24 novembre
La musique hurla, Akaashi bondit.
Dans un réflexe, il attrapa son téléphone, ferma les yeux à cause de la lumière, les plissa pour lire, soupira, puis décrocha.
— Allô ?
Il toussota, sa voix éraillée l'avait surpris, il tenta de prendre un peu plus de contenance.
— Akaashi !
Il éloigna le combiné de son oreille, puis le rapprocha.
— Bokuto.
— Déso', j'te réveille ?
— Il est sept heures quatre du matin, un jour où nous ne travaillons pas, donc oui, Bokuto, tu me réveilles.
Un grand silence répondit à Akaashi, puis il entendit le sergent se racler la gorge.
— T'as pourtant la tête d'un lève tôt ! il enchaina rapidement : « On va s'faire quelques montées à neuf heures, du coup, j'voulais voir avec toi si t'étais partant. »
— Quelques montées ?
— De l'escalade.
Akaashi s'assit et se frotta les yeux. Il pesa le pour et le contre, puis, sachant pertinemment qu'il ne pourrait pas se rendormir, il accepta.
— Pourquoi pas, je dois prendre quoi et vous rejoindre où ? bailla-t-il.
— Évite les vêtements trop amples, ça risque de t'gêner, une paire de baskets d'intérieur et un pull, il fait frais ! On s'est donné rendez-vous au gymnase Naruhito !
— D'accord. Je me prépare et je vous rejoins là-bas. Les équipements sont prêtés ?
— Ouais, ils nous font pas ramener des cordes, ce s'rait galère, rigola Bokuto : « Prends juste de quoi faire du sport, le reste on gère. »
À la boutade, Akaashi jeta un regard irrité à son téléphone, puis soupira et le reprit.
— Ça marche, à tout à l'heure, Bokuto.
— À t'à l'heure !
Bokuto raccrocha dans la foulée, Akaashi s'étala dans ses coussins. Il détestait le matin et les réveils. Il gémit en se frottant le visage et se força à se lever immédiatement. Il serait en retard sinon. D'un geste plus violent qu'il ne le voulait, il dégagea sa couette, chaussa ses pantoufles et enfila son peignoir. Il ne restait qu'un mois avant Noël, le froid de novembre s'acharnait à le rappeler. Après un café, un déjeuner léger et un visage nettoyé, Akaashi se sentit enfin réveillé. Il s'habilla avec un legging, un sous-pull à manches longues et un t-shirt par-dessus. Il refit son lit dans la foulée, vérifia qu'il avait bien ses clés et son portable et sortit.
Une vingtaine de minute plus tard, Akaashi descendit du bus. Le ciel était blanc de nuage, et les températures n'excédait pas les dix degrés.
— Akaashi !
Il tourna la tête, Bokuto lui faisait de grands signes. Iwaizumi avait le nez dans son portable et Kuroo parlait avec Tsukishima. Tout en continuant d'avancer, l'esprit d'Akaashi tourna à plein régime. Effectivement, Bokuto avait dit « on », et il n'y avait pas prêté attention sur le coup. À cinq, ça ne serait pas pratique, si ? Il salua l'assemblé d'un hochement tête et d'un « bonjour » assez bas.
— Mieux réveillé que ce matin ? plaisanta Bokuto : « T'inquiète pas, t'es pas l'seul novice, Tsukki en a déjà fait trois ou quatre fois avec nous mais pas plus. »
Akaashi lança un regard à Tsukishima, qui le rassura également :
— On va survivre. Ils sont assez doués pour nous éviter la mort.
Kuroo s'offensa à la remarque et une joute verbale commença entre les deux. Iwaizumi les ignora et poussa les portes du gymnase. Ils saluèrent la femme de l'accueil. Au sourire qu'elle leur adressa et au tutoiement, il comprit qu'ils n'étaient pas venus ici par hasard.
— On est cinq c'te fois !
— Et vous avez besoin d'une personne supplémentaire ?
Les trois sergents se lancèrent un regard et refusèrent la proposition.
Ça ira, merci.
La femme s'excusa un instant et s'éloigna chercher leurs équipements. Pendant ce temps là, ils ôtèrent leurs vestes et posèrent leurs effets personnels dans une grande caisse. Elle revint avec cinq baudriers, plusieurs jeux de cordes et de mousquetons. Sans se donner la peine de leur expliquer, elle les conduisit jusqu'à l'intérieur du gymnase avant de s'éclipser.
— Du coup, on fait comment ? demanda Bokuto tout en enfilant son baudrier.
— Kuroo avec Tsukishima, Toi avec Akaashi et moi, j'vais vous garder à l'oeil parce que vous êtes des idiots et que je sais déjà comment ça va se terminer, lâcha Iwaizumi.
— T'es aussi idiot que nous, tu participes à chaque fois... se moqua Kuroo.
— Akaashi pourra jamais m'assurer, j'fais quatre fois son poids !
— T'es pas si gros, et je l'aiderai. Tsukishima pourra se débrouiller avec Kuroo, il a très bien comprit le truc et il sait assurer.
— Eh, j'suis pas gros, je suis dense, il articula bien le dernier mot et se tourna vers Akaashi : « T'as déjà mis un baudrier ? »
Kuroo explosa de rire. Tsukishima se tourna pour éviter de se moquer ouvertement, Iwaizumi resta blasé et Akaashi... Tenta d'ignorer son affirmation précédente et de rester sérieux.
— Non, je n'en ai jamais mis. Je n'ai jamais fait d'escalade tout court, d'ailleurs.
— Ok, pas d'soucis, Bokuto attrapa le baudrier et le retourna plusieurs fois : « Ici, tu mets ta jambe gauche », il montra une seconde boucle : « Ici la droite. Ça, tu l'mets autour de ta taille et puis pouf, tu serres ! »
Pendant les explications de Bokuto, les garçons enfilèrent leurs baudriers et Kuroo était même déjà prêt.
Akaashi prit le baudrier et, le tenant plus écarté possible, l'enfila du mieux qu'il put. Les sangles étaient lâches, il n'était pas certain de les avoir mis correctement, mais décida de serrer un peu sa taille pour avoir les mains libres.
Bokuto, qui avait enfilé son baudrier en un éclair, s'approcha de lui.
— J'vais t'aider à le serrer, mal ajusté tu risques de t'faire mal ou de pas être assez bien retenu.
Il mit un genou à terre et passa ses mains autour d'une des cuisses d'Akaashi, il ajusta la première boucle de réglage et poursuivit avec la seconde. Akaashi se figea et se mordit la langue. Entre les entraînements de sport et le fait de servir de coussin inopinément à Bokuto, il avait pris l'habitude de son côté tactile. Bien qu'il se pétrifiait encore, au moins, il ne rougissait plus. Un grand pas pour Akaashi. Bokuto l'obligea à pivoter sur lui-même et il vérifia l'ajustement de l'anneau central et la tension du pontet.
— Ma foi, ça m'a l'air pas mal ! Tu t'sens comment ? T'arrives à bouger ?
Akaashi leva une à une ses jambes et s'agenouilla.
— Aucune gêne.
Il se releva, et observa les trois autres hommes. Kuroo venait de grimper sur le mur, en quelques mouvements, il avait atteint les deux mètres. Il s'arrêta quelques secondes, sembla trifouiller le mur, puis continua sa montée.
— Vaché !
Akaashi fut bouche-bée devant tant d'agilité. Lors de l'intervention du GRIMP, la dernière fois, il se rendit compte qu'il n'avait pas vu le cinquième des talents de Kuroo. Ce dernier, un grand sourire aux lèvres, attrapait les prises les unes après les autres sans réfléchir. Il connaissait ce mur par coeur, ses bras le maintenaient sans peine et ses jambes étaient pleines d'énergie. Il se sentait revivre ici, à dix mètres du sol. Cette matinée allait être fabuleuse. Il atteignit le plafond, installa le moulinet et avertit :
— Sec !
Tsukishima bloqua la corde, sous l'oeil avisé d'Iwaizumi et s'ancra au sol pour supporter son poids. Kuroo profita de la hauteur pour observer le gymnase. Pour un mercredi matin, il n'y avait pas beaucoup de monde, ils allaient pouvoir être tranquille. Il jeta un oeil à Akaashi et lui fit un signe de la main. Il était arrivé un mois auparavant. Réservé et pudique, Kuroo ne lui avait pas tant parlé que ça. Oh, ça ne l'avait pas empêché de noter le rapprochement entre lui et son Bro', et cette sortie allait lui permettre de jauger un peu plus leur relation. Certes, il semblait être bien sous tout rapport, mais l'inexpression récurrente qu'il affichait en cas de malaise ou d'ennuie le titillait. Il était plus qu'intriguant de tomber sur des personnes qui cachaient aussi bien leurs émotions. Pour l'instant, le seul qui avait su lui tirer quoi que ce soit, c'était Bokuto et ça, c'était d'autant plus curieux pour Kuroo.
Akaashi ne réagissait que très peu à ses boutades ou piques, alors que l'affection débordante de Bokuto le mettait dans tous ses états. Enfin, autant qu'il avait pu le constater.
Toujours assis à dix mètres du sol, Kuroo releva la tête et fixa le plafond, puis s'étira. Bokuto lui était cher, et le peu d'amourette qu'il avait eu s'étaient mal terminées. Soit, on profitait de sa bienveillance et on l'utilisait, soit on le quittait violemment. Certes, ça se comptait sur les doigts d'une main, mais c'était déjà trop. Akaashi allait devoir faire ses preuves.
La réalité frappa soudainement Kuroo. Bien qu'Akaashi lui semblait intéressé par Bokuto, pour qu'il fasse ses preuves, encore fallait-il savoir s'il était gay.
Tsukishima crispa ses doigts sur la corde. Malgré le système ingénieux de poulies, le poids de Kuroo commençait à se faire ressentir. Il lança un coup d'oeil au sergent qui était toujours immobile dans les airs. D'en bas, il jouissait d'une vue imprenable sur ses fesses, qu'il savait parfaitement ferme.
— Kuroo, t'es lourd ! interpella Tsukishima.
Perdu dans ses pensées, Kuroo n'avait pas prit garde au temps qui passait.
La vue te plaît pas ? cria-t-il comme seule réponse.
Tsukishima lança un regard noir à son amant. Profitant de la présence d'Iwaizumi, il fit deux petits pas rapides en avant. Le mouvement généra du mou. Kuroo chuta et s'arrêta brutalement. Les sangles de son baudriers lui rentrèrent dans les cuisses. Il se mordit la langue pour éviter d'insulter son homme, mais le foudroya du regard. L'air goguenard qu'il vit l'agaça d'autant plus.
— Est-ce que c'est vraiment une bonne idée de faire ça ? demanda Akaashi en les fixant.
Bokuto avait monté leur corde à la moulinette, et se trouvait encore au sol, près de lui.
— Iwaizumi aurait rattrapé la corde au besoin, Bokuto pointa du doigt la corde enroulée au sol : « Tant que ça, ça reste au sol, ça craint rien. Si la corde se dévide, Kuroo s'écrase. »
— Se dévide ?
— Ouais. On utilise pas de frein, si Tsukki lâche la corde, le poids de Kuroo sera plus du tout retenu, la corde va se dévider, il haussa les épaules, persuadé d'avoir donné une explication claire : « En cas de pépin, Iwaizumi n'a qu'à choper la corde, il stoppera la chute de Kuroo. »
Akaashi remercia Bokuto pour les explications et jeta un coup d'oeil à Kuroo, qui venait de rejoindre la terre ferme. Il le vit se détacher et tendre la corde à Tsukishima.
— C'est à ton tour maintenant ! lâcha gaiement Bokuto.
Il se glissa derrière Akaashi, passa ses bras de chaque côté de ses flancs et enfila la corde dans le pontet. Le souffle de Bokuto lui frôla la tempe :
— On va faire un noeud en huit, regarde bien, la prochaine fois, tu l'fais tout seul.
Lentement, Bokuto forma une boucle qui ressemblait à un huit, fit glisser le brin libre contre l'autre, forma une boucle autour du baudrier, passa sur l'envers et resserra le tout. Il le refit une seconde fois, plus rapidement, et tendit la corde à Akaashi.
Ce dernier la prit, se concentra et répéta les gestes qu'il venait de voir. Sous l'oeil avisé de Bokuto, il réussit du premier coup. Après une félicitation de Bokuto, il s'approcha du mur et l'observa.
— Si t'as besoin d'souffler, tu cries « sec ». Si tu veux tenter un truc, cris « mou », ça t'laisse plus de marge. Et si tu veux descendre… « en descente », c'est tout bon ?
— C'est tout bon, affirma Akaashi.
Il prit une respiration et attrapa sa première pierre. Bokuto l'entraînait depuis une semaine, et ses courbatures commençaient à s'estomper. Il ne serait pas aussi agile que Kuroo, c'était certain, mais il pourrait certainement se débrouiller. Les premiers mètres furent simples. Arrivé à la moitié, Akaashi s'arrêta.
— Sec !
— Un soucis ? demanda Bokuto.
Tsukishima, légèrement au dessus de lui s'était arrêté à son tour. Prêt à intervenir en cas de problème.
— J'hésite sur la prochaine prise, lança Akaashi.
Collé au mur, il n'avait pas tant de visibilité que ça sur son parcours. Kuroo était un monstre pour être aussi rapide.
— Favorise les « bacs », les grosses prises là, comme la orange devant toi, elles sont plus ergonomiques, la bleue à ta gauche t'auras une mauvaise prise !
Akaashi s'étira et attrapa du bout des doigts la prise orange dont parlait Bokuto. Comme l'avait dit le sergent, sa main l'engloba parfaitement et il parvint à se hisser. Il observa les prises suivantes et en choisit une presque semblable à celle qu'il avait attrapé. Il progressait lentement, Tsukishima était déjà arrivé en haut. Mais Akaashi savourait le moment. Comme Bokuto lui avait dit, il découvrait des sensations magiques. Lorsqu'il atteint le sommet du mur, Akaashi jeta un regard en bas. Le vide sous ses pieds provoqua des frissons jusque dans son échine. Il remercia intérieurement Bokuto de l'assurer.
La descente s'avéra plus compliqué que ce qu'il n'avait cru. Bokuto lui avait conseillé de ne pas se laisser descendre, d'après lui, les sensations étaient meilleures en passant par le mur. Trouver les prises en les voyants n'avait pas été aisé. Trouver les prises sans les voir… À tâtons, Akaashi posa son pied. La prise lui sembla bonne. Il balança son poids sur celle-ci avant qu'elle ne se dérobe. Il lâcha une de ses mains, amortit l'impact d'un bras pour protéger son visage et soupira en sentant la corde se tendre.
— Tout va bien ? s'inquiéta Bokuto.
— Ça va, j'ai juste glissé.
Bokuto s'assura de bien tendre la corde pour prévenir toute nouvelle chute.
Bien que la sensation ait été agréable, Akaashi fut heureux de retrouver la terre ferme. Il jeta un coup d'œil à ses mains, rougies et raidies par l'effort.
— Elles s'habituent vite ! Pour une première, t'as trop géré Akaashi !
Akaashi remercia Bokuto, s'écarta du groupe un instant et bu quelques gorgées d'eau, lorsqu'il se tourna à nouveau vers eux, Bokuto et Kuroo étaient en train de s'harnacher sous le regard réprobateur d'Iwaizumi.
— Vous êtes pire que des gosses, pesta-t-il.
Tsukishima fit quelques pas en direction d'Akaashi. Il s'était retrouvé dans la position du novice quelques temps auparavant et savait comment cela pouvait être impressionnant. Et puis, les deux idiots, quand ils étaient lancés, oubliaient le monde extérieur. Il était prêt à parier que Bokuto ne ménagerait pas Akaashi.
— C'est plus spectaculaire que ça en à l'air.
Akaashi interrogea du regard son cadet.
— Assurer, il désigna le mur de la main, : « T'auras le sentiment de servir à rien et de ne pas apprendre, c'est frustrant au départ mais… »
Kuroo les interrompit.
— Eh ! On vous attend !
Tsukishima leva les yeux au ciel, poussa un soupire et récupéra la corde que lui tendait Kuroo. Il s'en équipa et le regarda échauffer une à une ses articulations, s'étirer le dos et faire quelques petits bonds sur place, le visage soudainement sérieux. Kuroo finit par tourner la tête vers lui et lui adressa un sourire.
Iwaizumi, qui venait de finir d'expliquer à Akaashi comment assurer, ajouta :
— Je reste près de toi quoiqu'il arrive.
Akaashi remercia Iwaizumi d'un hochement de tête et répéta les mouvements qu'il venait de lui montrer.
— La théorie est là, plus qu'à voir la pratique ! Bokuto passa un bras autour des épaules d'Akaashi, : « Ça va que c'est Iwaizumi qui t'a montré comment on fait, avec Kuroo j'aurais pas eu confiance. »
Kuroo répondit à la raillerie par une insulte et s'approcha du mur.
— J'vais t'éclater.
Bokuto s'installa à son tour au pied du mur. Quand Iwaizumi donna le top départ, les deux grimpeurs se jetèrent sur les premiers bacs. Tsukishima, plus réactif qu'Akaashi, parvint à garder une corde plus tendue que lui. Sur deux mouvements, il sentit ses mains se perdre, mais il retrouva rapidement le fil et plaqua le mou contre sa cuisse avant de reprendre de la main gauche.
Comme dans tous les domaines, Bokuto était impressionnant. Kuroo quant à lui... Akaashi était estomaqué. Il était parvenu au sommet du mur en moins de dix secondes. Autant dire qu'il ne l'avait pas vu monter.
— Putain ! s'exclama Bokuto une fois en haut.
Dans un geste de colère, il se laissa tomber dans son baudrier sans prévenir.
Akaashi se retrouva projeté contre le mur. Instinctivement, il posa le pied sur le mur et plia la jambe pour amortir l'impact.
Iwaizumi eut juste le temps d'attraper la corde pour les retenir tous les deux.
Le coeur battant, Akaashi reprit son souffle le nez à quelques centimètres du mur. Un grand silence envahit le gymnase, tout sembla figé.
Iwaizumi fut le premier à réagir. La corde bien en main, il s'approcha d'Akaashi :
— Ca va ?!
Akaashi tourna la tête vers lui, et répondit calmement :
— Je n'ai pas lâché la corde.
À la réponse, Kuroo hurla de rire de son perchoir. Le reste du gymnase sembla reprendre vie.
— C'est... J'ai vu, c'est bien, lâcha bêtement Iwaizumi.
— T'as juste pas fait le poids ! éclata Kuroo, plié en deux à dix mètres du sol.
Bokuto, muet, ne bougea pas.
— Kuroo ! rouspéta Tsukishima.
Pour toute réponse, son amant continua de rire. Maintenu par un pied et une main, il ne pouvait même pas lui faire peur en lâchant du mou. Il le fixa durement, ce qui ne le calma pas pour autant.
— Bokuto ? tenta Akaashi.
Le silence lui répondit, alors il reprit :
— Bokuto, tout va bien ? Tu ne t'es pas blessé ?
Il crut entendre un murmure, mais ne comprit pas. Kuroo riait trop fort pour qu'il puisse écouter quoi que ce soit. Il lui jeta un regard mécontent et lança platement :
— Kuroo, si tu continues à rire, je me débrouille pour te faire avaler du laxatif.
Le rire s'arrêta net. Se moquant du regard surpris de ses collègues, Akaashi reprit d'une voix forte :
— Bokuto, est-ce que tu vas bien ?
D'une voix penaude, il lâcha un « oui », à peine audible.
— Tu te tiens correctement ? Je vais m'éloigner du mur et tu pourras ensuite descendre.
Iwaizumi apprécia le sang-froid d'Akaashi et accompagna ses gestes. Bokuto descendit calmement, Kuroo aussi. La tête résolument tournée vers le sol, Bokuto ne releva pas les yeux même quand il toucha terre. Iwaizumi et Akaashi s'approchèrent de lui.
— Hé, Bokuto, tout va bien. T'as juste oublié que c'était pas moi en bas, ça arrive, lâcha Iwaizumi, une main sur son épaule : « J'aurais dû m'y attendre. »
— Je vais bien et toi aussi, ajouta Akaashi : « C'est le plus important. »
— Vois les choses du bon côté, lança Kuroo : « On est certain qu'Akaashi pèse pas la moitié de ton poids, quoi que... tout mouillé, peut-être... »
À la réplique, il se prit un coup de coude dans le sternum de la part de Tsukishima. Cela eut néanmoins pour effet de relever la tête de Bokuto, qui lui jeta un regard noir et croisa les bras.
— T'es qu'un chieur, bougonna-t-il.
— Mais tu m'aimes, rétorqua Kuroo, à bout de souffle.
Bokuto l'ignora et se tourna vers Akaashi et Iwaizumi.
— Désolé, et merci... J'étais... Il chercha ses mots et finit par lâcher : « J'suis bête. »
— Tu es loin de l'être, tu as juste été pris dans le jeu.
- C'est pas comme si ça arrivait à chaque fois que vous vous lancez des défis, ajouta Iwaizumi.
Bokuto lui tira la langue. Iwaizumi lui pinça le nez.
- Si t'es remis de tes émotions, détache-toi et laisse moi faire peur à cet idiot. J'suis aussi stupide que vous, aux dernières nouvelles.
Kuroo, toute douleur soudainement oubliée, se redressa et sautilla :
— C'est une provocation ? Un défi ? Une affirmation ? On est à trois cent cinquante six pour moi.
— Contre trois cent quarante pour moi, tout vient à point à qui sait attendre.
— C'est vrai que c'est toujours mieux que le zéro de Bokuto, se moqua Kuroo.
Outré, Bokuto pesta :
— J'reste un gars du GRIMP j'me débrouille très bien !
— Et c'est pas parce que Bokuto te frappera pas que je le ferais pas à sa place, riposta platement Iwaizumi. Il s'harnacha et se chauffa devant le mur : « Akaashi, tu te sens de m'assurer ? »
— Bien sûr.
— Bokuto, reste derrière au cas où et arrête de tirer la gueule.
— J'tire pas la gueule, marmonna-t-il en ramassant la corde derrière Akaashi.
— Alors tu peux gentiment nous faire un départ digne de mon bro' ? sourit Kuroo.
Bokuto soupira et dans une fausse joie exagérée, lança le décompte.
Ils s'élancèrent au même moment, ce fut aussi impressionnant que la première fois. Cependant, à la sixième seconde, Kuroo hurla de frustration, déconcentré une seconde, Akaashi comprit qu'il avait glissé, mais se focalisa à nouveau sur Iwaizumi, qui frappa le haut du mur en premier. Malgré une prise ratée, Kuroo le talonna à une seconde prêt.
— On r'commence ! râla Kuroo.
— Dans tes rêves.
— J'ai glissé !
— J'dirais plutôt que le karma t'as rattrapé, chambra Iwaizumi.
Kuroo posa une main sur son coeur :
— Comment oses-tu ? Je n'ai absolument pas mérité de karma. À aucun moment ! Ne me regardez pas comme ça ! ajouta-t-il aux trois garçons d'en bas.
Ils s'entre-regardèrent chacun leur tour et se sourirent. Kuroo était le pire d'entre eux, mais au fond, ils l'adoraient.
