12 décembre

— Enfin, s'écria Bokuto en poussant la porte de la salle de repos.

Il était dix neuf heures passées, et la journée avait été longue. Ils avaient été appelés en renfort sur un accident de la route en début d'après-midi et y avait été bloqué jusqu'à présent.

Il salua ses collègues et alla se jeter dans une douche. Une fois propre et habillé, il s'approcha du coin télé. Akaashi était assis dans le canapé, accoudé au rebord avec un livre dans les mains et les jambes repliées sous lui. Sans aucune gêne, il s'étala et se posa contre sa cuisse. D'un geste désormais naturel, Akaashi les déplia légèrement pour qu'il puisse s'installer plus confortablement, sans même relever les yeux de son livre.

— Longue journée ? demanda Akaashi.

Bokuto releva les yeux vers lui, sembla réfléchir, puis répondit :

— Mouais, longue j'crois qu'ça correspond bien.

Akaashi sourit doucement et continua sa lecture.

La salle de pause était calme. Autant qu'elle pouvait l'être avec Tanaka et Nishinoya près de la table, mais l'ambiance restait tranquille, avec le téléfilm de Noël en fond et ses chansons typiques. Bokuto, le regard rivé sur Akaashi, nota qu'il était vraiment délicat. Que ce soit son port de tête, sa mâchoire, son cou, ses épaules. Ils s'entraînaient depuis un mois maintenant, et même si Akaashi gagnait en endurance, il ne prenait pas spécialement en muscle. Tout l'inverse de lui.

Suite à un clignement de paupières, Bokuto admira quelques instants la beauté de ses yeux anthracites. Des yeux gris, c'était peu commun. Comme ses propres yeux dorés. Il comprenait mieux pourquoi certaines personnes le fixaient avec étonnement quand ils le rencontraient, il avait envie de faire de même avec l'infirmier.

Akaashi pinça les lèvres et fronça les sourcils, puis tourna sa page et se détendit après quelques secondes. Il avait de jolies lèvres, presque pleines. Pas au point d'être féminines, mais elles semblaient parfaites pour être embrassées.

Le coeur de Bokuto rata un battement.

Kuroo n'arrêtait pas de lui rabâcher qu'ils étaient proches. Ça devait commencer à lui monter au cerveau.

— Bro' !

Comme par enchantement, Kuroo venait d'apparaître. Il sauta par dessus le canapé et s'étala sur Bokuto, tout heureux. Akaashi coinça la page de son livre avec un doigt et le décala vers la droite, histoire de ne pas perdre le fil malgré les deux énergumènes.

— T'es lourd ! souffla Bokuto.

À la remarque, Kuroo posa tout son poids sur lui, et rit :

— T'es trop musclé pour me dire ça !

— T'abuses, j'voulais pioncer !

— Tu vois, Akaashi, commença Kuroo : « Il t'a vraiment adopté comme son coussin. »

Akaashi leva les yeux.

— Si je ne te connaissais pas, je pourrais croire que tu es jaloux.

— Mais je le suis ! rétorqua-t-il : « Tu dois être trop confortable pour qu'il fasse ça tout le temps. Bro', pousse-toi, moi aussi j'veux me caler. »

— Que dalle, trouve-toi quelqu'un d'autre ! maugréa Bokuto

— Hé, y'a jamais personne qui reste aussi longtemps statique qu'Akaashi.

— C'est une insulte ? demanda Akaashi.

— Un constat, sourit Kuroo, toujours étalé sur Bokuto.

Bokuto qui grommelait contre son poids, se tourna sur le dos et fit face à Kuroo, à moitié coincé entre le dossier du canapé et à moitié à cheval sur lui. Ce dernier lui facilita la manoeuvre en se levant un peu, avant de se laisser complètement aller de nouveau.

— T'as pris du poids, c'est sûr !

— Mon corps est parfaitement svelte, tas de muscles.

— J'suis pas un tas !

Un gloussement stoppa leur dispute. Une main devant la bouche, Akaashi tourna la tête pour tenter de se cacher. Peine perdue.

— Bro', il se moque de toi, j'crois, lâcha Kuroo.

— Je me moque de vous, vous êtes vraiment des enfants, rétorqua Akaashi.

Il les regarda chacun leur tour, un brin moqueur, puis se plongea à nouveau dans son livre, un sourire aux lèvres.

Ils s'entre-regardèrent, un peu abasourdi, puis reprirent leur chamaillerie de plus belle, mais un ton plus bas.

— T'es pas cool, Akaashi est pas qu'à toi aux dernières nouvelles, murmura Kuroo.

Piqué, Bokuto grimaça. C'était vrai, mais il n'avait pas du tout envie de le partager. On ne partageait pas des êtres humains, et il se sentit coupable de penser ça, mais ce sentiment possessif ne voulait pas le quitter.

—Il est pas à toi non plus, pesta Bokuto.

Le bras de Kuroo commençait à lui rentrer dans le sternum. Il pesait son poids, et il avait beau le nier, il était lourd !

— Je suis à personne, et, en tant qu'être humain, personne n'appartient à personne, aux dernières nouvelles, soupira Akaashi.

Les deux garçons se redressèrent à nouveau.

— Mais c'est vrai ça, t'aimes ni les femmes, ni les hommes, t'es avec personne mais t'aides ceux qu'tu peux… commença Kuroo avec un grand sourire.

— Akaashi est un ange ! conclu Bokuto, comme frappé par une illumination.

Il y eut un grand silence entre les trois hommes. Un éclat de rire venant d'Akaashi le brisa. Bien que troublé par la remarque de Bokuto, il préféra s'en amuser et éviter un malaise. Il passa une main dans les cheveux de Bokuto.

— Je suis loin de pouvoir être considéré comme ça, fini-t-il par dire sans pouvoir cacher sa joie : « Mais merci, la comparaison me touche. »

Bokuto resta interdit. Akaashi était une personne plutôt stoïque, voir froide pour certain. Lui, il savait que ce n'était pas le cas, il était juste incapable de bien montrer ce qu'il ressentait. Et pourtant, quand une palette de sentiments positif égayaient son visage, Akaashi lui semblait incroyablement lumineux.

Comme électrisé, Bokuto se leva d'un bond, attrapa Kuroo et s'éloigna en courant.

Médusé, Akaashi les regarda faire. Kuroo râla, Bokuto s'en moqua. Ils disparurent de sa vue après s'être engagés dans les escaliers.

— T'as le diable au cul, ou quoi ? s'emporta Kuroo alors qu'ils atteignaient le premier étage.

Sans répondre, Bokuto l'entraîna jusqu'à la chambre de Tsukishima, certain qu'elle était vide et que personne n'y viendrait à part, peut-être, Tsukishima ou Yamaguchi, tira Kuroo à l'intérieur, referma la porte, se tourna vers son ami, lui attrapa les épaules et s'écria :

— Akaashi est beau !

Interloqué, Kuroo fut silencieux pendant huit secondes, avant d'éclater de rire.

— Pourquoi tu t'marres ? s'exclama-t-il : « Y'a rien de drôle ! »

Pris d'un fou rire, Kuroo fut incapable de répondre et s'écroula dans le lit. Bokuto s'avança, prit le coussin et lui jeta dessus.

— 'tain, Bro', arrête !

Agacé, Bokuto croisa les bras, s'assit en tailleur et fit la tête. Il du attendre une dizaine de minutes que le rire de Kuroo s'estompe. Les larmes aux yeux et encore hilare, ce dernier finit par lâcher :

— Bro', bien sûr qu'Akaashi est beau, c'est toi qu'est bizarre à pas l'avoir remarqué avant.

— Mais tu comprends pas ! Il est vraiment beau !

Le rire de Kuroo s'arrêta net. Soudainement sérieux, il s'assit au sol à son tour et s'adossa au lit. Lors de leur première soirée avec Akaashi, il s'était moqué de Bokuto en disant qu'il était étrange. Effectivement, contrairement à la pensée courante, Bokuto ne s'intéressait pas à un sexe, mais à une personne. Il en avait toujours été ainsi. Ça avait donné lieu à quelques histoires, parfois dérangeantes pour la société, parfois tout à fait classiques. Et elles commençaient généralement de la même manière, Bokuto adorait tout le monde, tout le monde adorait Bokuto, les personnes qu'ils fréquentaient finissaient par lui déclarer leur flamme, Bokuto tentait le coup, se lançait à coeur ouvert, et finissait jeté.

C'était bien la première fois que ça marchait dans l'autre sens, et qu'il se rendait compte de son attirance pour quelqu'un avant qu'on ne lui pose les faits devant les yeux.

Du coup, Kuroo n'avait pas la moindre idée de si c'était une bonne chose ou non. Bokuto semblait plaire à Akaashi, mais comme il en était incertain, il ne pouvait même pas lui dire de foncer.

— Ça pose un problème ? questionna Kuroo.

— Et en plus, il est gentil, intelligent, Bokuto énuméra tout un tas de qualité qu'il trouvait à l'infirmier, : « Y'a rien de déplaisant chez lui. »

Kuroo se mordit la joue. Bokuto était en train de tomber amoureux, ça craignait.

— Et donc...? murmura-t-il en craignant la réponse de son ami.

— Et donc ça craint ! Tout à l'heure dans l'canapé, j'le voulais rien que pour moi, et j'ai trouvé ça nulle.

Kuroo réfléchit. Il ne pouvait pas le pousser vers l'avant, ni réduire toutes ses chances. Bokuto ne semblait pas se rendre compte de son attirance et Kuroo n'avait pas envie de lui ouvrir les yeux. La meilleure chose à faire lui parut évidente : laisser Bokuto et Akaashi continuer d'apprendre à se connaître, et mener son enquête au sujet de l'infirmier en attendant.

Pesant ses mots, il tenta :

T'es possessif avec moi, tu sais ? Tu devrais pas trop te prendre la tête avec ça. Tu l'aimes bien, il t'aime bien, c'est le principal, non ?

Bokuto murmura un « oui » pas convaincu. Certes, il adorait Kuroo et ne voulait pas qu'on l'approche de trop près, mais il ne s'était jamais perdu dans ses yeux ou sur ses lèvres. Et c'était surtout ça qui le perturbait. Il pesta intérieurement après son ami, les remarques incessantes qu'il leur faisait lui mettaient de drôles d'idées en tête et lui retournaient le cerveau.

Et malgré ce que lui conseilla Kuroo, il ne put s'empêcher d'y réfléchir quand il ne bougeait pas. Y compris les jours qui suivirent.

Bokuto coupa sa musique et poussa un petit cri de joie. Il trottina joyeusement jusqu'à Akaashi qui se tenait debout, recroquevillé les mains sur ses genoux, le souffle court, prêt à vomir. Il avait trop tiré. Bokuto lui apporta sa bouteille d'eau et le laissa souffler et boire en paix un instant avant de lui tendre sa veste.

— Tu t'es vachement amélioré en très peu de temps, j'suis super fier de toi ! T'as rien lâché !

Akaashi qui reprenait à peine son souffle haleta un "merci" et porta la bouteille à ses lèvres sèches. L'eau blessa sa gorge engourdit par le froid, la sensation fut désagréable, il toussa quelques fois avant d'inhaler de grandes bouffées d'air frais. Il se laissa tomber sur les marches de son immeuble et passa une main sur sa nuque humide, il allait avoir besoin d'une bonne douche.

— On a mis presque cinq minutes de moins que la dernière fois, s'exclama Bokuto, il lui tendit une main pour le relever et déposa sa veste sur ses épaules, : « J'suis vraiment content de passer ces moments avec toi. », il lui frictionna le dos en lui adressant un sourire.

Akaashi regarda avec stupeur Bokuto et détourna le regard, gêné. Il s'était habitué aux penchants physique de son ami, mais ce genre de commentaires le rendaient encore mal à l'aise. Heureux, mais mal à l'aise. Bokuto le laissa faire, l'estomac un brin noué. Il n'avait pas réfléchit avant de parler, comme d'habitude. Et cette simple phrase qui lui semblait si innocente ne lui parut pas tant l'être que ça quand c'était à Akaashi qu'il la disait. Il balaya cette pensée.

— La prochaine fois on fera encore mieux, souffla Akaashi.

— Alors ça, j'en doute pas.

Le sourire qu'ils s'échangèrent leur réchauffèrent le coeur.

— J'me demandais... Bokuto marqua une pause, hésita, et ouvrit la bouche : « Est-c'que… »

Akaashi éternua et coupa la parole à son ami. Il frissonna et frictionna ses bras. Couvert de transpiration et le t-shirt humide, il allait prendre froid s'il restait dehors plus longtemps. Il jeta un coup d'oeil à Bokuto.

— On monte ? proposa Akaashi : « On va prendre froid si on parle ici, et puis... J'ai besoin d'une douche. »

Bokuto semblait avoir envie de parler. Et dieu seul savait à quel point Bokuto pouvait parler quand il était lancé, alors autant être au chaud. Sans aucune hésitation, il accepta l'invitation et emboita le pas d'Akaashi, ils grimpèrent les étages sans un mot.

Arrivé à l'appartement de l'infirmier, Bokuto quitta ses chaussures et patienta un instant le temps de sa douche.

— Tu en prends une aussi ? demanda Akaashi en ouvrant la porte de la salle de bain.

Bokuto tourna la tête pour répondre et déglutit, la gorge sèche, lorsque son regard se posa sur l'infirmier. Les cheveux encore mouillés de la douche, une serviette posée négligemment sur ses épaules et uniquement vêtu d'un pantalon fluide, Akaashi lui donna l'impression de sortir d'un tableau.

— Ça t'gêne pas ? bafouilla Bokuto.

Akaashi qui n'avait pas remarqué son trouble secoua la tête négativement. Il contourna Bokuto et attrapa dans un placard une serviette propre, il lui tendit.

Il enfila un t-shirt, et entreprit de préparer rapidement le repas. Akaashi fut heureux de cette initiative lorsqu'un sourire béat étira le visage de Bokuto. Il se promit de garder cette image dans un coin de sa tête et l'invita à s'installer dans le canapé.

— Trop mal partout pour les chaises, expliqua Akaashi avant même que Bokuto n'ait le temps de poser la question, « Un film ? ».

— Volontiers !

Akaashi tendit la télécommande à Bokuto et le laissa choisir ce qu'il voulait regarder. Son regard le couva. Les petites joies illuminaient le visage de Bokuto autant qu'un sapin de noël. Il avait été d'abord surpris, de voir qu'un petit bonheur provoquait de telles réactions chez lui, puis il s'était surprit à faire de son mieux pour le voir sourire.

— Ça te va ça ? Demanda Bokuto en jouant la bande annonce de Pirates des Caraïbes.

Akaashi acquiesça. Ils mangèrent en silence, puis Bokuto se cala dans les coussins et lança le film. Akaashi bailla discrètement. Les séances avec Bokuto s'intensifiaient, il devrait peut-être songer à lui en parler, et faire une journée avec un rythme un peu moins soutenu. Il sentit ses paupières lourdes. Sans compter la séance, entre la douche et le repas, il se sentait épuisé. Akaashi s'adossa un peu plus. Sa tête partie légèrement, il se redressa et tenta de suivre le film, sans succès.

Bokuto bougea, il le sentit se rapprocher de lui et coller son épaule contre la sienne. Akaashi sourit, il avait certainement vu sa fatigue. Sans y réfléchir, Akaashi remua un peu et posa sa tête sur son épaule. En quelques minutes, les sons lui parurent diffus, avant de complètement disparaître.

Quand le film se termina, Akaashi dormait toujours. Dans une délicatesse infinie, Bokuto l'allongea complètement, posa un plaid sur lui, ramassa les couverts sales et fit la vaisselle. À la fin de sa tâche, il s'essuya les mains et appuya son dos contre l'évier.

Akaashi était un gros dormeur, Bokuto avait eu nombre de fois le temps de le constater en deux mois. Il eut un léger spasme et gémit doucement, avant de reprendre une respiration régulière. Bokuto sourit, posa la serviette et s'approcha. Assis au sol près du canapé, il dégagea une mèche de cheveux bruns. Ils étaient étonnamment fins, Akaashi fronça les sourcils.

Bokuto retint un rire. Parfois, Akaashi lui semblait plus expressif dans son sommeil que réveillé. Amusé de cette réflexion, et presque certain qu'Akaashi avait un sommeil plutôt lourd, il releva une main et glissa son pouce sur sa joue.

Bokuto devait partir, et pour ça, il devait le réveiller, mais il n'en avait pas envie.

La peau d'Akaashi était douce. Ses cheveux aussi. Son nez également, quoi qu'un peu retroussé. C'était mignon.

Bokuto passa son index le long de l'arrête. Akaashi grogna, Bokuto sourit. Mécontent, Akaashi plissa les yeux, leva une main et se frotta le visage. Prenant une grande inspiration, il ouvrit difficilement un oeil, puis l'autre, et les referma.

Bokuto dû se pincer les lèvres pour se retenir de rire.

— Combien de temps ? grogna Akaashi.

— Plus de deux heures, murmura Bokuto : « Un thé ? »

— Moui, bailla Akaashi.

Bokuto se leva et repartit dans la cuisine. Lors de sa seconde visite, Akaashi lui avait dit de faire comme chez lui, il ne se gênait plus. Il actionna la bouilloire, sortit une tasse et ouvrit le placard à thé. Akaashi avait un étage entier réservé à ça, ce que Bokuto ne comprenait pas vraiment.

—Le Sencha ?

— Yunnan, plutôt, s'il te plaît. La boite noire.

Akaashi s'assit et s'étira, il frissonna quand le plaide glissa. S'obligeant tant bien que mal à se lever, il récupéra un gilet qui traînait sur une chaise et s'approcha de la cuisine. Son corps le lançait déjà alors que leur séance de sport étaient terminée depuis seulement trois heures, ça le fit grimacer.

— Tu n'étais pas obligé de faire la vaisselle, lâcha-t-il en la voyant sécher.

— T'as fait le repas, se justifia Bokuto : « Infuser trois minutes. » lut-il à voix hautes en posant la boule à thé dans l'eau chaude.

Il prit une seconde tasse et se prépara un chocolat chaud. Akaashi passa près de lui et sortit des daifuku.

Ils finirent par s'installer sur des coussins au sol, autour de la table basse. La suite du film s'était mis en route sans qu'ils n'y prennent gare.

— Alors comme ça, tu aimes pirates, demanda Akaashi.

Après avoir porté la tasse à ses lèvres, il poursuivit :

— Il est bon, tu t'es amélioré.

— Eh ! J'écoute quand on me fait une remarque, s'offusqua faussement Bokuto, un sourire aux lèvres, : « J'aime bien Jack Sparrow. »

Akaashi haussa un sourcil, étonné.

— Pourtant, il a des moeurs dissolues, devant l'air de Bokuto, il poursuivit : « C'est un homme égoïste et égocentrique qui ne respecte pas les gens, et encore moins les femmes. C'est même à se demander s'il se respecte. Il n'a aucun honneur et aucune parole. »

Bokuto hocha la tête, il entendait ce que voulait dire Akaashi, mais il ne voyait pas les choses de cette manière.

— Il est bien loin de ce que tu peux inspirer aux gens, c'est pour ça que ça m'étonne, finit Akaashi.

— Ouais, effectivement. Mais au fond, il fait tout ça parce qu'il veut juste être libre, et j'trouve sa volonté et sa détermination impressionnante.

Akaashi posa sa tasse et fixa son thé :

— Libre… Tu ne penses pas l'être ? fini-t-il par dire, le regard perdu.

Bokuto fit la moue, ennuyé par la tournure que prenait la discussion. Il n'avait pas envisagé une seule seconde qu'un simple film pourrait les amener sur un sujet de conversation si... glissant.

— Ben, oui et non, il pesa ses mots, : « J'pense que tu l'as déjà remarqué, mais j'suis « bizarre », t'offusques pas du mot, ça vient pas de moi, » se défendit-il immédiatement.

Il avait toujours eu le sentiment de faire tâche, de ne pas coller à ce que la société attendait de lui, et on lui avait souvent fait la réflexion. Il avait été de nombreuses fois qualifié de « bizarre » quand il était enfant, arrivé à l'âge adulte, il ne s'en offusquait plus.

— C'est juste qu'il m'arrive de m'trouver enfermé par la société, parce que je ressens pas les choses comme il faudrait et que je réfléchis différemment de la majorité des gens.

Le regard dans le vide, Akaashi tritura la hanse de sa tasse.

— Je comprends. C'est difficile d'être différent, d'autant plus que nous sommes continuellement jugés. Honnêtement, je ne pensais pas que tu pouvais te sentir comme ça. Tu es toujours enjoué, gentil, tu t'assumes pleinement, je pensais que tu te moquais de l'avis d'autrui, Sans qu'il n'y réfléchisse, il lâcha : « Mais en fait, tu es juste courageux. »

— Courageux ?

Akaashi reprit pied. Plongé dans un sentiment de mélancolie, il avait laissé échapper ses pensées sans filtres, ce qui devait semblait incohérent. Il bredouilla quelque chose en cherchant ses mots, regarda à droite et en l'air, avant de se lever avec sa tasse.

— Je veux dire qu'il faut être courageux pour s'assumer malgré les autres.

Il posa sa tasse dans l'évier, mal à l'aise. Soucieux de changer de sujet, il lança :

— Au fait, je t'ai coupé quand nous étions en bas de l'immeuble, tu voulais me demander quelque chose, je crois ?

Bokuto fronça les sourcils et réfléchit un instant à ce qu'il avait bien pu vouloir lui demander. Il eut une illumination :

— Ah, oui ! J'me demandais, il parut tout de suite moins enthousiaste, : « T'as déjà fréquenté quelqu'un ? »

Akaashi se figea. Son cerveau tourna soudainement à tout allure. Il avait avoué à Bokuto être scolarisé à domicile et qu'il n'avait eu des amis que récemment. Pour autant, il n'avait jamais abordé le sujet de sa famille bien trop riche avec des moeurs bien trop vieille. Encore moins le sujet de sa soit-disant fiancée. Et bien que Kuroo ait chiné, il n'avait jamais avoué non plus, et cela, à quiconque cette fois, son homosexualité. Mis à part à la personne avec qui il l'avait confirmé. Est-ce qu'on pouvait cela comme une relation ? Une amourette, peut-être ? Ils n'étaient jamais allés au bout, après tout.

— Akaashi ?

— Excuse-moi, je… Je ne m'attendais pas à cette question. Je… On peut dire que oui, j'ai déjà fréquenté quelqu'un, mais ça n'a pas… fonctionné.

Il prit sa tasse et commença à la nettoyer.

— Et toi ? demanda-t-il après un court silence.

— Ouais, plusieurs personnes, mais ça a jamais duré bien longtemps, confia Bokuto, plus à l'aise avec ce sujet, « Pourquoi ça a pas marché ? »

Akaashi posa sa tasse avec la vaisselle propre et s'essuya les mains.

— Parfois, il n'y a pas de raison particulière pour que ça ne marche pas.

Akaashi venait clairement d'éluder sa question, ce qui le piqua légèrement. Il jeta un regard à son portable et jura, il était en retard.

— J'suis désolé faut qu'j'y aille, je suis censé rejoindre les gars !

Il remercia rapidement Akaashi pour le repas et l'après midi, attrapa son sac et parti sans un mot de plus. Dévalant les escaliers, Bokuto se pinça les lèvres et se demanda avec qui l'infirmier avait-il pu être et pourquoi avait-il refusé de lui en parler. Lui, il se sentait suffisamment proche d'Akaashi pour lui confier ce qu'il avait sur le coeur mais, apparemment, la réciproque ne fonctionnait pas. Le coeur serré, il sortit dans le froid hivernal.