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Foi.
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Il avait fallu de nombreuses heures à Harry pour enfin avoir le fin mot de l'histoire. Entre deux sanglots déchirants, Anton avait fini par révéler qu'une faute d'inattention de sa part avait entraîné la chute de l'un des chevaux. Ce dernier s'était retrouvé pattes brisées et il ne restait plus rien d'autre à faire qu'abréger ses souffrances.
Seulement Anton, 17 ans, n'avait jamais eu à apporter la mort à quiconque et devoir le faire, de sa propre main, le terrifiait plus que de raison. Il se tenait donc devant l'animal agonisant, incapable de raisonner correctement ou de prendre la moindre décision.
Par un triste coup du sort, c'était justement à ce moment précis que le jeune Lord Gaunt était rentré de l'une de ses excursions. Un simple coup d'œil à la scène l'avait fait sortir hors de ses gonds et… et la suite Harry la connaissait.
Tout n'était pas perdu, bien sûr, mais dans la réaction violente de Tom Riddle, Harry avait reconnu la trace du Voldemort qu'il avait combattu. Pas grand-chose. Juste une ombre peut-être. Un voile de folie. De haine. Et beaucoup de ténèbres.
Il ne fallait pas être Merlin pour savoir qu'elles étaient déjà en train de le dévorer de l'intérieur, tout puissant qu'il était.
Bien sûr, Tom était puissant. Après tout, il était le seul sorcier à avoir scindé plusieurs fois son âme et à en avoir survécu. C'était un exploit en soit et ça prouvait surtout la force qui l'habitait. S'il n'avait pas pris une voie si… stupide, Riddle aurait vraiment pu devenir quelqu'un d'extraordinaire. Mais, une fois les deux pieds engloutis par les sables mouvants de la magie noire, Tom avait creusé encore plus profondément.
Et personne ne l'avait arrêté.
Harry se demanda s'il arriverait à l'en extirper avant qu'il ne soit trop tard et il ressenti une étrange vague de compassion l'envahir, qu'il tenta de réprimer.
Putain.
Il avait vraiment un problème. Son psy appelait ça le « syndrome du sauveur » et Harry dût reconnaitre qu'il avait raison. Comment pouvait-il ressentir de… l'attachement ? pour une ordure comme Voldemort ? C'était ridicule.
Totalement ridicule.
Mais… mais s'il avait la moindre chance de modifier ainsi le futur qu'il avait connu ? Si… le simple fait de… tendre la main… pouvait changer tous les événements funestes à venir alors… alors il devait tenter. Après tout, il était coincé ici, n'est-ce pas ? Et il n'était pas homme à ne rien faire.
Il devait même avouer que cette petite… excursion dans le passé le rendait plus vivant qu'il ne l'avait été depuis longtemps.
Bien sûr cela n'enlevait rien à la dangerosité de Voldemort. Même jeune et… hum… beau, il restait un tueur. Un assassin. Harry ne devait surtout pas relâcher sa vigilance ou il signerait lui-même son arrêt de mort.
Perdu dans ses pensées, il ne se rendit pas tout de suite compte qu'il s'était inconsciemment dirigé vers la bibliothèque. Ce fut une voix grave et glaciale qui lui fit prendre conscience de son environnement : « Monsieur Potter… où que j'aille, il semblerait que vous y soyez aussi. »
Harry, surpris, releva les yeux, pour plonger directement dans ceux de Tom Riddle. Ce dernier, tranquillement assis dans un des confortables fauteuils de la bibliothèque, un livre ouvert dans les mains, observait le nouveau venu avec un calme déconcertant.
« Où est passé la furie sanguinaire de tout à l'heure ? » S'interrogea Potter avec curiosité. Sans dire un mot, il fit demi-tour pour trouver la porte. La voix de Tom l'arrêta : « Vous n'utilisez pas le… cadeau que je vous ai offert ? »
Harry se retourna, perplexe. Le cadeau ? Un éclair le frappa : Ha ! La canne… il eut un sourire tordu : « Je n'en ai pas besoin… »
« Vraiment ? – Tom croisa ses longues jambes avec délicatesse et un rictus amusé déforma un instant ses traits – Quel dommage… il serait regrettable que votre… douleur s'intensifie ces prochains jours. »
La menace était à peine voilée et Harry sentit une vague de colère le transpercer : « Je vous remercie de votre… sollicitude, Lord Gaunt. Cependant je pense pouvoir m'occuper de moi-même sans recourir à vos services. »
Le livre claqua sèchement entre les mains de Tom Riddle. Il n'avait pas quitté Harry des yeux et celui-ci sentit l'aura sombre s'étendre jusqu'à lui. « Monsieur Potter. Vous ne semblez pas beaucoup m'apprécier. »
Harry senti son cœur s'accélérer : « En effet. Je ne vous aime pas beaucoup. »
« Ha ! – un sourire mauvais avait éclot sur les lèvres de Tom et il se pencha légèrement vers Harry comme pour mieux entendre ce qu'il avait à dire – Et pourquoi cela ? »
« Vous voulez la version courte ou longue ? »
« J'ai tout mon temps. »
Le regard d'Harry devint froid : « Vous êtes égoïste, imbu de vous-même. Vous êtes cruel, impatient, intraitable… dois-je continuer ? »
Merde.
Merde merde merde. C'était sorti tout seul. Super Harry ! Meilleure façon de se rapprocher de quelqu'un ! Un champion des normes sociales ! Vraiment ! Nickel !
Mais, plutôt que de s'offusquer, Tom Riddle inclina la tête avec un intérêt manifeste, un sourire narquois étirant ses lèvres pâles. « Continuez, Monsieur Potter, je vous trouve… plutôt divertissant. »
Bon. Foutu pour foutu… Harry soutint le regard de Tom avec une détermination féroce. « Vous n'avez aucun respect pour la vie, aucune considération pour les autres. Vous manipulez, vous contrôlez, vous détruisez. Voilà tout ce que vous savez faire. Et pire encore, vous êtes prêt à sacrifier n'importe qui pour atteindre vos objectifs. »
Un éclat de mépris brilla dans les yeux de Tom, mais il ne prononça pas un mot. Harry, cependant, maintenant qu'il était lancé, n'avait pas l'intention de s'arrêter là : « Vous avez cette arrogance dérangeante, comme si vous étiez au-dessus de tout, au-dessus des règles. »
Tom se leva lentement, laissant le livre glisser de ses mains sur le fauteuil.
Harry recula d'un pas. « Et en plus de tout cela, vous avez une fascination malsaine pour le pouvoir et la magie noire. »
Le sourire de Tom s'élargit alors qu'il s'approchait de lui : « La magie noire est simplement une expression du véritable pouvoir, Monsieur Potter. La véritable puissance réside dans la capacité à embrasser les ténèbres et à les maîtriser. »
Harry secoua la tête avec dédain. « Ce n'est pas du pouvoir, c'est de la folie. Vous êtes aveuglé par vos propres ambitions. »
Tom s'approcha encore de lui, une lueur froide dans les yeux : « Vous parlez avec une telle assurance, Potter. Comme si vous déteniez la vérité ultime. »
Harry recula encore et sentit bientôt le bois de l'étagère s'enfoncer dans son dos.
Putain. Lui et sa grande bouche ! C'était plus fort que lui ! Jamais capable de la fermer quand la situation l'imposait ! « Peut-être pas la vérité ultime, mais certainement une version bien plus saine et équilibrée que la vôtre. »
Tom était désormais à quelques pas de lui. Il tendit la main et laissa un doigt ganté glisser le long de la mâchoire d'Harry, provoquant un frisson involontaire chez ce dernier : « Et pourtant, vous êtes toujours là, près de moi, Monsieur Potter. »
Harry était coincé contre l'étagère et la proximité de Tom était aussi dérangeante que captivante. Cependant, il ne se laissa pas déstabiliser : « Parce que je sais que vous êtes le produit de vos choix et pas celui de la magie noire. »
Tom sourit d'un air moqueur et un éclat d'amusement passa dans ses yeux : « Et que comptez-vous faire, exactement ? »
Harry répondit sans hésiter : « Les gens peuvent changer s'ils le veulent vraiment. »
Tom approcha son visage de celui d'Harry, créant une distance presque insupportable entre leurs lèvres : « Et vous pensez pouvoir me changer, Monsieur Potter ? »
La voix de Tom était un murmure, presque séduisant, et Harry sentit ses jambes fléchir. Il ne pouvait nier que la proximité physique de l'homme avait un impact sur lui, mais il refusait de céder à ce petit jeu malsain. Il s'appuya fermement contre l'étagère pour conserver son équilibre : « Peut-être pas, mais ça ne me coûtera rien d'essayer. »
Tom éclata d'un rire léger, hypnotique, avant de se détourner brusquement et de retourner à son fauteuil : « Très bien, Monsieur Potter, voyons jusqu'où vous mènera votre foi. »
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