujours posé sur son visage, il caressa doucement sa joue. Il n'avait pas l'habitude d'être doux. Ce n'était pas désagréable.

_Ca va aller, dit-il d'une voix qu'il espérait douce.

Elle hocha doucement la tête.

Maladroitement, ils consommèrent leur union. Ce fut bref et étrange. Ils ne s'embrassèrent pas, ce dont ils furent content tous les deux. Pourtant alors qu'ils perdaient tous les deux quelque chose qui leur appartenait depuis longtemps, pendant un instant, ils eurent l'impression de gagner autre chose. Ils perdaient leur virginité, leur innocence, mais gagnaient un allié, un compagnon. Ce sentiment fut bref, bientôt remplacé par une douloureuse apathie.

Après cela ils s'endormirent—leur union consommée, ils pouvait désormais s'enfuir dans une autre réalité.