Eawyn fit signe au tavernier de la resservir. C'était la troisième fois depuis son arrivée. Elle sentait la fatigue attaquer ses muscles et assombrir son humeur. Elle ne rêvait que de dormir plusieurs heures. Mais son besoin de savoir ce qu'il se passait dans le monde, était plus fort. Voilà des mois qu'elle n'était plus revenue aussi au sud. Elle avait accompagné des caravanes de marchands loin au nord. Un long voyage. Un dangereux voyage. Elle n'avait eu que peu d'informations sur ce qu'il se passait en Terre du Milieu. Les voyageurs étaient rares aussi au nord. Les conditions de vie y étaient impossibles. Elle admirait les peuples qui y résidaient envers et contre tout.
Elle devait impérativement en savoir plus. Elle ne savait où son prochain contrat, auprès de marchands, pouvait la mener. Elle ne tenait pas particulièrement à se retrouver dans un endroit infesté de quelconque ennemi. En particulier des orques.
Malheureusement, il y avait bien peu d'étranger ce soir-là pour combler sa curiosité. Les habitants de ce petit village ne devaient pas être plus informés qu'elle. S'y intéressaient-ils seulement ?
Alors qu'elle allait gagner la chambre qu'elle avait loué pour la nuit, un homme entra et retint son attention. Elle soupira en reconnaissant la longue robe grise usée par le temps. Un chapeau s'assortissait à la robe. Il tenait un bâton en bois avec une pierre au centre en haut. L'Istari venait à elle.
— Dame Eawyn, la salua-t-il en prenant place face à elle.
— Gandalf, voilà longtemps que nos chemins n'avaient pas pris la même direction.
Dix années à vrai dire. Une éternité. Un battement de cils.
— Que puis-je pour vous ? questionna-t-elle après l'avoir détaillé longuement dans l'attente qu'il ne parle.
— Nous allons bientôt le savoir, assura-t-il.
Le vieil homme laissa traîner un silence pesant.
— Que diriez-vous de participer à une aventure, Eawyn du Rohan ?
— Une aventure, répéta-t-elle sceptique.
— C'est cela une aventure.
— Et qu'elle objectif poursuit cette aventure ? questionna-t-elle s'impatientant face au vieil homme qui ne semblait pas vouloir lui en dire plus.
Gandalf prit le temps de tirer une bouffée de sa pipe et commanda un peu de vin avant de lui répondre.
— Reconquérir un royaume perdu, reprit-il ensuite.
— Un royaume perdu ? Voilà qui est vaste pour cette partie du monde.
— Je suppose que vous avez connaissance de la Montagne d'Erebor tombée entre les griffes de Smaug ?
— Effectivement. Donc votre aventure qui serait plus une quête désespérée visant à reprendre la montagne solitaire des mains de Smaug le terrible…
L'homme prit le temps de réfléchir avant d'avancer sa réponse. Il but son verre de vin, amusé de l'impatience qui transparaissait sur le visage de son interlocutrice.
— Cette montagne est une place stratégique et je suis certain que vous avez remarqué ce qui se trame dans l'ombre.
— Oui, les forces noires bougent et se rassemblent… Une guerre se prépare.
— Erebor en est un enjeu.
— Je comprends... Il vaut mieux que cette montagne revienne aux nains.
Gandalf approuva gravement et termina son verre de vin et sa soupe, laissant à Eawyn le temps de réfléchir et de prendre conscience des enjeux de cette histoire.
— Je ne serai pas seule dans cette aventure, supposa-t-elle. Qui avez-vous conviés ?
— Treize nains dont Thorin Oakenshield, le chef de cette compagnie et notre Maître cambrioleur Bilbo Sacquet.
— Un cambrioleur ? releva Eawyn.
— Il nous faudra quelqu'un pour récupérer le joyau de la montagne dans l'antre du dragon.
— L'Arkenstone, souffla-t-elle. Le cœur de la montagne, le joyau du Roi…
Rien que cela. Elle baissa la tête et fixa le bois abîmé de la table. Elle avait entendu, par son grand-père avant qu'il ne meurt des années plus tôt, que l'Arkenstone était bien plus une malédiction qu'autre chose. L'ancêtre lui avait conté la perte de la raison de Roi Thror qui avait peu à peu sombré dans la démence ne pensant plus qu'à l'or et à ses richesses. Le peuple nain avait ainsi été conduit à sa perte. Elle serra son poing sous la table. Elle n'était pas née à cette époque, mais sa famille avait été décimée ne laissant que son pauvre père.
— Vous avez connaissance de cette histoire à ce que je vois.
— Une bien sombre histoire, murmura-t-elle. N'est-il pas risqué de laisser la pierre maudite aux mains de ce nain ? Je connais sa malédiction. N'est-ce pas contré un mal pour laisser la place à un autre ?
Gandalf hocha la tête, pensif. Présenté comme cela, il fallait mieux laisser cette pierre aux griffes du dragon. Mais, il y avait tellement plus en jeu. Il n'avait guère le choix.
— Il faudra aviser le moment venu. Je sais que votre présence sera la bienvenue pour cela, vous ne vous laisserez pas aveugler par votre loyauté envers Thorin.
— Pour cela, il faudrait déjà qu'il parvienne à la gagner, déclara-t-elle sévère.
— C'est bien ce que je disais, sourit le vieil homme. Votre loyauté a toujours été à ce qui vous paraît juste, si Thorin venait à se détourner du droit chemin, vous interviendrez. Vos qualités de combattante ne seront pas de trop pour faire face aux menaces auxquelles nous devront faire face.
Eawyn tritura la manche de sa veste. Elle restait pensive face aux propos tenus par l'Istari. Il est vrai qu'il y avait de plus en plus de serviteurs du mal sur les routes et chemins de la Terre du Milieu. On sentait dans l'air que quelque chose se préparait.
— Vous voulez l'unification des clans nains pour faire face aux serviteurs du mal, réalisa-t-elle.
Gandalf se figea de manière imperceptible. Il oubliait parfois que malgré son jeune âge, la rohirrim était particulièrement perspicace sur ce qu'il se passait dans le monde. Elfe, elle aurait été une redoutable conseillère lors des guerres.
— Le mal est là, Eawyn. Toutes les ressources seront nécessaires pour le repousser.
Elle hocha la tête. Elle comprenait l'enjeu.
— Puis-je vous considérer des nôtres, Ma Dame ?
— Oui, confirma-t-elle. J'ai une dette importante envers vous, Gandalf et je ne puis laisser le mal avancer. Je dois protection au Rohan même loin de ses frontières.
— Vous pourrez considérer votre dette comme amplement payée, même si je n'aurai osé me servir de cela pour vous forcer la main.
Eawyn paya son dû avant de sortir de l'établissement. Le Gris était partit depuis deux bonnes heures. Elle monta sur la haute colline qui bordait le village. Prudemment, elle s'installa à son sommet. Elle resta là un long moment.
La nuit étant tombée, elle ne pouvait deviner ce qui se tapissait dans l'ombre. Ses yeux verts se perdirent dans l'immensité du ciel. Elle contempla les étoiles qui parsemaient l'immensité nocturne. Elle devinait de-ci delà des constellations que lui avait apprises son grand-père. Depuis toute petite elle aimait les étoiles, elle les regardait chaque soir. Souvent une étoile plus brillante que les autres attirait son regard et elle imaginait qu'il s'agissait là de sa mère ou son père ou encore son grand-père qui veillait sur elle de là-haut ; guidant ses pas pour ne pas qu'elle tombe. Il s'agissait là d'un moyen apaisant de se dire qu'elle n'était pas seule. Rien ne lui faisait plus peur que d'être seule et pourtant…
