29 octobre
Abandonné à côté des escaliers, Akaashi fixa son lieutenant s'éloigner, dépité. Ce dernier disparut vers les douches, à la suite d'Iwaizumi.
Délaissé, il se mordit la joue et s'avança vers le standard. Il n'avait aucune idée d'où pouvaient être rangés les papiers, mais ça ne devait pas être si compliqué que ça à trouver, se rassura-t-il. Il savait faire un compte-rendu, il n'y avait pas de quoi stresser.
Il jeta un bref coup d'oeil à la salle de repos, cherchant du regard quiconque ne serait pas occupé, mais il dû se rendre à l'évidence, personne ne semblait disposé à l'aider. Arrivé à l'entrée du standard, Akaashi soupira, dépité. La première fois qu'il était rentré dans la pièce, six mois auparavant, il avait trouvé une pièce quasi immaculée, il avait été agréablement surpris. À sa dernière prise de garde, au fur et à mesure que les interventions sonnaient, la pièce s'encombrait petit à petit. Au petit matin, lorsque la relève était arrivée et qu'Akaashi avait quitté le travail, la pièce semblait avoir retrouvé un aspect convenable. Pourtant, aujourd'hui, ses yeux ne semblaient pas savoir où se poser. Des piles de documents s'entassaient aux quatre coins de la pièce, la corbeille débordait presque.
Il maudit le tour précédent.
Son précèdent maitre de stage lui avait montré un classeur rouge, dans lequel il prenait ses fiches. Ce devait être toujours le même, rangé dans un secrétaire. Il s'avança, évita quelques papiers au sol et observa le meuble ouvert. Il fronça les sourcils et soupira, le meuble lui donnait l'impression de vomir un tas de papier et d'être sur le point de s'écrouler. Il n'avait pas besoin d'être devin pour être certain que son classeur ne se trouvait pas dedans. Les bras croisés, il observa le déluge de la pièce et réfléchit quelques instants à où ils auraient pu fourrer ce fichu classeur.
Après cinq longues minutes d'analyse, il discerna une couleur rouge en haut d'une étagère. Consterné, il s'approcha, enleva les différents cartonniers et fut soulager de voir qu'effectivement, son précieux se trouvait là.
Sur la pointe des pieds, il tenta de l'attraper lorsqu'il se retrouva prit en étau entre l'étagère et ce qu'il devina être un torse. Un bras passa au dessus de sa tête alors qu'il entendit près de son oreille :
— C'est ça qu'tu cherches ?
Complètement pétrifié, il reconnut la voix de Bokuto. Une odeur boisée lui chatouilla les narines tandis que la chaleur de son dos s'estompait. Se forçant à bouger, Akaashi se tourna vers son collègue et bredouilla un remerciement.
—Hein ?
—Merci, répéta-t-il plus fort.
Gêné et bloqué entre l'étagère et Bokuto, Akaashi s'écarta autant qu'il le put,
—T'es sûr que ça va Akaashi, t'es tout rouge, t'as chaud ? T'es malade ? s'inquiéta Bokuto en s'approchant de son cadet, la main levée à hauteur de son front.
Akaashi recula sa tête instinctivement. Se cognant contre le meuble, il marmonna une injure et esquiva la main de Bokuto.
—Oui. Oui, ça va, je... Il fait chaud dans cette pièce au bout d'un moment. Je... Maintenant que j'ai le classeur, j'aimerais juste remplir mes papiers.
Bokuto s'excusa en se décalant avant d'emboiter le pas à Akaashi.
— J'ai rien d'autre à faire ! Je vais t'aider ! s'exclama Bokuto, enthousiaste : « Dis, t'as besoin d'aide au moins ? »
— Pas spécialement, j'ai oublié de faire mes rapports à notre dernière garde, lâcha-t-il platement.
Il s'avança jusqu'à une table, s'assit à une distance raisonnable de Tsukishima et de ses cours ainsi que de Kuroo. Nishinoya et Tanaka, penchés au-dessus d'un magazine, débattaient. Akaashi prit une feuille vierge tandis qu'une chaise racla le sol près de lui, Bokuto s'assit à son tour et s'approcha :
— T'as déjà rempli un rapport ?
— Oui. Lors de ma première garde. À la seconde, nous avons eu tellement d'interventions que ça m'est sorti de la tête, s'expliqua-t-il.
Akaashi prit son stylo et commença à rédiger ses notes. Ignorant le regard de Bokuto sur lui, il se concentra sur son rapport, il sentit une main passer dans ses cheveux alors qu'à côté de lui, Bokuto s'extasiait :
— La vache, qu'est c'qu'ils sont doux !
Chamboulé, les joues d'Akaashi le brûlèrent. Une seconde main agrippa une de ses mèches, il sursauta.
— Wow, effectivement ! Tu les laves avec quoi au juste ? lança Kuroo.
Tellement perturbé qu'il n'avait vu Kuroo s'approcher, Akaashi se leva d'un bond et les chassa d'une main.
— Foutez la paix au nouveau, souffla Tsukishima : « Vous le mettez mal à l'aise, bande de singe. »
Remerciant intérieurement Tsukishima, Akaashi se rassit et souffla.
— On le complimente juste, se défendit Kuroo d'un sourire : « C'est pas comme si j'lui faisais remarquer qu'il était aussi rouge que la tonne*. »
— J'avoue, t'es tout rouge, t'as encore chaud ?
— Oui ! J'ai... chaud.
Nishinoya et Tanaka, jusque là simples spectateurs, s'avancèrent vers eux.
— Moi, c'est elle qui m'rend chaud ! s'exclama Tanaka.
Il posa lourdement un magazine sur le rapport d'Akaashi. Une femme brune en maillot de bain s'y trouvait, dans une pose explicite.
Le premier à réagir fut Kuroo, à l'instant où son regard se posa sur le magazine, il fut pris d'un fou rire qui se termina dans une bruyante quinte de toux, alors que des larmes perlaient au coin de ses yeux. Bokuto et Akaashi restèrent silencieux un instant. L'ainé se saisit du magazine, le retirant de la vue d'Akaashi qui avait maintenant une expression ennuyée sur le visage. Il n'était pas du tout attiré par ce genre de contenu et avait été mal à l'aise par la pose vulgaire de la femme. Bokuto quant à lui, tourna le magazine quelques fois entre ses mains, regardant sous toutes les coutures la double page ouverte avant de le tendre à Tanaka. Resté en retrait, Tsukishima se demandait ce qu'il faisait encore assit à cette table.
— Mouais, pas mon genre, conclut-il.
La remarque piqua la curiosité d'Akaashi bien qu'il ne le montra pas.
— Pas ton genre ? T'es aveugle ? C'est une bombe ! S'écria Tanaka.
— Mais arrête, peut-être juste qu'il aime pas les brunes, protesta Nishinoya. Récupérant le magazine, il feuilleta d'autres pages et le présenta à nouveau à Bokuto. Une femme blonde était assise sur une moto, toujours en maillot de bain, mais dans une pose seulement tentatrice.
Nouvelle moue de Bokuto, nouveau râle de Tanaka.
— Mec, pas possible !
Bokuto haussa les épaules comme simple réaction, tandis que Kuroo continuait de pleurer de rire. Suite au brouhaha qu'ils faisaient, plusieurs de leurs collègues s'approchèrent.
— C'est quoi ton style, sérieux ? lâcha finalement Nishinoya après cinq vaines tentatives.
— Tu sais, on tombe pas forcément amoureux d'un style, lâcha Daichi.
— Les mecs en couple on pas le droit de parler, rétorqua Tanaka : « Surtout quand leurs femmes sont canons ! ».
Daichi le foudroya du regard :
— Laisse ma femme en dehors de ce débat.
— Surtout que c'est elle qui lui a courut après, et pas l'inverse, rit Sugawara.
— Sugawara… Tu veux que je parle de la tienne ? menaça-t-il.
Ce dernier haussa les épaules et sourit :
— Tu peux, elle est magnifique et parfaite.
Nishinoya s'approcha :
— Hé, ça fait pas longtemps, en plus ! Elle ressemble à quoi ?
Fier, Sugawara montra son téléphone. Une jeune femme avec un carré brun et de grande lunette ronde regardait l'objectif en souriant.
— Trop mignonne, s'enthousiasma Yaku, qui venait d'arriver.
— N'est-ce pas ? se vanta Sugawara.
— T'es avec quelqu'un, Yaku ? demanda Tanaka.
La discussion partait dans tous les sens, Akaashi se perdait entre questions, réponses et rires de certains. Surtout Kuroo à côté de lui. Un coup d'oeil à Tsukishima le rassura : Il se sentait moins seul à être désintéressé. Se tournant vers Bokuto, il nota que celui-ci déprimait et marmonnait inaudiblement.
— Akaashi ! Akaashi !
Il releva la tête vers Tanaka.
— Oui ?
— Et toi alors ?
— Moi, quoi ? fit-il, perdu. Il n'avait rien suivit de leur nouvelle discussion.
— Ton style, c'est quoi ?
De marbre, Akaashi lâcha platement :
— J'en ai pas, je pense qu'on tombe amoureux d'une personne et pas d'un style.
— Hé ! Moi j'suis sorti qu'avec des brunes, rétorqua Tanaka.
— Chacun à son point de vue, lâcha Kuroo, remit de son fou rire mais toujours un sourire aux lèvres.
— Ah ouais, t'as pas de style, toi ? répliqua Tanaka : « T'es presque tout le temps avec une femme différente quand la caserne organise les soirées ! »
Kuroo s'adossa à sa chaise, une main sous le menton. Profitant du calme, il lança :
— Je t'assure que je suis d'accord avec le nouveau, mais si je devais choisir... Je préfère quand même les blondes à lunettes, sourit-il étrangement : « Et toi, Tsukki ? ».
Relevant ses lunettes sur son nez, Tsukishima lâcha, irrité :
— Moi, tant que c'est pas une connasse prétentieuse, je m'en moque.
Après avoir fusillé du regard Kuroo, Tsukishima ramassa ses affaires et tourna les talons.
Détendu, Kuroo le regarda partir, un sourire toujours aux lèvres. Akaashi retint un énième soupir. Ce n'était que sa troisième garde et il se demandait déjà combien de temps il tiendrait ici.
* FPT : Fourgon Pompe Tonne - c'est le camion incendie
