24 décembre

— Plus à droite, Akaashi soupira, : « Non, l'autre droite. »

— C'est pas évident ! Et j't'entends soupirer ! s'indigna Bokuto.

En bas de l'échelle, Akaashi tendit un énième morceau de scotch et regarda le sergent s'afférer. En parfait équilibre sur l'échelle, Akaashi savait que s'il la lâchait, Bokuto finirait les fesses par terre. Il y remit les deux mains.

— J'crois qu'on est pas mal là ! dit joyeusement Bokuto.

Il bondit de l'échelle et s'éloigna de quelques pas :

— Bon, on est pas très droit par contre, il fit la moue.

Akaashi le rejoint et ils fixèrent la guirlande qu'ils venaient de suspendre. Et, effectivement, elle n'était pas droite.

— Je propose qu'on l'allume et qu'on fasse comme si de rien n'était.

Akaashi approuva d'un hochement de tête. Ils avaient commencé à décorer la salle de repos le matin même, y avaient passé la journée et une partie de la soirée. Mais le résultat en valait la peine. Les murs, d'ordinaires blancs et sobres étaient couverts de guirlandes affriolantes, une boite à musique avait été installée sur la table basse et un énorme sapin de Noël séparait les canapés de la table. Nishinoya, monté sur les épaules de Tanaka tentait tant bien que mal d'y accrocher l'étoile.

— Eh ! On a terminé avec l'échelle si vous la voulez !

Dans une acrobatie presque maitrisée, Nishinoya installa l'étoile au sommet du sapin et retrouva avec joie la terre ferme.

Sawamura alluma la multiprise et la pièce entière s'illumina. Les innombrables guirlandes se mirent à clignoter, faisant briller des étoiles dans les yeux de chaque personne présente. Sugawara passa un bras autour des épaules de Satou et l'attira contre lui. Le petit groupe regarda émerveillé le décor de Noel qui avait été créé dans la caserne. Une agréable odeur de poulet commençait à s'élever dans l'air. Akaashi détourna le regard du sapin à contrecoeur et se rendit dans la cuisine, arrosa la viande avec son jus et et enfourna les pommes de terre. Il s'attela au dressage des assiettes.

Une main passa dans son dos et il sentit un souffle contre son oreille. Instinctivement, Akaashi se tendit.

— J'peux t'aider ?

All I Want For Christmas passa pour la sixième fois, Akaashi retint un soupir agacé.

— Par pitié, trouve le téléphone de Sugawara et change de playlist. Je n'ai rien contre Maria Carey... Mais là, c'est trop, lâcha Akaashi, irrité.

Un rire franchit les lèvres de Bokuto, puis il s'éloigna, promettant de « faire de son mieux pour cette mission délicate. » Dos aux canapés et à la table, Akaashi entendit des cris, des rires, puis il devina Sawamura, les poings sur les hanches alors qu'il grondait Nishinoya et Tanaka. La musique changea à ce moment là et il remercia intérieurement Bokuto.

La porte claqua, jetant un coup d'oeil par dessus son épaule, Akaashi vit Iwaizumi, Kuroo et Tsukishima revenir d'intervention. Après avoir salué les conjointes de Sugawara et Sawamura, Iwaizumi s'éclipsa en direction des douches tandis que Kuroo attrapait Bokuto et l'emmenait, de force, à l'écart du groupe.

Iwaizumi se doucha rapidement et se rhabilla tout aussi vite. Il sécha négligemment ses cheveux, traversa les douches et s'engouffra dans la pièce de vie. Il jeta un coup d'oeil circulaire et constata que les décorations avait fini d'être accrochées, ses collègues avait fait un bon travail. L'imposant sapin projetait des couleurs chaudes tout autour de lui et éclairait par intermittence le visage des sapeurs qui semblaient tous présents. Tous, sauf Oikawa. Il le chercha du regard dans la pièce mais ne le vit pas, il fronça les sourcils. Lorsqu'il était rentré d'intervention, tous les véhicules étaient présents, il n'était donc pas sorti après eux.

— Tu cherches la Diva ? demanda Kuroo, qui venait de se pointer devant lui.

Le ton moqueur lui fit lever les yeux au ciel.

— Il a pas encore quitté son bureau, les mains de Kuroo se posèrent sur ses épaules, : « On a décidé que c'était à toi d'aller l'chercher. » ajouta-t-il dans un grand sourire.

— Et j'peux savoir qui c'est le « on » ? pesta Iwaizumi en dégageant les mains, restées sur ses épaules.

Kuroo lança un regard dans la salle et pointa du doigt Bokuto qui s'était rapidement éloigné.

— Bokuto et moi même ! Un nouveau sourire déforma son visage, : « Les autres sont en pleine discussion, tu voudrais pas leur demander quand même ? »

Iwaizumi haussa un sourcil et regarda Kuroo, qui lui, ne discutait avec personne hormis lui-même.

— Et m'regarde pas comme ça je vois à quoi tu penses. Il se dirait que c'est une farce et il descendrait même pas.

Un coup d'oeil au groupe lui permit de voir qu'effectivement, ils avaient autre chose à faire que d'aller chercher le Lieutenant. Sawamura et Michimiya étaient assis côte à côte sur le canapé, en pleine conversation avec Yaku. Sugawara et Satou, non loin d'eux semblaient écouter attentivement la conversation. Ses autres collègues semblaient discuter des chansons à faire passer durant le repas. Résigné, il soupira.

— T'as gagné, j'y vais.

Kuroo lui sourit, se décala et l'encouragea à passer dans geste théâtrale. Iwaizumi lui frotta les cheveux au passage et s'éloigna sous les cris de Kuroo. Il monta rapidement au second étage et s'arrêta devant la porte d'Oikawa. Ils n'avaient pas eu le temps de se voir ces derniers jours et les quelques messages n'avaient pas été aussi cordiaux qu'il l'espérait, mais au moins ils étaient encore en bon terme.

Il prit une grande inspiration, toqua et entra dans la foulée. Oikawa se trouvait assis à son bureau, le nez dans des papiers.

Agacé d'avoir été interrompu, Oikawa soupira :

— Ça sert à quoi de toquer si c'est pour entrer directement après, ronchonna-t-il, puis il bouchonna son stylo et releva les yeux, « Iwa-chan, qu'est-ce que je peux faire pour toi ? »

— J'viens te dire que l'repas est presque prêt, on est tous en bas, il s'approcha et ajouta : « Tu peux laisser tes papiers ou t'as b'soin d'aide pour terminer ? »

Oikawa haussa un sourcil amusé :

— Parce que tu ferais de la paperasse ? Toi ?

— C'est pas parce que j'aime pas ça que j'suis pas capable... Pour t'aider à finir, j'le ferais. Alors ?

Touché de l'attention, Oikawa regroupa ses papiers et les rangea dans un tiroir de son bureau. Ils n'étaient pas à faire pour le moment, mais n'ayant pas le coeur à la fête, il avait préféré s'enfermer dans son bureau. Les papiers n'ayant été qu'un prétexte.

— Non ça ira, merci, c'est gentil. J'ai… Terminé ce que j'avais à faire.

Il mis un dernier coup d'ordre à son bureau et se leva de son fauteuil sous le regard d'Iwaizumi qu'il rejoignit.

— Après toi, il lança un regard à la porte : « Il faut que je la ferme à clés. »

Iwaizumi tourna les yeux. Ne sachant comment s'y prendre, il se frotta l'arrière du crâne, soupira.

— Tant qu'on est tous les deux, je… J'voulais m'excuser…

— Non, stop, je t'arrête, Oikawa lui coupa la parole : « La dernière fois que tu t'es excusé, tu m'as mis un râteau, on va s'éviter une nouvelle discussion gênante. »

Le sourire amer d'Oikawa lui troua le coeur. Iwaizumi se sentit idiot, coupable et, incapable de trouver les mots justes, il commença à s'avancer. Trop honteux, il profita d'être dos à Oikawa pour lancer :

— Y'a pas de discussion gênante, j'ai été con, je suis con, et j'voulais juste te le dire. Ça et le fait que si ton repas tient toujours, j'suis partant.

Sans l'attendre, Iwaizumi sortit du bureau et s'engagea dans le couloir.

Oikawa resta interdit un instant. Il n'avait rien comprit à la scène que venait de lui faire Iwaizumi. Hormis qu'il avait été embarrassé et qu'il souhaitait venir manger chez lui. Il fronça les sourcils et passa ses doigts sur l'arrête de son nez, Iwaizumi lui donnait mal au crâne. Il ne savait plus sur quel pied danser avec lui.

Prenant soin de verrouiller la porte, Oikawa descendit les deux étages et pénétra la salle commune. Il fut surpris de la découvrir aussi décorée. Lorsqu'il s'était absenté le matin, les premières décorations étaient à peine installées, et il n'était pas redescendu depuis. Oikawa s'approcha du groupe :

— Vous avez bien travaillé, les félicita-t-il.

Il s'approcha de la table, qui avait été couverte d'une nappe rouge pour l'occasion et jeta un regard amusé aux multiples décorations qui l'ornaient. Ils avaient mis le paquet.

Les entrées étaient déjà servies. Oikawa se tourna vers Akaashi :

— T'as vraiment mis le paquet ce soir, on est bien loin du KFC qu'ils proposaient.

— J'ai… Mes parents ont toujours fait Noël comme ça, j'ai simplement reproduit ce que j'avais l'habitude de voir. J'en ai peut-être un peu trop fait, murmura-t-il.

Oikawa jeta un nouveau regard aux assiettes. Du foie gras, du chutney de figue, du pain brioché, du saumon et des blinis.

— Je pense qu'on va bien rire, lâcha Oikawa : « En tout cas, tu fais au moins un heureux ce soir. »

Akaashi sourit légèrement.

— Je me doute que le KFC prévu ne devait pas t'enchanter. J'ai moins peur d'être une bête de foire, merci.

Sawamura qui s'était rapproché de la table héla les autres sapeurs quand il se rendit compte que les entrées avaient été servies. Son autorité naturelle les rameuta tous et ils s'installèrent en chahutant.

Poussé par Kuroo, Iwaizumi se retrouva assis à côté d'Oikawa. L'idée ne l'enchanta pas. Il se sentait encore idiot et aurait préféré, à la rigueur, s'asseoir face à lui. Place que Kuroo avait décidé d'occuper. Iwaizumi lui lança un regard lourd de sens. Il n'avait pas intérêt à faire la moindre remarque, où ses tibias en pâtiraient.

— Comme on se fait un repas... Occidental, tenta Sawamura : « Il y a quelque chose à faire avant de commencer à manger ? » il regarda le contenu de son assiette et se pencha en arrière pour jeter un regard à Akaashi « Et... On commence par quoi au juste ? Le pâté ou le poisson ? »

Oikawa s'étouffa.

— Du pâté, c'est un outrage... il leva les yeux au ciel en rigolant : « On commence par le foie gras. »

Akaashi se mordit la lèvre, amusé, et légèrement mal à l'aise :

— Il faut couper un morceau du foie gras, le déposer sur le pain brioché sans l'étaler, et à votre convenance, vous pouvez ajouter du sel dessus ou un peu de chutney de figues.

Oikawa avait mimé chacune des consignes.

Kuroo l'observa et fit de même, un grand sourire aux lèvres.

— Tu nous as préparé un diner de roi, Akaashi.

Iwaizumi retint un soupir. Il se rassura, ici, il n'y avait pas trente couverts différents, au moins. Suivant les indications, comme tous ses collègues, ils commencèrent à manger.

— Ch'est trop bon ! s'exclamèrent Tanaka et Nishinoya, la bouche pas totalement vidée.

Akaashi sourit, il fut rassuré par leurs exclamations et les affirmations qui suivirent.

Ils poursuivirent sur le saumon fumé. Akaashi leur expliqua qu'il fallait tartiner le blinis de crème fraiche, ou de sauce citronnée et déposer la tranche de saumon dessus. Ils furent une fois de plus convaincu et Akaashi s'accorda un soupir de soulagement. Lorsqu'il s'était lancé dans les achats pour le repas, il s'était emballé et s'était mis à redouter la dégustation. Il avait été tellement habitué à ce genre de repas qu'il avait un instant oublié qu'il n'en était pas de même pour ses collègues et avait eu peur que les saveurs et textures les surprennent.

Bokuto et Sugawara avaient ensuite entreprit de débarrasser les petites assiettes et l'avaient aidé à apporter les différents plats. Sawamura s'était chargé de la découpe de la viande et avait semblé prendre un réel plaisir à le faire.

Kuroo observa ses collègues. Tous trop occupés, il jeta un coup d'oeil à Tsukishima et en profita pour glisser sa main sur sa cuisse. Il eut droit à un regard agacé, il sourit en réponse. Voir Sawamura et Sugawara aussi épanoui lui tirait légèrement le coeur. Tsukishima avait ses raisons pour ne pas s'afficher, entre autre, celle de l'homophobie très présente dans le pays, ainsi que chez les pompiers. Pour autant, quand il voyait ses collègues, il les imaginait difficilement mal les juger, juste pour leur orientation. Kuroo laissa sa main remonter, Tsukishima l'arrêta. Il fit la moue et se pencha vers lui :

— Soit pas aussi froid...

— Apparemment, c'est ce qu'il faut pour calmer tes ardeurs, chuchota-t-il.

— Elles auraient pas à être calmées si j'pouvais t'embrasser comme j'le veux. N'importe où, n'importe quand.

Tsukishima leva les yeux au ciel. Il lui pinça le nez, Kuroo grimaça et râla en se replaçant correctement sur sa chaise. Tsukishima finit par lui tirer le lobe de l'oreille et ajouta :

— Quand on est pas sage à Noël, on a pas son cadeau.

La moue de Kuroo se transforma en un léger sourire. Il l'aimait trop pour contester ses choix, et Tsukishima savait le remercier de ses efforts.

Oikawa ne rata en rien la scène. L'envie de mimer l'acte de vomir le prit fortement, mais il se contint. Après un bref regard vers ses autres voisins de table, il nota l'air heureux de Bokuto et celui attendrie d'Akaashi, puis baissa le nez sur son assiette.

Bien que les portions aient été généreuses, les assiettes furent vidées rapidement. Ils saluèrent une fois de plus ses talents de cuisinier et se resservirent généreusement. Bien qu'il ne le montra pas, Akaashi se sentit comblé, entouré de personnes qu'il appréciait et qui l'appréciaient en retour.

— T'es un vrai chef Akaashi !

Le compliment, lorsqu'il sortait de la bouche de Bokuto avait une tout autre saveur. Akaashi se contenta de lui sourire.

Lorsque les assiettes furent vidées, et que personne ne sembla plus vouloir se resservir, Tanaka se frotta le ventre et s'étira :

— Moi j'dis, un petit Just Dance pour digérer et faire de la place avant d'attaquer le dessert…

— Carrément chaud ! s'exclama Bokuto.

— J'en suis aussi, lâcha Yaku.

Iwaizumi haussa les épaules, ni pour, ni contre, il suivrait le mouvement. Sawamura, Sugawara et leurs compagnes acceptèrent aussi.

— Il me reste des choses à faire, je ne jouerai pas maintenant.

Les regards se tournèrent vers Akaashi.

— Même pas une partie ? demanda Bokuto.

— Pas maintenant, peut-être plus tard, il marqua une pause : « Et puis, je ne ne suis pas certain d'apprécier ça. »

Oikawa, tourna son regard vers Akaashi et lui demanda, plus bas :

— Qu'est-ce que tu as à faire ?

Akaashi pointa du menton la table.

— On a pas assez d'assiettes pour le dessert et le lave vaisselle sera trop long.

Lorsqu'Akaashi entreprit de débarrasser la table, Oikawa sur les talons. Il l'accompagna jusqu'à la cuisine et fit couler de l'eau chaude dans l'évier.

— Je ne vais pas te laisser faire ça tout seul, dit simplement Oikawa alors qu'il s'affairait à la tâche.

Oikawa fit une courte pause, alla chercher le restant de vaisselle sale, et lança un regard amusé à Akaashi. Le regard perdu sur les danseurs, il n'avait pas vu Oikawa revenir vers lui.

— Ça te prend souvent ?

Akaashi revint sur la terre ferme et haussa un sourcil.

— Quoi donc ?

Un sourire étira les lèvres d'Oikawa. Il n'avait rien eu d'autre à faire de la soirée que de regarder ce qu'il se passait autour de lui.

— De le regarder avec ce sourire niais.

Akaashi se décomposa légèrement. Il se tourna et tenta de reprendre son masque en continuant la vaisselle.

— Je ne vois pas de quoi tu parles, nia-t-il éhonteusement.

Oikawa se tut un instant et continua de passer les couverts propres à Akaashi. Il revint à la charge :

— C'est le seul qui a semblé te troubler, quand ils t'ont complimenté pour ton repas, Oikawa vida l'évier et entreprit de nettoyer le grand plat, se rappelant du bar, il reprit : « Et puis, les seuls véritables sourires que je t'ai vu faire lui étaient toujours destinés. ».

Un couteau échappa à Akaashi. Il s'entailla deux doigts et retint un juron. Lâchant la serviette, il poussa Oikawa et passa ses doigts sous l'eau.

— Donne moi une serviette en papier, grommela-t-il.

Oikawa chercha autour de lui et attrapa le rouleau de sopalin, il en tendit quelques feuilles à Akaashi. Ce dernier les récupéra puis s'éloigna vers le hangar, ignorant Oikawa sur ses talons.

Le lieutenant le devança, il ouvrit l'ambulance et attrapa à la volée de quoi désinfecter et faire un pansement.

— Je peux me débrouiller seul, pesta doucement Akaashi.

— Ta main, ordonna Oikawa, ignorant la remarque de l'infirmier.

Akaashi se mordit la lèvre, il avait envie de lui donner dans la tête. Réprimant sa pulsion puérile, il la tendit et tenta de reprendre un visage calme, difficilement. Oikawa comprima quelques minutes ses doigts en silence. Il retira lentement le sopalin imbibé de sang et regarda les coupures, malgré la quantité de sang, elles n'étaient si profondes que ça, il s'en trouva rassuré. Il rinça les doigts au sérum physiologique et les sécha avec des compresses.

— Je sais ce que ça fait d'aimer quelqu'un du même sexe que nous, lâcha finalement Oikawa, il ouvrit un nouveau sachet de compresse et les enroula autour de ses doigts : « Je comprends que ça te fasse peur, je crois savoir que tes parents ne sont pas les plus tolérants de la haute. »

Akaashi grimaça et baissa les yeux. Il connaissait le nom d'Oikawa, bien avant de rentrer dans cette caserne et il avait été surpris de comprendre que le lieutenant faisait bel et bien partie de cette famille. Connaissant ces faits, ainsi que l'homme depuis trois mois, il ne douta pas un instant de ses paroles. L'estomac noué, Akaashi murmura :

— C'est un euphémisme.

— À ce point ? Akaashi ne répondant pas, Oikawa poursuivit : « J'ai été étonné de voir un dossier à ton nom sur mon bureau quelques jours avant que tu n'arrives, j'ai cru à un homonyme. Je pensais que tu suivrais leurs pas. »

— Je devais. Je me suis rebellé et j'ai failli être déshérité pour ça. C'est encore un sujet de discorde. Ils pensent que je finirais par revenir dans le droit chemin. Du moins, il essaient de me convaincre de le faire, Akaashi fit une pause, il déglutit et ajouta : « Alors tu te doutes qu'avoir un fils... Ils ne sont même pas au courant », avoua-t-il.

Oikawa enroula un bandage autour des doigts d'Akaashi et mis un morceau de sparadrap.

— Et tu lui en as parlé ? Enfin, il est au courant ?

— Pourquoi faire ? C'est impossible que ça fonctionne et même si c'était le cas, je suis incapable de m'opposer à ma famille.

— Tes géniteurs sont une partie de ta famille, le restant, c'est à toi de te le créer, on a la famille qu'on choisit, et celle qu'on subit, Oikawa marqua une pause : « En plus, il semble réellement t'apprécier. Ce serait dommage de laisser passer cette occasion. »

Oikawa se trouva ridicule, il n'était pas, à l'heure actuelle, le mieux placé pour parler sentiments avec quelqu'un.

Akaashi s'agaça. Soit, Oikawa comprenait certainement son mal être, mais pour le moment, il n'avait aucunement envie de justifier ses choix. Il vérifia son pansement, et, irrité, il lâcha :

— Bokuto apprécie tout le monde, ça ne veut rien dire, et je ne compte pas changer les choses, elles sont très bien comme elles sont.

Il se retourna pour clore la discussion et se figea. À quelques mètres d'eux se trouvait Bokuto, le visage décomposé. Un poids énorme remplaça le coeur et l'estomac d'Akaashi. Incapable de bouger ou de parler, il resta ainsi, paralysé.

— Oh… Bokuto, ça fait longtemps que tu es là ? demanda Oikawa après s'être raclé la gorge.

Bokuto regarda à tour de rôles Oikawa et Akaashi. Il ouvrit la bouche mais aucun son n'en sortit, puis il tourna le dos et s'éloigna de quelques pas. Il lâcha finalement, toujours dos à eux et d'une voix blanche :

— On va ouvrir les cadeaux.

Sans un mot ni un regard, Bokuto quitta le hangar et retourna dans la salle commune.

Depuis qu'ils avaient remarqué la présence de Bokuto, Akaashi n'avait pas dit un mot. Oikawa posa son regard sur lui et le trouva livide.

— Si ça se trouve, il n'a rien entendu, tenta Oikawa, le regard que lui lança Akaashi lui fit regretter ses propos, il fit la moue : « Si tu ne viens pas, tu risques d'avoir Kuroo sur le dos. »

— J'ai envie de mourir et de vomir, alors Kuroo en plus, j'm'en fou un peu, lâcha Akaashi d'une voix blanche.

— Certes, mais les autres se poseront des questions.

Oikawa savait que, contrairement à Bokuto ou lui même, Akaashi détestait être le centre de l'attention, il espéra que cette remarque ait l'effet d'un électrochoc.

— Je leur donne deux minutes pour venir nous chercher, ajouta-t-il.

Akaashi prit une grande inspiration, se tint les mains de longues secondes. Elles tremblaient, il serra les poings, puis croisa les bras et avança. Il suffisait qu'il tienne une demie-heure maximum, et il pourrait prétexter la fatigue. Il se répéta cette phrase tout en franchissant la porte qui séparait le hangar de la salle de vie. Comme un automate, il se dirigea vers les canapés où tous les autres étaient déjà rassemblés. Quand le regard mauvais de Kuroo se posa sur eux, Akaashi détourna les yeux et Oikawa fit la grimace.

Kuroo pouvait être aussi énervé qu'il le voulait, il savait pertinemment que devant les autres, il ne pouvait rien dire ou faire, ce qu'il l'agaçait d'autant plus. Il se raisonna, glissa de son accoudoir pour s'asseoir près de Bokuto et passa son bras autour de ses épaules.

Surexcités, Nishinoya et Tanaka se proposèrent de faire la distribution des cadeaux. Les autres étant déjà plus ou moins installés dans les canapés, personne ne s'y opposa.

Tanaka attrapa le premier qui vint :

— Kuroo !

Nishinoya lui apporta, Kuroo l'attrapa et fronça les sourcils quand il sentit que c'était mou. Il tenta de ne pas trop déchirer le papier cadeau. Il sortit entièrement le coussin de l'emballage, le retourna et se décomposa. Il sourit après quelques secondes et regarda Oikawa :

— C'est pour que j'passe mes nerfs dessus au lieu de toi ?

— Tu t'acharnes tellement que c'en devient une obsession, je ne fais que la combler, rétorqua Oikawa avec un grand sourire.

— Il finira sur le punching-ball de la caserne, le prévint Kuroo en appuyant dessus.

Une carte tomba, il la récupéra, étonné. Elle contenait un ticket valable pour deux personnes pour le prochain Grand Prix de moto, qui aurait lieu dans quelques mois. Kuroo sourit et lança :

— Bon, le coussin finira pas sur le punching-ball, finalement.

— Tant qu'il termine pas dans ton lit, plaisanta Oikawa.

Kuroo fit mine de vomir, et Oikawa grimaça. Leurs collègues sourirent et Tanaka attrapa le paquet suivant :

— Bokuto !

Nishinoya lui tendit. Voyant que Bokuto ne réagissait pas, Kuroo lui tapota l'épaule. Il se saisit du paquet et décolla avec soin le scotch qui le fermait. Il sortit du sachet un sweat à capuche noir orné d'un hibou brodé. Un sourire étira ses lèvres.

— J'sais pas de qui c'est, mais il est chouette, merci.

Tsukishima fit un léger signe de la main, Bokuto se leva et l'étreignit pour le remercier. Habitué aux élans affectueux de Bokuto, Tsukishima se contenta de lui tapoter l'épaule avant de se dégager de l'étreinte.

Tanaka continua :

— Akaashi !

Ce dernier attrapa le petit paquet qu'on lui tendit. Il se sentait encore mal, et les regards braqués sur lui ne l'aidaient pas à se sentir mieux. Il défit délicatement le papier cadeau. Un cadre plutôt simple entourait une photo. C'était l'une de celles qu'ils avaient pris à son anniversaire, où tout le tour de garde avait posé pour l'occasion, Akaashi attrapa un bout de papier coincé et lut silencieusement : « Pour que tu te souviennes toujours que tu fais parti de notre famille. » Sa gorge se noua, il eut une soudaine envie de pleurer mais se contint comme il put. Il devina aisément que ça venait de Bokuto. Incapable de parler à voix haute, il serra le cadre contre sa poitrine. La tête basse, il souffla un « Merci, excusez-moi. » et s'éloigna rapidement vers l'étage. C'était plus qu'impoli, mais il était incapable de retenir ses larmes plus longtemps.

— Le prenez pas pour vous, il a eu une journée compliquée, ça ira mieux demain, Oikawa souffla : « Vaut mieux le laisser tranquille pour ce soir. »

Il ignora le regard que lui lança Kuroo et se focalisa sur la suite des cadeaux. Ils enchainèrent avec Nishinoya, Yamaguchi puis Tanaka... L'avant dernier fut Iwaizumi. Il reçu plusieurs paquets de café réputés, ainsi qu'une carte cadeau.

— Et Oikawa !

Oikawa se saisit du paquet que lui tendait Nishinoya. Il le palpa et le retourna plusieurs fois. Le paquet était très léger et petit. Il décolla soigneusement le scotch, sortit une boite de l'emballage et posa son regard sur un morceau de papier. Il le déplia et reconnut aisément l'écriture brouillonne d'Iwaizumi. « Trop long d'en faire mille, et pas eu le temps. », il lu le mot plusieurs fois, le temps que son cerveau assimile ce qui était écrit. Lentement, il ôta le couvercle de la boite et sentit son coeur louper un battement. Du bout des doigts, Oikawa prit l'origami en forme de grue. Les yeux brillants, il renifla et eut soudainement chaud. Incapable de dire quoique ce soit ou de soutenir le regard d'Iwaizumi, Oikawa s'obstina à fixer l'origami, il n'en croyait pas ses yeux. Délicatement, Oikawa déposa la grue sur ses genoux et attrapa un porte-clé à l'effigie du premier film qu'ils étaient allés voir ensemble, il gloussa au souvenir du navet que ça avait été.

Des regards inquisiteurs se braquèrent sur lui, attendant une explication aux cadeaux qu'il venait de recevoir. Sugawara percevant son trouble se leva et s'exclama :

— Bon… Maintenant que tout le monde a ouvert son paquet, place au dessert !

Nishinoya, déjà debout, fut le premier à se diriger vers la table, vite rejoint par Tanaka. Ils se levèrent et rejoignirent les places qu'ils occupaient un peu plus tôt dans la soirée. Oikawa fit deux pas en direction de la table et fut arrêté par une main sur son épaule. Avant même de se retourner, il savait à qui elle appartenait. Il croisa le regard d'Iwaizumi.

Mal assuré, il murmura :

Ça te plait ?

J'aimerai te montrer à quel point j'adore, mais ce ne serait pas très professionnel, il lui adressa un sourire taquin : « Par contre le vingt-six au soir j'ai rien de prévu... Si tu veux passer à la maison. »

Iwaizumi enfonça ses mains dans ses poches et passa près de lui :

C'est vrai que tu me dois un repas... J'viendrai pour dix huit heures, si c'est bon pour toi.

Oikawa cligna plusieurs fois des paupières. Il ne su pas dire si le sergent se moquait de lui ou s'il n'avait réellement pas compris le sous-entendu. Oikawa se reprit. L'important n'était pas là, ils se verraient dans deux jours, et pourtant, il n'était pas certain de tenir jusque là.