Bonjour à toutes et à tous !
Cela fait bien longtemps que je n'ai pas publié sur ce site. Je dois remercier le jeu Baldur's Gate 3 pour cette reprise : ce jeu est une des plus grosses claques de ma vie. Une thérapie, presque. Non seulement il me toucha sur de nombreux plans personnels, mais en plus il me redonna l'envie d'écrire. Ce projet, une version narrée du jeu, est quelque chose qui me trotte dans la tête depuis maintenant pas mal de temps.
Je tiens à remercier l'autrice Cassye, et sa fiction De Sang et de Pluie, qui m'ont également beaucoup motivé dans mon entreprise.
Une des raisons faisant de ce jeu une expérience semblable à nulle autre, est le personnage d'Astarion. Je dois admettre avoir été la première surprise : le beau gosse vampire, ce n'est habituellement pas mon truc. Mais quelle ne fut pas ma stupéfaction de voir que - sous cette apparence frivole - son histoire est en réalité une lutte pour la liberté, une bataille face à des traumas sexuels, une quête pour l'indépendance morale et physique. Nous pouvons remercier son Voice Actor, Neil Newbon, pour son incroyable performance.
Je tiens à dire que cette histoire, bien qu'elle suivra majoritairement les évènements du jeu, ne sera pas un copié-collé. Si je reste la plus fidèle possible aux scènes et aux caractères des personnages, j'ai toutefois aussi voulu mettre de ma personne dans cette intrigue, en faire une vraie histoire plus qu'un retelling. Sachez aussi qu'en ce qui concerne la romance, mon objectif n'est pas de rédiger une passion enflammée. Il y aura des scènes entre nos personnages, mais ce ne sera pas le cœur du récit. Je préfère d'office vous avertir, histoire que vous ne soyez pas déçus si c'est ce que vous recherchez.
Je pense publier un chapitre par semaine, en fonction de mon avancée dans ma rédaction ; pour le moment, j'ai plusieurs chapitres d'avance. De temps à autre, je vous proposerai également un accompagnement musical avec certains chapitres, car la musique est une composante importante de cette fiction. Enfin, les chapitres feront tous entre 7 et 10 pages (à quelques exceptions près étant un peu plus longs). Nonobstant, bien sûr, cette introduction qui est plus courte.
Je pense vous avoir fourni toutes les informations ; je vous laisse avec le prologue et le premier chapitre, en vous souhaitant une excellente lecture !
Introduction
La liberté a un goût de cendre.
C'est une flamme vacillante. On pense faire un pas dans sa direction, et on réalise qu'elle s'est encore éloignée. On espère atteindre le sommet au prochain tournant, pour mieux se rendre compte que le sol se dérobe sous nos pieds. Et dès lors que nos doigts la frôlent, que nos yeux l'entrevoient, le feu intérieur ne peut plus brûler : nous en étions le combustible.
C'est, du moins, la conclusion à laquelle était arrivée Sabrae après plus de six mois de fuite au cœur des Tréfonds Obscurs. A l'époque, l'ascension vers la surface avait résonné comme la promesse d'un nouveau départ. Un espoir, pour Durdyn et elle, de vivre une vie où leur amour ne serait pas condamnable. Elle se rappelait encore son expression quand elle avait accepté de le suivre ; son ébahissement devant une telle entreprise.
Pourtant, l'espérance n'est pas un sentiment courant à Menzoberranzan. Les habitants de la Cité des Araignées n'avaient guère obtenu leur notoriété en faisant montre de confiance ou générosité. Seule Lolth détermine qui mérite de vivre dans l'opulence, et qui est promis à la destruction. Quel nom obtient ses faveurs, et lequel ses tourments. Cela, Sabrae l'a compris depuis sa plus tendre enfance. Fille aînée de la Quatrième Maison, une des plus hautes institutions de la ville, elle était promise comme toutes les femmes de sa société à devenir haute prêtresse de la Reine Araignée. Un honneur et une obligation pour ce peuple au fonctionnement matriarcal. En temps voulu, elle aurait pris la tête de la Maison Asenred ; et comme les précédentes matriarches avant elle, elle aurait agi pour accroître la primauté de sa famille.
Tel est le lot des elfes noirs. Vivre et mourir pour Lolth, pour son amour, son pouvoir. Le Conseil de la cité ne condamne jamais un assassinat de masse ou la disparition pleine et entière d'une autre Maison, pour peu que cela soit fait proprement. Pas de témoins, pas de survivants : juste un nouveau favori pour la Mère des Mensonges. C'est ainsi que Lolth nourrit l'ambition et le chaos ; que ses enfants gravissent les échelons de leur propre emprisonnement.
Oui, Sabrae était promise à de grandes choses. Mais son coeur en avait décidé autrement. Quand elle connut Durdyn, un serviteur de sa maisonnée, il fut rapidement évident qu'elle l'aimait de toutes les fibres de son être. En dépit de la raison, de la sûreté, de la foi ; dans ce monde de ténèbres il devînt l'étincelle de bonté. Dans cette société de meurtres, il lui donna la vie. Mais à Menzoberranzan, ce genre d'union était prohibé. Les femmes pouvaient abuser comme elles le souhaitaient des corps de leurs esclaves, mais en aucun cas elles ne leur offraient leur cœur. C'est donc une passion cachée, secrète, qu'ils entamèrent. Un interdit commis sous les yeux mêmes de la Reine Araignée, un accroc dans sa toile.
Jusqu'à ce que de deux pêcheurs en naisse un troisième. Lorsque Sabrae apprit pour le bébé, elle se voyait déjà trancher sa propre gorge avec la dague sacrificielle de sa famille. Mais Durdyn… Durdyn, lui, avait été fou de joie. Un enfant, leur enfant, pour prouver qu'il n'y avait nul vice dans leur amour. Un petit être qu'ils devaient protéger, éloigner de Lolth et des autres drows. "Mais où donc ?" s'était-elle exclamée. "Dans les Tréfonds Obscurs ? À la merci du premier monstre venu ?". "Plus haut", avait simplement répondu Durdyn. Sabrae l'avait cru fou, au départ. La surface était le territoire du peuple des Fées ; ces haut-elfes qui les avaient bannis et condamnés au monde d'en bas. On racontait que leur Soleil brûlait la peau et faisait fondre la chair et les os. Quelle rédemption y avait-il à trouver là ?
Pourtant, elle s'était surprise à accepter. A espérer. Du jour au lendemain, ils avaient fui Menzoberranzan, gravissant les stalagmites de l'Outreterre pour se rendre plus haut, toujours plus haut. Ils étaient tombés sur de terrifiantes créatures ; un Aboleth avait manqué achever leur voyage dès le premier jour, et ils durent plusieurs fois se dissimuler aux yeux de duergars. Mais ils avaient atteint leur objectif ; l'air s'était fait moins humide, la température plus chaude. Après des mois de pantalonnade, ils avaient aperçu un éclat au-dessus d'eux. Une fissure dans le plafond, le rayonnement de la surface, à peine à quelques heures de marche !
La fameuse flamme vacillante de la liberté, juste à leur portée. L'étincelle trompeuse qui devient bûcher. Ce jour-là, c'est le hurlement de Durdyn qui la réveilla ; elle se rappelle avoir senti son cœur cesser de battre en même temps que le sien, alors qu'une épée lui traversait la poitrine. Le soldat de la Maison Asenred s'était contenté de le jeter négligemment sur le côté, dégoûté qu'une lame de si bonne qualité soit ternie par le sang d'un commun. Son regard - et celui de ses hommes - s'était tourné vers elle. "Nul n'échappe à Lolth", avait-il déclaré.
Elle avait couru aussi vite que possible. Elle était ralentie par sa grossesse arrivant presque à son terme, par l'usure du voyage et le poids du chagrin. Mais contrairement aux drows à sa poursuite, elle ne craignait pas la lueur qui se propageait en amont. Elle avait atteint la crevasse, l'avait élargi, percé de ses ongles. Une flèche avait traversé sa jambe, lui arrachant un cri de douleur alors qu'elle se hissait vers la lumière aveuglante. Elle se sentait telle une noyée bravant les vagues, un macchabée sortant de sa tombe. Des doigts avaient frôlé sa cheville, voulant la tirer en arrière, mais son poursuivant n'avait capturé que de la roche.
Elle avait jailli de sous terre, inspirant longuement un air qui lui faisait presque mal à la gorge. Elle avait fermé les yeux, éblouie. Le Soleil lui avait caressé la peau, mais elle ne s'était pas consumée. Elle avait atteint cette terre que son peuple maudissait et demeurait pourtant entière.
Dès lors, elle avait marché, boitillant tant bien que mal à la recherche d'un abri. Lorsqu'elle avait aperçu les chapiteaux colorés, ses contractions avaient commencé depuis déjà une bonne heure. Elle se rappelait vaguement avoir suivi le son mélodieux d'une flûte, avant que la musique ne cesse et soit remplacée par un cri effrayé. Puis, elle s'était évanouie.
Et voilà maintenant qu'elle se réveillait, la douleur irradiant son corps et sa bouche véhiculant un goût de cendres. Le goût de la liberté ; le feu dont elle était le combustible. "Accrochez-vous !" murmura une voix près d'elle. "On la perd, je crois", chuchota une autre. Sabrae observa l'étrange spectacle au-dessus d'elle ; c'était le ciel, lui semblait-il, cet étrange plafond bleu-noir brillant de mille lueurs. Il était immense. Effrayant. Magnifique.
Une nouvelle crampe raidit ses jambes, et elle lâcha un gémissement. Elle agrippa une main, toute proche. Elle était chaude, mais aussi tremblante que la sienne. Les yeux de Sabrae se perdirent dans l'éclat d'une chandelle tandis que son corps se détendait, se libérant d'une nouvelle vie. Elle entendit des pleurs, perçut les bras autour d'elle la serrer plus fort.
Le petit être fut déposé sur son sein, son visage à proximité du sien. Une fille, de ce qu'elle vit. Elle avait des yeux gris, encore aveugles, mais parcourant déjà la voûte céleste avec curiosité.
Une enfant du Soleil, réalisa-t-elle. Une elfe noire née à la surface, apte à y vivre. Durdyn avait raison…Rassemblant ses dernières forces, elle leva son regard vers la présence à ses côtés, tenant toujours fermement sa main :
"Elle s'appelle Nymuë".
