10 novembre

— Akaashi !

— Bokuto.

— Akaaaaaashiiii !

— Bokuto.

— Akaaaaaaaassshiiiiiiii !

Akaashi soupira. Il était encore de corvée de repas et Bokuto ne le lâchait pas d'une semelle, sans pour autant l'aider. Il adorait Bokuto. Il le trouvait plein d'énergie, toujours joyeux, à remonter le moral de n'importe qui et aider les autres, mais quand il décidait d'être pénible, il était pire qu'un enfant. C'était le premier point noir qu'il lui avait trouvé, et pour le moment, le seul. Oh, Kuroo l'avait prévenu que s'il continuait à ignorer sa demande, il découvrirait son plus gros problème : Ses sauts d'humeurs extrêmes. Il n'était pas diagnostiqué bipolaire, mais toute la caserne pensait qu'il l'était. Pour l'instant, Akaashi ne voyait qu'un caprice. Mignon au début, fatiguant après douze heures de même rengaine.

— Bokuto, tu me gênes. Va pleurer sur la table du salon, s'il te plaît, lança-t-il en évitant, une nouvelle fois, son collègue.

— Pourquoi tu veux pas venir ? pleurnicha-t-il.

— Je me suis déjà engagé ailleurs, je ne peux pas faire faux bon maintenant, expliqua-t-il une énième fois dans un calme olympien.

Akaashi éteignit les plaques de cuissons, sortit la vaisselle et la tendit à Bokuto.

— Peux-tu mettre la table, s'il te plaît ?

Bokuto le fixa longuement, abattu, mais prit tout de même les assiettes et alla les disposer sur la table. Peut-être fut-ce la goutte de trop, mais il s'éloigna ensuite jusqu'au canapé, attrapa un coussin et se cala au sol, la tête dedans.

Akaashi le regarda faire dans un soupir. Il termina de préparer la table, déposa le repas et appela leur garde pour les prévenir.

Ils vinrent tous dans les minutes qui suivirent, et comme la première fois, Akaashi en fut ravie. Il n'avait pas pour habitude de cuisiner énormément, ou encore de faire des plats élaborer, mais si cela convenait à ses collègues, c'était suffisant.

En une trentaine de minutes, ils finirent le repas et partirent à leurs occupations. Une nouvelle chamaillerie éclata suite au choix du film -un film de Noël pour Sugawara-, alors que Bokuto était encore au sol, près du canapé.

— T'as réussi à nous le déclencher, hein... lâcha Kuroo.

Akaashi, perdu dans ses pensées et dans la vision de Bokuto, se retourna :

— Pardon ?

— T'as réussi à déclencher son bad mood, on en a au moins pour deux semaines, merci l'infirmier, explicita Kuroo, sarcastique.

Offusqué, Akaashi fronça les sourcils et rétorqua :

— Je ne peux pas venir à votre fête, je ne vois pas ce qu'il y a de mal à le dire franchement.

— Quand Bokuto veut vraiment quelque chose, Bokuto l'obtient, sourit Kuroo : « Tu ne le sais pas encore, mais tu viendras. »

— Je ne vois pas pourquoi je changerais d'avis, je n'ai jamais repoussé ou annulé ce que j'avais prévu, quand je m'engage, je le fais sérieusement.

Kuroo eut un léger rire.

— Je suis sûr que tu trouveras une solution. Mais t'as jusqu'à demain matin pour la trouver, sinon, tu n'auras pas que Bokuto sur les bras, sourit-il dangereusement.

Soudainement sérieux, Akaashi se tourna vers Kuroo.

— Tu oserais.

— La question c'est : Qu'est-ce que je n'oserai pas, jeune infirmier ?

Un frisson parcourut l'échine d'Akaashi. Il fallait qu'il remette Bokuto d'aplomb. La nuit allait être courte.

— Je peux au moins savoir comment vous faîtes, d'habitude, pour le remettre dans son état ?

Kuroo croisa les bras et posa une de ses mains contre son menton :

— Eh bien... On le félicite et on l'encourage. Mais bon, d'habitude, c'est à cause de ses exploits qu'il rentre dans son mauvais mode. Ça fait longtemps que ce n'était pas arriver à cause de quelqu'un, le tourmenta Kuroo.

Akaashi lui lança un regard ennuyé, et s'avança vers le canapé.

Sugawara ayant encore gagné, un énième film de Noël passait sur la télé. De ce fait, presque toute la garde avait déserté ce coin. Seuls demeuraient Sugawara, Sawamura, Yaku et Bokuto, qui n'avait pas bougé d'un iota depuis presque trois quart d'heure désormais.

Il dépassa ses trois collègues, assis sur la banquette et se glissa au sol, près de Bokuto.

— Bokuto, il faudrait au moins que tu viennes manger, murmura Akaashi en s'asseyant auprès de lui.

Il n'eut aucune réponse, Bokuto resta fermé.

De loin, Kuroo regarda l'infirmier ramer. Il vit Iwaizumi s'approcher tout en les observant. Il sourit à la vision, Akaashi n'avait aucune idée de ce dans quoi il s'embarquait, il allait en avoir pour un moment.

— Il essaie vraiment de faire changer le mode de Bokuto.

— Eh ouais.

— Tu lui as dis qu'on y était jamais arrivé en une soirée ?

— Eh non.

Iwaizumi lui jeta un regard en coin :

— T'es un enfoiré, tu l'sais ?

— Et encore, t'as pas vu ce que j'ai réservé à Oikawa, sourit lentement Kuroo.

— Qu'est-ce que t'as fait ?

Kuroo croisa les bras :

— Tu savais qu'il avait bloqué la roue de ma moto ?

— T'as gueulé assez fort à c'sujet-là ces quatre derniers jours pour que je sois au courant. Tsukishima est même venu squatter chez moi parce que tu l'emmerdais trop.

— C'est un détail, ça, fit-il en avec un hochement de tête : « Je lui ai juste rendu la pareil et puis... Tu savais qu'il avait des produits de beautés ? J'ai jamais vu une armoire aussi rempli et pourtant, j'en ai connu des filles. »

Iwaizumi se tourna complètement vers lui, consterné.

— T'as pas fait ça...

Kuroo lui sourit juste.

— Oh, Akaashi abandonne déjà, regarde, il revient... minauda-t-il pour changer de sujet.

Effectivement, Akaashi revint vers eux mais les ignora. À la place, il prépara une assiette, et repartit avec. Il s'assit à la même place, et, fourchette à la main, la tendit vers la bouche de Bokuto.

Bokuto cligna plusieurs fois des yeux et se les frotta. Lorsqu'il les rouvrit, Akaashi tenait toujours une fourchette remplie à quelques centimètres de son visage.

— Akaashi ?

La surprise avait remplacée la moue maussade que tirait Bokuto depuis qu'il s'était assit par terre.

L'infirmier inspira un grand coup, ignorant les regards posés sur eux et les gloussements de Kuroo, il approcha la fourchette de Bokuto.

— Dis "aaah", souffla-t-il aussi bas qu'il le pouvait.

Trop surpris pour refuser, Bokuto s'exécuta et ouvrit la bouche. Il referma les lèvres sur la fourchette et avala le contenu. Akaashi la remplit à nouveau et l'approcha des lèvres du sergent qui restèrent closes. Il la rabaissa près de l'assiette.

— Aucun pompier ne peut se permettre de faire une intervention le ventre vide, souffla doucement Akaashi : « Ce n'est pas une chose qu'un infirmier peut laisser passer, que tu m'en veuilles, ou non. »

Il releva la fourchette jusqu'aux lèvres de Bokuto qui ouvrit une nouvelle fois la bouche. Il avala le contenu des fourchettes suivantes sans broncher. Quand il eut terminé le contenu de son assiette, Akaashi le félicita. Prêt à se lever, il fut arrêter par un murmure de Bokuto :

— Ça va durer longtemps ton repas, tenta-t-il en fixant les semelles de ses rangers.

— J'y suis au moins jusqu'à minuit, généralement... Akaashi pesa le pour et le contre, et ajouta : « J'ai bien compris que tu y tenais absolument, alors, si j'arrive à m'échapper avant, je viendrais. »

Bokuto regarda soudainement Akaashi des étoiles plein les yeux et l'attrapa par les épaules.

— T'es le meilleur, Akaashi !

Ne lui laissant pas le temps de réagir, Bokuto l'attira contre lui et le serra dans ses bras. Agrippant l'assiette comme il put, Akaashi fut incapable de bouger. Il sentit ses joues chauffer et balbutia un maigre « pas spécialement », que Bokuto ignora royalement.

Il finit par le lâcher et se retourna, tout sourire. Akaashi, craignant qu'une fièvre soudaine l'ait frappé, se leva et alla dans la cuisine.

— Je suis plus qu'impressionné, lâcha Kuroo, sidéré et seul.

Iwaizumi avait disparu entre temps.

— Tais-toi et laisse-moi, souffla Akaashi, dont le coeur ne voulait pas se calmer.

Kuroo se reprit, et un rictus déforma ses lèvres :

— Oya oya... Qu'est-ce qui te met dans cet état ? Un câlin de notre grand gaillard ?

Akaashi l'ignora et lava l'unique assiette qui restait. À cet instant, il comprit ce qu'Oikawa pouvait reprocher à Kuroo. Il soupira.

— Bro' ! Akaashi t'a dit ? chantonna joyeusement Bokuto en s'approchant : « Il viendra à la fête après son repas. »

— Si je peux, marmonna Akaashi : « Si je peux, j'ai dis. »

— Mais tu pourras, j'en suis certain, provoqua Kuroo.

— J'espère bien ! Eh, y'a Yamamoto et Kosuko qui veulent jouer contre nous au baby, tu viens ? Akaashi, viens nous supporter !

Akaashi lança un regard qui se voulait serein, mais qui ne lui sembla absolument pas sûr :

— J'arrive. Je termine et j'arrive.

Enjoué, Bokuto tira Kuroo et l'emmena à sa suite, Akaashi respira un grand coup discrètement.

Encore plus rouge qu'il ne lui semblait, il porta discrètement ses mains humides contre son visage, effleura ses joues et les sécha. Il ne s'attendait pas à ce que Bokuto sente aussi bon, et il se sentit stupide. Il venait de nourrir l'un de ses collègues à cause d'un caprice idiot, et le pire, c'était que ça lui avait peut-être, un peu, rien qu'un peu, plu.

Akaashi inspira et expira longuement. Il ne pouvait pas se permettre de tomber... Flûte ! Encore moins de Bokuto et pourtant... Là, il était très mal parti, il le savait.

— Akaashi ! hurla Bokuto à travers la pièce, : « T'as dit que tu venais nous supporter! »

— J'arrive, lança-t-il en se retournant.

Le grand sourire de Bokuto noua son estomac.

Akaashi, pour l'une des rares fois de sa vie, jura : Il était dans la merde.

* équipe de renfort