20 décembre
Iwaizumi éteignit le jet d'eau et attrapa sa serviette. Ses affaires pendaient sur la porte. Il s'essuya rapidement, puis attrapa son sous-vêtement. Il récupéra son pantalon dans la foulée, quand il voulut prendre son t-shirt, ce dernier disparu de l'autre côté sous ses yeux.
Blasé, Iwaizumi soupira et ouvrit la porte.
— C'est ça que tu cherches ? demanda Oikawa avec un grand sourire, il agita le t-shirt.
— Rends-moi ça, 'fait froid, soupira-t-il.
Tout sourire, Oikawa fit deux pas dans son sens :
— Je peux t'aider à te réchauffer si tu veux.
Les oreilles soudainement rouges, Iwaizumi grogna :
— Trop aimable, non merci.
Il s'approcha et tenta de récupérer son t-shirt, en vain. Oikawa plaqua une main sur ses reins et l'attira contre lui.
— Si j'avais su qu'il suffisait de te voler ton t-shirt pour avoir un câlin.
Iwaizumi grimaça, mécontent et lui pinça les côtes. Il récupéra son t-shirt dans la foulée et en profita pour mettre une pichenette sur son front.
— Si j'avais su, j't'aurais fais signer une close « pro » pour la caserne, râla-t-il.
— Je suis pro', Iwa-chan ! Je ne fais rien devant les autres, rien de manière générale, en fait, et je prends énormément sur moi pour ça, bouda-t-il : « Tu sais combien c'est difficile de ne pas pouvoir ne serait-ce que te prendre dans mes bras quand j'en ai envie ? »
Iwaizumi resta interdit quelques secondes, enfilant son t-shirt pour reprendre constance, il ne sut que répondre. Depuis leur discussion, Oikawa avait respecté ses choix. Ils étaient sortis une nouvelle fois au cinéma, à la patinoire et parfois s'étaient seulement retrouvés dans des cafés pour juste se voir. Il s'était montré patient et courtois, bien qu'enquiquinant et taquin. Il était lui-même, à la chose près qu'il avait fait attention à ses gestes. Iwaizumi l'en avait remercié silencieusement de nombreuses fois, jusqu'à leur dernière « sortie ». Ils s'étaient vu chez Iwaizumi à cause d'un orage, et avaient passé la majeure partie de la soirée à jouer, puis avaient terminé sur un film. C'était il y a deux jours. Et Iwaizumi s'était surpris à vouloir plus. Être assis dans la même canapé lui paraissait peu. Il avait eu envie d'enlacer Oikawa, il s'était retenu. Quand il était parti, il avait voulu l'en empêcher. Il ne l'avait pas fait.
Sur le coup, il avait regretté de s'être mis ces barrières. Aujourd'hui, il savait que c'était une mesure nécéssaire pour mettre les choses au clair. Ce qui n'allait pas tarder à arriver, si ce n'était pas déjà le cas. Au fond, il niait certainement l'évidence.
Oikawa soupira :
— Iwa-chan ?
— Quoi ? lança-t-il plus agacé qu'il ne le voulait. Il se perdait trop dans ses pensées ces derniers temps, ça avait le don de le contrarier. Pas le choix, il avait besoin d'extérioriser tout ça.
Oikawa lui lança un regard ennuyé, il s'excusa dans la foulée.
— Tu voulais un truc, à la base ?
— Je suppose que tu ne viens pas accompagné au réveillon, le regard blasé d'Iwaizumi le lui confirma, : « Donc ça ne te dérange pas si je t'affecte à la tonne et dans l'ambulance ? »
— Nah, ça m'gêne pas. Si tu veux bien m'excuser, j'ai un truc à faire.
Iwaizumi s'éloigna sans un mot de plus et traversa la salle de pause à grandes enjambées. Kuroo disputait un match de babyfoot avec Bokuto comme équipier, contre Tanaka et Yaku. Nishinoya comptait les points. N'ayant que faire des autres, Iwaizumi s'approcha et arrêta la balle en plein milieu.
— Nishinoya, prends la place de Kuroo, j'ai b'soin de lui.
— Et mon opinion ? lâcha Kuroo.
Iwaizumi le regarda de travers.
— Ok, j'ai compris, j'ai pas d'opinion, bouda Kuroo en délaissant sa place.
Ils montèrent dans les chambres et s'enfermèrent dans celle d'Iwaizumi. Ce dernier soupira, s'approcha du troisième lit et s'étala dedans.
— J'suis dans la merde, lâcha-t-il finalement au bout de quelques instants.
Kuroo, toujours debout et une main sur la hanche, le regarda, soucieux.
— À ce point là ?
— À c'point là.
Kuroo s'approcha et s'assit près de lui.
— La Diva ?
— Oikawa, corrigea Iwaizumi.
— Ok, ok… Donc… Oikawa ?
Iwaizumi attrapa le coussin, le cala et croisa ses mains derrière la tête.
— C'que t'as vu c'était pas volontaire.
— Tu parles du baiser ? Non, parce qu'aux dernières nouvelles, on embrasse pas involontairement, et surtout comme ça, argua Kuroo, un brin moqueur.
— Si tu t'fous de ma gueule, j'te fracasse et j't'en parle pas.
Kuroo haussa les épaules, souris mais resta sérieux.
— Désolé. Le suspens est à son comble depuis plusieurs semaines, j'suis impatient. Tu m'pardonnes et tu m'expliques ?
Iwaizumi remballa son regard noir et soupira.
— J'pensais qu'il me taquinait au début. On s'est rapproché parce que même si tu l'aimes pas, c'est vraiment quelqu'un de bien. J'ai compris qu'il me draguait réellement quelques jours avant la Sainte Barbe. J'ai… J'ai pas voulu y réfléchir alors j'ai laissé ça de côté. Puis, y'a eu la Sainte Barbe, toutes les emmerdes et… Les gars t'ont fait le résumé de la gueulante que j'ai poussé sur Ito. Puis j'suis sorti pour me calmer, il est arrivé et… Et j'sais pas, j'ai dit des trucs qui l'ont poussé à se rapprocher et…
Iwaizumi soupira et se frotta le visage.
— Et vous vous êtes embrassés, conclu Kuroo.
— Et on s'est embrassé, affirma Iwaizumi.
Ils restèrent silencieux quelques instants, Kuroo défit ses chaussures et s'assit en tailleur sur le lit.
— J'comprends pas, vous sortez pas ensemble, alors ?
— Nan.
— Et pourquoi ? T'es pas du genre à embrasser n'importe qui, tu ressens bien quelque chose, non ?
Iwaizumi serra les dents. S'il avait amené Kuroo là, c'était pour exprimer clairement les choses, il ne pensait pas que ça allait être aussi dur.
— Ouais. J'pense bien…
— Attends, le coupa Kuroo : « La Di-Oikawa te court après, vous vous embrassez et vous sortez pas ensemble et… Il est d'accord avec ça ? Genre, il s'prend un râteau et il est aussi… Non, j'avoue qu'il est pas aussi bien que d'habitude, il m'a toujours pas rendu ma crasse… »
— Comment ça, pas aussi bien que d'habitude ? le coupa Iwaizumi.
— Ça fait plus d'une semaine que j'lui ai enlevé ses roues de bagnoles, et j'ai même pas eu de retours à ce sujet-là. Ça, et le fait que j'ai collé les roues de sa chaise de bureau.
— T'es le pire emmerdeur que je connaisse, putain.
— Vous m'aimez quand même, et c'qui est à noter quand même c'est qu'il a rien fait en retour. J'm'ennuierais presque, moi. Je me doutais que ça avait un rapport avec toi, mais j'en étais pas convaincu.
Iwaizumi se mordit la lèvre, il avait vraiment merdé. Oikawa lui semblait fatigué, mais il ne le pensait pas autant affecté. Il gémit d'irritation, une main devant la bouche. Il culpabilisait déjà, maintenant c'était pire.
— Du coup, j'suppose que c'est dû à un truc que t'as fait ou dit entre le baiser et maintenant ?
— J'lui ai dis que j'voulais plus de temps.
Kuroo leva les yeux au ciel.
— Hiro, hein ?
Iwaizumi resta silencieux.
Kuroo soupira. Entre Bokuto qu'il essayait de freiner et Iwaizumi qui, à l'inverse, se freinait trop, parfois, il se demandait comment il pouvait être proche de ces deux extrêmes. Il poussa Iwaizumi et s'allongea à côté de lui, ça risquait d'être plus long que ce qu'il avait pensé.
— Tu comptes te pourrir toutes tes relations à cause de cet abruti ?
— Cet abruti a compté pendant plus de deux ans.
— Ok, mais c'est pas Oikawa. Hiro, c'est Hiro, Oikawa, c'est Oikawa. T'étais plus jeune, lui aussi, et puis il était... Spécial.
— Parce que tu considères pas Oikawa spécial, peut-être ? rétorqua Iwaizumi.
Kuroo grimaça, un point pour Iwaizumi, zéro pour lui. Il râla :
— Je l'apprécie d'une certaine manière et crois-moi, ça m'en coûte de le dire. Et si tu dis que c'est un gars bien, j'le crois. J'me suis renseigné de toute manière, ça a vraiment l'air d'être le cas.
Iwaizumi se tourna sur le côté et le fixa :
— T'es pas sérieux ?
— J'voulais juste son adresse à la base... Tu m'connais, c'est parti plus loin que prévu et c'est pas le sujet ! Bon, et tu m'en parles maintenant parce que tu t'es rendu compte que t'étais un idiot qui s'est freiné tout seul juste parce que t'avais peur d'aller trop vite et que la Diva, Oikawa, se reprit-il : « méritait pas ça ? Ou c'est que tu t'es rendu compte que finalement, on se trompe tous les deux et il mérite amplement d'attendre ? Ou il est pas sérieux, peut-être ? »
Il y eut un silence, durant lequel Iwaizumi se remit sur le dos.
— J'suis un idiot.
— On t'aime quand même.
Iwaizumi lui jeta un regard noir.
— Du coup, tu comptes attendre encore ? demanda Kuroo.
— J'en sais rien.
Kuroo se redressa, le fixa, blasé :
— T'es au courant que tu viens d'admettre qu'il te plaisait, là ?
— Ouais, merci, Captain Obvious.
— Et tu veux pas lui dire, tout simplement, qu'il te plaît ?
— Et j'suis censé faire comment, après lui avoir défoncé le coeur, ne pas l'avoir remarqué, l'avoir laissé faire des efforts ? Revenir comme une p'tain de fleur ?
Kuroo tiqua :
— Faire des efforts ? Attends, tu lui as demandé du temps, il a fait quoi comme effort ?
Iwaizumi prit le coussin, et mit sa tête dedans.
— J'ai demandé du temps... Et qu'il continue à rester lui-même. Donc, on a continué de se voir, comme si y'avait rien eu. Et il a été... Niquel. Genre, bon, ça reste un chieur mais il a pas essayé de pousser les choses non plus.
Kuroo retint de gémir et pour la première fois depuis qu'il avait rencontré Oikawa, le plaignit réellement. Une main sur le front, il se laissa tomber sur le matelas.
— Iwa'... t'es pire que moi.
— Va te faire foutre.
— Volontiers, c'est prévu ce soir dès que Yamaguchi dort, ou que j'arrive à jeter Yaku de la chambre. Bokuto dort avec vous depuis trois semaines, ça m'étonnerait qu'il revienne un jour dans la mienne.
Kuroo se leva, s'étira et continua :
— Aller, lève-toi.
Iwaizumi le regarda, interrogatif.
— Tu comptes sérieusement ne pas aller voir Oikawa pour t'excuser et lui dire les choses ? explicita Kuroo.
— J'peux pas le faire comme ça ! râla-t-il.
Kuroo haussa un sourcil.
— Quoi, tu comptes attendre Noël et sa branche de gui pour lui sauter dessus ? se moqua Kuroo.
iwaizumi se redressa vivement.
— J'ai tiré Oikawa au Secret Santa !
— Et ? Tu veux compter sur la magie de Noël pour que tout disparaisse miraculeusement ? railla son ami.
Iwaizumi lui jeta le coussin à la tête et prit son portable. Kuroo soupira et lui renvoya.
— T'es au courant que ton meilleur ami te conseille de pas attendre pour éviter que la situation empire et que toi, tu fais exactement l'inverse ?
Iwaizumi se leva et s'approcha du bureau de la chambre, il était certain qu'il y avait du papier dedans.
— T'es au courant que si quiconque savait ce qu'il se passait, il t'insulterait, te dirait que tu joues avec le feu et que tu vas te brûler ? Assez ridicule pour un pompier.
Iwaizumi s'arrêta et se retourna.
— T'as osé faire une blague aussi nulle dans un moment pareil, ou je rêve ?
— Si tu rêvais, tu serais certainement pas dans ta chambre avec moi, mais plutôt avec notre lieutenant, non ? railla Kuroo.
— T'as cinq secondes d'avance. Cours. Et vite.
Kuroo éclata de rire et s'enfuit de la chambre. Contrairement à ce que venait de dire Iwaizumi, il ne le poursuivit pas. Il venait de trouver quelque chose d'important à faire, Kuroo pouvait attendre.
