28 novembre
Iwaizumi s'observa une dernière fois. Un pull simple, un jean avec une ceinture et ses doc martin's aux pieds, il se trouva correct. C'est ce qu'Oikawa lui avait demandé, une tenue correcte et celle-ci en était une pour ses critères. Pour ce qui était des critères d'Oikawa, peut-être pas, mais ça… Il n'en avait rien à foutre. Il sourit à sa propre remarque, attrapa sa veste en cuir, ses clefs et son porte-feuille. Il reçut un sms d'Oikawa, le prévenant qu'il était en bas. Il vérifia que Le Fauve avait assez dans sa gamelle et sortit. La brise glacé de fin novembre l'accueillit et il regretta presque de ne pas avoir mit d'écharpe.
Oikawa l'attendait, adossé contre un mur, les mains jointes auprès de son visage, il semblait souffler dessus pour les réchauffer. Il s'approcha :
— Salut.
— Iwa-chan ! Oikawa le détailla des pieds à la tête : « J'étais persuadé que « bien habillé » signifierait ça pour toi », il haussa les épaules en souriant : « Ça fera l'affaire quand même. »
Iwaizumi tiqua. Il venait d'arriver qu'il lui tapait déjà sur le système.
— On est pas tous des Divas. Et « correct » ne signifie pas « sur son trente et un ».
Oikawa répliqua qu'il ne portait « qu'un deux pièces, dépareillé qui plus est » en faisant la moue et se mit en marche :
— La voiture n'est pas loin, on a réservé pour vingt heures, il jeta un regard à sa montre : « On devrait pas trop tarder. ».
— Tu as réservé pour vingt heures et j'sais même pas où, rétorqua Iwaizumi en suivant son pas.
— Tu verras quand on y sera, sois pas impatient Iwa-chan.
Il grimaça à l'entente du surnom mais se tût. Le trajet se passa dans un silence coupé par la radio, il n'en eurent que pour une dizaine de minutes. Quand Iwaizumi reconnut le côté huppé de la ville, il sentit une étrange angoisse l'envahir.
— Shittykawa, t'as pas fait ce que j'pense ?
Un grand sourire aux lèvres, Oikawa resta muet, tourna une fois de plus à gauche et s'arrêta près du trottoir, devant un grand bâtiment au style européen. Tout en élégance et en richesse, les larges fenêtres laissaient passer la lumière intérieure où l'on devinait aisément le luxe qui s'y trouvait. Iwaizumi se décomposa légèrement, alors qu'Oikawa sortait de la voiture. Il passa de l'autre côté, lui ouvrit la portière et l'invita à descendre dans un geste. Le poing serré sur sa ceinture, Iwaizumi la défit, et sortit à son tour. Il jeta un regard noir à Oikawa.
— Je te hais.
— Je n'y crois pas une seule seconde.
Les mains dans les poches, Iwaizumi serra les poings. Il lui aurait bien prouvé la véracité de ses propos à coup de baffes, mais, devant un tel lieu, c'était impossible. Un homme s'avança, élégant malgré un épais manteau. Oikawa le salua, lui tendit ses clés et s'avança tranquillement.
— T'oses vraiment laisser ton bébé entre les mains de quelqu'un, lâcha Iwaizumi, encore choqué de l'endroit où ils étaient.
— Ces personnes sont des professionnels, Iwa-chan, fais attention à ce que tu dis, ils pourraient mal le prendre.
— Professionnels ou pas, c'est pas eux que j'remets en doute mais ta santé mentale concernant cette voiture.
Ils arrivèrent en haut des marches, on leur ouvrit la porte et Oikawa s'y engouffra naturellement. Mal à l'aise, Iwaizumi le suivit dans son ombre, non sans observer tout autour de lui. Ils n'étaient que dans le hall, et, pour Iwaizumi, ça puait déjà le luxe. Trop de luxe. Trop de clinquant. Entre la moquette bordeaux épaisses, les murs richement décorés, le plafond qui ressemblait plus à celui d'un château qu'à autre chose et les lustres avec plus d'or et de pierre qu'Iwaizumi ne pourrait s'en acheter même en trimant toute sa vie, il avait envie de partir en courant.
— Ton manteau, Iwa-chan.
Iwaizumi baissa les yeux. Un garçon attendait près de lui, la main tendue. Il nota qu'il avait déjà le manteau d'Oikawa. Il bredouilla une excuse et lui donna le sien. Il n'appréciait pas du tout la chose, mais sans pouvoir faire autrement, il prit sur lui. Prêt à insulter cordialement Oikawa, il resta médusé quand son regard se posa sur lui. Il n'avait pas pris le temps de le regarder avant ça.
Oikawa savait se mettre en valeur, c'était un fait, mais ce soir, il avait monté le niveau. Il portait un pantalon de costume marron, rehaussé d'une veste à carreaux dans les tons crèmes fermée sur une chemise lilas. Il avait accompagné son « costume dépareillé » d'une cravate bordeaux et d'un mouchoir assorti.
Un serveur les salua, Oikawa donna son nom et il les entraîna dans la salle. Face à son dos, Iwaizumi se mordit la joue. Il était gay, bien qu'il ne le criait pas sur tous les toits, il s'assumait assez et était capable de reconnaitre un bel homme. Sachant que le visage d'Oikawa avait déjà tout pour plaire, il avait évité de le regarder quand ils se changeaient. Iwaizumi n'avait pas du tout envie de s'assurer que son lieutenant avait le physique d'apollon que tous rêvaient d'avoir. Hors là, il était obligé d'admettre que c'était le cas.
Ils arrivèrent à une alcôve entourée de lourds rideaux. Contrairement aux règles de bienséance, Oikawa congédia le serveur et y entra. Une main sur sa hanche, Oikawa l'attendait patiemment avec un léger sourire.
— Assieds-toi, je t'en prie.
Trop obnubilé par son lieutenant jusqu'à présent, Iwaizumi détourna rapidement son regard et jeta quelques coups d'oeil autour. Une longue fenêtre plus étroites que les autres donnaient sur de la végétation entretenue, les murs étaient riches mais non chargés, ce qui le détendit légèrement. La table était au centre du renfoncement, déjà préparée pour deux. Iwaizumi s'en approcha et s'assit, mal à l'aise. Il nota que les rideaux les cachaient de la vue de la salle, ajouté à cela le lustre somptueux qui les éclairait d'une lumière diffuse et il n'en fallut pas plus pour que l'atmosphère de l'alcôve soit des plus intimistes. Le regard bloqué sur les rideaux, Iwaizumi fronça les sourcils. Il avait l'impression que les bruits de la salle lui parvenaient étouffés.
— Je me suis dis que tu n'aimerais pas qu'on te voit, lança doucement Oikawa.
Les coudes sur la table, le menton dans le creux de sa main, Oikawa était parfaitement détendu.
— Je croyais qu'on devait pas mettre les coudes sur la table, bougonna Iwaizumi.
— Effectivement, on ne doit pas le faire. Mais comme personne ne nous voit, je n'ai aucun besoin de me tenir, et toi non plus.
Iwaizumi croisa les bras et soupira. Un regard vers son assiette et les innombrables couverts le firent tressaillir.
— Comme si ça, ça allait m'aider à me détendre, pesta-t-il.
— Je vais t'apprendre.
— Tu pouvais pas juste choisir quelque chose de…
Iwaizumi s'arrêta, cherchant son mot.
— Discret ? tenta Oikawa : « La table est à un endroit discret. Tranquille ? On est plutôt tranquille aussi, je trouve. »
— T'as très bien compris ce que je voulais dire, te fous pas de moi.
Oikawa s'apprêtait à répondre lorsqu'un serveur pénétra dans l'alcôve et leur proposa un apéritif. Oikawa tourna un oeil vers Iwaizumi.
— Une idée de ce que tu vas prendre ?
Iwaizumi, complètement perdu, ne sut que secouer la tête négativement.
— On prendra deux coupes, et du foie gras en canapé, merci.
Le serveur nota la commande d'un mouvement de tête et les salua, un bras replié sur la poitrine. Il quitta l'alcôve sans jamais leur tourner le dos.
Iwaizumi prit une longue respiration.
— Je sais pas si c'est la pire ou meilleure surprise qu'on m'ait faite.
— Très manichéen ça Iwa-chan. Développe ?
— Arrête avec tes Iwa-chan... Il leva les yeux au ciel, posa son coude sur la table et tripota un couvert : « Disons qu'une expérience comme ça c'est… Intéressant à vivre, j'suis pas un expert en cuisine mais j'reste curieux, sauf que… » Il tourna le regard vers les rideaux : « J'suis loin d'être à ma place ou d'me sentir à l'aise, même les serveurs me jugent. J'fais tâche et ça se sent. ».
Il détourna les yeux et les reposa sur la table. Toute cette richesse lui paraissait de trop. Il ajouta :
— Je comprends mieux ton côté Diva, maintenant. Je pensais pas que t'avais été élevé dans autant de… paraître.
— On t'a déjà dit que tu étais horrible ? Tu ne survivrais pas un seul instant chez moi.
Ignorant sa première pique, Iwaizumi répondit calmement :
— C'est sûr que jouer la comédie, j'en s'rai incapable. On m'a pas élevé comme ça et même si on avait essayé, j'pense pas que j'aurais pu avoir une adolescence calme.
— Et du coup, ça ressemble à quoi, une enfance sans jouer la comédie ? bouda Oikawa, un poil vexé.
— Sûrement à ce que tu t'imagines ? À se faire engueuler par ses parents, à aller jouer n'importe où. On doit suivre les règles et on s'fait engueuler quand on les dépasse. Et souvent, le but, c'est de les dépasser, donc on s'fait encore plus engueuler, sourit Iwaizumi : « Rien de spécialement dangereux, mais l'interdit donne toujours envie d'aller plus loin quand on est gamin. »
Oikawa resta interdit un instant. Il n'avait pas connu ce genre de choses.
— Je n'imaginais pas ça, pour tout te dire, il haussa les épaules : « Quelle vie trépidante ! »
— T'as jamais bravé une limite ?
— L'avantage des parents absents, c'est qu'ils sont absents, ironisa Oikawa : « Pépé ne me mettait pas d'interdits, si je voulais faire quelque chose, je le faisais, quitte à en subir les conséquences après. »
— C'est pas ce qu'on appelle « avoir une vie de gosse de riche » ? taquina Iwaizumi, un brin moqueur.
Du peu qu'il constatait dans ce restaurant, il devinait que pour apprendre les codes et l'éducation de ce milieu, Oikawa avait dû en baver mais c'était plus fort que lui, il se sentait obligé de l'enquiquiner.
Le serveur choisit ce moment pour arriver. Il leur déposa leurs coupes et amuse-bouches.
— Avez-vous fait vos choix pour la suite du repas ?
— Pas du tout, lâcha Iwaizumi : « Je vais faire confiance à... mon ami, ici présent. »
Oikawa déconnecta totalement. Son regard se perdit dans le vide le temps que son cerveau imprègne l'information que ses oreilles venaient d'entendre.
Iwaizumi le fixa, ainsi que le serveur. Cinq secondes passèrent.
— Monsieur ? tenta le serveur.
En vain.
Amusé, mais sachant pertinemment qu'il ne pouvait rien faire de visible, Iwaizumi lui donna un coup de pied dans le tibia pour le faire réagir.
Oikawa retint un cris et grimaça, assénant un regard noir à son ami. Ami qui cachait difficilement son rire et répondit malgré tout :
— Il prendra le menu un, avec entrée viande et poisson. Pour moi, ce sera le deux. Apportez nous de l'eau gazeuse également. Merci.
Quand le serveur fut parti, Oikawa pesta :
— Ça ne se fait pas ça ! Tu m'as fait mal !
— T'as ignoré le serveur, tu voulais que j'fasse quoi d'autres ? J'ai bien pensé à te mettre une tape derrière la tête mais on m'regarde déjà assez mal comme ça, sourit Iwaizumi.
Oikawa croisa les bras sur son torse et soupira.
— Je ne l'ai pas ignoré, j'ai juste été... Surpris.
— Si j'avais su qu'il fallait ça pour te faire taire, je l'aurais fait avant.
— On a clairement pas la même définition de l'amitié !
— Ah, et c'est quoi ta définition de l'amitié ?
Il chercha un instant.
— Je n'en sais rien, mais je suis certain que frapper ses amis ne fait pas parti des pré-requis ! Et il y a un mois tu ne me considérais même pas comme ton chef, c'est normal que je sois surpris quand tu me dis ça aujourd'hui !
Ce fut au tour d'Iwaizumi de se sentir bête. Gêné, il tourna les yeux vers l'extérieur, puis, se remémorant leur première dispute, il lâcha :
— Un partout, balle au centre ?
La dernière fois, c'était lui qui avait prononcé ces mots alors qu'Iwaizumi venait de lui coller son poing dans le ventre. Il y a un mois, Iwaizumi ne supportait pas de rester dans la même pièce que lui, aujourd'hui, ils étaient ensemble au restaurant et il ne l'avait même pas forcé. Certes, il continuait de le frapper, mais maintenant, Oikawa y discernait une certaine forme d'affection. Finalement, il était peut-être masochiste. Surtout avec ce qu'il avait comprit hier. Son estomac se serra et il baissa les yeux.
À la vue du lieutenant silencieux, Iwaizumi regretta ses paroles et lança :
— Désolé. C'est vrai que c'est pas un très bon souvenir.
Oikawa jaugea Iwaizumi du regard un instant, il se leva et tendit le bras à travers la table pour frictionner ses cheveux. Iwaizumi pesta et repoussa son bras.
— C'est du passé, dit Oikawa en se rasseyant, : « T'as du ralentir avec le sport, tes coups font moins mal maintenant. ».
Il n'avait trouvé que ça pour lui changer les idées.
Le serveur apporta les entrées, remplit leur verre et prit congé. Iwaizumi attendit qu'il s'éloigne et posa ses deux mains sur la table.
— Franchement, là, j'te déteste un peu quand même. Pourquoi y'a autant de couverts ? lâcha-t-il, désemparé.
Oikawa se mit à rire.
— Apparemment c'est important pour ne pas mélanger les saveurs et pour mieux saisir les aliments, il attrapa une fourchette et un couteau « Ça par exemple, c'est pour le poisson, c'est ce que tu vas utiliser en premier. ».
Iwaizumi prit les couverts qu'il lui avait montré, soupira, et attaqua son plat. Oikawa fit de même.
À la première bouchée d'Iwaizumi, le poisson fondit presque sur sa langue tandis que la sauce rehaussait le goût dans une explosion de saveur. Il en reprit une seconde, puis une troisième. L'expérience marcha à chaque fois.
Oikawa releva les yeux.
— Ça te... plait ?
Il serra ses lèvres pour ne pas rire, Iwaizumi, la fourchette à la bouche, hocha la tête comme un enfant et continua de manger.
— Ça à l'air, effectivement, s'amusa Oikawa.
Iwaizumi posa sa fourchette, il venait de terminer son plat. Certes, il y en avait peu dans l'assiette, et il n'avait pas l'impression d'avoir mangé si vite, mais il manquait certainement de palais pour aussi bien déguster qu'Oikawa.
— Je pensais pas que du poisson pouvait être aussi bon.
Oikawa sourit à sa remarque et termina tranquillement son assiette, pendant qu'Iwaizumi observait l'extérieur.
— Ravie que ça te plaise, finit-il par dire.
— Hm. Dis, reprit-il en se tournant vers lui : « Comment t'as fait pour la journée des gosses, hier ? J'veux dire, j'ai juste émis l'idée et j'ai bien compris que Kuroo t'avais aidé mais sérieux, t'as réussi à lui demander de l'aide et ça t'a pas tué ? »
— C'est lui qui a faillit me tuer, Oikawa bu une gorgée d'eau, : « Mais il faut croire qu'on est plus que des gosses et que, pour la bonne cause on est capable de mettre nos différents de côté. » il s'essuya les lèvres avec sa serviette avant d'ajouter « Plus jamais de la vie je ne veux avoir a faire ça. »
— C'est drôle, il m'a dit exactement la même chose.
Oikawa eut l'air affligé.
Le serveur revint, débarrassa leurs assiettes et couverts usagés, remplis une nouvelle fois leurs verres et déposa des bols devant eux. Iwaizumi fixa étrangement sa soupe, mais ne pipa mot la concernant et lança :
— Sois pas triste, c'est pas si terrible que ça, que tu lui ressembles.
Il observa ses couverts, les différentes cuillères, puis sa soupe une nouvelle fois.
— La soupe, ça se mange avec ça, Oikawa attrapa la seule cuillère à soupe de la table : « Ça s'appelle... Une cuillère à soupe. »
Iwaizumi le fixa, blasé.
— Y'a rien de logique dans votre monde, alors excuse-moi d'avoir du mal à croire que ça semble aussi simple.
Il attrapa sa cuillère et goûta son plat.
— Tu es enfant unique ? lâcha Oikawa après quelques cuillerées de soupe.
Iwaizumi se figea, sa cuillère au-dessus de son assiette.
— Pas vraiment. J'ai... J'avais une soeur, se reprit-il : « Elle est morte quand j'avais treize ans. J't'arrête de suite », fit-il en relevant les yeux : « si tu t'excuses, j'me lève, j'te frappe et j'me casse. »
— C'est à cause de ça, les pompiers ? Oikawa se retint de compatir, il savait que la menace était sérieuse.
Il haussa les épaules, reprit une cuillerée et attrapa son pain.
— En partie. J'savais pas quoi faire après sa mort et mon père en a eu marre de m'voir constamment dans sa chambre, à elle. Le reste, tu connais déjà.
Il arracha un bout de pain et sauça son assiette avec.
— Tu disais qu'on te regardait mal... Si on te surprend à faire ça, tu seras classé comme paria.
Iwaizumi s'arrêta une nouvelle fois, soupira et avala quand même son pain.
— Quand j'te dis que vous êtes fous. J'arrive pas à croire que t'aies l'air aussi normal malgré tout ça.
— Eh ! Oikawa retourna la phrase dans sa tête plusieurs fois, : « Mais... Ce serait presque un compliment ça. »
— On dirait que j'te maltraite quand tu fais ce genre de remarque.
Oikawa s'offusqua et se mit à énumérer justement toutes les maltraitances que lui avait infligé Iwaizumi.
— Et ça t'a tellement traumatisé que tu m'invites dans le restaurant le plus huppé de la ville, le coupa Iwaizumi avec ironie, il s'adossa à son siège, croisa les bras et ajouta avec un air de défi : « Donc t'es vraiment masochiste. »
— Faut bien ça pour admettre vouloir... Oikawa s'arrêta quelques secondes et reprit : « Rester avec toi, non ? »
Le serveur leur déposa l'entrée chaude. Iwaizumi tiqua, Oikawa allait lui dire quelque chose avant de changer d'avis au dernier moment, il en était certain. La pique fit mouche tout de même, et, dès que le serveur fut partie, il répliqua :
— Maint'nant que tu m'donnes l'idée, j'devrais peut-être regarder de ce côté-là pour trouver quelqu'un.
Il pesta après ses nombreux couverts, Oikawa lui montra une nouvelle fois et il attaqua son assiette.
— Parce que tu es célibataire ?
— Parce que tu m'as fait du rentre-dedans sans le savoir ? lâcha platement Iwaizumi, médusé.
— J'avais cru le comprendre, mais comme tu n'es pas du genre à étaler ta vie privée à la caserne... Tu aurais pu m'étonner.
Iwaizumi le jaugea quelques secondes, donna deux coups de fourchette et répondit :
— Eh bien, je t'étonnerai pas puisque j'suis bel et bien célibataire. Le fait que toi, tu le sois encore, ne m'étonne pas vraiment non plus, taquina-t-il.
—Tu es un désobligeant, brute et moqueur, je ne vois pas ce qui peut être pire que ça ! râla Oikawa.
— Une Diva orgueilleuse et puérile ?
Oikawa eut l'air outré.
— Eh, on a déjà voulu de moi, comme quoi je ne dois pas être si terrible que ça, lâcha Oikawa, : « Et toi, t'as déjà fréquenté des hommes de façon saine et durable ? »
— Le fait que j'sois célib' répond à la question durable, mais c'était… Mouais assez sain. Et, ces personnes voulaient de toi en toute connaissance de cause, t'es sûr ? Parce qu'...
Iwaizumi se figea, puis continua de manger comme si de rien n'était. Il avait faillit avouer à Oikawa que sa beauté devait attirer les foules, et ça, c'était hors de question.
Contrairement à Oikawa, qui le fixa sans vergogne. Non seulement, Iwaizumi venait de lui confirmer qu'il était gay sans même y prendre garde mais en plus, il se sentait tellement à l'aise qu'il ne réfléchissait plus avant de parler.
— Ça ne se fait pas de commencer une phrase et de ne pas la terminer, s'amusa-t-il.
— Ça s'fait pas de fixer les gens non plus. Pourtant, tu le fais.
Oikawa posa son menton sur ses mains, un sourire aux lèvres :
— Je regarde toujours les choses que j'aime.
Iwaizumi se figea, la fourchette aux bords des lèvres. Il cligna des yeux pour reprendre constance et avala sa bouchée, ignorant royalement la boutade. Sentant ses oreilles chauffer sans qu'il puisse y faire quoi que ce soit, il prit son verre d'eau et but quelques gorgés.
Un grand sourire aux lèvres, Oikawa nota le rougissement d'Iwaizumi et fut certain d'une chose : il lui faisait de l'effet, et ça, c'était la meilleure chose qu'il pouvait apprendre ce soir.
Une fois les assiettes vides, le serveur les débarrassa et apporta le plat suivant.
— Y'a combien de plat, au juste ? demanda Iwaizumi, redevenu calme et maitre de lui-même.
— Neuf, en comptant le dessert.
— Sérieusement ?
— Sérieusement.
— Vous êtes des fous.
L'affirmation fit sourire Oikawa. Lorsque le serveur apporta le trou normand, Oikawa s'amusa de l'air étonné d'Iwaizumi, « De la glace ? En plein milieux du repas ? Et tu t'étonnes que je bug sur une cuillère à soupe ? », avait-il lancé dès que le serveur avait passé le rideau. Il avait bu le calva comme un jus de fruit et avait toussé pendant un moment. Iwaizumi avait accueilli les autres plats avec plus de méfiance. Le poisson avait été une fois encore un délice. Les assiettes paraissaient des plus banales, même si, bien présentées, mais une fois en bouche, le mot gastronomie prenait tout son sens. Ils échangèrent quelques mots au sujet de pépé, des pompiers et des gamins du quartier. Il s'était régalé avec la viande mais n'avait pas apprécié le fromage, l'odeur l'avait découragé et le goût l'avait rebuté. Il se promit de ne jamais dépenser d'argent là-dedans. Lorsqu'il vit le dessert arriver, Iwaizumi retint un soupir. Le repas commençait à lui peser sur l'estomac, il avait trop mangé. Il avait été agréablement surprit lorsqu'il l'avait prit en bouche. La légèreté et la fraîcheur du dessert lui avait permis de l'apprécier, chose qu'il ne faisait jamais habituellement, le sucré n'était pas sa saveur préférée.
Il prit avec regret la dernière cuillère, avant de finalement la reposer. Oikawa le nota immédiatement.
— Quelque chose ne va pas ?
Iwaizumi évita son regard quelques secondes et se frotta la nuque avant de se décider.
— Disons que... J'ai adoré le repas. Et que j'aurais du mal à te remercier correctement pour ça. Mais... quand on aura terminé, on devra retraversé toute la salle pour sortir, et j'ai vraiment pas envie.
Oikawa eut un sourire amusé.
— Tu fonces tête baissée dans un feu mais traverser une salle pleine de bourges te fait peur ?
Iwaizumi resta quelques secondes interdit, avant de rire. Il étouffa rapidement son hilarité pour ne pas se faire remarquer et rétorqua :
— Fais gaffe, on pourrait croire que j'déteins sur toi. Mais oui, sache que cette salle est plus flippante qu'un feu.
— On se côtoie trop Iwa-chan, c'est pour ça, il marqua une courte pause, : « Reste près de moi alors, je suis ton binôme pour l'intervention. »
Iwaizumi avala la dernière part de son dessert au moment même ou le serveur apporta la note.
— Tu sais, commença Iwaizumi, Oikawa posa les yeux sur lui et attendit. Mal à l'aise, il fronça les sourcils : « C'était vraiment bon, mais un peu... trop. Merci, mais… »
— Pitié, plus jamais ça ? le coupa Oikawa avec un grand sourire.
— C'est trop d'éducation pour moi, se justifia Iwaizumi : « Même si la bouffe est délicieuse et que j'serais déçu de plus jamais y gouter. »
Oikawa porta son verre d'eau à ses lèvres et bu quelques gorgées avant de reposer son regard dans celui d'Iwaizumi.
— Si c'est le monde qui te dérange, tu n'as qu'à venir chez moi la prochaine fois.
Iwaizumi se figea un instant, avant de relancer :
— Tu penses pouvoir faire aussi bien qu'un chef étoilé ?
— C'est un défi ? Oikawa lui lança un regard joueur.
Iwaizumi le toisa un instant. Il avait passé beaucoup trop de temps avec Kuroo et Bokuto ces six dernières années, ils lui avaient déteint dessus.
— Ouais, c'est un défi. Et je prie pour rester vivant quand je goûterai ça.
Oikawa se leva, se moquant de la pique et rétorqua :
— Prie déjà pour rester vivant en traversant la salle, Iwa-chan.
Il l'insulta à demi-mot. Oikawa en sourit et sortit de l'alcôve sans l'attendre. Le suivant d'un pas rapide, Iwaizumi ignora les regards sur sa personne, laissa Oikawa aller seul jusqu'à la réception et sortit dans le froid. À quelques jours de décembre, la brise lui mordit les joues, et pourtant il l'accueillit avec joie. Les mains dans les poches et le nez gelé, il vit la voiture d'Oikawa arriver, et un chauffeur en descendre.
— Je ne pensais pas que tu te sentais mal au point de sortir sans attendre ta veste, se moqua Oikawa en arrivant près de lui.
Il grimaça, attrapa vivement son blouson et soupira d'aise quand il l'enfila. Oikawa s'approcha de sa voiture, toujours en route, Iwaizumi le suivit. Prenant le chemin du retour, il fut aussi court et silencieux qu'à l'allée. Le repas avait été consistant, la digestion se faisait sentir. Iwaizumi étouffa un bâillement quand Oikawa se gara devant chez lui.
Il se détacha, sortit de la voiture, puis se pencha pour le saluer.
— Pour ce soir, même si t'as abusé pour la tenue, merci, sourit Iwaizumi : « C'était cool. Fais gaffe en rentrant. »
— Je fais toujours attention, Iwa-chan !
Iwaizumi leva les yeux au ciel. Il se demanda à quel moment il n'avait plus eu envie de frapper son lieutenant quand il entendait ce surnom stupide, puis ferma la porte.
La vitre se baissa alors qu'il s'apprêtait à partir.
— Iwa-chan !
Il se tourna et étouffa un nouveau bâillement. Il commençait sérieusement à fatiguer.
— Quoi ?
— J'ai hâte de te revoir.
Un peu confus, Iwaizumi lâcha bêtement :
— Tu devrais tenir, la prochaine garde est dans deux jours.
L'air affligé d'Oikawa le perdit complètement. Il s'en alla non sans un « Bonne nuit, Iwa-chan ! » qui lui sonna faux. Il se frotta les yeux et ouvrit la porte de son immeuble en baillant. Iwaizumi songea. Oikawa avait été étrange, ils avaient pris l'habitude de se voir tous les quatre jours avec leurs gardes, alors deux jours… Ce n'était pas si long que ça. La main sur la poignée de porte des escaliers, Iwaizumi se figea. Il avait prit les insinuations et les actes d'Oikawa pour un jeu. Mais plus le temps passait… Et plus il en doutait. Le rappelle de la dernière expression d'Oikawa lui noua l'estomac. Il fronça les sourcils. Avec ce que lui avait dit Oikawa pendant le repas... Il le draguait, non ? Iwaizumi tourna la poignée et grimpa les trois étages, il s'engouffra dans son appartement, caressa rapidement Le Fauve et quitta ses chaussures. Il jeta négligemment sa veste sur le porte manteau et se laissa tomber sur son canapé. Lui et le lieutenant ? Sérieusement ? Il essaya d'imaginer la scène, et son cerveau le fit un peu trop bien à son goût. Il jura.
