C'est dimanche ! Comme toujours, le chapitre est là.
C'est encore un que j'ai eu du mal à boucler celui-là. C'est normal, les trucs intéressants approchent ! Depuis le temps que j'attends d'en arriver là ! Mais on en reparle à la fin.
(Petit avertissement pour la dernière partie du chapitre, on est sur du light NSFW et petit CW : mentions d'abus, torture, rien de graphique mais c'est là)
— Comment ça tu ne peux pas la récupérer ? Tu te fous de moi ?
— Je peux ! Mais comme Brûlée est en vacances, il faut compter sur un voyage en bateau, et le temps que j'arrive…
Katakuri grogna. Il savait que son frère avait raison mais ça ne l'arrangeait pas. De l'autre côté de l'escargophone, Oven soupira.
— Kata, sérieusement. Tu devrais pouvoir la gérer non ? C'est une gamine.
— Une gamine qui a pris un malin plaisir à m'humilier et à monter toute la famille contre moi.
— Oui, bon…
Il pouvait presque le voir hausser les épaules à travers les mimiques de l'escargophone. Mais Katakuri ne pouvait pas lui donner tort, Flampée n'était pas si difficile à contrôler — après tout, elle avait peur de lui — mais il n'avait pas prévu de l'avoir dans les pattes et se sentait profondément mal à l'aise à l'idée de la laisser séjourner chez lui.
C'était sa faute, il n'avait pas été assez prudent. Il aurait dû se douter qu'elle tenterait de fureter chez lui après les funérailles de Perospero. C'était bien son genre. Et il y avait de grandes chances qu'elle transfère l'obsession malsaine qu'elle avait pour lui sur King. Il ne voyait aucune issue favorable à cette situation. Il n'avait pas le choix : il allait devoir s'occuper d'elle et l'empêcher de faire n'importe quoi.
— T'es un peu dur avec elle, ajouta Oven pour mettre fin à ce silence prolongé.
— Alors ça c'est la meilleure, cracha Katakuri en devinant que la petite sœur avait certainement déjà essayer d'amadouer son nouveau grand frère favori afin de faire passer Katakuri pour le méchant. Je pense que personne n'a jamais été dur avec elle avant moi.
— Oui et pourtant c'est chez toi qu'elle décide de rester.
Il n'avait rien à répondre à ça. De toute façon il était coincé : elle était là pour un petit moment, que ça lui plaise ou non. Et il était convaincu que la cohabitation allait mal se passer. Il ne pouvait pas reprocher à Flampée de n'être qu'une gosse insupportable, que leur mère avait encouragé à déployer toute sa fourberie pour arriver à ses fins, mais il ne pouvait pas non plus lui pardonner ce qu'elle avait fait.
Une part de lui avait presque hâte qu'elle se frotte à King ; il n'avait pas le moindre doute sur la réaction du lunaria si elle décidait de le suivre partout. Mais il ne pouvait pas laisser faire ça, le pauvre n'avait pas besoin d'être traité comme un jouet en ce moment. Il prit une grande inspiration et ajouta Flampée à sa liste de problèmes à régler.
/
King se sentait un peu mieux aujourd'hui.
Il avait toujours l'esprit embrumé et autant d'énergie qu'une limace mais il était enfin capable de mettre un pied devant l'autre et d'affronter les regards dans les couloirs. Il ne devait ce sursaut de volonté qu'à Katakuri, qui l'avait bichonné comme une mère.
Il en avait honte. A son âge, il aurait dû être capable de surmonter ça tout seul, un minimum, et de lui rendre la pareille. Il s'était comporté comme un enfant gâté. Kaido l'aurait méprisé si fort s'il avait su qu'il n'avait tenu bon que grâce aux attentions du fils et de la fille de son éternelle rivale.
Maintenant, il avait besoin de se "réparer". Le vide abyssal que Kaido avait laissé devait être comblé, par n'importe quoi. Sa tristesse était toujours là, toujours plus violente et insoutenable, mais il avait enfin la force de lui résister. Cette résistance se traduisait par une envie de faire preuve de respect envers les gens qui s'étaient soucié de lui quand il était au plus mal et de prouver que leurs efforts n'avaient pas été vains. Il avait eu des heures pour réfléchir à tout ça ; plus il y pensait et plus Totto Land lui apparaissait davantage comme un foyer que Onigashima.
Il n'avait jamais autant dormi sans cauchemars, jamais autant mangé à sa faim et il avait circulé librement sans qu'exposer ses origines ne soit jamais un réel danger. Il n'avait pas eu à craindre pour sa vie ou pour sa dignité. En dehors de quelques accidents ponctuels rapidement réglés par le très — trop — sérieux Katakuri, il n'avait rien à reprocher au pays de Big Mom.
Il leva les yeux au ciel en repensant aux promesses de cette vieille sorcière. Elle lui avait garanti qu'il était le bienvenu chez elle à de nombreuses reprises et qu'il ne regretterait pas de la rejoindre, désespérant de ne pas avoir de Lunaria à épingler à sa collection. Il détestait admettre que son "utopie" n'était pas si nulle. Surtout en son absence.
Mais derrière le soulagement et les "réjouissances" liées à ce nouveau bien-être, la culpabilité persistait. Une toute petite voix en lui désirait abandonner ses vieux principes et sa loyauté et lui soufflait de saisir les nouvelles opportunités que la vie lui offrait. Il en était malade, il ne pouvait pas faire une chose pareille.
La reconnaissance et l'affection qu'il ressentait pour Katakuri grandissait de jour en jour mais elles n'étaient pas encore capables de prendre le pas sur son bienfaiteur. Il n'avait toujours pas payé sa dette. Il ne pouvait plus le faire maintenant que son capitaine était mort mais il pensait encore pouvoir faire quelque chose pour lui.
C'est pourquoi ce matin-là, il s'était réveillé avec une conviction : il devait en finir avec ça. Au plus vite. Il devait mettre de l'ordre dans les affaires de Kaido, lui rendre un dernier hommage, s'occuper des restes de l'équipage des Cents Bêtes et redorer le blason terni de l'empereur. Tant qu'il n'aurait pas fait la paix avec tout ça, il ne pourrait pas faire son deuil. Ou s'autoriser à accepter la protection de quelqu'un d'autre.
Il n'était pas sûr des détails et rien de tout ça n'était clair dans sa tête. Il fallait qu'il réfléchisse. Cependant, il y avait une première étape : rappeler à Katakuri sa promesse.
Il voulait une vraie liberté, sans entraves. Katakuri avait prêté serment : au retour de son frère, il devait lui retirer ses menottes. Celles-ci ne le gênaient même plus, il s'était habitué à leur présence — les vieilles sensations ont la vie dure — mais il devait exiger la fin de son statut de "prisonnier". C'était la première chose à faire pour aller de l'avant. Il avait toujours peur que Katakuri refuse d'accéder à sa demande mais il avait confiance en lui. Il connaissait sa droiture et savait qu'il ne refuserait pas.
Une fois libre, il prendrait le temps de réfléchir à ses options.
Il était pressé de lui en parler mais maintenant qu'il avait enterré son frère, il avait reprit le boulot et comme toujours, il courait dans tous les sens. Peut-être pour l'éviter, encore une fois. King n'avait pas eu l'occasion de lui parler depuis qu'il lui avait servi à manger en faisant mine de ne pas être le cuisinier. Il devait s'excuser de ne pas avoir remarqué comme il faisait attention à lui, et le remercier.
Il attendait l'heure du déjeuner pour le voir. Avec un peu de chance, Katakuri serait heureux de faire une pause et d'avoir de la compagnie. Comme avant.
Il se dirigea vers son bureau un peu avant midi, certain de l'apercevoir à ce moment là. Il avait reprit l'habitude de se balader dans les couloirs et maintenant qu'il osait enfin se montrer, il était surpris de voir que les autres habitants du palais, même les homies, lui adressaient la parole et étaient "ravis de le revoir". C'était sûrement pour lui lécher les bottes mais ce n'était pas grave, c'était agréable à entendre. En d'autres circonstances il aurait mal réagi, mais l'agressivité était épuisante et il n'avait pas la force de se battre.
En revanche, il avait assez récupéré pour se rendre compte que quelqu'un le suivait jusqu'au bureau de Katakuri.
Il avait d'abord pensé que c'était Pudding qui voulait lui jouer un tour. Mais depuis tout ce temps, il avait appris à connaître l'adolescente. Ce n'était pas son style ; si elle l'avait vu sortir de sa chambre, elle lui aurait foncé dessus immédiatement et l'aurait accompagné en lui faisant la conversation. Elle n'aurait pas maintenu une distance de sécurité entre eux et elle aurait sûrement été plus discrète.
Ce comportement lui était aussi familier que désagréable.
— Je peux savoir ce que tu fais ? Dit-il en se retournant brusquement, pour surprendre la personne qui avait jugé judicieux de le prendre en filature. Qui es-tu ?
Il se retrouva pratiquement nez à nez avec une gamine inconnue, qui flottait dans les airs. Elle sursauta et recula de plusieurs mètres, apparemment choquée par sa réaction irritée.
King se remémora le portrait de famille qu'il y avait dans le hall pour mettre un nom sur ce visage mais aucun ne lui vint à l'esprit. Elle était sûrement trop jeune pour y figurer. Mais il n'avait pas le moindre doute sur sa parenté, cette fille était de toute évidence une Charlotte. Elle avait les mêmes yeux bruns que Pudding et les mêmes longs cils que Katakuri. Comme il ne l'avait jamais vue jusqu'à aujourd'hui, il devina qu'elle était revenue avec les autres il y a peu.
Elle se ratatina sur elle-même pendant une seconde de peur de l'avoir mis en colère mais une fois confrontée à lui de plus près, son air effarouché laissa la place à un visage émerveillé. Il leva les yeux au ciel. Elle n'avait pas le même air faussement innocent que Pudding manipulait à la perfection mais il y avait un air de famille. En un regard, King sut à qui il avait à faire.
Elle lévita un peu plus haut pour le regarder dans les yeux, un large sourire malicieux sur le visage. King avait l'impression d'être en face d'une petite fée sournoise, prête à lui en faire voir de toutes les couleurs s'il se risquait à la vexer.
— C'est bien toi le second de Kaido, n'est-ce pas ? Tu es mieux comme ça que en ptéranodon ! Commença-t-elle en gloussant de sa voix de crécelle.
— Qui es-tu ? Répéta-t-il en soupirant.
La réponse ne l'intéressait pas vraiment mais il savait d'instinct qu'il avait tout intérêt à mener la discussion.
— Je suis Flampée ! La trente sixième fille de Big Mom ! Et élue meilleure petite sœur de la famille, dit-elle avec enthousiasme comme si cette dernière information pouvait avoir quelconque influence sur l'opinion de King à son sujet.
Il ne savait pas quoi répondre, et n'avait pas de temps à perdre avec ça. Il allait mieux mais pas assez pour accorder de l'attention à une nouvelle gamine qui le regardait un peu trop comme s'il était une licorne.
— Enchanté, grommela-t-il en reprenant sa route. Arrête de me suivre.
Sans la voir, il devina sa frustration d'être ignorée aussi franchement. Elle n'avait pas l'habitude de ne pas être traitée comme la petite chose fragile et mignonne qu'elle faisait semblant d'être. Elle continua de le suivre, déterminée à poursuivre une conversation dont il ne voulait pas.
— Attends ! Moi je ne t'en veux pas pour ce que tu as fait à Wano tu sais !
— Je m'en fous.
— Mon pauvre, tu as été obligé de rester sur cette île pendant tout ce temps ! Je suis tellement désolée pour ce que mon frère t'as fait subir, ça devait être atroce !
— Oh oui, un vrai calvaire de tous les instants, ironisa-t-il, sans trop comprendre où elle voulait en venir.
— Je le savais !
Elle faisait des efforts pour donner à sa voix une inflexion compatissante mais King avait vécu assez longtemps pour reconnaître l'hypocrisie quand il l'entendait. Elle se réjouissait à l'idée que Katakuri ait pu le torturer.
— Je peux te faire partir d'ici si tu veux, j'ai une île rien qu'à moi, tu y serais bien !
— Non, merci.
Big Mom confiait vraiment des responsabilités à n'importe qui.
— Où est-ce que tu vas comme ça ?
Il s'arrêta encore, cette fois franchement irrité. Apparemment, elle n'avait l'intention de le lâcher. Il allait devoir la convaincre de le laisser tranquille.
— J'ai dit : arrête de me suivre. Tout de suite.
Son air autoritaire ne l'intimida pas le moins du monde mais il sentait qu'elle faisait tout son possible pour se le mettre dans la poche.
— Je veux juste t'aider ! Je ne peux pas laisser mon frère se charger de toi. C'est affreux de te forcer à lui obéir ! Un invité tel que toi mérite mieux !
— Sans blague ?
Il commençait à comprendre de quoi il s'agissait. Il prétendit être intéressé par ses propos pour vérifier si son intuition était la bonne.
— Bien sûr ! Je sais mieux que personne de quoi il est capable…
Il leva un sourcil interrogatif pour l'inviter à poursuivre. Elle ne se fit pas prier pour cracher son fiel. King fut obligé de l'écouter déblatérer des mensonges évidents sur Katakuri pendant cinq bonnes minutes. Elle lui narra sa cruauté légendaire et sa duplicité, sans se priver de souligner comme sa soi-disant monstruosité avait jeté le déshonneur sur leur équipage. Son vocabulaire était joliment étudié et il n'était pas dur pour lui de comprendre qu'elle répétait un texte appris par cœur et qu'elle avait sûrement déjà utilisé plusieurs fois pour arriver à ses fins.
Il avait devant lui l'incarnation de l'éducation selon Big Mom. Cette gamine était si soucieuse de plaire à une figure d'autorité qu'elle n'avait aucun scrupule à salir la réputation de son propre frère pour se faire bien voir. Par ce biais, elle espérait certainement lui prouver à quel point elle était de son côté.
Elle avait mal calculé son coup. Non seulement King n'était pas assez bête pour prendre au sérieux les promesses d'une adolescente surgit de nulle part mais il était également la dernière personne à qui s'adresser pour dire du mal de Katakuri. Il voyait clair entre les mensonges et il était tout à fait prompt à le venger.
Et c'était ce qu'il comptait faire. Il fit rapidement le rapprochement entre les déclarations de cette fille — Katakuri l'aurait battue et mis K.O. — et ce qu'il lui avait déjà raconté il y a des mois de ça. Une de ses petites sœurs avait eu la mauvaise idée de placarder des photos humiliantes de lui en pleine ville et il avait utilisé le haki des rois pour lui apprendre les bonnes manières.
En y repensant, ça lui paraissait insensé. Cette Flampée devait être incroyablement insupportable pour qu'un homme aussi patient que Katakuri en arrive à faire ça.
— Une seconde, la coupa-t-il alors. C'est toi la petite sœur qu'il a fait tomber dans les pommes ?
Les yeux de Flampée s'illuminèrent comme deux gros joyaux. Elle était maintenant certaine d'avoir conquis un nouvel allié.
— C'est moi ! Tu as entendu parler de cette histoire alors ?
— Oh oui, confirma King avec un sourire. Et tu sais quoi, tu vas m'accompagner.
— Où ça ? Piailla-t-elle joyeusement, impatiente de connaître les plans de son nouvel ami.
— Voir Katakuri.
Sa gaieté s'envola immédiatement. Elle n'avait pas envisagé cette possibilité et tenta de se dérober.
— Euh, il ne vaut mieux pas qu'il me voit mais si tu veux te battre contre lui je peux te couvrir de loin !
— C'était pas une question.
Il l'attrapa par le col d'un geste vif. Après des années passées à débusquer Yamato dans les recoins du château de Kaido, il savait comment faire pour ne pas laisser quelqu'un échapper à sa poigne. Le visage de Flampée perdit toutes ses couleurs. Elle comprit aussitôt qu'elle ne s'était pas adressé à la bonne personne.
/
Katakuri leva le nez de sa paperasse en entendant les hurlements dans le couloir.
Sa porte s'ouvrit brusquement — et sans demander la permission — et King entra comme une tornade, brandissant une Flampée vagissante coincée dans sa main.
— J'ai trouvé ça qui traînait, dit-il d'un ton léger. Je crois que ça te concerne.
Les yeux de Katakuri se posèrent alternativement sur sa petite sœur et sur son ami. Une agréable sensation lui réchauffa le ventre en voyant que King avait meilleure mine et qu'il avait même l'air très fier de son entrée fracassante. Il préférait le voir comme ça que complètement abbattu. Mais, passée le contentement, il réalisa que Flampée était en larmes et que ce n'était pas le moment de se réjouir.
— Qu'est-ce qu'elle a encore fait ? Soupira-t-il, excédé.
Flampée répondit à cette accusation par un hoquet scandalisé. King la regarda chouiner comme il aurait regardé un chat qui vient de saloper les rideaux.
— Elle était en train de m'espionner et quand je l'ai pris sur le fait, elle m'a raconté quelques petites choses que j'ai trouvé intéressantes. Ce ne serait pas elle la gamine de quinze ans avec pas beaucoup de cervelle dont tu m'as déjà parlé ?
Elle poussa un nouveau cri révolté.
— Elle-même. King, je te présente Flampée.
Katakuri devina à l'expression mortifiée de Flampée qu'elle venait de faire une grosse erreur. Ceux qu'elle avait très certainement espéré monter l'un contre l'autre s'entendaient à merveille. Pudding n'avait visiblement pas jugé utile de lui dire à quel point ils s'étaient rapprochés tous les deux et c'était tant mieux. Ça lui servirait de leçon. Lui qui avait eu si peur de ce qu'elle pouvait tenter auprès de King en cette période compliquée, il était rassuré de voir qu'il était apte à se charger d'elle lui-même.
Ou du moins, de la lui amener pour qu'il puisse lui passer un savon. Il contourna son bureau et s'approcha de sa cadette, son meilleur air sévère sur le visage. La pauvre était à deux doigts de se liquéfier, elle n'avait même pas la force de ce se débattre. Pour une fois, elle n'essaya de l'attendrir.
— Je croyais t'avoir dit de ne pas l'approcher ?
— Ah bon ? S'étonna King, qui n'avait pas l'habitude de voir quelqu'un désobéir à Katakuri.
— Oui, confirma Katakuri. Et comme cette petite peste ne m'a pas demandé la permission de séjourner ici, elle est coincée avec nous pour un moment maintenant que Brûlée est en vacances. Alors j'aimerai qu'elle se tienne à carreau.
King releva Flampée à la hauteur du visage de Katakuri et s'adressa à elle. Katakuri craignait qu'elle ne tombe encore dans les vapes mais il était trop intéressé parce que King avait à lui dire pour l'arrêter.
— Tu devrais peut-être profiter de l'occasion pour t'excuser, non ?
— M'excuser… de… de quoi ? Bégaya-t-elle, soudain terrifiée par le regard perçant de King.
Il adressa un petit coup d'œil rapide à Katakuri. Un coup d'œil qui signifiait : ai-je la permission de l'intimider ? La lueur de malice qui brillait dans son regard lui donna envie de faire preuve d'un peu d'humour.
— Non, supplia Katakuri d'un air faussement choqué. Tu ne vas quand même pas faire ça ?
— Je ne veux pas en arriver là, répondit King sur le même ton. Mais si elle fait encore semblant de ne pas savoir de quoi je parle…
Paniquée à l'idée de subir un châtiment terrible, Flampée ne lui laissa pas le temps de montrer ce dont il était capable. Elle leva les mains en signe de paix.
— Bon d'accord, d'accord ! Je suis désolée…
— Désolée de quoi ?
— D'être venue ici sans demander la permission.
King fit la moue et échangea un nouveau regard avec Katakuri. Il comprit immédiatement et l'encouragea à continuer d'un sourire. Il était très heureux de voir qu'ils n'avaient pas besoin de mots pour se comprendre.
— C'est un bon début, dit-il. Mais ce n'est pas de ça que je parle, tu ne vois pas une autre raison pour laquelle tu devrais lui demander pardon ?
— Euh…
Elle était trop anxieuse pour oser dire quoi que ce soit de plus. Elle ne savait pas ce qu'une nouvelle erreur pouvait entraîner de la part de cet homme qu'elle ne connaissait absolument pas. Une leçon qui lui serait bien utile.
— Et bien ? S'impatienta King, sans se rendre compte qu'il était en train de prouver son expérience de babysitter devant un Katakuri très amusé.
Elle plongea ses yeux inquiets dans ceux de son aîné. Il y lut de la crainte et un fond de culpabilité. Jusqu'à aujourd'hui, elle n'avait sans doute jamais remis ses choix en question. Mais pour la première fois, elle se voyait en danger sans avoir la certitude de pouvoir compter sur un grand frère — qu'autrefois elle estimait tant — pour la sortir du pétrin et ce par sa propre faute. Elle l'avait humilié et insulté plus que n'importe qui d'autre. Si elle ne voulait pas que King ne mette sa menace à exécution, elle n'avait pas d'autre choix…
— Je te demande pardon pour les photos, murmura-t-elle en osant à peine lever les yeux.
Katakuri attendit un moment avant de répondre. Le temps pour lui de déchiffrer ses expressions. Quand il fut certain d'y lire de la sincérité, il reprit la parole.
— Je te pardonne.
Une lueur d'espoir apparut dans les yeux apeurés de Flampée.
— Et je veux bien que tu restes ici pendant quelques jours. Par contre, tu vas devoir travailler un peu.
— Mais je ne peux pas, mon île ne peut pas rester sans…
— Tu as quitté ton île sans réfléchir pour venir chez moi, la prochaine fois tu y penseras avant. Je vais m'en occuper. En attendant, tu vas mettre la main à la pâte, comme tout le monde. Pudding a besoin d'un coup de main pour rebâtir son restaurant et éventuellement devenir ministre à son tour. Ton aide et ton expérience ne seront pas de trop.
— Hein ?!
Cette perspective sembla tout à coup bien pire que tout ce que King aurait pu lui infliger.
— Mais elle me déteste ! Et moi aussi ! On va s'entre-tuer !
— Il serait peut-être temps d'appendre à exercer d'autres talents que celui de semer la discorde, Flampée.
— Joliment formulé, apprécia King.
Flampée considéra ses options pendant dix secondes avant de céder et d'accepter son sort avec un grognement mécontent. Katakuri opina du chef pour inviter King à la relâcher. Il ouvrit la main et la pauvre tomba au sol, les fesses par terre. Toute cette conversation lui avait fait oublier qu'elle était capable de léviter.
Elle ne se fit pas prier pour disparaître de leur vue ; elle fila comme une flèche en dehors du bureau. Katakuri la soupçonnait de réfléchir à une vengeance mais il ne la craignait plus. Il savait qu'elle filerait chez Oven dès qu'elle en aurait l'occasion et elle passerait à autre chose, tout comme lui. Finalement, son problème était déjà réglé.
Maintenant qu'elle avait quitté la pièce, il reporta toute son attention sur King. Il était très heureux de le voir et encore plus soulagé qu'il soit venu jusqu'à lui de son propre chef. Son beau visage portait encore les traces de sa tristesse et il était toujours tendu mais le moindre progrès était réconfortant à constater.
— J'espère qu'elle ne t'a pas trop embêté.
— Elle n'en a pas eu le temps. Et puis je commence a avoir l'habitude de tes sœurs, dit-il avec un sourire indulgent. Mais ce n'est pas pour elle que je venais te voir.
Katakuri mourait d'envie de lui demander s'il avait bien mangé la dernière fois qu'ils s'étaient vus mais il se retint. Il n'y avait pas beaucoup de raisons pour lesquelles il pouvait avoir besoin de lui parler et chacune d'entre elles prenait le pas sur tout autre désir.
King leva les deux mains pour présenter ses poignets menottés à Katakuri et il sentit son estomac se serrer. Il savait que ce jour devait arriver et il l'avait redouté, pourtant il était bel et bien temps de le libérer.
— Je pense que tu peux me les enlever maintenant.
Il voulait répondre. Par une blague, ou n'importe quoi d'autre, mais rien ne lui vint à l'esprit. Il se contenta de fouiller dans la poche de sa veste sans dire un mot. Il était terriblement inquiet à l'idée de le lui rendre sa liberté. Il n'y avait aucune raison en vérité, il savait que c'était complètement irrationnel de sa part ; King n'allait pas disparaître aussitôt de sa vie ou s'enfuir dans un nuage de fumée sans lui dire un mot. Pourtant il rechignait. La dernière chose qu'il voulait était son départ.
Il était mort de peur à l'idée de mettre fin à ce qui était la base de leur relation : la captivité de King. Sans ça, rien n'aurait jamais existé. Ce rapprochement avait été forcé et sans ça, aucun n'aurait jamais adressé la parole à l'autre. King l'aurait-il jamais apprécié sans ça ?
Il sortit la clé avant que son esprit ne s'égare trop loin.
— Tu l'as toujours eue sur toi ? Demanda King avec un sourire.
— Évidemment, je ne l'aurais pas confiée à un autre.
Il le débarrassa d'une première menotte, qui lui tomba lourdement dans la main, puis une deuxième. Il ne savait pas s'il devait attribuer son état fébrile aux propriétés du granit marin ou à son angoisse de voir King s'envoler par la fenêtre comme si leur histoire ça n'avait jamais existé.
— Et voilà, dit-il en déposant soigneusement les fers sur son bureau. Tu es libre.
Il se trouva idiot de le dire à voix haute.
King souffla bruyamment, soudain soulagé d'un poids énorme. Katakuri eut même l'impression qu'il reprenait des couleurs. Ses flammes elles aussi prirent une belle teinte rouge que Katakuri n'avait encore jamais vue.
— Ça alors, s'étonna King. Je ne me rendais pas compte à quel point le granit marin m'affaiblissait. J'ai l'impression de me réveiller d'un coma. Je pensais que ça ne m'affectait pas plus que ça mais j'avais tort !
Il prit une nouvelle inspiration et fit rouler ses épaules, il ébouriffa ses ailes et quelques plumes volèrent sur le plancher avec un bruissement enthousiaste. Katakuri esquissa un sourire en voyant qu'il avait soudain l'air en parfaite santé. Ses plumes retrouvèrent un éclat spectaculaire et même ses cheveux — déjà magnifiques — semblèrent briller davantage.
— Ça fait du bien !
— Je suis désolé d'avoir tardé à te les ôter.
— Tu as tenu ta promesse, c'est tout ce que j'attendais, dit-il en continuant de faire rouler ses muscles devant Katakuri. Bon sang, comment j'ai pu rester aussi mou sans m'en rendre compte ?
— Mou n'est pas le terme approprié…
King lui coupa la parole en ouvrant grand les ailes et en battant l'air subitement, sans doute pour tester leur force. Katakuri rattrapa un bloc de papier avant qu'il ne s'envole et plissa les yeux devant le vent créé par sa gymnastique.
— Ne force pas ! Lui rappela-t-il avant que cet idiot ne se fasse mal.
— Tout va bien, le rassura King en regardant ses mains avec avidité.
Sous les yeux de Katakuri, les mains de King se transformèrent en pattes griffues à trois doigts. Katakuri eut un mouvement de recul réflexe mais King paraissait ravi.
— Ça m'avait manqué, dit-il sur le ton de la plaisanterie alors que ses doigts revenaient à la normale. J'ai eu peur d'oublier comment faire.
— Je te préfère comme ça, avoua Katakuri. Ton autre "forme" a essayé de m'éventrer le jour de ton arrivée.
— Je suis sûr que tu as vécu pire que ça.
Ils sourirent tous les deux et un silence s'installa alors que King continuait de s'étirer et de retrouver une énergie dont il avait grandement besoin.
Katakuri avait très envie de lui poser la question fatidique : et maintenant ?
Plus encore, il avait envie de le supplier de rester ici, avec lui, et de reprendre là où ils s'étaient arrêtés. Mais les mots lui manquaient à présent. Formuler une telle demande était plus compliqué que ce qu'il avait imaginé. Même après avoir passé des années à imaginer ce qu'il dirait à la personne avec qui il choisirait de passer sa vie, il était incapable de lancer le sujet.
Et il n'était pas encore sur que King soit déjà passé à autre chose concernant Kaido. Dans l'idéal, il aurait aimé que la déclaration vienne de lui.
— Est-ce que tu te sens mieux ? Demanda-t-il naïvement.
— Oui, la différence est spectaculaire. Ces menottes étaient puissantes.
— Non, je voulais dire… Est-ce que tu te remets ?
King retrouva son sérieux. Il réfléchit à la question quelques secondes avant de répondre, il savait parfaitement ce qui signifiait cette question. Katakuri devina que tout était encore compliqué pour lui. Il aurait tant aimé partager au moins un centième de son deuil. Ne serait-ce que pour tempérer sa hâte de le voir redevenir celui qu'il connaissait.
— J'aimerais te dire oui. Dès que j'y pense, je replonge, répondit King. Mais je n'ai pas le choix, je vais devoir faire avec. J'ai survécu jusqu'ici, je n'ai pas l'intention de laisser tomber. J'ai juste besoin de temps. Il y a encore certaines choses que j'ai besoin de… Et bien, de pleurer.
Il avait lâché ces derniers mots honteusement, prouvant à Katakuri qu'il était encore loin d'avoir passé le cap.
Il renonça a aborder le sujet qui lui brûlait les lèvres. Mais il fut incapable de ne pas faire part de son inquiétude.
— Qu'est-ce que tu vas faire à présent ?
King perçut le tremblement dans sa voix et lui adressa un sourire se voulant rassurant.
— Je vais rester encore un peu, si tu es toujours d'accord pour m'offrir le gîte et le couvert.
Katakuri retrouva instantanément son calme. Il se redressa, rassuré de savoir que King ne l'abandonnerait pas brutalement.
— Je te l'ai déjà dit, tu es chez toi. Et je t'encourage vivement à profiter du gîte et du couvert. En parlant de ça, j'espère que tu as mangé ce que…
— Je sais que c'était de toi.
King n'avait pas eu l'air aussi malicieux depuis longtemps. Il prenait un plaisir évident à voir Katakuri rougir et se débattre avec son incapacité à trouver une réponse appropriée à cet aveu intattendu. En son for intérieur, Katakuri était absolument enchanté qu'il ait été en mesure de reconnaître sa touche personnelle, mais il était temporairement incapable de l'exprimer autrement que par des marmonnements embarrassés.
— Comment tu as deviné ?
— Pudding m'a forcé à goûter ses préparations pendant des jours pour que je reconnaisse "son truc". Maintenant crois moi, je sais quand ce n'est pas elle qui a cuisiné quelque chose.
— J'espère que tu as aimé, bredouilla-t-il maladroitement, sincèrement touché qu'il ait fait la différence entre sa cuisine et celle de sa jeune sœur.
Ce fut au tour de King d'avoir l'air gêné et pataud. Il baissa les yeux et regarda ses pieds. Croyant d'abord qu'il n'avait pas aimé, Katakuri songea à sauter par la fenêtre pour se punir d'avoir été un si piètre cuisinier. Heureusement pour sa dignité, King se décida enfin à parler.
— C'est la meilleure chose que j'ai mangé de toute ma vie.
L'aveu apaisa les craintes de Katakuri et son cœur se gonfla de fierté. C'était tout ce qu'il avait voulu. Il avait envie de lui demander les détails mais vu comme King se ratatinait comme un gamin, il se contenta de plaisanter.
— La prochaine fois dis le tout de suite, j'ai avoir faire une attaque !
— Ah-non-mais-pardon ! Se rattrapa-t-il, mortifié d'avoir laissé Katakuri croire une seule seconde qu'il n'avait pas aimé son plat. J'aurais été gonflé de critiquer, je mange pour survivre depuis trente ans. Pour une fois que quelqu'un fait quelque chose rien que pour moi…
Soudain, il plongea ses yeux rosâtres dans les siens. Son regard était chargé de tellement de choses… comme toujours Katakuri y vit de la fatigue et de la tristesse mais à ce moment là, il vit autre chose. La même lueur qu'il avait observée le soir de la Tea Party avant que tous les deux ne prennent peur.
— Merci, murmura King avec une infinie tendresse dans la voix.
Katakuri avait toujours eu de nombreuses occasions d'être fier de lui, de ses actes et de ses compétences mais jamais il n'avait ressenti autant de bonheur après avoir accompli ce qu'il estimait être son devoir.
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King eut du mal à trouver le sommeil cette nuit là.
Maintenant qu'il ne portait plus de granit marin, il avait un trop plein d'énergie dont il avait du ma à de se débarrasser. Il se tournait et se retournait dans son lit. Sa décision était prise mais elle ne cessait de le tourmenter. Il ne savait pas si c'était la bonne. Voulait il vraiment rester ici ? Était il prêt à tourner la page sur ce qui avait été toute sa vie ?
Il avait encore des choses à régler, tout n'était pas terminé, mais tout cela serait bientôt concret. Et il angoissait. Rester sur Komugi, avec Katakuri… Jamais il n'aurait imaginé faire un choix aussi éloigné de ce qu'il avait toujours été : un homme froid et distant qui n'accorde d'importance à rien si ce n'est le prestige de son capitaine. Pourtant c'était ce que tout son être réclamait. C'était autant du bon sens que de l'affection pure et simple. Tout le temps passé ici lui avait fait du bien, il ne voyait pas de danger à rester ici. Il savait que Katakuri ne le vendrait jamais. Ni ne laisserait la Marine poser un seul doigt sur lui.
Et cette pensée le rendait plus heureux que n'importe quelle autre. Elle balayait tout le reste. Il n'y avait plus de deuil qui tienne, ni même de culpabilité ou de devoir à accomplir. Il n'y avait rien d'autre que le cocon prometteur de cet avenir qu'il souhaitait plus que tout et qui lui réchauffait l'âme et le ventre.
La joie de ce rêve enfin atteignable amenait avec lui d'autres sensations physiques qu'il n'avait pas prévues et qu'il n'était pas sûr de pouvoir attribuer à la seule absence du granit marin…
King n'avait pas l'habitude des sentiments positifs ou de ses effets sur son corps. Depuis le début de son séjour sur Totto Land, il avait fait l'expérience de nombreux ressentis et beaucoup de ses barrières étaient tombées. Il avait appris a apprécier la proximité physique et à accueillir la chaleur interne qui suivait sans trop de panique. Mais il n'était jamais à l'abri de se faire surprendre par une nouveauté quand il s'y attendait le moins.
Après avoir laissé Katakuri manipuler ses ailes, avoir dansé avec lui et avoir partagé son chagrin à travers une étreinte, il pensait ne plus être surpris par quoi que ce soit. Il se trompait.
A force de penser à lui, il remarquait d'autres réactions. Notamment un besoin criant de contact. L'idée même de se lover de nouveau contre lui l'étourdissait. Il devait se contrôler pour ne pas faire flamber sa literie mais son corps réclamait la présence de Katakuri avec de plus en plus d'urgence. Il n'avait jamais réellement fait l'expérience du désir avant cela. Il avait peut-être ressenti des émois similaires, plus jeune, mais tout cela avait très vite été étouffé par sa vigilance constante et sa peur d'être de nouveau abusé. Il avait vieilli en réprimant tout ce qui s'apparentait à de l'excitation ou de l'attirance. Cependant, maintenant qu'il se savait réellement en sécurité, il accueillait ces manifestations avec curiosité. Et un peu de honte.
Il avait une connaissance bien trop pointue de la sexualité d'autrui, pour avoir été exposé aux soirées animées de Queen et aux commérages graveleux qui en résultaient, la sienne en revanche avait été toujours été un tabou. Il avait volontairement refoulée. En parti parce qu'il refusait de confirmer ou d'infirmer quoi que ce soit sur ce qu'on attribuait aux "capacités" des lunarias à travers lui mais surtout parce qu'il avait toutes les difficultés du monde à lâcher prise. Les rares fois où il s'essayait au plaisir solitaire — principalement pour se détendre et dormir — il n'avait réussi qu'à se sentir mal à l'aise.
Mais actuellement, il trouvait sa propre ignorance ridicule. Il n'aurait pas dû être désarmé face à ses nouveaux appétits. Il était tenté de se laisser aller, de fermer les yeux une seconde et de laisser faire la nature. Ça ne devait pas être si compliqué de se contenter d'apprécier le moment. Ce n'était pas comme si il n'avait aucune image agréable à laquelle penser en ce moment, bien au contraire ! Il en avait beaucoup trop ! Et les énumérer n'allait certainement pas calmer ses ardeurs.
Il songea avec amusement à quel point Katakuri était persuadé d'être repoussant et ne rien inspirer d'autre que le dégoût. Il ne pouvait pas avoir plus tort. Il n'y avait rien chez lui qui ne soit pas séduisant ou agréable à regarder. Il était la parfaite combinaison de la force et de la douceur, en une seule personne. Un colosse pourvu des plus jolis yeux de biche de l'univers et au parfum le plus doux jamais exhalé par un être humain.
Sa main glissa timidement vers son bas ventre. Il hésitait encore mais il voulait vraiment laisser son envie gagner, pour une fois. Il ferma les yeux, se répéta qu'il était en sécurité, qu'il n'avait qu'à laisser parler son cœur et se laisser envahir par les souvenirs qui lui procuraient déjà tant de plaisir.
Il avait encore besoin d'être serré et d'être cajolé. Il avait enfin trouvé quelqu'un à qui faire confiance, quelqu'un qui avait manipulé ses ailes sans qu'il ne ressente de malaise.
Il mit plusieurs secondes avant d'oser prendre son sexe en main. Le contact fut étrange. Pas désagréable, juste étrange. D'habitude, il devait se stimuler pendant un moment avant d'obtenir une érection satisfaisante, cette fois, il n'eut aucun effort à faire. Il lui suffisait de penser à Katakuri pour que son désir s'enflamme. Littéralement; une vague de chaleur lui parcourut le dos et le fit frissonner. Il risquait de mettre le feu à la chambre mais il s'en fichait. Il y avait longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi bien, il devait en profiter tant que ça durait !
Il trouva une position confortable, allongé sur le côté, les ailes dégagées, et il laissa son imagination vagabonder. Il se remémora la douceur de la peau de Katakuri sur la sienne et la finesse avec laquelle il avait caressé ses plumes pour l'apaiser. Un bruissement suivit et fit vibrer ses ailes, elles s'en souvenaient. Il repensa à sa main dans la sienne, à la tentation qu'il avait eu de l'embrasser, à la chance qu'il n'avait pas saisie. Il se pelotonna contre son oreiller et se replongea dans le souvenir vivace du moment où il l'avait serré contre lui. Il avait tant besoin que ça se reproduise, il fallait encore qu'il le touche. Il le laisserait faire, il n'aurait pas peur de lui ni de ses mains, ni de son corps. Il en voulait plus. Il voulait se donner à lui tout entier.
Son plaisir montait en flèche. Il ne s'était jamais senti comme ça avant et il accueillait ces sensations avec bonheur. Il ne se préoccupait plus du feu qui commençait à ronger la tête de lit, ni des soucis dont il avait toujours tant de mal à se séparer. Il ne voulait qu'une chose : poursuivre. Le désir d'être touché se faisait plus grand encore, et encore…
Jusqu'à ce que, sans prévenir, un souvenir parfaitement indésirable se glisse sans prévenir parmi les plus agréables et lui rappelle cruellement le contact froid et et immonde des gants de latex sur sa peau.
Il sursauta et abandonna tout de suite ce qu'il était en train de faire. Son corps entier se raidit par réflexe, rejetant tout ce que ce bref relent nauséabond lui avait rappelé. Il se retrouva assis sur le matelas, les yeux grands ouverts, avant d'avoir compris ce qui lui arrivait. Quand il réalisa qu'il serait bien incapable de se remettre dans une ambiance bienveillante et que sa nuit était foutue, toutes les sensations agréables qu'il avait ressenties précédemment laissèrent la place à une colère froide.
Il frappa le matelas du poing.
— 'Fait chier ! jura-t-il entre ses dents, très fâché d'avoir été interrompu par son propre cerveau.
Son passé ne le laisserait donc jamais tranquille ?
Même ici, alors qu'il n'avait jamais été aussi bien dans sa peau, il fallait qu'il ressurgisse et revienne le torturer. Il inspira profondément pour se calmer et expira pendant de longues secondes. Il avait encore trop de choses à régler avant de pouvoir imaginer reprendre le contrôle total de son corps.
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Le lendemain, après avoir passé une nuit épouvantable et s'être réveillé de très mauvaise humeur, King prit une dé devait faire table rase de ce passé qui pourrissait son existence. Et pour ça, il devait commencer par en finir avec son deuil.
Il avait peur d'aller trop vite, il n'était pas encore prêt à passer à autre chose mais il fallait commencer quelque part. La famille de Katakuri avait organisé des funérailles avant de reprendre leurs activités habituelles. Aussi idiot que ça puisse paraître, il pensait avoir besoin de faire quelque chose de similaire pour avancer.
Il devait retourner sur place.
Il ne serait pas libéré de son allégeance envers Kaido tant qu'il ne lui aurait pas fait de vrais adieux. Cette seule perspective lui brisait le cœur, mais il n'avait pas d'autre solution. Il était temps qu'il prenne sa propre vie en main. Il en avait assez de laisser faire le sort sans réagir. Il y avait longtemps qu'il n'était plus enchaîné comme un animal, alors il devait cesser de se comporter comme si on le tenait en laisse. Ses mésaventures de la nuit passée lui avait fait comprendre qu'il avait atrocement besoin de se détacher d'une peur très ancienne.
Pour ça, il devait agir seul. Sans protection, et se rendre directement dans la gueule du loup : à Wano. Une fois qu'il aurait réussi à rendre hommage à son bienfaiteur, alors peut-être qu'il serait vraiment prêt à prendre un nouveau départ et à accepter qu'il pouvait commencer une nouvelle vie. Libéré de ses vieux démons.
Il se prépara en quelques minutes, il n'avait besoin de rien et maintenant qu'il était en pleine possession de ses pouvoirs, le périple ne serait pas long. Il reviendrait bien assez vite. Il jeta un coup d'œil par la fenêtre ; le jour n'était même pas encore levé. De gros nuages d'orage avaient fait leur retour et lui promettaient un voyage inconfortable. Mais il en fallait plus pour le faire changer d'avis.
La seule chose qui lui posait problème, c'était qu'il ne pouvait pas avertir Katakuri de son départ. Pas tout de suite. Il comptait — il devait — y aller seul et en volant. S'il allait le prévenir, il savait qu'il l'en empêcherait, de peur que son aile souffre sur le trajet, et qu'il serait même capable de lui proposer de l'accompagner. Lui, serait tout à fait prêt à accepter cette compagnie ou à remettre cette étape nécessaire à son avenir à un autre jour. Mais c'était une chose qu'il devait faire seul. Il devait s'exposer au danger, pour se convaincre lui-même qu'il n'était plus un enfant vulnérable et qu'il pouvait se défendre contre d'éventuels agresseurs. De toute façon, il n'en avait pas pour longtemps.
En revanche, il ne pouvait pas partir comme ça non plus. Il ne voulait pas inquiéter qui que ce soit ni le laisser penser qu'il prenait la fuite.
Il fouilla le bureau qui était à sa disposition et trouva du papier et de quoi écrire. Il trouvait ça un peu impersonnel, mais c'était toujours mieux que de ne rien dire du tout. Et de toute façon, il n'en avait pas pour très longtemps. Il s'arrangerait simplement pour que Katakuri comprenne à quel point il avait besoin de ce voyage. Après quoi… Il serait prêt à rester avec lui, s'il le voulait bien.
Il expliqua au mieux ses intentions sur le papier, en s'excusant pour sa décision précipitée, et lui expliqua qu'il ne devait pas s'inquiéter et lui promit d'être vite de retour. Il fit de son mieux pour être exhaustif et signa, promettant de ne pas traîner et de garder un escargophone sur lui, au cas où.
Il laissa la note sur son lit, bien en évidence, puis il ouvrit la fenêtre. Il se transforma aussitôt et savoura ces pouvoirs qui lui avaient tant manqués : la force brute et les sentiments simples de sa nature animale prirent le pas sur le reste. Pour la première fois depuis longtemps, il avait les idées claires et concises. Sous sa forme de ptéranodon, ses tourments habituels se trouvaient partiellement étouffés, il se sentait léger. Il avança à quatre pattes jusqu'au balcon et grimpa sur la rambarde. Le ciel était menaçant, il avait intérêt à s'envoler au dessus des nuages s'il voulait éviter la tempête à venir. Son bec claqua d'impatience lorsqu'il prit son élan. Il se jeta dans le vide et déploya ses ailes immenses et fila comme un éclair à travers le ciel, prêt à en finir avec son passé.
Malheureusement, il ne remarqua pas que la bourrasque créée par son envol avait poussé la note qu'il avait laissé à l'intention de Katakuri directement sous la commode de sa chambre. Là où personne ne pouvait la voir.
Ah le con.
Vraiment j'ai hâte à la suite maintenant. J'ai pas envie d'en dire plus parce que je veux pas gâcher quoi que ce soit et en même temps... Je ne suis pas subtile. Je me frotte les mains en sachant ce qu'il va se passer.
Concernant la sexualité de King, on sent que ça va être compliqué pour lui. Mais ça va bien se passer. Juste : vous avez une indication de ce qui va poser problème. (Et encore une fois, il a une backstory horrible que je ne peux pas ignorer et qui ne peut pas ne pas avoir eu d'effet sur lui)
Il prend sa décision trop vite en fin de chapitre mais en même temps il faut le comprendre, il en a ras le bol le pauvre. Il est en train de comprendre que sa liberté a toujours été théorique. Il a besoin de se libérer lui-même.
Maintenant... On se revoit pour la suite (j'ai hâte) le 31/03 !
