29 mars
Iwaizumi referma sa porte et fixa l'enveloppe. Le facteur venait de passer pour lui délivrer ce recommandé. Le tampon des pompiers avec son prénom à l'avant et le tampon de sa caserne à l'arrière ne lui annonçaient rien de bon.
Il retourna dans son salon, esquiva Le Fauve et ouvrit l'enveloppe. Il déplia le papier, lut les quelques lignes en travers et se figea. Il la relut trois fois complètement, vérifia qu'il était bien le destinataire, puis s'assit lourdement sur une chaise. Il n'y croyait pas. Il la reposa, se frotta les yeux, attrapa son téléphone et ouvrit le contact d'Oikawa. Il s'arrêta le pouce juste au dessus, se ravisa, puis reprit la lettre.
Il la lu quatre fois supplémentaires. Certain d'être réveillé, il se décida et appela Oikawa. Il y eut trois sonneries, et il décrocha.
— Hajime ? s'inquiéta-t-il aussitôt.
Iwaizumi ouvrit la bouche, exhala, puis la referma. Il n'avait pas la moindre idée de par où commencer.
— Iwa' ? tenta-t-il au bout d'un moment. Sans réponse, il soupira : « Tu sais, quand on appelle quelqu'un, c'est qu'on a quelque chose à lui dire, normalement. »
Iwaizumi déglutit :
— T'as pas reçu une lettre ce matin ? Ou hier ?
— Pas que je sache, mais je n'ai pas encore relevé mon courrier, je suis supposé avoir reçu quelque chose ?
— J'pense. Normalement. Je crois. Dans les conseils de discipline le chef de la personne est censé être là, non ? demanda-t-il d'une voix blanche.
La demande provoqua un moment de flottement. Iwaizumi crut entendre un bruit de porte, puis de clés. La respiration d'Oikawa se fit un peu plus forte. Il prit la parole après plusieurs minutes de silence et un bruit de papier déchiré.
— Merde, lâcha Oikawa.
Le juron provoqua un nouveau silence qu'il rompit au bout de quelques instants.
— Je… Je prépare deux ou trois trucs et je prends la route, je suis là dans moins d'une heure ok ? Si t'as le courage, appelle tes délégués syndicaux, de mémoire, c'est Sugawara et Yaku, débita Oikawa, il inspira un grand coup : « On reparle de ça quand j'arrive. »
Iwaizumi souffla un « ok » et raccrocha dans la foulée. Seul face à son portable et à sa lettre, il se sentit esseulé. Fonctionnant à la colère, il se leva d'un coup et éclata son poing contre la table. Un café serait une très mauvaise idée pour ses nerfs, il opta pour un grand verre d'eau, puis revint vers la table. Il attrapa son portable, tapa un message à destination de Yaku et de Sugawara, puis l'effaça. Il l'écrivit une dizaine de fois, avant de jeter son téléphone sur son canapé sans rien faire. Incapable de les appeler, il préféra attendre qu'Oikawa arrive pour décharger cette tâche sur lui. Tournant comme un lion en cage, il continua de marcher même quand sa porte s'ouvrit et que son amant entra.
En silence, Oikawa le rejoignit dans le salon. Le voir dans cet état lui noua l'estomac. Et même si le temps pressait, Oikawa l'attrapa par le bras et l'attira contre lui. Un main sur ses reins, l'autre dans ses cheveux, il le serra dans ses bras.
Iwaizumi se laissa faire dans un premier temps, avant de l'attraper par les épaules et de se raccrocher à lui.
— J'me sens pas bien, putain. J'comprends pas. Vraiment pas. J'ai réfléchi à tout c'que j'ai pu faire pour avoir une sanction disciplinaire, et à part l'histoire de la noyade, j'vois pas. Mais personne s'est jamais pris de sanction pour avoir sauvé la vie d'un gosse. Merde. J'comprends pas.
Oikawa caressa lentement son dos et ses cheveux pour tenter de l'apaiser un peu.
— Ne ressasse pas tout comme ça, tu vas te faire du mal inutilement, Oikawa le serra un peu plus fort dans ses bras : « Je vais lui envoyer un e-mail, et s'il ne répond pas, je l'appellerai. » souffla-t-il : « En parlant d'appeler... Tu as contacté Sugawara et Yaku ? »
Iwaizumi secoua la tête.
— Pas réussi. J'ai voulu envoyé un texto du coup mais… J'ai pas su comment dire ça.
Il quitta ses bras à contre-coeur et récupéra son portable dans le canapé. Il chercha ses deux collègues dans ses contacts et regarda Oikawa :
— J'suis censé dire quoi, franchement ? Genre : « Salut, t'es occupé demain matin, j'suis convoqué en conseil de discipline et j'ai besoin de toi » ? Ils vont faire un arrêt, sourit-il amèrement.
— Ça te dérange si je les appelle ? Et avec ton téléphone ? Il vaut mieux que ce soit ton numéro qui apparaisse, si jamais on te demande de prouver que tu as demandé leur présence.
Il lui tendit son téléphone en silence.
Oikawa l'attrapa, s'assit dans le canapé et ouvrit les bras à son amant. Il lui caressa machinalement le dos alors que la sonnerie retentissait contre son oreille. Sugawara décrocha après deux sonneries, et comme lui, une heure auparavant, sembla inquiet de recevoir un appel d'Iwaizumi. Oikawa prit rapidement la parole, surprenant Sugawara. Il lui expliqua brièvement la situation : Iwaizumi venait de recevoir un recommandé, il était convoqué pour un conseil de discipline le lendemain matin à dix heures et demi. Avant qu'Oikawa n'ait le temps de lui proposer, Sugawara lui indiqua qu'il serait présent et qu'il ferait son possible pour aider. Oikawa le remercia, raccrocha et appela Yaku. Il tomba sur sa messagerie, fit la moue et décida de laisser un message sur sa boite vocale. Comme pour Sugawara, il expliqua la situation et s'inquiéta de savoir s'il était disponible ou non.
Iwaizumi se redressa peu après.
— J'ai rien à faire jusqu'à demain, à part me morfondre... J'suppose que j'peux pas t'aider si t'as des choses à vérifier ou autre ?
Oikawa secoua la tête à la négative.
— Je vais envoyer un e-mail au chef et me renseigner sur les conseils de discipline, je n'ai jamais assisté à ça, et je ne veux pas être inutile demain.
Iwaizumi se releva et recommença à faire les cents pas.
— P'tain, j'sais pas quoi faire, j'ai juste envie de fracasser des trucs.
— Tu devrais appeler Kuroo et Bokuto.
— Ils vont vouloir m'aider à foutre le feu à la caserne... T'es prêt à les supporter ?
Oikawa se retint de dire qu'il serait prêt à supporter n'importe quoi tant qu'il n'était plus… comme ça, mais se contenta d'hocher la tête.
Iwaizumi récupéra son portable. Il hésita entre les appeler et leur envoyer un message, puis opta pour la première solution. Les deux coups de fils furent brefs. Presque autant que l'attente entre le moment où il raccrocha et celui où ils débarquèrent.
Iwaizumi fut heureux de les voir. Entre les plans machiavéliques de Kuroo, les chamailleries, séances de sports, l'appel de Yaku et autres, la journée et la soirée passèrent plus rapidement que ce qu'Iwaizumi n'avait pensé. Pour autant, la nuit fut courte et il n'eut pas besoin de réveil.
Bien que la matinée fut difficile mentalement, Iwaizumi eut du mal à sortir de la voiture quand ils arrivèrent à la caserne, une dizaine de minutes en avance.
Ils rejoignirent Sugawara et Yaku devant le hangar. Ils se saluèrent brièvement.
— On est là et de ton côté, lâcha Sugawara : « Je sais que ça suffira pas à te calmer, ou à t'enlever l'angoisse, mais penses-y, ok ? »
Iwaizumi hocha la tête. Yaku lui fit une tape amicale et ils se rendirent ensemble dans la salle de réunion.
Contrairement aux fois précédentes où il avait été convoqué, Iwaizumi vit un visage inconnu. Oikawa les rejoignit. Nobuteru, assit entre les deux hommes le salua.
— Je vois que vous êtes venus accompagnés de vos délégués syndicaux, vous avez bien fait.
Le vouvoiement sonna comme un prémisse d'emmerdes. Iwaizumi serra les dents et hocha la tête. Le chef fit signe à Iwaizumi de s'asseoir. Il se retrouva un instant assit seul avant que Yaku et Sugawara ne réapparaissent avec un fauteuil chacun. Ils s'assirent de part et d'autre de lui.
— Vous attendez quelqu'un d'autre ? demanda Nobuteru à leur intention.
Iwaizumi fit « non » de la tête et croisa les bras sur sa poitrine, ne sachant qu'en faire d'autre. Il récolta un regard réprobateur d'Oikawa et les laissa tomber contre ses cuisses. Il inspira un grand coup et releva les yeux. Son regard se plantant dans celui de son chef.
— Lieutenant Oikawa, Monsieur Kojima, représentant du directeur régional du centre d'incendie et de secours, Nobuteru lança un regard aux deux hommes et retourna son attention en face de lui : « Avez été convoqués pour le conseil du discipline du présent Sergent Iwaizumi, accompagné de droit de ses représentants syndicaux, Sergent Sugawara et Caporal Morisuke. »
Ils émargèrent leurs noms à tour de rôle sur un document que Nobuteru prit soin de classer dans une pochette devant lui.
— Il vous est demandé aujourd'hui de juger de manière impartiale, en prononçant ses mots, Nobuteru tourna la tête vers Oikawa et lui jeta un regard qui voulait en dire long : « Le sergent Iwaizumi pour les faits suivants : manquement à son devoir de sapeur-pompier, manquement à son devoir de chef, prise de risques inconscients, abandon de poste. »
Sugawara leva poliment la main.
— Peut-être devrions-nous remettre le contexte autour de ces faits.
Nobutera acquiesça.
— Le vingt six mars, le sergent Iwaizumi a bipé pour un tronçonnage impliquant des lignes hautes tension, alors que l'intervention était en court, le sergent a quitté son poste, ses hommes et les lieux d'une intervention pour aller récupérer un enfant qui était tombé à l'eau. Mettant en péril la vie de ses hommes, qui n'étaient plus que deux à gérer leur intervention, ainsi que la sienne, puisque, rappelons le, le sergent Iwaizumi est membre du GRIMP et non des SAV, Nobuteru inspira longuement : « Le sergent a laissé un tout jeune sapeur pompier s'occuper de la partie électrique de l'intervention tandis que le conducteur s'occupait de tronçonner l'arbre déraciné. »
— Intervention qui était sur la fin, rappela Yaku : « Bien que jeune pompier, Yamaguchi, personne à laquelle vous faites référence, reste un pompier et a été capable de gérer parfaitement le départ du sergent Iwaizumi de l'intervention. Départ qu'il a notifié à ses collègues. »
— Caporal Morisuke, Sergent Sugawara, qu'avez vous appris à l'école concernant ce genre d'incident ? demanda Nobuteru.
Sentant la question rhétorique, aucun n'ouvrit la bouche et Nobuteru sortit un organigramme de sa pochette.
— Pour ce genre de cas, le Sergent Iwaizumi aurait dû passer un appel radio pour demander de l'aide. Qu'il ait quitté l'intervention, avec un autre équipage, aurait pu être toléré, mais le conducteur, le Caporal Tanaka, n'était en droit de prendre aucune décision sur cette intervention. S'il avait fallut déplacer d'urgence le véhicule, ou si un quelconque imprévu s'était produit, il aurait été démuni et dans l'incapacité totale de prendre une décision pour protéger sa vie, ou les biens du centre d'incendie et de secours.
— La prochaine fois, faites-moi penser à filmer la scène, histoire que j'puisse montrer aux parents la mort de leur gamin parce que j'devais respecter les règles d'écoles, gronda Iwaizumi.
— Sergent, baisse d'un ton et surveille ton langage, tu t'adresses à un supérieur, le sermonna Oikawa.
Iwaizumi lui jeta un regard rempli de colère mais acquiesça silencieusement. Il se mordit la langue pour s'empêcher d'insulter le monde et fixa son regard sur Nobuteru.
Nobuteru adressa un signe de tête à Oikawa.
— Le Sergent a abandonné son poste, a abandonné son uniforme sur la chaussée et a plongé en plein mois de mars dans une rivière glacée, pour partir aborder un enfant dont les chances de survie étaient minimes. Il a commis de ce fait plusieurs manquements grave à la déontologie des sapeurs-pompiers, Nobuteru les regarda à tour de rôles, sortit le dossier d'Iwaizumi.
Il en tira un papier et s'adressa au représentant :
— Le Lieutenant Oikawa ici présent s'est vu dans l'obligation de blâmer le Sergent Iwaizumi qui avait tenu des propos déplacés envers le mari d'une victime, l'avait violenté avant de s'en prendre à son propre Lieutenant…
— Si je puis me permettre, l'interrompit Oikawa : « Nous sommes au conseil de discipline du Sergent Iwaizumi, pas à sa mise à mort. Et j'ai noté que le Sergent m'avait tenu tête, et non qu'il s'en était pris à moi. Je préfère mettre ce point au clair pour Monsieur le représentant, je n'aimerais pas qu'il se fasse un avis biaisé de mon homme sur un simple abus de langage. »
Le représentant acquiesça et nota quelque chose dans le coin d'une feuille puis retourna son attention sur Iwaizumi. Les phalanges blanches à force d'être crispées et le regard noir, il semblait sur le point d'exploser.
— Au vue du récent blâme et du comportement sanguin du Sergent Iwaizumi, je suis d'avis de…
— Sanguin ? coupa Yaku : « Je peux comprendre que ses écarts soient à punir, mais il a un dossier parfait depuis six ans. C'est à prendre en compte. De là à dire « sanguin », le mot est fort. »
L'expression de Nobuteru se durcit.
— Dois-je vous rappeler l'épisode de la sainte-barbe ? Où le sergent s'en est pris verbalement à un collègue devant toute la caserne ? Certes, il défendait le Lieutenant Oikawa, mais il n'était pas alcoolisé, et n'avait pas à faire les choses de cette manière, comme il le sait, puisqu'il a été convoqué dans mon bureau pour parler de cet incident.
— Et le sergent Bokuto, ajouta Yaku, il accentua : « Il a défendu e lieutenant Oikawa et le sergent Bokuto. »
— Et le Sergent Bokuto, si vous voulez. Mais cela ne change en rien le fait que votre collègue souffre d'insubordination, qu'il est incapable de se plier au respect qu'il doit à ses supérieurs, mais je vois que c'est quelque chose de récurent dans votre tour, gronda Nobuteru.
Yaku serra les dents. Il n'avait pas envie d'envenimer la situation actuelle, ni la sanction qu'Iwaizumi recevrait. Il jeta un regard à Sugawara, qui gardait une expression neutre. Lui, il avait envie de retourner le bureau, sûrement autant qu'Iwaizumi. Il avait assisté à peu de conseils de discipline, mais il ne fallait pas être stupide pour voir que c'était de l'acharnement. Sur un élément aussi bon qu'Iwaizumi en plus, ça donnait envie d'hurler.
— En conséquent de tout ça, je propose de mettre à pied le Sergent Iwaizumi pour un mois. En espérant que cette sanction lui permette de prendre du temps pour lui et lui permette d'apprendre à se canaliser ainsi qu'à suivre les ordres. La sanction peut paraitre dure, mais elle m'a été inspirée par le Lieutenant Oikawa lorsque nous avons été confronté à un dossier… Assez similaire, en fin de compte. Il nous avait alors parlé d'une sanction sévère pour remettre l'homme en question dans le droit chemin, et c'est ce que j'espère faire. Malgré ces quelques problèmes, le sergent reste un homme compétent et nous espérons retrouver le sapeur que nous avons engagé six années auparavant.
Yaku serra l'assise de sa chaise à s'en faire blanchir les jointures. Sugawara se tendit encore plus. Oikawa manqua de s'étouffer.
— J'ai proposé une mise à pied disciplinaire bien moins élevée que ça à un homme au dossier plus remplit que celui du sergent, répondit Oikawa : « Je comprends les enjeux de cette sanction, vous voulez que le sergent serve d'exemple et je le conçois, mais je pense qu'une telle sanction n'aura pas les vertus escomptées et peut au contraire faire naitre des ressentiments. »
— Nous parlerons de ça entre nous, Lieutenant, Nobuteru jeta un regard aux hommes assis face à lui : « Si vous n'avez rien à ajouter, je vous prierais d'attendre dehors, nous allons débattre et vous faire part de la sanction retenue. »
Iwaizumi se leva le premier. Il fit bien attention à ses gestes et à son pas. Sugawara et Yaku le suivit, non sans un regard vers les chefs pour ce dernier. Il ferma la porte doucement derrière lui. Ils s'éloignèrent au bout du couloir, histoire d'éviter d'entendre et d'être entendu.
Sugawara posa une main sur l'épaule d'Iwaizumi, qui se voulut réconfortante.
— Le Lieutenant devrait réussir à alléger la sanction, murmura-t-il.
— Tu t'fous de moi ? s'emporta Yaku tout en prenant garde à son ton : « C'est du lynchage ! La mise à mort est limite pas une métaphore à ce stade ! »
Sugawara lui lança un regard irrité.
— J'ai enchainé les conneries, souffla Iwaizumi : « J'sais que j'ai merdé ces derniers temps mais de là à m'en prendre autant dans la gueule ? Bordel, on a jamais eu de conseil de discipline pour une urgence vitale. » il releva les yeux vers Sugawara : « Pourquoi j'ai l'impression que c'est juste un putain de prétexte ? Bizarrement, tout la caserne sait que j'suis pédé et il monte un dossier dans la foulée ? »
— Oikawa l'est aussi, il le sait... répondit Yaku.
— Mais Oikawa est un élément trop important pour s'en prendre directement à lui. Il porte un nom connu en plus. Non, la chose importante à retenir c'est qu'ils sont ensemble : Si Iwaizumi prend, Oikawa aussi, même si c'est qu'indirectement, et que ça concerne leur vie personnelle, raisonna Sugawara.
Iwaizumi s'adossa à un mur. Les pompiers, c'était sa vie. Son métier englobait aussi ses amis et même son amant désormais. Lui enlever ça revenait à lui enlever une partie de lui-même. Hormis ses parents et les gamins du quartier, il ne lui resterait rien d'autre. Depuis l'âge de quatorze ans, la majeure partie de sa vie se concentrait autour des pompiers.
Yaku s'approcha de lui et colla son épaule contre la sienne. Il ne savait pas quoi dire pour remonter le moral de son ami, et la seule chose qu'il avait envie de faire ne l'aiderait absolument pas.
Sugawara, le regard résolument tourné vers le sol, semblait s'être perdu dans d'intenses réflexions.
Une demie heure passa durant laquelle personne ne parla.
Ils entendirent des bruits de pas, puis Oikawa arriva à leur hauteur. L'expression grave qu'ils virent sur son visage ne présageait rien de bon. Le fait qu'il s'obstine à fuir leurs regards non plus.
Sans dire un mot, Oikawa attrapa la main d'Iwaizumi et lui pressa doucement les doigts. Quelques pas avant la porte, il la relâcha. En silence, ils pénétrèrent dans la salle et chacun reprit sa place.
— Excusez nous du temps d'attente, nous avons eu du mal à trouver un terrain d'entente, lâcha Nobuteru après avoir lancé un regard à Oikawa : « Il a été décidé que le sergent Iwaizumi serait suspendu pour une durée de quinze jours a compté d'aujourd'hui. Il lui est recommandé de revoir la déontologie des pompiers durant cette période. »
Iwaizumi se tendit. Il serra les poings si fort que ses ongles courts rentrèrent dans sa peau. Blême, il encaissa la nouvelle silencieusement, la tête baissée. Il refusait de voir Nobuteru, il était certain d'être hors de contrôle sinon.
— Sur ce... Nobuteru fit un signe de la main : « Vous recevrez par courrier votre mise à pieds officielle. »
Sans attendre une seconde de plus, Iwaizumi sortit de nouveau de cette pièce. De ce couloir, de ce hangar, de cette caserne. Il ne s'arrêta que sur le parking, le coeur battant et s'accroupit.
Il avait envie de chialer. Il passa ses mains sur son visage, puis ferma les yeux, la tête tournée vers le sol.
Oikawa arriva quelques instants après ça. Il s'agenouilla devant lui, le prit dans ses bras et le serra contre lui. Incapable de dire quoique ce soit, il se contenta de caresser lentement son dos.
— C'est juste une mise à pied, murmura Iwaizumi, amer : « Y'a pas mort d'homme. »
Il sentit Oikawa le serrer un peu plus à la remarque. Alors qu'elle était vraie. Au fond, il survivrait. C'était juste affreusement douloureux.
— Je crois qu'un peu de boxe me ferait du bien, railla-t-il après quelques instants.
Ils se détachèrent l'un de l'autre.
— Je ne vais pas pouvoir t'accompagner, souffla Oikawa, visiblement désolé : « J'ai quelque chose à faire. »
Iwaizumi hocha la tête et se releva. Oikawa suivit le mouvement.
— Je vais rentrer à pied. De toute manière, Kuroo et Bokuto doivent encore être à l'appart'.
Oikawa lui attrapa la nuque, posa un lourd baiser sur ses lèvres et se recula. Sugawara et Yaku s'avancèrent et proposèrent de le raccompagner. Il refusa et entama son pas. Il avait envie d'être seul et de brûler le monde, tout en hurlant à quiconque sa détresse. Chose trop contradictoire.
Les mains enfouies au fond des poches et l'estomac dans les talons, il prit le chemin du retour, seul.
