29 octobre
Iwaizumi souffla longuement. Il posa son haltère et s'assit. Une bouteille d'eau apparut devant son visage, il releva les yeux et tomba sur Oikawa, tout sourire.
— On est attendu en salle de repos, le chef a une annonce à faire.
Iwaizumi fronça les sourcils, le remercia vaguement pour la bouteille et se leva. Il s'essuya le visage et garda sa serviette autour du cou.
— Tu sais où est Kuroo ? Que je ne lui cours pas après, il pourrait crier à l'agression.
Iwaizumi sourit involontairement à la boutade. Ces deux énergumènes n'arrêtaient pas depuis l'arrivée d'Oikawa, un jour ça finirait mal. Pour le moment, c'était encore assez enfantin pour être drôle.
— Aux douches.
Un dangereux sourire pointa sur le visage d'Oikawa. Désignant les machines, il demanda :
— Il n'a pas tenu ton rythme, l'intervention de tout à l'heure a été trop fatigante pour lui ?
Iwaizumi haussa les épaules comme toute réponse et s'avança vers la salle de repos, suivit de son lieutenant.
— Tu vas pas chercher Kuroo ? demanda Iwaizumi après quelques pas.
— Sous la douche ? Pas envie de faire des cauchemars, rétorqua-t-il amusé : « Ni de me faire insulter. »
Iwaizumi s'arrêta à l'orée de la salle et se tourna vers lui, soudainement contrarié :
— Ça a pas l'air de t'gêner, aux dernières nouvelles.
— Je te l'ai dit, avec toi, ce n'est pas la même chose, sourit-il.
Agacé, Iwaizumi décida de l'ignorer. C'était l'une des meilleures choses qu'il lui restait à faire, toutes les autres auraient pu se retourner contre lui, après tout. N'ayant cure de son lieutenant, il s'approcha des escaliers où se tenait leur chef de caserne, Nobuteru, ainsi que ses collègues.
— Tout le monde est présent ? demanda Nobuteru quand Oikawa approcha.
— Presque, Kuroo est encore sous les douches et Yamaguchi ne...
Un cri lui coupa la parole. Le groupe se tourna comme un seul homme vers les douches. La porte se fracassa contre le mur et Kuroo sortit en trombe. Presque sec, une unique serviette autour de la taille et les cheveux... rouges.
— Oikawa, connard ! J'vais t'tuer !
Interdit, le dit connard resta de marbre quelques secondes, avant d'exploser de rire, suivit par plusieurs de leurs collègues.
— Le rouge te va si bien !
Fendant la foule amusée ou désespérée, Kuroo s'approcha dangereusement de lui.
— Mon poing dans ta gueule va bien t'aller aussi ! Enfoiré !
— Pitié, pense à tous les coeurs brisés si tu me frappais... ironisa Oikawa, toujours hilare.
Il se recula quand même de quelques pas et se plaça derrière Iwaizumi.
— Tu crois sérieusement qu'il va te défendre ? pesta Kuroo.
— Il a pas tort, me mêle pas à ça.
— Tellement de méchanceté, Iwa…
— Les garçons ! hurla Nobuteru : « Je pensais être avec des sapeurs pompiers, pas dans une cours de maternelle ! »
Un grand silence suivit, perturbé par quelques toux. Kuroo ouvrit la bouche, puis la referma. Il s'était laissé emporté, tant pis. Ce n'était pas la première fois, ce ne serait pas la dernière et son chef le savait. Son intervention était même une bénédiction. Il jeta un regard mauvais à Oikawa. Il allait avoir tout le temps pour mijoter sa vengeance, ce dernier ne serait jamais prêt à ce qui l'attendait.
— Je vous ai demandé de vous réunir pour vous annoncer quelques changements, lança Nobuteru.
Il sonda la foule, asséna les derniers regards noirs pour calmer les plus euphoriques, puis reprit :
— Comme vous l'avez déjà tous remarqué, cette année a été rythmée par de nombreux départs et arrivées, il y eu quelques murmures dans les rangs : « Il est grand temps pour moi de vous présenter officiellement nos deux nouvelles recrues. »
Les murmures s'amplifièrent.
— Nous avons eu l'honneur, malgré les coupes budgétaires, de nous voir attribuer un nouvel infirmier, Akaashi fit un pas en avant et s'inclina respectueusement : « Je vous pris de bien vouloir prendre soins de lui. »
En cas de pépin, un sapeur protégeait toujours un autre sapeur. Akaashi savait qu'il pouvait leur faire confiance, et c'était déjà le cas.
— Notre caserne a aussi eu l'honneur et le privilège de se voir affecter le Lieutenant Oikawa Tooru…
— Sacré privilège, marmonna Kuroo entre ses dents.
Bien que prononcé faiblement, les mots firent froncer les sourcils au chef qui intima d'un regard le silence à son homme.
— N'oubliez pas que malgré son jeune âge et tout le reste, le Lieutenant Oikawa est et reste votre supérieur.
Les hommes hochèrent la tête. Oikawa n'était pas l'homme le plus respecté de la caserne, le chef de centre s'en était facilement rendu compte. Bien que cela n'ait encore jamais joué sur une intervention, il préférait mettre les choses au point avec ses hommes. Mieux vaut prévenir que guérir, c'était son adage.
— Il a été décidé par les bureaux que dorénavant, les chambres seraient fixes, hormis pour les douze heures et les équipes de renfort, bien évidemment. D'après eux, cela peut renforcer l'esprit de cohésion et le sentiment d'appartenance. Ne m'en demandez pas plus, c'est tout ce que je sais.
Bokuto leva la main :
— Ça veut dire quoi chef ? demanda-t-il en se passant une main sur la nuque, visiblement gêné.
Nobuteru esquissa un sourire. Bokuto n'était pas le couteau le plus aiguisé du tiroir, mais il était un soutient infaillible et d'une loyauté sans bornes lorsqu'il était dans ses bons jours. Ce qui était le cas ces derniers mois. Il espérait que ça durerait.
— Que vous allez être mis dans un binôme avec qui vous partagerez une chambre. Chambre qui restera votre d'une garde sur l'autre, vous pourrez selon votre envie y laisser vos effets personnels.
Bokuto remercia son supérieur et se remit dans le rang, trépignant d'impatience.
— Après en avoir discuté avec le lieutenant Oikawa, nous avons décidé d'organiser les chambres de la façon suivante : dans la chambre numéro une, Iwaizumi et Akaashi, les deux susnommés s'adressèrent un regard et un hochement de tête, assez satisfaits de leur chambrée, le chef poursuivit : « dans la numéro deux, Kuroo et Yaku, dans la numéro trois, Tsukishima et Yamaguchi. »
Nobuteru continua son énumération. Dans la chambre quatre, Bokuto et Tanaka. Daichi, Sugawara et Nishinoya feraient chambre à trois dans la numéro cinq.
— Pour ce qui est des douze heures et des équipe de renforts, les chambres six, sept et huit sont à votre disposition à votre bon vouloir.
Un grand silence succéda l'annonce, puis un brouhaha. Tandis que le chef prenait congé pour retourner dans son bureau, le groupe se dispersa. Bokuto chercha du regard Tanaka. Lorsqu'il mit enfin le doigt dessus, il déglutit. Jusqu'à présent, il avait partagé sa chambre avec Kuroo. Ce qui lui allait très bien. Il se serait même satisfait d'être avec Iwaizumi ou Akaashi, pensa-t-il.
Bokuto refusait de l'avouer, mais Tanaka était l'une des rares personnes sur cette Terre avec qui il avait du mal. Ne sachant pas vraiment comment se comporter avec lui, ou tout simplement parce que son look de racaille ne le rassurait guère, il n'avait jamais réussi à sympathiser réellement avec ce dernier.
Arrivé près de lui, Tanaka lui donna une grande tape dans le dos et commença à discuter. Bokuto pria intérieurement pour que quelqu'un vienne le chercher, mais tous semblaient occupés.
Resté en retrait depuis son « altercation » avec Kuroo, Oikawa se détacha du groupe pour se diriger vers son bureau. Les sapeurs retournaient lentement vaquer à leurs occupations et lui avait bien autre chose à faire. Il enjamba les premières marches pour monter à l'étage lorsqu'Iwaizumi l'interpella :
— Et toi, tu dors où ? demanda-t-il naïvement.
Lorsqu'un sourire déforma le visage d'Oikawa, Iwaizumi déglutit et serra les poings, prêt à riposter.
— J'ai une chambre seul, mais tu peux me rejoindre quand tu veux, dit Oikawa en lançant un clin d'oeil avant de reprendre, sérieusement : « un des avantages à être lieutenant. »
Oikawa ne laissa pas le temps à Iwaizumi de riposter. Il s'excusa auprès de lui et grimpa deux à deux les marches avant de s'enfermer dans son bureau, un sourire rivé aux lèvres.
Iwaizumi resta hébété un instant. Ce satané lieutenant allait finir par réellement le faire vriller. Délaissant l'escalier, il se retourna vers le groupe. Kuroo venait de sortir des douches, habillé cette fois, il le rejoignit.
— Sympa ta chambrée, dit Iwaizumi.
Yaku était de la même promotion que Tanaka et Nishinoya. Ils étaient rentrés dans la caserne trois ans après eux. Iwaizumi avait tout de suite sympathisé avec Yaku, tout comme Kuroo et Bokuto. Contrairement à Tanaka et Nishinoya, avec qui ils entretenaient des relations de simples collègues.
— Pas mal la tienne non plus, Kuroo pointa du pouce Bokuto et Tanaka à quelques mètres d'eux et sourit : « Contrairement à quelqu'un qui va faire des cauchemars. »
Ils continuèrent de s'échanger des banalités, évitant soigneusement le sujet du lieutenant ou des cheveux rouges de Kuroo. Ce fut finalement Yaku qui craqua :
— Bon, on peut pas éternellement éviter le sujet de tes cheveux... sur ces mots, Kuroo serra les dents et lâcha un chip d'agacement : « Une idée de comment tu vas te venger ? »
Iwaizumi leva les yeux au ciel. Bien qu'il n'ait jamais douté du fait que Kuroo se vengerait, il espérait que les deux gamins arrêtent un jour de se chamailler. Mais vu le tempérament du sergent, ce ne serait pas lui qui stopperait les hostilités le premier. Quant au lieutenant... Il avait l'air d'être de la même trempe que son ami. Cela ne présageait rien de bon.
— Tu sauras, mon petit Yaku, que je ne révèle jamais, il insista sur ce mot, : « mes plans. Mais j'ai deux trois idées, t'en fais pas pour ça. »
Yaku souffla du nez, frustré. Il était aussi curieux que Kuroo.
— Salut Iwaizumi.
L'interpellé se retourna et fit face à Akaashi, les deux mains dans ses poches, il avait le même air ennuyé qu'à l'accoutumée. Sachant pertinemment qu'Akaashi ne parlait jamais pour rien dire, Iwaizumi s'écarta du groupe de quelques pas.
— Un soucis ? demanda Iwaizumi.
Tanaka et Nishinoya passèrent près d'eux, aussi bruyant qu'à l'accoutumé et rejoignirent le reste du groupe près des canapés.
— Non, aucun, fit-il après leur passage : "Je voulais juste voir avec toi pour la chambre."
— Ah ouais, les lits superposés sont plus confortable que le troisième... Enfin, c'est ceux que je préfère. J'ai l'habitude de dormir dans celui du haut, à moins que tu le veuilles ?
Akaashi secoua la tête, négativement. Ça l'arrangeait de garder celui d'en bas.
— Au contraire, ça m'arrange.
Iwaizumi croisa les bras et observa le groupe qui s'agglutinait autour du canapé. Que Kuroo le veuille ou non, ils avaient tous décidé de le charrier sur sa nouvelle couleur. Plusieurs personnes allaient avoir le même problème s'ils continuaient ainsi. Il soupira, pria pour que son ami se tienne calme avec les autres et releva les yeux vers le second étage. Perdu dans sa rêverie, son bipeur le fit sursauter. Notant qu'il était chef d'agrée d'ambulance, il se précipita dans les vestiaire, enfila sa tenue et courut jusqu'au standard pour récupérer son télex. Sur place, il croisa Akaashi qui sortait de la pièce, le précieux document dans les mains, Oikawa sur les talons.
L'intervention promettait d'être intéressante si l'infirmier et le lieutenant y étaient envoyés aussi. Il parcourut le document du regard en se dirigeant vers la VSAV.
Déjà au véhicule, Tsukishima et Yamaguchi attendaient leur chef.
— On part sur de la défenestration avec le VSM et le VLCDG, pas de temps à perdre, tu fonces Yamaguchi !
