30 novembre
Oikawa jeta un énième coup d'oeil à sa montre, puis à ses documents. Il était penché dessus depuis plus de deux heures et pourtant, il ne semblait pas avoir avancé d'un iota. La sainte barbe approchait, ou plutôt, était imminente. Mais avec la journée des enfants qu'il avait organisé, son travail avait prit du retard et il avait été trop occupé ces derniers temps pour le rattraper. Il remplit un nouveau document, le tamponna et apposa sa signature avant de le classer, puis décréta qu'il était temps de prendre une pause. Il avait besoin de voir un peu de monde, mais aussi de surveiller Kuroo.
Leur gueguerre s'était calmée pendant quinze jours, mais cet après-midi, en retour d'intervention, il avait eu la mauvaise surprise de trouver du gel dans sa bouteille de shampoing. Il se leva de son bureau et jeta un coup d'oeil à son reflet dans la vitre teinté. Heureusement pour lui, ce n'était que du gel, ses cheveux n'avaient pas soufferts de la plaisanterie. Oikawa prit soins de refermer la porte de son bureau, descendit jusqu'à la salle commune. Le boucan des hommes présents le fit sourire, la plupart d'entre eux étaient regroupés devant la télé. Tranquillement, Oikawa atteignit la cuisine, passa près de Yaku et prit une tasse.
— Il y a un problème ? demanda-t-il.
— Sugawara a encore gagné et veut mettre un film de Noël. Tous les autres sont en train de râler et de mettre le système de jeu en doute.
Oikawa mit sa préparation au micro-onde, observa les garçons, puis Yaku.
— Vous décidez comment, au juste ? Shifumi, non ?
Yaku hocha la tête.
— Sauf que Suga' est trop fort à ce jeu-là.
— Et c'est maintenant que ça pose problème ? sourit Oikawa.
— Il se fiche de regarder la télé, la plupart du temps, sauf à cette période de l'année. Je crois qu'il a un problème avec Noël mais on a jamais su et Sawamura nous a dit que nous ne voulions pas connaître la raison.
Curieux, Oikawa tourna à nouveau la tête vers eux.
— Et Kuroo n'a pas cherché ?
Yaku eut une expression étrange, entre l'amusement et la peur.
— Si. Et il n'a rien trouvé.
— C'est effrayant, ça, non ?
— C'est même terrifiant, affirma Yaku d'une voix grave : « Kuroo trouve toujours tout, encore plus quand il s'agit d'emmerder le monde. Soit il nous a mentit, soit il n'a rien trouvé, et dans les deux cas, ça rend Sugawara ultra-flippant. »
Oikawa prit son chocolat. Le nez dans sa tasse, les arômes le détendirent presque immédiatement. Il n'y avait rien de meilleur qu'un chocolat chaud en hiver. Toute l'année, également. Il en prit une lampée, le regard rivé sur la chamaillerie de ses collègues.
— Donc, c'est à cause de ça qu'aucune personne n'ose réellement s'en prendre à Sugawara et que sa voix fait loi ?
Yaku termina son café.
— En partie. On a vu Sugawara une fois énervé, aussi, il eut un frisson et ajouta : « Personne veut voir ça de sa vie. »
Surpris, Oikawa s'apprêta a le questionner quand la voix de Sugawara retentit, plus fortement.
— Bien si vous voulez tant la télé, on fait le Secret Santa et je vous la laisse !
Un calme plana dans la salle, coupé par quelques murmures. Ce fut Tanaka, l'un des principaux acteurs de la révolte, qui négocia.
— OK, mais tu nous laisses la télé toute la garde ainsi qu'à la prochaine !
— Deal, accepta immédiatement Sugawara.
Oikawa lança un nouveau regard à Yaku et demanda :
— Tu vas peut-être te moquer de moi, mais, c'est quoi un secret Santa ?
— T'en as jamais entendu parler ? s'étonna-t-il.
Oikawa secoua négativement la tête, les mains autour de sa tasse.
— Chacun met son nom dans une boîte, ensuite on tire au sort. Tu dois faire un cadeau à la personne que tu as tiré, expliqua simplement Yaku : « Si tu tires ton nom, tu recommences bien évidemment. Ah et personne ne sait qui offre quoi à personne sauf si, le jour où on ouvre les cadeaux, la personne décide de se désigner. »
Il trouva l'idée étrange quoique, amusante. Sugawara héla les hommes et leur ordonna de se réunir autour de la grande table. Bokuto s'était éclipsé pour aller chercher un casque et du papier. Ils avaient décidé de faire le tirage à l'intérieur, parce qu'il trouvait ça « stylé ».
— Que tout le monde écrive son nom et le dépose ! Oikawa ne t'enfuis pas ! lança Sugawara d'un ton sans appel.
Oikawa regarda Sugawara mi amusé mi sidéré. Il n'avait pas l'habitude qu'on lui donne des ordres, mais le ton le fit se plier. Il attrapa un carré de papier, y nota son nom, le plia et le déposa dans le casque que promenait Bokuto.
Iwaizumi, non loin, fixa Oikawa. Il était difficile de refuser quoi que ce soit à Sugawara, mais il était étonné qu'Oikawa ne rétorque rien malgré tout. L'idée du secret Santa devait l'amuser plus qu'il ne le laissait paraître. Il grimaça en se rappelant la soirée précédente et les idées qui en avait découlé. Il n'avait presque pas dormi suite à ça. Tout ça a cause de cet idiot.
— Un soucis, Iwaizumi ?
À l'entente de son nom, il sortit de sa torpeur. Oikawa avait fait quelques pas vers lui entre temps et était un peu trop proche à son goût.
— Non, aucun.
Oikawa plissa du nez. Il avait noté que le sergent s'était tendu.
— Tu me fixes, rétorqua-t-il.
— Pas du tout.
Iwaizumi tenta de s'écarter, Oikawa fit quelques pas de plus pour lui bloquer la route. La situation ne lui plaisait pas.
— Et en plus, tu me fuis, souffla Oikawa tout bas.
— Je m'éloigne juste pour aller me faire un café, j'peux aller le faire ou t'as peur de me perdre ? ironisa Iwaizumi.
— Maintenant que tu le dis, tu as peur des salles bondées... Je pourrais te perdre au milieu de tous ces hommes... Aller, je t'accompagne !
Un tic nerveux agita la paupière d'Iwaizumi tandis qu'un sourire dangereux peignait ses lèvres. Il s'avança, Oikawa sur les talons, et prépara son café. D'un geste naturel, Oikawa se planta à côté de lui alors qu'il mettait sa tasse à chauffer.
— T'es vraiment un emmerdeur, lâcha-t-il en tournant les yeux vers le Lieutenant.
— Mais ça te plait, non ?
Une étrange sensation s'empara de son ventre, et il détourna la tête.
— J'suis pas maso', contrairement à toi, donc non, nia-t-il ouvertement.
Sa tasse à la main, il s'approcha de la table et la posa dessus. Bokuto venait de finir de courir après Tanaka et Nishinoya et s'approchait d'Akaashi. Il sentit plus qu'il ne vit Oikawa près de lui, son souffle non loin de sa nuque.
— Tu savais que quand tu étais gêné, tes oreilles rougissaient ? murmura Oikawa, : « C'est trop mignon. » ajouta-t-il.
D'un geste instinctif, Iwaizumi posa sa main sur son oreille. Il marmonna une insulte, avant de lâcher d'une voix plus forte qu'il ne l'avait voulu :
— Y'a rien de mignon !
Oikawa tenta de retenir un rire, en vain. Il évita le coup d'Iwaizumi dans la foulée, et rit encore plus.
Akaashi, qui venait de poser son papier, les fixa comme la plupart des hommes de la caserne.
— Je ne savais pas qu'Iwaizumi était aussi proche du lieutenant, lâcha-t-il à Bokuto.
— Moi non plus, répondit Bokuto, les yeux rivés sur eux aussi, un air perplexe sur le visage : « J'me demande depuis quand c'est l'cas. »
Kuroo les attrapa par les épaules.
— J'crois qu'ils le sont depuis autant d'temps que vous. Ce qui fait combien d'temps, du coup ?
— Eh, on a toujours été proches, râla Bokuto.
Akaashi détourna les yeux, soudainement mal à l'aise.
— On peut dire que ça s'est fait tout seul, donc il n'y a pas vraiment de temps à compter.
Kuroo scruta Akaashi, suspicieux. Il n'était pas encore parvenu à connaitre les intentions d'Akaashi quant à sa relation avec Bokuto. Il ouvrit la bouche pour rétorquer lorsqu'un cri de la diva l'en empêcha.
— Non ! Pas le visage ! cria Oikawa.
Ils posèrent les yeux sur le bout de la table, puis se décalèrent. Iwaizumi maintenait Oikawa au sol, un stylo dans la main.
— C'est du marqueur en plus ? s'offusqua le lieutenant.
Les bras coincés sous les jambes d'Iwaizumi, il était complètement bloqué. Malgré ses tortillements, Iwaizumi réussit à attraper sa mâchoire.
— Tiens-toi tranquille et j'te ferais juste des moustaches.
— Ça tâche ! On fait comment si ça bip, tenta Oikawa, jouant sur le professionnalisme d'Iwaizumi.
Iwaizumi s'arrêta à quelques centimètres de sa tête, releva le marqueur et tapota ses lèvres avec. Il n'avait pas tort et si ça venait à se savoir, le chef les engueulerait. Son regard se posa sur la fermeture éclair de son col. Un sourire aux lèvres, Iwaizumi l'ouvrit malgré les protestations d'Oikawa.
— Tu peux écrire « diva » en gros, avant d'écrire « chieur » s'te plait ? lança Kuroo, amusé.
— Bien sûr, quelqu'un a d'autres envies ? demanda Iwaizumi, affairé à sa tâche avec une pointe de satisfaction.
— Vous allez me le payer, pesta Oikawa en se débattant.
Iwaizumi raffermit sa prise et se pencha légèrement au dessus d'Oikawa pour avoir un meilleur accès à son cou. L'agacement d'Oikawa renforça son esprit taquin.
— C'est la première fois que tu me déshabilles, j'aurais préféré un autre contexte, Hajime, chuchota Oikawa.
Les yeux d'Iwaizumi s'écarquillèrent et son stylo arrêta de bouger. Il releva la tête pour l'insulter.
— Ça suffit, les enfants !
La voix de Sugawara l'arrêta, il la tourna vers lui, énervé.
— On passe au tirage au sort, debout !
Iwaizumi grogna, vérifia que les mots étaient bien écrits et donna une pichenette sur le front d'Oikawa. Elle fut assez forte pour le faire geindre et lui laisser une trace rouge, ce qui le calma légèrement. Il se leva et croisa les bras, Oikawa pourrait se relever tout seul. Il garda son air mécontent collé au visage, bien qu'intérieurement, il avait juste envie de fuir. Depuis le diner, il ne savait plus du tout quoi penser des boutades d'Oikawa et ce dernier l'avait comprit, c'était certain. Si seulement c'était ça, il aurait pu gérer, cependant… Au souvenir du rêve de la veille, il fronça un peu plus les sourcils. Tout le monde faisait des rêves érotiques, il n'y avait pas de honte à avoir. C'est ce qu'il pensait, jusqu'à ce qu'Oikawa apparaisse dans l'un des siens.
— Iwaizumi, à toi de tirer ! chantonna Sugawara.
Il approcha sa main du casque, espéra y tirer le nom de Kuroo, Bokuto ou Akaashi, pourquoi pas celui de Sawamura… En bref, n'importe lequel sauf celui du lieutenant. Il plongea sa main dans les papiers restant, en attrapa un au hasard et le sortit du casque. Il inspira et le déplia. Si intérieurement Iwaizumi se décomposa, personne ne put le remarquer. Le visage stoïque, il replia le papier qu'il venait de tirer et le fourra dans sa poche. « Oikawa », sa mâchoire se crispa. Évidemment, pesta-t-il entre ses dents alors que le suivant tirait à son tour un morceau de papier.
Qu'avait-il fait dans son ancienne vie pour mériter ça ?
