Chapitre 12

Steve faisait son sac à toute vitesse, tout son corps lui faisait mal, chaque mouvement était un rappel des tortures qu'il avait endurées, mais il ne s'en souciait guère, Charlie ne lui répondait pas. Il devait aller en Roumanie et retrouver son âme-sœur. Ils avaient beau ne pas vivre ensemble, ne pas se voir souvent, il ne concevait pas sa vie sans lui. Danny l'attendait dans le salon, en silence, il comprenait sa décision et la soutenait tant qu'il pouvait partir à la recherche du rouquin avec lui.

Il venait de terminer son sac, lorsque Danny l'appela en montant les escaliers quatre à quatre, son téléphone à la main.

"C'est Charlie." lui dit-il dès qu'il le vit.

Le soulagement qui déferla en Steve à cet instant le força à s'asseoir sur son lit. Tout son corps tremblait quand Danny lui tendit le combiné.

"Allo ?

- Eh, dragoste, qu'est-ce qui se passe ?

- Oh mon dieu, Charlie, tu vas bien ?"

Il savait que son sorcier entendait l'inquiétude dans sa voix, mais il ne parvenait pas la cacher.

"Oui, je vais bien, je dormais. Il n'y a que ton ancien numéro qui sonne la nuit alors je n'ai pas eu tes appels avant ce matin. Qu'est-ce qui te met dans cet état, dragoste ?"

Le militaire réalisa que c'était Charlie qui risquait de paniquer s'il lui racontait tout au téléphone. Il s'avoua aussi que son besoin de voir son compagnon ne s'était pas calmé en apprenant qu'il allait bien, il ressentait le besoin impérieux d'être avec lui.

"Je… euh… est-ce que tu es chez toi pour les jours à venir ?

- Oui, je reste à la réserve.

- Je suis en arrêt pour deux semaines, je…

- Oui, viens. Tu me raconteras ce qui t'es arrivé à la maison, OK ?

- Super, je prends le premier vol, confirma Steve, soulagé.

- Dis-moi quand part le portoloin international, je viendrai te chercher à l'aéroport.

- Je peux transiter jusqu'à la rés…

- Arrête Steve, le coupa Charlie. Je vois bien que tu es inquiet, mais je resterai dans l'aire d'arrivée du portoloin, t'en fais pas, il ne m'arrivera rien."

Steve inspira un grand coup, il était déraisonnable et il le savait, mais apprendre que son secret était connu de la personne qui avait orchestré son enlèvement et l'avait torturé lui faisait perdre son sang froid.

"OK, je t'appelle de l'aéroport, reste à la réserve en attendant.

- Promis, à tout à l'heure."

Steve raccrocha, tendit le téléphone à Danny puis se prit la tête entre les mains alors qu'il tentait de juguler ce qu'il se passait en lui : le soulagement de savoir que son homme allait bien, l'impression d'avoir été ridicule à s'inquiéter de la sorte, la rage de mettre Wo Fat derrière les barreaux, la fatigue de tout ce qu'il venait de vivre.

"Je te conduis ? proposa Danny en lui tendant une main. A ta place je pense que j'aurais sauté dans un avion dans les cinq minutes suivant ma sortie de l'hôpital."

Steve sourit, amusé par la tentative de son ami de le rassurer.

"C'est ce que j'aurais fait si tu ne m'en avais pas empêché.

- Peut-être, mais crois-moi j'aurais été dans un état pire que le tien à ta place.

- Je veux bien que tu me déposes."

Ils échangèrent un sourire et partirent, Steve prétendit préférer prendre son billet au comptoir pour que Danny ne se pose pas trop de questions et refusa qu'il l'accompagne dans le bâtiment. Il remercia son ami, lui promit de lui envoyer des nouvelles et entra dans l'immense hall. Sans hésiter, il reproduisit ce que Charlie lui avait montré une fois et il se rendit dans un petit café où il n'y avait presque personne.

"Je voudrais un portoloin s'il vous plaît, demanda-t-il à la vendeuse qui l'observa sous toutes les coutures.

- Bien sûr, veuillez me suivre en réserve." finit-elle par répondre.

Ils passèrent une petite porte derrière le comptoir que la vendeuse referma derrière eux.

"Avec quoi payez-vous ?" demanda-t-elle.

Steve ignora le ton ennuyé et lui montra ses plaques militaires qui ne le quittaient jamais au dos desquelles Charlie avait gravé des runes.

"Je vois." dit la sorcière en sortant sa baguette.

Elle fit un mouvement de bras en direction d'une de ses étagères qui devint floue.

"Bon voyage."

Steve la remercia et traversa le passage. De l'autre côté se trouvait un grand hall entouré de piliers en bois en haut desquels des informations étaient notées. Le soldat essaya de ne pas dévisager les sorciers, elfes, géants et autres personnes qu'il croisait et se fraya un chemin jusqu'au bureau des renseignements.

"Bonjour, je voudrais un portoloin pour Bucarest, s'il vous plaît, demanda-t-il au sorcier qui se tenait derrière le comptoir.

- Le prochain est dans quinze minutes, le suivant demain, répondit l'homme d'une voix traînante en regardant un parchemin qui semblait s'enrouler sur lui-même de lui-même.

- Dans quinze minutes c'est très bien.

- D'accord, votre baguette pour procéder à l'enregistrement."

Steve retira la chaîne avec ses plaques et la tendit au sorcier.

"Je vois." dit celui-ci.

Il fit quelques mouvements de baguette en grommelant en direction des plaques et en notant sur son parchemin, puis les lui rendit.

"Borne 4, annonça-t-il avant de baisser la tête vers ses notes.

- Je n'ai rien à payer ? demanda Steve surpris.

- Ce sera prélevé du coffre de votre conjoint. Allez-y, votre portoloin part dans cinq minutes."

Le militaire suivit la direction que le sorcier lui avait montrée du bras et grâce aux numéros au plafond trouva le lieu avec facilité. Il y avait huit personnes rassemblées autour d'une planche de surf chargée de bagages, chaque personne touchait la planche d'une main, et une elfe de maison habillée de tissu bleu l'accueillit.

"Des bagages, monsieur ?

- Juste mon sac à dos, répondit-il en le désignant.

- Vous pouvez le garder ou le poser sur la planche, à votre guise." l'informa l'elfe en lui désignant où s'installer.

Steve posa son sac et sa main sur le portoloin tout en gardant la bretelle de son bagage autour de son bras. Il regarda le minuteur face à lui, il partait dans moins d'une minute, il n'avait pas le temps de prévenir Charlie, il devrait le faire à l'arrivée et l'attendre.

Un homme aux traits asiatiques, en costume, arriva en courant et se plaça juste derrière Steve deux secondes avant que l'horrible sensation du portoloin ne tire ses passagers en avant. Il avait déjà utilisé ce système de transport avec Charlie et, malgré son côté très pratique, le détestait. Il avait horreur de l'impression d'être agrippé par un crochet au niveau du nombril et tiré en avant. Le tourbillon de couleurs qui l'entourait lui donnait des vertiges à chaque fois, d'autant plus quand le trajet était long, ce qui fut le cas cette fois-là. Il eut la sensation de rester des heures accroché au vent et sut avant même de toucher le sol qu'il ne parviendrait pas à atterrir sur ses pieds. Le choc de l'arrivée combiné aux dernières heures qu'il avait vécues lui scièrent les jambes, elles se dérobèrent sous lui et il serait tombé si deux bras forts ne l'avaient pas retenu.

"Vous allez bien ?" retentit la voix inquiète de l'homme derrière lui très proche de son oreille.

Le non-maj acquiesça et se remit debout avec l'aide de l'inconnu qui laissa ses mains glisser sur le corps musclé du soldat, il ne le lâcha pas non plus lorsque Steve se retourna pour le remercier et assura même sa prise sur ses hanches.

"Je peux vous inviter à prendre un verre ? demanda l'homme.

- Non, merci, tenta Steve en reculant sans parvenir à faire lâcher l'autre.

- J'aimerais beaucoup apprendre à vous connaître.

- Je ne suis pas intéressé, maintenant lâchez-moi.

- Je ne vois pas de bague à votre doigt, donc vous êtes libre.

- Un problème messieurs ? les interrompit un agent de sécurité alors que Steve commençait vraiment à perdre patience.

- Non, il a été pris d'un vertige, je m'assurais juste qu'il ne tombe pas." mentit l'homme avec assurance.

Enfin, il s'éloigna, mais pas le garde qui voulut s'assurer que Steve était capable de tenir debout. Agacé par ce qui venait de se passer, il remercia le garde d'un ton sec, prit son sac et alla s'asseoir face aux cheminettes qu'il avait repéré en face de la zone d'atterrissage. Là, il put envoyer un message à Charlie pour lui demander de venir le chercher. Son amant lui renvoya un message tout de suite pour lui dire qu'il en avait pour cinq minutes. Le soldat laissa son regard errer autour de lui pendant qu'il attendait, il repéra les sorties, les hommes de la sécurité, plusieurs créatures qu'il n'avait jamais vues et l'homme qui lui avait fait du rentre dedans installé à un café qui sirotait un verre sans le lâcher des yeux. Son estomac se tordit lorsqu'il le vit se lever et venir vers lui, pas qu'il ne soit pas capable de se défendre s'il le touchait encore, mais Steve redoutait qu'il n'utilise la magie contre lui, dans ce cas-là il serait sans défense et il détestait cela.