9 septembre

Iwaizumi attendait de pied ferme dans le hangar.

Il avait passé ses soirées chez Oikawa, avait appris qu'Akaashi avait rompu ses fiançailles mais savait que Bokuto n'allait pas mieux. C'était à n'y rien comprendre. Il jeta un nouveau coup d'oeil à sa montre, sept heures dix neuf. Il était arrivé à sept heures moins cinq, avait cherché le type qu'il était censé remplacer et l'avait relevé. Sawamura et Sugawara étaient arrivés quelques instants après ça, ils avaient échangé quelques mots avant de se séparer. Et depuis, il attendait planté dans le hangar que Kuroo et Bokuto passent la porte. De ce qu'il savait, Kuroo n'était pas rentré chez lui depuis trois jours, il s'attendait donc à les voir arriver ensembles.

Et ce fut le cas. Lorsqu'ils passèrent la porte et firent quelques pas, Kuroo s'arrêta. Le regard d'Iwaizumi n'augurait rien de bon, et il n'était pas encore huit heures du matin.

Bokuto, trop déprimé pour remarquer quoi que ce soit, continua d'avancer. Iwaizumi vint à sa rencontre et posa sa main sur son épaule pour le sortir de sa léthargie.

— Dans la chambre de Kuroo, tout de suite, ordonna-t-il.

Perdu, Bokuto changea de direction sans discuter et s'avança vers les escaliers. Kuroo, lui, ne broncha pas.

— Toi aussi, tu montes, lui lança Iwaizumi.

Kuroo pesa le pour et le contre, puis décida d'avancer. Si iwaizumi était décidé à leur parler et qu'ils n'obtempéraient pas, ils finiraient par se faire frapper, autant y aller de lui-même.

— Pourquoi j'ai l'impression que j'vais à la potence ? grommela Kuroo.

Iwaizumi resta silencieux, ce qui l'inquiétât encore plus. Ils arrivèrent dans la chambre, il ferma à clefs et les regarda tour à tour.

— J'peux savoir c'qu'il s'est passé ces derniers jours ?

Kuroo croisa les bras.

— À quel sujet ?

— Au sujet que Bokuto sort de l'hôpital, tu le retrouves dans la foulée et vous restez trois jours sans voir personne n'y répondre réellement aux messages. Y'a eu quoi, sérieux ?

Après un long silence ou Kuroo l'ignora, Bokuto releva la tête :

— Quand Akaashi est v'nu me voir à l'hôpital il m'a dit qu'il m'aimait, sauf que j'ai pas réagi et il est parti, il se mordit les lèvres : « Et quand j'suis sorti je suis allé directement chez lui, sauf que je l'ai croisé en bas de son immeuble avec sa fiancée. »

— Et ? lâcha Iwaizumi sans aucune compassion : « Tu lui as dis quoi ? »

Bokuto détourna la tête, le regard d'Iwaizumi étant trop lourd à supporter, il souffla tout bas :

— Que j'le détestais.

Les bras d'Iwaizumi tombèrent le long de son corps.

— T'es pas sérieux ? Et il a pas cherché à te suivre ?

Bokuto renifla et haussa les épaules :

— J'sais pas, j'me suis sauvé après avoir dit ça, il baissa la tête et tritura nerveusement ses doigts : « Puis... S'il avait voulu m'parler, il sait où j'habite. »

À la remarque, Kuroo tourna la tête vers le mur opposé. Mouvement que nota très facilement Iwaizumi. Il allait fracasser Kuroo si ce qu'il pensait était juste.

— Si tu veux tout savoir, lança-t-il à Bokuto mais le regard rivés sur Kuroo : « Il était certainement avec sa fiancée pour lui parler de leurs fiançailles justement. C'est officiel, sa famille a annoncé l'annulation il y a deux jours. Ça me parait normal qu'ils en aient parlé ensembles avant que ce soit dit. »

Kuroo se décomposa légèrement.

Bokuto cligna plusieurs fois des yeux et ouvrit la bouche, la referma et demanda finalement :

— Que… Comment tu sais ça ? T'es certain ?

— La famille d'Oikawa fait partie de la haute, tu devines que pour un truc comme ça, il est forcément au courant et qu'il m'en a parlé. Donc oui, j'suis sûr. Maintenant, j'comprends pas pourquoi Akaashi est pas venu t'en parler.

Le regard toujours planté sur Kuroo, il ajouta :

— À moins qu'il ait essayé sans que tu le saches. T'as rien à dire, Tetsurou Kuroo ?

L'emploi soudain de son prénom le fit tiquer. Toujours fixé sur son pan de mur, Kuroo déglutit et lâcha :

— J'savais pas pour la fiancée, et la seule chose que j'voyais, c'était l'état de Bokuto. J'me suis peut-être un peu emballé.

Bokuto se redressa, il connaissait trop bien son meilleur ami et savait qu'il avait fait une connerie. Il agrippa ses cheveux et planta son regard sur Kuroo :

— Emballé ? Qu'est-c'que t'as fait ?

Kuroo fit quelques pas vers le mur. Les bras toujours croisés et tourna le dos à ses deux amis, il se mordit la lèvre, honteux.

— Tetsurou, gronda Iwaizumi.

— Ça va, ça va ! rouspéta Kuroo en se retournant : « Il est v'nu. Sauf que c'est moi qu'est ouvert. Et... J'étais énervé. »

Il jeta un coup d'oeil désolé à Bokuto avant de détourner le regard une nouvelle fois :

— Bro', t'étais dans un sale état. Je... J't'avais pas vu comme ça d'puis un moment…

— Dis moi c'que t'as fait, piailla Bokuto.

— Techniquement, j'ai rien fait, bougonna Kuroo.

Iwaizumi lui jeta un regard assassin. Il continua :

— J'ai juste ouvert alors que j'étais en serviette. J'venais de sortir de la douche, et toi t'y étais... J'ai dis que t'étais pas disponible et... il termina d'une voix aussi audible qu'un murmure : « Peut-être sous-entendu légèrement qu'on avait couché ensemble. »

Avant même qu'il puisse faire quoi que ce soit, le poing d'Iwaizumi s'abattit sur sa tête. Il s'écroula à genoux et l'insulta.

— T'es vraiment qu'un sale con !

— C'est pas toi qu'à dû aller chercher ton meilleur pote dans la neige en chiale alors qu'il sortait de l'hosto' ! hurla Kuroo, les mains sur le crâne et les yeux humides de douleur.

— C'est pas une raison, sale trou du cul !

— J't'emmerde !

Abasourdi, Bokuto jeta un regard à Kuroo.

— Il croit qu'on a couché ensemble ?

Trop absorbé dans leur dispute, ces deux amis ne répondirent pas.

— Qu'on a couché ensemble... murmura-t-il en fronçant les sourcils.

Il serra les dents, Akaashi n'était pas au courant de la relation qu'entretenaient Kuroo et Tsukishima. Et il savait son ami très… Persuasif. Akaashi n'avait aucune raison de douter de la véracité de ses propos.

Il regarda à tour de rôle Kuroo et Iwaizumi, puis sauta sur ses pieds. Merde, c'était qu'un malentendu, un horrible malentendu.

Il sortit de la chambre en courant et claqua la porte.

Kuroo hurla, Bokuto l'ignora.

Il descendit en trombe de l'étage, glissa sur les dernières marches et se rattrapa de justesse. Il cria le nom d'Akaashi, Yaku lui pointa le vestiaire bleu du doigt. Il esquiva deux de ses collègues, claqua la porte et s'engouffra dans la pièce.

Akaashi bondit de stupeur. Il se tourna vers Bokuto, éberlué. Sans comprendre ce qu'il se passait, Bokuto fut devant lui, attrapa son visage et colla ses lèvres contre les siennes. Ses mains descendirent jusqu'à sa nuque, avant qu'il ne détache ses lèvres et plonge ses yeux dans les siens.

— Plus de fiancée ?

Akaashi mit quelques secondes à comprendre, avant d'avoir une illumination.

— Non ! Non et puis, c'était un accord entre mes parents et les…

Bokuto lui ravit ses lèvres, le coupant dans sa phrase. Tant bien que mal, Akaashi tenta de le repousser légèrement. Sans y arriver, il abandonna et laissa ses mains posées sur ses épaules.

Bokuto s'éloigna à nouveau, le souffle court

— T'as rompu ?

— Les fiançailles ? C'est en cours, mais…

Bokuto le coupa, une nouvelle fois, de la meilleure des façons. Akaashi avait l'impression que son cœur allait exploser. Fougueux, Bokuto goûtait avidement ses lèvres et le mordit même. C'était puissant, passionné.

Akaashi tenta d'ouvrir la bouche, il manquait d'air, il allait défaillir. À la place, Bokuto en profita pour y glisser sa langue et la découvrir.

Akaashi cru fléchir, Bokuto dû le sentir. Il se détacha une nouvelle fois de lui, Akaashi prit une grande goulée d'air et poussa un cri de surprise. Les mains de Bokuto venaient de se poser sur ses cuisses.

D'un geste souple, Bokuto le souleva et le bloqua entre lui et son casier. Les mains sur ses épaules se crispèrent et il entoura sa taille avec ses jambes par réflexe.

— Boku…

Ignorant ses propos, Bokuto retourna à son exploration. Brûlant, Akaashi fut incapable de résister à son impulsivité animale. Il fondait. Sa langue l'enfiévrait, leurs corps collés l'embrasaient, ses mains sous ses cuisses le brûlaient. Un gémissement lui échappa, étouffé dans la foulée.

Bokuto s'éloigna quelques secondes, Akaashi rouvrit brutalement les yeux et posa violemment ses mains sur les joues de Bokuto.

— Stop, maintenant !

Figé, Bokuto ne bougea plus. Akaashi avala difficilement sa salive et reprit son souffle. L'expérience venait d'être plus que formidable, difficile de reprendre pied après être allé si loin.

Un petit rire le fit tourner la tête, Kuroo, son portable à la main, se mordit la lèvre. Akaashi prit une inspiration pour l'envoyer promener, Bokuto lui coupa toutes pensées.

— T'es un appel à la luxure, Akaashi.

Il rougit violemment à la remarque, ça, il ne s'y attendait pas du tout. Surtout venant de Bokuto.

Kuroo disparut, la porte se referma. Il tenta de se reprendre, ce fut difficile. Trop d'informations se bousculaient dans sa tête, il lâcha la première qui lui vint :

— Je croyais que tu avais... Tu as couché avec Kuroo ?

Malgré lui, Bokuto imagina la scène, grimaça et lâcha un « beurk ». L'idée le dégoutait.

— Mais… Quand je suis venu... Il a dit que, enfin, il m'a fait comprendre ça et il était nu chez toi, j'ai cru... Akaashi secoua la tête : « Bokuto, peux-tu me poser au sol, s'il te plaît ? J'ai du mal à réfléchir dans cette position. »

Bokuto secoua la tête :

— Pas envie.

Akaashi rougit un peu plus. Il ne pouvait pas rester comme ça, son corps réagissait beaucoup trop ! Il pria pour que Bokuto ne remarque pas sa demi-érection à cause du baiser, ainsi que de leurs corps collés et souffla :

— S'il te plaît, tu n'as qu'à me tenir la main si c'est du contact que tu veux ?

Bokuto fronça les sourcils, hésita, et relâcha délicatement Akaashi. Il fit la moue et attrapa ses mains.

Akaashi se détendit imperceptiblement. Il baissa la tête, prit une longue respiration puis planta ses yeux dans les siens.

— Je crois qu'il y a des choses à mettre en ordre, non ? Je suppose que tu as des questions concernant Kiyoko, et moi, j'aimerais savoir ce que tu sais.

Il haussa les épaules.

— Ben, t'as dis que t'avais rompu... Donc c'est terminé, et là, l'important c'est qu'on est ensemble maintenant.

Hébété, l'esprit d'Akaashi resta blanc quelques secondes. Puis, il se demanda si son visage pouvait devenir plus rouges, étant donné qu'il le sentait brûlant, avant de tenter de se ressaisir. Il tourna les yeux en l'air vers la droite.

— Je… Kiyoko reste une amie. Et Il faut quand même que tu comprennes que je n'ai pas une famille très... orthodoxe.

Bokuto fit la moue.

— Et ça veut dire quoi ?

— Ça veut dire qu'ils sont... Des gens de la haute, ils ont leurs propres pensées, et en tant qu'héritier, je suis censé me plier à ce qu'ils veulent. L'annulation de mes fiançailles a été très mal acceptée par eux, alors il est possible que ça crée de... futurs problèmes. Ça, et le fait que je ne leur ai jamais dit que je suis homosexuel.

— T'es parents savent pas que t'es gay ? s'étonna Bokuto.

— Non. C'est mal vu chez nous, justifia Akaashi : « Je... Je n'ai plus envie de m'en cacher, mais je viens déjà de rompre mes fiançailles, ça risque de faire beaucoup si je leur annonce ça en plus. »

Bokuto lâcha une de ses mains et lui caressa les cheveux.

— Tant qu'on est ensemble j'm'en fiche.

— Ne dis pas ça aussi facilement, sourit amèrement Akaashi : « Si tu t'en fiches vraiment, tu penses être capable de te tenir à la caserne ? »

Bokuto le regarda les yeux ronds.

— Me… Tenir ?

— Oui, te tenir. Faire comme si de rien n'était à la caserne. Ma famille n'est pas ouverte, le pays et les pompiers ne le sont pas spécialement non plus, soupira-t-il : « En dehors, je m'en moque un peu mais je n'ai pas envie d'avoir des problèmes ici, peu après mon arrivée. »

Bokuto pinça des lèvres et gigota d'un pied sur l'autre.

— Donc rien devant les collègues mais seuls j'peux ?

— Rien devant les collègues, mais seuls et certains que personne ne nous verra, tu peux, confirma-t-il.

— Les mêmes conditions que Tsukki, ronchonna Bokuto : « J'vais faire de mon mieux. »

— Les mêmes conditions que Tsukishima ? répéta-t-il bêtement.

Bokuto lâcha un « merde » à peine discret et s'écarta d'un pas.

— T'es au courant de rien, glapit-il en prenant son visage dans ses mains, il secoua la tête et lui jeta un regard paniqué : « T'es au courant de rien surtout ! »

— Au courant de rien ? Tu es sorti avec Tsukishima ? s'inquiéta Akaashi.

Non ! s'exclama Bokuto.

L'expression sérieuse d'Akaashi lui fit tourner les yeux.

— Si tu n'es pas sorti avec Tsukishima, mais que tu sais qu'il est avec quelqu'un et qu'il a les mêmes conditions que moi…

Résolu à fuir le regard d'Akaashi, il baissa les yeux et observa attentivement ses baskets, une mimique contrariée sur le visage.

— C'est que c'est forcément quelqu'un dont tu es proche. Et qui probablement du même sexe... Akaashi ouvrit de grands yeux : « C'est forcément Iwaizumi ou Kuroo. » Il s'arrêta quelques secondes : « Iwaizumi est gay. Sauf que c'est Kuroo le colocataire de Tsukishima. »

Bokuto releva la tête. Il allait se faire défoncer par Kuroo si Akaashi venait à l'apprendre, et peut-être même par Tsukki. Il maudit un instant l'infirmier d'être si logique. Il posa une main sur ses reins, l'autre derrière sa nuque et pria pour qu'un baiser arrête sa réflexion.

Akaashi se laissa faire, il se perdit volontiers dans les sensations que lui prodiguait Bokuto.

Un gros coup dans la porte les fit sursauter. Ils se séparèrent de quelques pas et Iwaizumi entra :

— Vous déconnez, sérieux. Les gars ont attendu pour se changer et ça fait cinq minutes que le rassemblement aurait dû commencer. C'est Oikawa qui m'envoie vous chercher, il est un poil énervé, hein.

Akaashi se mordit la lèvre, il s'excusa vivement et trottina vers la porte. Si Bokuto pensait qu'il avait oublié, il se mettait le doigt dans l'oeil.