25 février
Iwaizumi éplucha les oignons, sortit une planche et un couteau. Oikawa, assit sur un tabouret tapait sur son clavier en jetant régulièrement un regard aux documents qu'il avait étalé à côté de lui.
Il les coupa rapidement, essuya du revers de la main ses yeux douloureux et reporta son regard sur son amant lorsqu'il l'entendit soupirer.
— Vraiment, j'comprends pas que tu passes autant de temps sur ton boulot quand t'es en repos, marmonna Iwaizumi.
Oikawa releva les yeux de son écran.
— Ça te pose un problème ? demanda-t-il.
— Nah, juste, j'comprends pas, Iwaizumi haussa les épaules et fit revenir les oignons qu'il venait de hacher dans une poêle.
Oikawa appuya sa tête contre son poing et regarda son amant assaisonner sa préparation :
— Quand tu t'occupes d'une garde, le travail ne s'arrête pas à la fin de ton tour, mollement, il attrapa un document, laissa son regard courir dessus et le reposa : « Et puis, tout le temps que je passe avec vous à la caserne, c'est du temps où je n'avance pas sur ce que j'ai à faire. »
Ils se regardèrent un instant. Iwaizumi jeta du blanc de poulet, de la tomate et de la ciboulette dans la poêle.
— Ça t'plait vraiment ? T'occuper des papiers, et d'tout le reste, il attrapa un bol, quelques oeufs et du riz.
— Tu connais presque aussi bien ma cuisine que moi, s'étonna Oikawa.
Iwaizumi lui jeta un regard blasé.
— Ça fait deux mois qu'on alterne entre chez moi et chez toi, le contraire s'rait inquiétant.
Oikawa gloussa, balaya la remarque de la main et riva à nouveau son regard sur son écran.
— Et oui, ça me plait vraiment, j'aime mon travail.
Il ouvrit un nouveau mail, le parcouru du regard et enregistra les PDF qu'il contenait. Il les lu rapidement et les classa dans un dossier avant de prendre le temps de répondre. Une plainte le coupa en plein milieu :
— Merde !
Oikawa releva rapidement les yeux et posa un regard amusé au le pull fardé de tomate de son amant.
— Quand on sait pas cuisiner proprement, on met un tablier, rigola-t-il.
— J't'emmerde, gronda Iwaizumi : « J'ai pas prévu d'pull de r'change. » ajouta-t-il, agacé.
— Je peux toujours t'en passer un à moi, proposa Oikawa.
Iwaizumi le toisa.
— Genre, tu crois que j'vais porter, ça, il lança un regard au pull que portait son amant.
— Un soucis ? demanda Oikawa, vexé.
Iwaizumi nota la contrariété de son amant et secoua la tête:
— Nah, Pas mon style, et trop p'tit surtout, il haussa les épaules : « Par contre à toi, ça t'va bien. Sur moi ce s'rait ridicule. »
— Bon, donne moi ça, je vais te le laver, souffla-t-il : « Mais la prochaine fois, apporte plus d'affaires, surtout quand on bosse le lendemain. »
Iwaizumi râla pour la forme mais admit qu'il avait raison. Passer par chez lui récupérer des affaires avant d'aller à leur prise de garde serait contraignant. Aller à une prise de garde avec un pull à Oikawa serait chiant, Kuroo l'emmerderait avec ça pour le restant de ses jours et clairement, c'était quelque chose qui ne le tentait pas. Quant à y aller sans pull, en plein hiver… Il frissonna à l'idée et retira son vêtement.
Et, effectivement, repasser par chez lui fut contraignant. Autant au début, ils faisaient attention à tout, autant maintenant, ils oubliaient constamment quelque chose. Affaires de rechanges, sous-vêtements, livres… Ce sujet en amena un autre, quelques jours plus tard.
Une plainte fit relever à Iwaizumi les yeux de son téléphone. Il jeta un regard ennuyé à Oikawa qui râlait après son sac.
— Qu'est-c'que t'as encore ?
Oikawa poussa un soupir et s'affaissa contre la chaise. Il ferma son ordinateur, le repoussa et bascula la tête en arrière tout en pestant :
— J'ai dû oublier mon chargeur quelque part entre chez toi, chez moi et la caserne, ronchonna-t-il, : « Ça m'exaspère, non, pire, ça m'énerve. »
— Dis toi qu'ça te fait un jour de repos bien mérité, répondit Iwaizumi en haussant les épaules : « Ça fait combien d'temps que t'as pas réellement pris un jour off hein ? »
Oikawa se retourna et planta son regard dans le sien. Il croisa les bras sur sa poitrine et dit, contrarié :
— C'est pas aussi simple que ça, j'avais des choses importantes à faire.
Il se redressa d'un bon, attrapa ses clés et son téléphone, planta un baiser sur le front d'Iwaizumi qui haussa un sourcil interrogatif tandis qu'il s'avançait vers la porte d'entrée.
— Qu'est c'que tu fous ? Tu vas vraiment aller chercher ton chargeur maint'nant ?
Le regard que lui lança Oikawa lui fit comprendre que oui, il allait réellement chercher son chargeur maintenant. Il s'excusa brièvement et quitta l'appartement.
Iwaizumi regarda un instant la place où se trouvait son amant moins de deux minutes auparavant, puis la porte d'entrée et se demanda, une fois encore, s'il n'avait été bipolaire dans une autre vie. Il leur était arrivé à tous les deux d'oublier des affaires, à plusieurs reprises, et à chaque fois, Oikawa se tendait un peu plus.
Son téléphone vibra dans ses mains, il grimaça en voyant le nom de Kuroo apparaître : « On va courir en bord de mer, t'es chaud ? ». Il regarda l'heure. Le temps qu'Oikawa aille chez lui, trouve son chargeur et revienne... Une nouvelle notification apparut, toujours de Kuroo « J'suis en bas, grouille, y caille ». Il leva les yeux au ciel mais se leva tout de même. Il se changea rapidement, et dévala ses escaliers. Repérant rapidement Kuroo, il s'approcha de lui et s'étonna de ne pas voir Bokuto.
— « On » ? demanda-t-il en haussant un sourcil.
— Tu t'ramollis ! l'accueillit Kuroo en lui assénant une grande tape dans le dos, ignorant la question.
Iwaizumi répondit par un doigt d'honneur, Kuroo rigola, il le frappa.
L'air frais lui mordit les oreilles. Il monta sa capuche sur son crâne, envoya rapidement un sms à Oikawa pour le prévenir et rangea son téléphone.
— La diva ?
— J't'ai déjà dit d'pas l'appeler comme ça, gronda-t-il.
Kuroo haussa les épaules. Ils se mirent à trottiner. Au bout de quelques minutes, Iwaizumi demanda l'itinéraire.
— On longe la sixième jusqu'à la mer, on récupère Akaashi et Bokuto par là, on traverse la rivière, on r'monte vers l'aquarium, on fait l'tour du parc, ils descendirent quelques marches, firent quelques foulées supplémentaires et le bitume laissa place à de l'herbe, elle crissa sous leurs pas : « Puis chacun rentre chez soi. »
Iwaizumi imagina le parcours au fur et à mesure que Kuroo lui énonçait.
— Quinze kilomètres, tenta-t-il.
Kuroo tourna la tête vers lui et lui adressa un grand sourire.
— Dix sept, pas loin du compte.
Iwaizumi se concentra sur ses foulées. Ils venaient d'atteindre le sable et le sol meuble était propice à des blessures. Dix sept kilomètres, s'ils avaient couru à trois, ils auraient plié ça en moins d'une heure, mais l'infirmier, bien que pas mauvais, n'était pas non plus un grand coureur. Tant pis, Oikawa l'attendrait. Il salua le fait d'avoir échangé leurs clés et continua sa course l'esprit tranquille.
Lorsqu'il ouvrit sa porte, il constata sans surprise la présence d'Oikawa. Attablé, des documents éparpillés et ses lunettes sur le nez, il leva un oeil de son écran, lui adressa un sourire et se replongea dans sa paperasse. Trop sale et collant pour aller l'embrasser, Iwaizumi s'éclipsa rapidement dans la salle de bain. Il s'était absenté dix minutes maximum, mais lorsqu'il retourna dans le salon, la table avait été débarrassée et Oikawa l'attendait dans le canapé. Il passa derrière, glissa une main dans ses mèches, tira doucement dessus pour le faire basculer la tête en arrière et déposa un baiser sur ses lèvres.
— Il faudrait que j'aille les faire couper, souffla Oikawa.
— Nan.
La réponse rapide et sèche le surprit. Un grand sourire étira ses lèvres.
— Je croyais qu'ils étaient trop longs ? le taquina-t-il.
Iwaizumi lui pinça le nez.
— Tu t'énerves trop facilement, bouda Oikawa en se tenant le nez.
— Dit-il alors qu'il s'est énervé et s'est barré comme un sauvage pour un chargeur, railla Iwaizumi qui contourna le canapé, s'y allongea et mit sa tête sur les cuisses d'Oikawa.
Il alluma rapidement la télé.
— C'est trop compliqué de changer presque quotidiennement d'endroit, s'agaça Oikawa : « On sait même pas où on sera demain, c'est dur de prévoir. »
Iwaizumi tourna la tête vers et croisa son regard alors que des doigts passaient dans ses cheveux.
— On peut essayer une semaine sur deux, s'tu veux ?
Il était vrai que c'était compliqué de ne jamais savoir où ils allaient dormir, mais il s'y était fait et, contrairement à Oikawa, un sac à dos avec un ou deux changes lui suffisait amplement. Oikawa bougeait continuellement des dossiers, son ordinateur et un sac d'affaires au minimum.
Oikawa fit la moue et souffla.
— Ou alors, tu peux venir vivre chez moi.
Il sentit Iwaizumi se tendre, crisper les mâchoires et tourner la tête vers la télé.
— Tu te tends, constata-t-il.
— Non.
— Qu'est ce que tu as ?
Iwaizumi se mordit l'intérieur des joues.
— Rien, t'inquiète.
Les doigts dans ses cheveux s'immobilisèrent. Iwaizumi inspira longuement. il avait promis à Oikawa de faire des efforts de communication, mais c'était un sujet complexe à aborder, même cinq ans après. Il grimaça et inspira longuement. Il y a avait tellement de choses à dire sur ça, sur lui, sur ce qu'ils avaient été qu'il ne savait pas par quoi commencer.
Les yeux résolument tournés vers l'écran, il souffla :
— Hiro, c'était son nom, 'fin, ça l'est toujours, mais t'as compris.
Il sentit le regard d'Oikawa sur lui mais tâcha de l'ignorer.
— J'sais pas exactement c'que tu veux savoir à ce sujet, il fronça les sourcils et croisa les bras sur sa poitrine : « J'suis certain que tu vas me répondre « tout », t'es trop prévisible, alors j'vais essayer de faire au mieux. »
— Hé !
— T'allais pas dire ça ?
Il bougonna une réponse incompréhensible, Iwaizumi leva les yeux au ciel et reprit :
— On était jeune, à peine la vingtaine. Ça a limite été un coup de foudre et tout allait pour le mieux, on était déjà ensemble quand j'ai rencontré Kuroo et Bokuto. Tout était beau, j'te jure, ça faisait un an et quelques qu'on était ensemble quand j'suis rentré à la formation pour dev'nir pro'. On a décidé d'emménager ensemble, et là... C'est devenu l'enfer. Tu connais le rythme des écoles.
Oikawa acquiesça silencieusement, Iwaizumi continua :
— Pas là la semaine, de sortie avec les gars le week-end, on avait peu de temps ensemble bien que j'essayais de faire au max'. J'crois qu'il a commencé à vriller à ce moment-là. Genre, j'avais droit à des scènes à la con, jalousie ou possessivité. J'suis devenu pro', j'suis rentré à la caserne et... Il soupira : « J'pensais que ça irait mieux, ça a été pire. Dès que j'partais pour aller bosser, c'était des crises, il fouillait mon téléphone à la moindre occas', chantage affectif, il m'a emmerdé avec Kuroo et Bokuto… »
Iwaizumi se tourna sur le côté, attrapa un coussin et le serra contre son visage quelques instants.
— J'suis resté plus d'un an comme ça. C'est Kuroo qui m'a ouvert les yeux, j'l'ai quitté. Il m'a avoué qu'il m'trompait depuis plus d'six mois, que j'serai rien sans lui... Bref. J'sais pas si c'est vrai, ou pour me faire du mal et honnêtement j'm'en branle. Il a réussi à faire ce qu'il voulait à l'époque : faire en sorte que j'me referme sur moi-même et que j'fasse plus confiance à personne.
Ils restèrent silencieux un moment. Oikawa continua de lui caresser les cheveux, puis finit par lui embrasser la tempe.
— Ça a été long et pénible pour que tu acceptes de me fréquenter, ce n'est pas pour que je te fasse du mal après.
Iwaizumi leva les yeux vers lui, et fit la moue. Il s'assit en tailleur et resta dos à son amant.
— J'pensais pas avoir été si con envers toi.
Oikawa s'approcha, l'entoura de ses bras et posa sa joue contre son épaule.
— Je comprends mieux, mais c'est du passé, tout ça. Je t'aime et je veux vivre avec toi.
Les oreilles d'Iwaizumi chauffèrent. Oikawa souffla dessus, il grogna et tourna son visage vers lui. Les lèvres pincées, il finit par soupirer et lui colla un léger baiser.
— J'te crois. Je sais que t'es pas lui. Ma mère a envie de te rencontrer, d'ailleurs.
Oikawa cligna plusieurs fois des yeux. Il lui avait dit être sérieux quant à eux, là, il en avait la preuve formelle.
— Je ne pensais pas que tes parents seraient au courant, murmura-t-il : « Ce serait avec plaisir. »
— Ils le savent que depuis récemment, avoua Iwaizumi : « J'allais pas non plus gueuler ça dès le début. J'me doutais qu'elle serait intenable, et elle l'est. J'lui dirai qu'elle peut nous inviter comme t'es OK… »
Oikawa affermit son étreinte et se laissa basculer en arrière, entrainant avec lui Iwaizumi qui râla de la position inconfortable. Il le relâcha un instant, Iwaizumi se retourna et le poussa légèrement. Plus étroit que le canapé d'Oikawa, ils n'eurent pas d'autres choix que de se mettre tous les deux sur le flanc. Oikawa tourna le dos à la télévision, Iwaizumi passa un bras sous sa tête, le deuxième autour de ses reins. Il sentit son amant se lover contre lui et le maintint un peu plus. Oikawa enroula ses bras autour de ses flancs et cala son visage contre son torse. Ses mains caressèrent son dos. Iwaizumi sourit, passa une main dans ses cheveux pour les aplatir et posa son menton sur le sommet de son crâne.
Ce fut l'un de ces moments calmes, où l'on comprenait parfaitement le sens du mot bonheur.
Heureux, ils restèrent ainsi, dans la chaleur des bras l'un de l'autre et profitèrent simplement de ce moment de douceur qui leur était accordé.
