29/10
Oikawa jura. Depuis qu'il était arrivé, Kuroo l'emmerdait de toutes les manières possibles et sa fichue place de parking ne faisait pas exception. Il se gara à cheval sur sa place réservé, sortit de sa Toyota GT 86 sport rouge vive et fusilla du regard la moto GSXR 1000 rouge et noir de Kuroo.
Dès le premier jour il lui avait dit que c'était désormais sa place. Et il le lui répétait régulièrement. Gentiment. Ce qui n'allait pas durer, sa patience avait des limites. Qu'il ne le respecte pas, il s'en moquait bien, mais qu'il l'empêche de mettre son bébé en sûreté, ça l'agaçait de plus en plus. Voir l'énerver. Oui. Ce petit con l'énervait. Et savoir qu'il avait réussit cet exploit le crispa soudainement. Il était hors de question que quelqu'un réussisse ça ! C'était lui qui emmerdait le monde, pas l'inverse !
Soit, Kuroo voulait jouer, il allait jouer.
D'un pas décidé, il entra dans la caserne, ignora quelques-uns de ses collègues et claqua la porte de la salle de repos. Son regard se posa alors sur un inconnu. Un sourire étira ses lèvres et sa colère disparut un instant.
Un frisson parcourut l'échine d'Akaashi. Fronçant les sourcils, il se frotta les bras et releva la tête. Entendant des bruits de pas, il se retourna et tomba nez à nez avec un inconnu. Aucun de ses collègues ne bougea, trop absorbé par la télé ou leur jeu. Par réflexe, il se leva.
— Bonjour, je peux vous aider ? demanda-t-il cordialement.
Oikawa toisa l'homme en face de lui, amusé de la situation.
— Je pense que c'est plutôt moi qui peut t'aider, dit Oikawa, un air malicieux fixé au visage.
Hébété, Akaashi l'observa de haut en bas, sans comprendre.
— M'aider ?
Légèrement ennuyé par la situation, Oikawa lâcha un soupir.
— Akaashi Keiji je présume, on m'avait prévenu que tu n'étais pas connu pour ton humour débordant.
Dans l'incompréhension, Akaashi resta bête quelques secondes, avant de comprendre. La seule personne qu'il n'avait pas encore rencontré était le lieutenant Oikawa Tooru. Il ouvrit la bouche, prêt à répondre, quand on le devança.
— Ô Lieutenant ! Enfin là, t'as galéré à trouver une place pour te garer ?
Oikawa s'agaça. La sale tête du sergent lui rappelait que son bijou était mal garé sur le parking, malgré la place qui lui était due. Il lança un regard noir à Kuroo, qui en plus de l'avoir énervé de bon matin s'était incrusté dans la conversation.
— Ô, sapeur, bonjour, il lui adressa un sourire faux : "Un déchet est au milieu de ma place réservée mais ça va, j'ai fait avec, comme quoi... On peut rouler avec tout et n'importe quoi. »
Akaashi recula d'un pas. L'atmosphère pesante lui ordonna de fuir. Prêt à battre en retraite, il entama un second pas avant qu'une main ne se pose sur son épaule :
— Justement Akaashi, je voulais te voir ! il évita soigneusement le regard meurtrier que lui lançait Kuroo tout en guidant l'infirmier à travers la pièce : « J'ai à te parler, suis-moi. »
Bloqué par l'emprise d'Oikawa, Akaashi lança un regard désolé à Kuroo malgré l'irritation qui tirait ses traits, puis se recentra sur les babillements de son lieutenant. Lieutenant qui salua gaiement le personnel tout en grimpant à l'étage jusqu'à son bureau. Ils s'arrêtèrent devant la porte, près de la boite aux lettres. En voyant cette dernière, Oikawa soupira :
— Recule-toi s'il te plaît.
Décontenancé, Akaashi s'exécuta.
Méfiant, Oikawa se recula également. Du bout des doigts, il tourna la clef et entrabailla lentement la boite. Quelques morceaux de couleurs tombèrent, les épaules d'Oikawa également. L'air soulagé, il l'ouvrit complètement et une masse de confettis virevoltat en tout sens. Ignorant le tas à ses pieds, ainsi que les derniers morceaux volants, il se pencha et récupéra un papier. Poussé par l'incompréhension, Akaashi se décala et lut discrètement :
« Félicitation pour ta dixième garde ! »
Perdu, Akaashi attendit longuement la réaction d'Oikawa, qui ne vint pas. D'un geste, le lieutenant ouvrit sa porte et l'invita à le suivre.
Alors qu'Oikawa venait de s'asseoir à son bureau, farfouillant dans un de ces tiroirs, le chef de centre frappa à la porte restée ouverte, le regard rivé sur le monticule de papiers colorés.
— Bonjour chef, lança Oikawa.
Le chef de centre releva la tête :
— Bonjour lieutenant, il marqua une pause tandis qu'il s'avançait vers Oikawa, un papier à la main : « les rapports d'intervention n'ont pas été rendus à la précédente prise de garde... je compte sur vous. »
Tout en prenant le document, Oikawa s'apprêtait à répliquer qu'il n'en revenait pas de son fief puisqu'il n'était pas présent ce jour-là. En voyant le nom d'Iwaizumi, il se ravisa et adressa un sourire à son supérieur.
— Pas de soucis chef, je m'occupe de ça.
Il prit congé d'un hochement de tête et s'arrêta sur le seuil de la porte. Il jeta un dernier regard à Oikawa :
— À ce sujet, il désigna les confettis : « je veux que ce soit nettoyé avant la fin de votre garde. »
— Bien, chef.
Oikawa se leva après son départ, clés et papier en main.
— Je vois que tu n'as pas rempli ton rapport... Tu sais où se trouvent les documents pour le faire ?
Akaashi resta silencieux.
Oikawa fit la moue, visiblement ennuyé et lui intima de le suivre. Ils s'éloignèrent du bureau, Akaashi jeta un dernier coup d'oeil sur le tas de confettis mais ne fit aucun commentaire.
— Je suppose que tu as déjà visité la caserne ? demanda Oikawa en prenant les escaliers.
— Oui, j'ai fait mon stage ici.
— Un stage ?
— Oui. Mon stage d'infirmier, il a duré trois semaines, lâcha-t-il après quelques secondes.
— Et la caserne t'a tellement plu que tu es revenu, taquina Oikawa.
Akaashi se mordit la lèvre. Heureux d'être derrière son supérieur, il affirma ses propos dans un murmure.
Oikawa tiqua. S'arrêtant au bas des escaliers, il se tourna vers lui, un sourire aux lèvres :
— Oh, et qu'est-ce qui t'a tant plu ici ?
Akaashi se renfrogna. Sans répondre, il lui passa devant. Oikawa le suivit du regard, avant que ses yeux ne soient happés par les vitres de la salle de sport. Il reconnut aisément Iwaizumi, qui s'entraînait et ne put s'empêcher de le détailler. Il était à peine plus petit que lui, mais Oikawa aimait noter cette différence. La garçon avait la peau basanée, ce qui contrastait beaucoup avec sa peau laiteuse. Bien que ses traits soient purement japonais, il le soupçonnait d'être issu d'un métissage en raison de ses jolis yeux verts.
— Mon Lieutenant ?
Oikawa revint sur terre, Akaashi l'attendait à quelques pas et l'observait.
— Oui ?
Akaashi suivit son regard, tomba sur Iwaizumi puis revint vers Oikawa. Une moue interrogative sur le visage, il lança doucement :
— Quelque chose ne va pas ?
— Je ne dirais pas que ça ne va pas, sourit-il étrangement. Il le congédia d'un geste de la main : « Continue sans moi, les papiers sont au standard. »
Il le planta là sans un remord et s'avança dans la salle de repos. Sa proie se dirigeant vers les douches, il le laissa prendre de l'avance et le rejoignit.
Refermant la porte de la salle de bain silencieusement, Oikawa observa les différentes cabines de douches et remarqua les vêtements Iwaizumi sur l'une des cloisons. Après s'être léché les lèvres, il s'approcha et s'adossa à la porte, l'eau se coupa au même moment.
— Iwa-chan~?
Toujours la main sur le mitigeur, Iwaizumi se figea. Il pria pour avoir mal entendu, jusqu'à ce que l'enfoiré collé à sa cabine se répète.
— Connais personne de ce nom-là, pesta-t-il en prenant sa serviette.
Ignorant complètement la réponse de son subordonné, Oikawa reprit :
— Je me suis pris une soufflante par ta faute, Iwa-chan…
Déjà agacé par sa voix enfantine, Iwaizumi termina de se sécher et rétorqua :
— Ma faute ? Aux dernières nouvelles c'est pas moi qu'ait faillit tuer quelqu'un.
Oikawa souffla du nez et pinailla :
— C'est petit et en plus c'est du passé ! Tu as eu toute la semaine pour t'en remettre, par contre, il insista sur ce mot : « Tu n'as rien oublié à ta dernière garde ? »
Iwaizumi s'arrêta quelques secondes, fronça les sourcils puis noua sa serviette autour de sa taille.
— Ma dernière garde a été longue et chiante, t'es sûrement déjà au courant.
— Comment pourrais-je être au courant si mes hommes ne font pas leur travail en remplissant leur paperasse ?
Son caleçon à la main, Iwaizumi pesta intérieurement. Effectivement, ils avaient enchaîné les interventions et quand leur tour de garde avait prit fin, il ne rêvait que de son lit et non de ces fichus papiers qu'il détestait.
— Tu sais... Oikawa marqua une pause avant de poursuivre d'une voix plus suave : « Si tu avais tant que ça envie de me voir, tu n'étais pas obligé de trouver ce prétexte, tu sais où se trouve mon bureau, Iwa-chan… »
Il allait le tuer, ragea Iwaizumi. Ouvrant la porte violemment, il évita Oikawa qui se rattrapa maladroitement et retint son poing à la dernière seconde.
— La dernière fois t'as pas servi de leçon, gronda-t-il.
Oikawa sembla réfléchir un instant, il haussa les épaules et dit platement :
— La dernière fois ? Je ne vois pas de quoi tu parles, je voulais juste récupérer tes comptes-rendus.
Interdit, Iwaizumi resta muet quelques secondes.
— Je te les donnerai dans la journée, casse-toi, lâcha-t-il finalement.
Récupérant ses affaires, il lui tourna le dos et se changea.
Sensuel dans ses mouvements malgré l'air de défi rivé à ses lèvres, Oikawa se rapprocha assez d'Iwaizumi pour sentir la chaleur de son corps sans pour autant le toucher. Il murmura au creux de son oreille :
— Dans ce cas là, je te laisse me trouver à mon bureau.
Iwaizumi frissonna au souffle d'Oikawa et son coeur rata un battement. Les oreilles soudainement brûlante, il se tourna à moitié et lui grogna à demi-mot de dégager.
Préférant éviter un nouveau coup, Oikawa fit deux pas arrières rapides et éclata de rire. Il ignora les insultes de son subordonné, trouvant bien trop adorable les rougeurs de ses oreilles pour tenir rigueur de ses propos.
— Allons, Iwa-ch...
Leurs bips coupèrent la dispute sur le point d'exploser. Ils s'observèrent en chien de faïence quelques secondes, avant de prendre chacun le leur. Quand ils lurent « VLCDG », Oikawa sourit, Iwaizumi se décomposa. Ils étaient en binôme pour la prochaine intervention, ce qui l'emmerda au plus haut point.
Sans attendre, Oikawa sortit des douches en premier, suivit par Iwaizumi avec un temps de latence.
Lorsque la porte se referma, Sawamura figé dans sa cabine, ne sut que faire.
Arrivés dans le vestiaire, ils enfilèrent leur tenu sans un mot et se rendirent au hangar. En moins de cinq minutes, ils étaient sortis de la caserne.
Oikawa, carte en main, commença à lui indiquer la route :
— Prochaine à gauche, Iwa-chan.
— Continue à m'appeler comme ça et j'nous fous dans le décor.
— Tu as envie de mourir avec moi ? Quelle délicate attention, se moqua-t-il.
— Si tu veux jouer au con, on peut jouer au con, ShittyKawa.
Outré, Oikawa s'apprêtait à riposter quand il tourna violemment à gauche. La tête d'Oikawa claqua contre la vitre, Iwaizumi sourit de satisfaction malgré les jérémiades de son supérieur. Ils arrivèrent en se chamaillant. Sans attendre qu'Iwaizumi se gare correctement parmi les autres véhicules, Oikawa sortit et demanda un débriefing de la situation.
Le temps qu'Iwaizumi le rejoigne, il avait prit la situation en main et lançait différents ordres. Stupéfait de découvrir un homme réfléchit et aussi sûr de lui, Iwaizumi resta coi. Lors de leur première intervention commune, Oikawa lui avait parut puéril, Iwaizumi l'avait prit de haut et ils avaient manqué de mourir. Ici, personne ne remit son autorité en cause. L'intervention ne dura qu'une vingtaine de minutes supplémentaires après leur arrivée, alors que les différents groupes étaient en désaccord depuis plus d'une heure.
Iwaizumi se considérait encore comme un jeune sapeur, malgré plus de six années d'expérience. C'était un métier de constant apprentissage, pour autant, il savait reconnaitre un bon chef d'un abruti. Contrarié, il s'avoua silencieusement qu'en tant que professionnel, Oikawa appartenait à la première catégorie.
Ce qui l'emmerda plus qu'il ne voulut bien l'avouer.
