CHAPITRE 9 : … pour prédire l'avenir (partie 2)

Le ciel tournait du lie de vin au gris argentin, blanchi par la pâleur lunaire du soleil.

Flopin avait passé une sale nuit, lui qui était habitué au calme outrageusement religieux de sa campagne. Par chance, un orage souleva une humidité insupportable vers trois heures du matin, les retardataires durent abandonner leurs pintes, bobiner les tapis colorés, couvrir les braises et calfeutrer les seuils des portes.

Isolés, la famille Percedal ne croisaient que quelques voyageurs par mois et leur éducation sociale ne tournait qu'autour de la confrérie. Depuis sa naissance, Flopin avait été rodé à une routine bien précise partir se ravitailler tous les 15 du mois, vérifier l'état des récoltes à l'aube, chasser du gibier avant midi, aider sa mère à la cuisine, nettoyer la table après le déjeuner, suivre les cours particuliers, se faire encastrer dans le mur par sa sœur cinq fois dans la journée, réparer les fuites d'eau, arroser les plants au soleil couchant, raconter des histoires assis en ronde dans le grand salon, dormir après avoir compté trois constellations.

Or aujourd'hui, personne ne vint le réveiller pour caresser les pousses ou s'entrainer à l'arc. Le crâ sortit s'aérer les poumons – Amalia n'exagérait pas tant que ça sur l'odeur de Ruel… - et l'esprit. Dehors, la micro-société reprit son cours.

Les vieux aux gencives affaissées hochaient la tête dans leurs fauteuils, les jeunes désherbaient et bêchaient, les bambins s'amusaient à identifier les limaces carnivores et chasser autres. Un calme éthéré d'après-fête embaumait la place centrale. Flopin rejoint une jolie Osamodas, coiffée d'une torque en coton, qui lui avait fait un clin d'œil la veille.

Elle s'était présentée, mais il n'arriva pas à retenir ni à prononcer son prénom. Elle lui apprit à ouvrir une courge sans se couper et expliqua comment elle empêchait l'oxydation d'un fruit qui ne poussait pas dans sa vallée enneigée. Ils préparèrent les repas pour les deux jours suivants sur un plateau de sapin équarri, Flopin s'occupait de la soupe tandis qu'elle préparait une énorme salade, elle lui fit goûter une mixture censée rappeler le goût de la viande, mais le crâ ne fut pas convaincu. Ses gâteaux lui semblaient trop secs et manquaient de garniture. Cependant, les légumes et fruits récoltés n'avaient besoin d'aucun assaisonnement tellement ils étaient riches en goût.

« Mais du coup… vous ne mangez aucune viande ? demanda Flopin en analysant les horizons exempts de clapets ou d'appentis.

- Jamais ! Les bêtes sont nos égaux dans notre religion, d'ailleurs, notre organisme nous permette de nous en passer. »

Le blond n'osa plus parler, de peur de dire quelque chose qu'il ne fallait pas. Peut-être même que sa présence était importune, lui, qui vénérait le dieu de la chasse. Dans sa montagne, où l'altitude ne permettait pas la culture des céréales et la température inhibait celle de nombreux végétaux, une vie sans protéine animale lui était inimaginable. Même pour la fabrication du savon, fertiliser leur semis ou tisser leur futur plaid, l'élevage et la chasse se retrouvait dans chaque case de sa vie.

La gamine trempa ses mains dans un bol de chapelure, puis prise d'une illumination, pointa un doigt sale vers la statue trônant au centre du village.

« ça, c'est notre dieu. Mais plus personne n'a confiance en lui ! Et plus personne ne suit ses préceptes…

- Euh… ce n'est pas dangereux, ça ? Je croyais que la puissance d'un dieu dépendait de la croyance des fidèles...

- C'est le cas. Mais c'est pas tant que les osamodas n'y croient pas, ils croient juste ce qui les arrangent.

- Puissance, puissance… ! s'esclaffa un vieil homme en faisant tournoyer sa canne, les dieux sont corrompus ! D'puis le chaos d'Ogrest, ils n'pensent qu'à ça !

- Tais-toi, vieux crouton ! rigola la fillette, tu vas postillonner dans la soupe !

- De quoi il parle ?

- L'bourricot jacasse des osas dragons. »

Elle rompit un œuf au-dessus d'un volcan de farine. La pâte granuleuse sous ses mains devint plus lisse à chaque fraisage.

« Ma mère dit que ça a commencé lors du chaos d'Ogrest, nos terres étaient inondées et toute la flore du monde des 12 bousculée. La faune avec. Ce n'était plus si intéressant – plus aussi puissant – de suivre la route traditionnelle d'invocation. Les osas se sont petit à petit dirigés vers la route dragon. Puis au fil des générations, ont oublié les bases, leurs ancêtres. Ils ont changé – évolué qu'ils disent. »

Elle coupa son boudin de pâte en tronçons, replia ses doigts et en un mouvement, transforma chacun d'eux en coquille. La moitié fut ratée, ses gestes emportés par son récit et ses mains par les émotions qui en découlaient.

La tête de Flopin bourdonnait d'idées muettes qui resteraient recouvertes de terre meuble pour germer plus tard, lorsqu'elles auront connu différents climats et luminosités. Il émit un son compatissant, se mâchant l'intérieur de la joue. Il voulait continuer la conversation, mais se savait assez incompétent socialement parlant pour ne pas s'engager sur cette piste glissante.

La fillette claqua sa langue quand elle remarqua qu'elle avait foiré ses pâtes préférées. Les mains sur les hanches, l'osamodas reluqua le crâ.

« Et toi, ch'ti fouineur, qu'est-ce qui t'amène à cette heure ? T'as une tête de grasse mat'.

- J'ai mal dormi, grogna le blond, vexé. J'arrivais pas à me rendormir avec les pyromanes… »

Pour bien comprendre son accusation, il faut revenir une heure avant l'incendie, par devoir de mémoire envers son pauvre sommeil meurtri. Parce que pyromanes, il y avait.

Un écran de fumée s'élargissait sur le miroir, guidé par le souffle chaud de Chibi. Le petit fragment de brume s'effilochait trop vite, comme un petit fantôme hésitant, pas assez pour qu'un petit doigt appliqué y esquisse une étoile filante. Elle se refléta dans les yeux de chats paresseux de l'Eliatrope avant que le fond s'évanouisse et que son trait ne devienne que d'infime goutte d'eau étalée salement sur le verre.

Des étoiles, Chibi en avait en provision, assez pour faire briller son imaginaire, ses espoirs, sa vie et celle de son jumeau. Son univers a toujours côtoyé l'espace, si ce n'était son père qui lui chantait des comptines, des aventuriers tapaient du poing sur les tables de l'auberge pour raviver des exploits, quand son frère dragon était à la maison, il lui récitait tout un roman de leur passé, de leur identité et construisait un avenir hors du commun, et enfin, le monde applaudissait les épopées de son frère Eliatrope, héro sauveur du monde des douze.

Oui, le petit buvait leurs paroles et aspirait la même vie. Avec Grougal, ils s'inventaient des scénarios, sauvaient des orphelins, combattaient des dirigeants totalitaires, pourchassaient les gredins, accompagnés de leurs grand-frères, ils formeraient une nouvelle confrérie, plus grande et plus glorieuse. Et leur périple commençait ici. Fini les épluchures au compost et les séances où ils astiquaient les verres à la vapeur d'eau ! C'était à eux d'explorer, à eux de conter pour éblouir et faire voyager !

Ainsi s'amusaient les jumeaux dans leur lit à cinq heures du matin, plus réveillés que jamais. Yugo, épuisé de la veille et réveillé par les ricanements, leur avait maronné de refaire le monde ailleurs. Se glissant chacun hors de leur lit mezzanine, ils avaient filé dans la salle d'eau pour barboter et lire leur avenir dans la mousse parfumée du bain.

C'était limpide. L'aventure serait courte, mais intense. La bouche entre-ouverte et les yeux tout grands, Grougal écouta les prédictions claires de son frère. Ils trouveraient le l'ignoble méchant, sauvage et imposant, à l'allure d'un ouragan. Son but ? Prendre les dofus pour réaliser son vœu, dominer le monde et épouser Evangelyne, comme le comte Vampyro !

L'Eliatrope saisi le pommeau de douche et le mania comme une véritable épée de Brakmar, il l'abattit férocement contre le tourbillon dans la baignoire, mis en scène par le sifflement strident et mouillé émit par Grougal, ce qui en faisait une puissante attaque. Le coup de grâce devait être lancé, le dragon excellait dans cet art et flanqua un jet de flamme redoutable contre l'ennemi imaginaire.

Ils prirent un temps fou pour sortir de leur torpeur et cessèrent de sautiller sur place en signe de victoire lorsqu'ils virent leurs serviettes de bain prendre feu.

« Graaaaaaaaand-frère ! geint Chibi en fuyant vers un Yugo groggy.

- J'te promets qu'tu s'ras l'seul d'ton espèce s'tu l'fais pas taiiiire, grogna Amalia, méconnaissable sous son masque de sommeil en soie.

- Chibiiiiiii, le soleil n'est même pas encore lev… Eh, c'est quoi cette odeur ?

- C'est celle du problème dans la salle de bain, répondit le dragon noir, pénaud.

- Quoi comme problème ? esclaffa un Yugo soudainement réveillé. »

Le crépitement d'une lumière flamboyante lui indiqua le type urgent de la requête. L'aîné sauveur traversa la chambre pour gérer le début d'incendie. En quatre ou cinq zap maîtrisés, les fournitures en coton se retrouvèrent mystérieusement dans la rivière attenant le village. Yugo ouvrit la fenêtre pour recycler l'air et se surprit à penser qu'il s'imaginait pire qu'un handicap récurrent de bébé dragon, du type création d'une fusion nucléaire dans la salle de bain. Cependant…

« Bon, qui dois-je punir ?

- Bouhouuuu… commença à pleurnicher Chibi, on voulait juste sauver le monde…

- Rien que ça.

- J'aurais dit le contraire, marmotta Grougal, blessé dans sa fierté.

- Ehhhh, tu devrais être fier de nous, tu sais combien c'est physiquement impossible de mettre le feu à une salle de bain ?

- Mais que se passe-t-il à la fin ? souffla une princesse qui abandonna l'idée de s'endormir.

- Grougal a mis le feu dans la salle de bain, assuma bravement le frère dragon, prêt à recevoir la sentence.

- Non ! C'est moi qui ai mis le feu ! s'empressa l'Eliatrope, prêt à se sacrifier.

- Non, moi !

- VOUS AVEZ MIS LE F- ?! »

Yugo se jeta instinctivement sur la sadida, la main contre sa bouche, pour éviter de réveiller toute l'auberge, quand un inquiétant « clic » de poignée de porte se répercuta en écho.

L'expression déjà blasée d'ennui de Yugo se tourna vers les visages tordants de Ruel et Tristepin, qui venaient vérifier innocemment si tout allait bien, loin de se douter qu'ils tomberaient sur leur cher eliatrope, le pyjama trempé, plaqué contre une Amalia rougissante. Flopin suivait le duo, moins d'humeur.

« Vous abusez les jeunes, y a deux gosses dans la pièce, traîna Ruel, salace.

- Ah ça y est, c'est officiel ? s'écria gaiement Pinpin.

- Non, juste… non, tonna Yugo, clairement lassé des sous-entendus.

- J'imagine que toute l'auberge a été témoin de cette pagaille… soupira la sadida, en ignorant Ruel surenchérir « Le village, oui »

- Vous êtes vraiment intenables, sermonna le blond qui regardait les rejetons du haut de son perchoir. Allez présenter vos excuses à la propriétaire. »

Le dragonnet, les yeux plantés au sol, donna un coup de pied sur un caillou invisible et Chibi fit trembler sa lèvre du bas. Stratagème élaboré par plusieurs années de pratique, il ne faisait pas mouche comme prévu sur leur grand-frère, détenteur d'un indéfectible bouclier contre la mignonnerie extraterrestre.

« Et vous en profiterez pour la rembourser !

- Quoiiii ? Mais on n'a pas d'argent !

- C'est pas juste, c'est de l'escalade ! (on dit « esclavage »…) Oui bah c'est pareil, d'abord !

- Non, c'est ce que font les héros, sourit une Amalia, qui ne se sentait pas d'intervenir avant cela.

- Et puis, ça vous fera une aventure, un bon entraînement, renchérit Ruel, définitivement conquis par les enfants. »

Ça changeait tout. Ils sautillèrent jusqu'à la sortie, le sourire jusqu'aux oreilles, laissant les adultes s'échanger un regard complice satisfait.

Chacun ayant mis de côté la résolution de finir leur nuit, les plus âgés commencèrent les préparatifs pour leur prochain circuit, laissant le crâ profiter de ces dernières heures pour se lier à la culture locale, mais aussi pour respirer. L'aventure en groupe, c'était avec plaisir, à la condition qu'il n'était pas question d'étouffer sa nature introvertie.

Une tartine beurrée pendante à leurs lèvres, les jumeaux esquivèrent la grande route, non effrayés par la gadoue des ruelles mal entretenues. Ils jugèrent la masse brune des champs qui descendait jusqu'à la lisière, colorée par une meule de foin humide ou l'intrusion d'un piou fourrant son bec dans le sol labouré. Le dragonnet s'amusa à les effrayer à coup de flammèche, laissant son frère à ses mûres réflexions, stimulées par le mâchonnement d'un brin de paille. Il tenta de garder l'équilibre en marchant droit sur les sillons formés par la culture sur butte, puis, épris par une révélation, pointa son épi de sarrasin en direction d'une taverne. Si quête il y avait, ça ne pouvait qu'être en compagnie de la plus téméraire compagnie des guildes !

Ils dévalèrent la pente en sautant sur les mottes de terre tout en s'entraînant à la maîtrise du wakfu. Chibi arrivait de mieux en mieux à gérer ses portails. La distance entre eux croissait, sa concentration pour visualiser sa cible était moindre et son endurance améliorée. Il manqua de plusieurs fois la chute par des atterrissages douteux et maladroits, tout comme Grougal peinait à stabiliser son vol ou son jet de flamme.

Derrière la haie clairsemée de jeunes noisetiers se dressait une maison tordue dont le toit regorgeait de nid à bestioles en tout genre. L'intérieur était étonnement plus moderne, quelques vieilles brocanteries faisaient taches à côté des meubles de chêne et une verrière polie protégeait une infinité de liqueurs colorées. L'endroit était presque désert, les plus valeureux s'étant levés avant la première aurore pour continuer leur chemin tandis que les retardataires se remettaient des festivités d'hier. Un musicien feca s'installa seulement et quelques aventuriers déjà rougis flattaient des serveuses pandawa.

Parmi eux, un se démarquait.

Un homme à l'allure céleste, dotée d'une imposante cape turquoise, prolongeant sa silhouette sculptée et jeune. Ses traits délicats intimidèrent une Pandawa, ne pouvant fixer plus de quelques secondes ses iris ambrées, enfermées dans un écrin formant une amande régulière. Il parlait d'une voix de velours ponctuée d'une éloquence sage, tentant modestement de freiner les louanges lancées par le patron qui clamait ses voyages.

« Mais comment n'pas vous honorer, vous êtes comme un saint, que dis-je, un dieu ! Oui, oui, mes fils m'ont décrit vos exploits sous toutes les coutures ! Ah je le dis, vous ne pouvez pas nier qu'à votre plus jeune âge, vous avez sauver une vulnérable et précieuse Eniripsa aux mains d'affreux Roublards ! Ou bien que vous avez consacrer des années entières de votre vie pour déjouer une organisation de voyou ! On raconte qu'ils effaçaient les souvenirs des bonnes gens, qu'ils s'en nourrissaient ! Rien n'peut me fait plus plaisir que de vous rendre hommage, mon brave !

- Ça paraît plus impressionnant sur papier qu'en réalité, mais croyez-moi, vous n'auriez pas moins fait à ma place si l'occasion s'était présentée.

- Ouhaaaa, alors c'est vrai ? Vous avez fait tout ça ? s'émerveilla Chibi en se joignant à la conversation.

- Et bien plus, mes petits, encouragea le barman. Not' cher ici-même a tellement le cœur sur la main qu'il se sacrifie volontiers à sauver des Sram ! »

Le dragonnet regarda d'un œil jaloux son crédule Chibi soupirer d'admiration envers l'inconnu. Ce dernier ne lui paraissait cependant pas antipathique, il avait le charisme des forces tranquilles, qui allient spiritualité et puissance tout en élégance.

« Notre grand-frère aussi est un héro, il a sauvé le monde plusieurs fois, récita l'humanoïde.

- Ah ! reprit le rival, vous devez être les deux frères de Yugo, de la confrérie du Tofu ?

- Vous le connaissez ? pépia l'Eliatrope. »

L'adulte eût une imperceptible crispation, barrant son visage d'un sourire plus joueur qu'il ne l'aurait voulu.

« Plus ou moins… Je suis sûr, par exemple, qu'il est en route pour chasser les braconniers qui effraient les villageois.

- Mmmh… Pas vraiment, non…

- Oh, il n'a pas été informé ?

- Si, si… maintient Grougal en froissant ses sourcils ensemble, mais il préfère régler ça plus tard. »

L'individu hocha la tête, sensible à la déception limpide qui émanait des deux galopins. Il lança soudainement un large sourire jovial et leur dit tout bas, sur un ton confidentiel.

« Vous pouvez m'accompagner, je comptais régler cette affaire et j'ai justement besoin de sang neuf !

- Pour de vrai ?!

- Je connais ce village, il est rempli de braves qui méritent toute l'aide du monde. Ça ne prendra pas longtemps, l'affaire d'une matinée.

- Oh, Grougal, viens, on dit oui ! Ce sera notre première quête, on pourra rembourser madame la propriétaire !

- Mais Yugo dit qu'on maîtrise pas assez nos pouvoirs…

- Eh bien si vous avez peur, vous faîtes bien de rester où vous êtes, ria l'homme de bon cœur, mais ce n'est que dans le tas qu'on apprend et je le vois, vous êtes aussi intelligents et vifs que des peintures qui ne s'effritent jamais. »

Il n'en fallu pas plus pour que les jumeaux tendent leurs petites paluches, les yeux pétillants.

« Chibi ! se présenta l'Eliatrope avec entrain.

- Grougal, suivit le dragon, plus calme. »

Leurs petites mains furent étouffée par la large poigne de l'inconnu.

« Enchanté. Je m'appelle Oropo. »

Oropo, il y a une centaine d'année

Un délicat fumet enivrait le salon. Le feu de la cheminée en pierre taillée pétillait doucement en-dessous de magrets à sécher. Arabiatta avait fini de réciter son Chapelet et de lire un psaume à son cadet. Avant de filer dans son atelier couture, elle arrêta son regard sur Oropo, occupé à marier plusieurs épices dans son bouillon. Elle s'approcha, tira un torchon pendu et frotta le front de son fils adoptif, tacheté d'huile et vinaigre et arrangea sa mèche.

Le garçon observait le manège de sa pieuse parente, égale à une divinité solaire. Son regard s'embua soudainement, comme à l'évocation d'un souvenir d'une ancienne vie où il n'aurait jamais connu la chaleur d'une mère.

Arabiatta touilla dans la marmite, lui conseilla d'ajouter de la moelle de Bouftou dans la première et une sauce brune dans la seconde et retourna vers l'étage où ses projets tricots prenaient poussière.

La porte d'entrée s'ouvrit brusquement, chassant l'atmosphère douillette caractéristique de la chaumière. Meribald, égal à lui-même, s'engagea à pourrir la vie de son cher colocataire de l'immense cellule que représentait la ville.

« Depuis quand nous sommes assez intimes pour que tu fasses intrusion dans ma maison ? grogna l'Eliotrope.

- Oh, Oreo ! Oreo ! Pourquoi es-tu Oropo ?

- Les déchets qui veulent décuver sont priés de se diriger vers la décharge commune…

- C'est de la poésie !

- Et moi, c'est de l'écologie.

- Tu es tellement séquestré que tu ne sais reconnaître les plus beaux textes de ce siècle.

- Je connais tous mes Psaumes.

- Quelle étroitesse d'esprit ! Mais j'n'suis pas là uniquement pour te plaindre, j'ai un problème et j'te laisse deviner lequel.

- Ivoirre s'est mis dans le pétrin ? déplora Oropo qui connaissait par cœur la Bellaphone de la cité.

- Exactement. Sais-tu pourquoi ?

- Parce qu'un énième Eliotrope voulait lui apprendre que ça ne se faisait pas de jouer avec les sentiments d'autrui ?

- Exactement. Sais-tu où ça l'a mené ?

- Probablement en pleine cavale dans un endroit interdit et dangereux.

- Exactement. Et sais-tu ce que je vais faire ?

- Me laisser tranquille et foutre le camp.

- Ah, raté, je vais me lamenter chez toi jusqu'à trouver une solution.

- …

- Ça n'te dérange pas j'espère ?

- Ça dépend si trouver une solution te prend plus ou moins d'une minute…

- Hélas, j'ai déjà trouvé, rayonna Meri, interrompu par un mordant « Formidable. Au revoir. », tu m'accompagnes délivrer ma douce cousine !

- Au cas où tu n'aurais pas remarqué, je suis occupé, je hais les rebelles, les Ecritures reposent sur ma table de chevet et ni toi, ni Ivoirre, m'intéressent.

- Oui, oui, je sais, tu es le gentil Eliotrope bien sage de la sainte Arabiatta, tu aimes cuisiner, tu adores ta famille et tu baves tellement de bons sentiments que ça m'donne envie de t'dépraver. Dans un an tu adopteras sans doute un tofu, pensant agir de ton plein gré. En revanche, laisse-moi t'dire que non, gros menteur en sucre, tu te préoccupes d'Ivoirre. Comme nous tous.

- Jamais de la vie, elle ne me cause que des… Et pourquoi je te raconte ça ? Sors tout de suite d'ici ! C'est quoi ton problème à la fin ?! »

Meribald grinça des dents, les lèvres tendues. Peut-être que s'il avait eu Arabiatta comme mère adoptive, il ne serait pas un voyou, peut-être qu'il serait le charmant toutou identique à leur divinité dont les souvenirs commençaient à lui parasiter l'esprit. Peut-être qu'il arrêterait d'essayer de classifier ses souvenirs entre ceux qui lui appartiennent et les intrus. Peut-être qu'il serait plus heureux.

Il restait fasciné par le gamin, clone parmi les clones, il était si proche de leur créateur et en même temps, c'est comme s'il restait Oropo. Comment faisait-il ? Est-ce à cause de son jeune âge qui limitait la quantité d'émotions et de réminiscences ?

« Ecoute, oublie ce que j'ai dit, se soumit-il, mais Ivoirre a besoin de nous, je connais le monde de dehors, et seul toi peut la convaincre. »

Il jeta un coup de menton en direction d'un parchemin soigneusement plié sur un livre de recette ouvert.

« Et tu crois que j'ai pas vu la carte trainer ? »

Un fard passa sur les fossettes d'Oropo, blessé dans son orgueil, qui ferma brusquement l'ouvrage.

« Si je t'aide sur ce coup, je veux que tu promettes sur ton honneur, à défaut d'en avoir un, que plus jamais tu ne parleras de sortir avant l'âge de raison. »

L'homme sans honneur lui serra la main, comblé.

Chibi et Grougal

Grougal manqua de glisser sur les sillons des troncs noueux, émergeant du tapis de faux-trèfle et de bourrache. A l'horizon, il devinait seulement la trace laissée par les fours à pain du village sur le ciel bleu lessive, il ne restait cependant plus rien du chemin terreux à moitié dallé ou des signes d'entreprise humaine.

« On ne s'est pas trop éloigné du village ? Comment Grougal et Chibi allons faire pour revenir ? demanda le dragon, inquiet. »

Oropo interrompit ses explications zoologiques à Chibi.

« Oh. Je ne sais pas, ça dépendra de notre chance.

- Hein ?!

- Mais non, je plaisante ! Le village est assez simple à trouver, les habitants ont placé des repères ici-là pour éviter que les enfants se perdent les jours de cueillette. »

L'adulte pointa du doigt un amulette représentant un Gobgob pendue à un bouleau.

Le dragon hocha la tête, non convaincu, et commença à traîner des pieds. Ce n'était peut-être pas une si bonne idée, de partir en exploration avec un inconnu sans prévenir les autres, sans savoir quand il allait revenir ou s'ilallait revenir. Il avala péniblement sa salive à la pensée qu'il avait manqué à son rôle de protecteur. Après tout, lui seul semblait avoir hérité des gènes de la méfiance et de la réflexion, ne laissant rien à son vulnérable Chibi. Ce dernier serrait contre lui une chauve-souris dodue, effrayée par l'attaque « Câlinerie » de son ''adversaire''.

Oropo marqua l'arrêt à l'amorce d'une pente raide, adoucie visuellement par des blocs de broussailles et de grands chênes. Au pied se trouvait un ruisseau tumultueux. Aux alentours, l'Eliotrope nota des girolles écrasés encore fraîchement ambrés et une pointe de flèche.

« Ils sont tout près, informa-t-il simplement, vous vous sentez de descendre ?

- En volant, oui. Chibi par contre…

- Tu rigoles ? Trop facile ! »

Pour preuve, il s'agita entre une paire de portail à travers les arbustes, à quelques mètres du sol. Encore jeune et débutant, Chibi sous-estima la raideur de la pente, devenue soudainement à ses yeux un ravin. Il ne gérait plus les obstacles de différentes hauteurs qui l'entouraient, devenues des lames abstraites perçant la lumière claire, sous la contrainte de sa vitesse. Il manqua de peu de se fracasser contre l'écorce noire d'un pin quand un portail le mena tranquillement à terre ferme. Chibi eût une soudaine nausée qu'il attribua naïvement à la montée d'adrénaline.

Son frère le rejoint en moins de deux par les airs.

« Wha, j'ai eu peur à la fin ! Tu as réussi à faire dix mètres d'un coup en esquivant l'arbre, tu apprends vite !

- Euh… ouais… bafouilla-t-il tout barbouillé, en fait, j'ai rien contrôlé sur la fin, j'savais même pas que j'avais créé le dernier portail…

- C'est passé tellement vite aussi…

- Tout va bien ? demanda Oropo, à ses côtés sans qu'on ne sache comment il a procédé à sa descente.

- Boui… J'étais comment ? osa-t-il questionné, le rose agrippant ses joues rondes.

- C'était pas mal, tu n'as juste pas su gérer ta vitesse. Tu devrais faire des portails plus rapprochés et moins horizontaux, pour avoir le temps de visualiser ta prochaine destination. »

Si Chibi l'admirait avec des paillettes dans les yeux, Grougal fronçait instinctivement les sourcils, en pleine réflexion. C'était exactement les conseils de Yugo…

« Bon, maintenant… J'espère qu'ils vous restent assez d'énergie pour ça. »

Et Oropo libéra une orbe d'énergie qui fendit un buisson de houx dont les rameaux avaient bougé depuis leur arrivée. Un cra surgit, une flèche métallique reflétant la lumière pointée sur le trio. Il se stabilisa sur les rochers recouverts de mousse pour ne pas glisser. Un osamodas le rejoint, sous sa forme ailée, laissant entrevoir son maigre corps. Des cernes profonds drapaient ses paupières rayées de plusieurs rides, pareil à un lac en plein vent.

« C'est quoi l'problème ? Notre planque est fichue maintenant ! grogna l'osamodas en crachant par terre.

- C'était le but, convenu Oropo.

- Ouais ! A cause de vous, les osamodas de RIléa se font attaquer car vous effrayez les Meulou !

- Mais je rêve ! Ils engagent des morveux chez les défenseurs de monstres, maintenant ? Vous voulez quoi ? On a faim, les meulous attaquent, on les chasse. C'est gagnant-gagnant.

- Bande de gros nuls ! Sans vous, tout le monde s'accordait bien !

- Vous savez très bien que la chasse est interdite sur les terres osamodas, réfuta l'Eliotrope. Vos actes perturbent l'équilibre installé entre les habitants et la faune, uniquement pour raison pécuniaire.

- Les kamas, oui, s'énerva leur adversaire. Les vilains contre la bienséance. Et dans votre idylle, on en fait quoi du chapitre où des osamodas crèvent de faim la bouche ouverte depuis que le chaos d'Ogrest a ravagé nos cultures ? Les nouvelles maladies et parasites qui empêchent la fructification ?

- Laisse tomber, tu vas pas te justifier de nourrir ta propre famille, grogna son collègue, allez jouer ailleurs maintenant. »

Le métal vibra l'air, arracha le chapeau noir du gamin et se planta entre deux galets. C'était un avertissement, mais Chibi, sonné et rempli d'une fougue aveugle, le saisit comme une opportunité. Téléporté au travers sa magie translucide, il envoya valser son pied contre les côtes de l'archer. Ce dernier le domina aisément et décocha une flèche de recul, projetant l'enfant sur l'autre rive. Dans l'air dense, on entendit le gamin gémir.

L'osamodas brandit ses ailes comme s'il tentait de s'échapper, mais s'écarta seulement pour prendre de l'élan et broya son crâne contre celui du dragon noir. Le teigneux Grougaloragran fit monter une gerbe de feu entre ses crocs acérés. Trop fidèle à son désir de le brûler vif, il ne contrôla plus sa puissance et s'étouffa maladroitement dans ses propres braises. Son adversaire leva son poing en tranchant et l'abattit contre les ailes du dragon d'une fente précise, à l'endroit où s'arrêtait ses écailles.

Distrait par le spectacle comique, le crâ oublia son ennemi qui en profita pour zapper jusqu'à lui et lui flanquer un coup par derrière. Il visa dans le mille ! Mais le blond se retourna comme si de rien n'était, saisi le poignet fin du blanc et par une pirouette, le jeta dans le décor.

Les deux braconniers échangèrent un sourire complice. Ce n'était que des bébés !

Oropo, l'arbitre immobile, avisa calmement les deux frères, sans s'inquiéter.

« Chibi, tu es faiblard. Grougal, tu vises mal.

- Ouiiiiin, c'est pas vrai ! rouspeta le premier, la tête dans les jambes. »

L'autre voulu répondre, mais toussota encore, la gorge en feu.

« Si, mais vous pouvez compenser les faiblesses de l'autre. »

L'âme d'ingénieur se réveilla chez le duo. Oropo sourit car ils avaient compris. Se relevant par une galipette, Chibi ouvrit un portail vers son frère qui prit une grande inspiration à nouveau et expulsa son jet brûlant au travers la rosace de wakfu.

« Ohhh, regarde, il vise encore à côté ! pouffa de rire l'osamodas. »

Sauf qu'un autre portail rougoyant, à l'odeur de soufre, s'ouvrit en leur direction. Les braconniers blanchirent.

Les frangins se tapèrent la main en rythme, heureux de cette découverte, ignorant royalement les deux créatures brûlées à quelques mètres.

« GROUGAL ! CHIBI ! »

Le duo cessa les festivités et agitaient les bras en voyant arriver les restes de confrérie du Tofu, folle d'inquiétude. Yugo déboula jusqu'à eux, les bombardant de questions aux allures de sermons et mettant ses mains partout pour vérifier la moindre égratignure, Tristepin fut le deuxième plus rapide, prêt à tabasser des méchants imaginaires. Ruel, Amalia et Flopin traînèrent derrière au coin d'un détour afin d'éviter de dévaler la pente. Ils étaient accompagnés de la propriétaire de l'auberge, doyenne du village, qui les avait sans doute guidés dans la forêt.

« ça ne va pas de partir comme ça sans prévenir ? On vous a répété combien de fois de pas suivre les inconnus ? Heureusement que Flopin vous a aperçu !

- T'en fais pas grand-frère, on était sous la protection d'un nouveau copain ! Il nous a appris plein de trucs !

- Qui ça ? »

Yugo se retourna vers leur nouvel allié à l'allure d'un hibou afin de le remercier, mais rien ne sorti. Oropo fixa sévèrement ses prunelles ambrées, comme s'il lui reprochait quelque chose. Il avait le regard fier et une ombre de rictus se dessinait, adoucit par un halo de sagesse sereine. Yugo eût la sensation peu banale de se retrouver face à miroir déformant.

« Dis donc, toi, ça ne va pas d'embarquer des enfants ? accusa Tristepin en pointant son épée. Et de les embarquer dans du braconnage ?!

- Pinpin, j'pense plutôt que les braconniers sont ces types, informa Ruel en pointant du doigt les deux victimes noircies par les flammes. »

L'un des intéressés, blessé dans son orgueil, envoya une flèche enflammée fulgurante vers les jumeaux enjoués.

Oropo se plaça devant eux, protecteur. Mais la flèche fut suspendue dans les airs, retenue par une épaisse vigne sadida ayant surgi du sol. Le Iop s'enjailla à l'idée de foncer dans la baston. L'Eliotrope le devança en projetant deux sphères d'énergies qui envoya leur adversaire au tapis.

« C'quoi ça comme magie ? questionna Ruel, l'air louche.

- La vaaache, en une seule attaque ! admira le chevalier.

- Il est temps de cesser les offensives et reconnaître votre défaite, proclama l'être éthéré. Je ne nie pas la nécessité de vos interventions, mais leur illégalité. Pas plus tard qu'hier, Coqueline a été prévenue de votre détresse et viendra vous rendre visite pour vous proposer une requête. »

Yugo se laissa intimider par la voix calme et profonde d'Oropo. Il arrivait à être ferme et menaçant sans être méprisant.

« Coqueline ? gémit l'osamodas dragon dont le nom lui évoquait beaucoup, l'une des demi-déesse osamodas ?

Elle souhaite rattraper les négligences de son père. C'est votre dernière chance, si vous remettez les pieds dans cette forêt – et je vous laisserai passer le mot à vos collègues, ce ne seront pas des débutants qui vous mettront une raclée. »

Les brigands se sauvèrent à toutes jambes. Oropo prit une inspiration et pivota vers l'assemblée. Il regarda Amalia qui s'approchait des jumeaux.

« T'es qui, toi ? questionna Ruel, d'un œil soupçonneux.

- Oropo, dit-il à l'adresse de l'enutrof, mais son regard continuait d'aller vers elle.

- Non, mais t'es qui ? T'es quoi ?

- Tu poses de bonnes questions, affirma-t-il en faisant un terrible effort pour le fixer.

- C'est un copain ! répondit Chibi, c'est moi qui ai voulu aller chasser les braconniers, lui, il nous a juste aidé ! Pas vrai frérot ? »

Moins enthousiaste, Grougal hocha timidement la tête.

« C'est surtout une erreur. Une pauvre chose perdue, soupira la vieille doyenne osamodas.

- Ravi de vous revoir, la vieille… sourit le concerné, distant, sans gaieté. »

La doyenne fripée se détachait du groupe et vint empoigner la main du jeune homme, pas le moins du monde effrayée par la couleur de son âme. Ils ne se regardèrent pas directement, de peur d'éveiller des souvenirs douloureux. Son doigt rugueux et affaiblis par une vie de labeur traça des lignes discontinues sur l'autre main vigoureuse, blanche comme neige. Quelle ironie…

« Tu es toujours avec les fanatiques ?

- Nous ne sommes pas fanatiques, nous voulons transformer le monde en mieux.

- Tu n'y crois pas toi-même, ricana-t-elle dans sa barbe. Aujourd'hui plus que jamais, hein ? Quoique, on peut pas dire que tu échoueras… ni que tu réussiras…

- Elle peut lire l'avenir dans les mains ? questionna Flopin.

- Contrairement à certains ici, j'ai toujours eu confiance en mon dieu, exposa la doyenne, ça m'offre certains privilèges.

- Whaaaaaa ! s'extasia Chibi.

- L'écoutez pas, elle a eu une vie difficile et a perdu l'esprit, reprit Oropo avec un sourire contrit, je la laisse prophétiser juste pour l'amuser.

- Qu'est-ce que tu veux savoir ? demanda directement l'osamodas en se retournant vers le blanc. »

Oropo la retint par le bras en lui jetant une œillade menaçante. Elle l'ignora et se détacha mollement. Son regard se promena sur l'assemblée confuse. Une crainte superstitieuse agita certains membres. Son index sec et ridé pointa le iop.

« Toi, ne t'attache pas à ce qui n'a pas encore ouvert les yeux.

- Qu'est-ce que ça veut dire, ça ? réfléchit Tristepin en se grattant le crâne.

- Malheureuse, tu épouseras celui qui porte des ailes à son crâne. »

Si Yugo réprima un rougissement, Amalia sentit un frisson désagréable le long de son échine, son cœur battant contre ses oreilles. Au même moment, elle remarqua Oropo qui lui volait un regard à la dérobée.

« Et mon frère ? Et mon frère ? demanda l'Eliatrope en pointant Yugo du doigt.

- Non, Chibi, faut qu'elle arrête son cirque… gronda gentiment Oropo.

- Ses enfants spirituels, répondit-t-elle, imperturbable, seront ses démons et sa richesse.

- Mes… mes enfants spirituels ?

- Ça veut dire quoi, grand frère ? T'es papa ?

- Avec ce qu'il s'est passé ce matin, il y a des chances, ricana Ruel, gras.

- Rueeeeeeeeeeel, grincèrent sauvagement les tourtereaux.

- Et toi, Oropo, tu veux savoir ce qui t'attend ? demanda tranquillement l'oracle.

- Je sais déjà ce qui m'attend.

- Tu tomberas amoureux, le maudit-elle, la voix tremblante et les yeux injectés de sang. »

Son expression suffisante fondit.

« J'en ai assez entendu. »

Sans crier gare, un portail s'ouvrit au pied de l'osamodas qui disparut. Naturellement, tous regardèrent Yugo, le premier surpris. L'invité se pressa vers la sortie, maussade.

« Attends ! le retint l'Eliatrope, on a pas eu le temps de te remercier…

Ne prends pas cette peine, jeune Yugo, je me suis attaché à ces petits comme s'ils étaient même propres frères, déclara-t-il sans se retourner, la voix enrouée d'une amicalité particulière. J'ai hâte de recroiser ta route, eliatrope. »

Une immense quantité de wakfu émanait de lui. Serait-ce possible qu'il soit l'un de ses frères ?

« Nous nous recroiserons, conclu également Yugo en écho. »

Oropo disparut au détour de l'épaisse végétation.

Amalia et Yugo tentèrent d'ignorer la désagréable nausée les étreignant, secoués par deux jumeaux excités et un Iop pressé de continuer leur route. Ils ignoraient l'origine de leur mal, supposaient avec raison que cela ne pouvait être que les relents de la veillée tardive, tandis que leur cœur ressassait sans cesse les iris de l'étrange inconnu, si similaires aux siennes.

Dur dur de reprendre Noisserp après la saison 4 ! Entre Oropo, Yugo toujours minus et Flopin toujours présent… heureusement, j'ai pu me remettre dans le bain avec un chapitre Chibi/Grougalesque, eux au moins, n'ont pas changé. En tout cas, je n'ai rien perdu à ma motivation de terminer cette fanfic, car saison 4 géniale ou pas, j'ai beaucoup à vous raconter !

Sur ce chapitre, vous constaterez à quel point la trame scénaristique s'éloigne complétement de l'animé, pas d'Oropo hyper menaçant au début, pas de tour et on prend notre temps pour bien orienter le miroir pour que Yugo se voit sous toutes ses plus affreuses coutures c; (bisous à ceux qui ont la ref à Luca Di Fulvio !)