Harry vit des larmes étinceler dans le blanc des yeux de Père. Il pouvait voir les efforts presque physiques que James faisait pour résister, mais quoi que Curiosité soit en train de lui faire, il était bien trop puissant. Harry avait l'impression de devenir fou. Pourquoi des Mangemorts emmèneraient un petit garçon ?

Quand James parla enfin, en sueur, les mots jaillissaient de sa gorge de force en le secouant de soubresauts :

-Je n'ai jamais pu arrêter de l'aimer, haleta-il. Lily. C'est pour ça que je la détestes. On était une famille, je serais mort pour elle et le petit. Et elle nous a abandonnés. Je suis content qu'elle ne soit pas là aujourd'hui, que vous ne puissiez pas lui faire du mal. Mais je n'ai pas la moindre idée d'où elle est. Ni elle, ni le foutu Léviathan! J'avais... j'avais peur. J'avais peur de l'Appel, peur de le trouver lui, si je cherchais à retrouver Lily. Si vous trouvez Lily, vous trouverez certainement bien pire que ce que vous cherchez, vous aussi!

-Et l'enfant, fit Curiosité en se penchant en avant, l'engeance de la femme qui t'as volé tes pouvoirs? L'aime-tu ?

-Peu importe, cracha Voldemort.

Père fit un douloureux effort pour se tourner vers Severus, désespéré. Le Mangemort posté à la porte ne bougeait toujours pas, mais c'était bien le seul ici qui ne semblait prendre aucun plaisir particulier à la situation. Tout au plus il semblait s'ennuyer.

-Severus, haleta James, je t'en prie. Aide-moi.

-Pas de « Servilus » ce soir, James ?, maugréa Severus. Je te préférais avant, je crois. Est-ce le fait de devoir retourner vivre parmi cette noblesse sorcière que tu prétendais tant mépriser, qui as fait de toi cette loque ?

-Lily ne...

-Oh, je t'en prie. Ne gâche pas nos retrouvailles par des pleurnicheries si prévisibles. Tu ne voudrais pas que ton fils te vois verser des larmes, si?

-Je veux savoir, trépigna Curiosité.

Son visage resplendissait d'émerveillement, mais ses yeux étaient comme deux éclats de glace.

-Est-ce que tu aimes Harry, même en ayant comprit ce qu'il est vraiment depuis toutes ces années ?

-Ca suffit !, grinça Voldemort.

-J'essaye, lâcha James en répondant à Curiosité. J'essaye vraiment.

-Mais ?, insista Curiosité avec un sourire mauvais.

Quoi que soient Jalousie et Curiosité, Voldemort ne parvenait pas à les soumettre comme il soumettait tous les autres. Curiosité continuerait son affreux jeu aussi longtemps qu'il en aurait envie, comprit Harry avec horreur, et le Seigneur des Ténèbres lui-même ne l'arrêterait pas. Voldemort voulait au moins quelque-chose. Jalousie et Curiosité avaient l'air d'être venus pour faire souffrir, rien d'autre.

A ce moment là, James parvint à tourner la tête vers son fils. Harry n'avait jamais vraiment trouvé quoi que ce soit pour lui dans le regard de son père, tout au plus du regret. Mais à cet instant, contraint par la légilimancie, il vit James le regarder vraiment.

Et il vit de la répugnance.

-Mais..., articula James malgré ses terribles efforts pour serrer les dents. Il a les yeux de sa mère. Je ne supportes pas qu'il me regarde.

Père venait d'avouer qu'il n'aimait pas Harry. Pour la première fois. Pourtant, le garçon ne ressentit rien. Il arrêta bien de respirer, le monde commença bien à vaciller autour de lui, mais Harry avait déjà trop peur pour ressentir quoi que ce soit d'autre. Ou peut-être qu'il avait simplement toujours su. Père qui ne le regardait pas. Père qui se traînait sans conviction jusqu'à sa baguette pour châtier Harry sur les ordres de Grand-Père. Père qui, lorsque venait le moment de fuir, parlait toujours de l'importance de protéger la lignée, et jamais de protéger Harry. Et peut-être qu'Harry était un peu fautif, aussi. Harry qui préférait le souvenir tremblotant d'un sourire de Mère, à un Père bien vivant.

Harry avait été une déception depuis le départ, peu importe à quel point il avait voulu se convaincre du contraire. Il savait bien ce qu'il y avait, dans ces silences parfois, entre Père et Grand-Père. Ce regard plein de reproches. James avait épousé une Née-Moldu, il s'était enfuit avec elle malgré tous les avertissements de ses parents et tout cela ne s'était soldé que par un grand désastre. Harry se demandait s'il faisait partie du désastre, parfois. Si, peut-être, il aurait été un meilleur Potter s'il avait pu être un Sang-Pur pour de vrai. Oui, pur. Voilà ce que Grand-Père aimait par-dessus tout, ce qu'il cherchait à faire rentrer en Harry par tous les moyens. Le garçon n'avait jamais été vraiment battu, ni si maltraité que ça. Mais Harry devait être deux fois mieux élevé que n'importe-quel autre garçon de l'aristocratie, mieux puni, meilleur élève, meilleur parti pour une jeune fille, meilleur tout, pour compenser ce qui manquerait toujours dans son sang.

-Ton seul mérite aura été de t'accoupler, James, maugréa Voldemort avec répugnance. Encore une certitude que je partages avec ta femme. Nous allons emmener le garçon, maintenant. Et de tout ce que tu croyais avoir réussi à protéger, de ta famille ou ton pathétique héritage, il ne restera... rien...

Jalousie, accroupi devant Harry, adressa au garçon un sourire plein de douceur, en griffonnant un mot dans son journal. Pour une fois, Harry parvint à lire ce qu'il avait écrit, à l'envers :

«...était venu de briser le garçon. Mais ce n'était pas amusant, s'il ne s'effondrait pas avant. Tom dit : »

-Tu entends ça? J'avais raison, Harry. Papa ne t'aime pas. Papa ne t'as jam...

Il se figea soudain, les yeux écarquillés, les traits frémissants d'indignation. Curiosité ouvrit de grands yeux à son tour, la bouche vaguement ouverte sur un grand sourire émerveillé, attendant la suite.

Harry venait de cracher sur Jalousie.

Le garçon tira plus fort sur ses liens, horrifié. Ca avait simplement été un réflexe. Jalousie l'avait humilié, abaissé. Alors, Harry, attaché sur une chaise, menacé de pire que la mort, avait craché en plein visage de son agresseur. Il s'était suicidé. Il pouvait le voir sur le visage de Jalousie, Harry venait de signer son arrêt de mort. Pourtant, soudain, les traits de Jalousie qui se changeaient peu à peu en masque d'émotions boueuses se radoucirent :

-Harry... regarde bien, d'accord?

Sans qu'il ne quitte le garçon des yeux, la baguette de Jalousie fendit la nuit dans un éclair verdâtre, et soudain, Grand-Mère toujours ficelée contre le mur bascula en arrière. Se fut instantané, comme éteindre la lumière, si bien qu'Harry ne comprit la formule murmurée par Jalousie que ce qui lui parut une éternité plus tard.

-Non !, mugit enfin James en se débattant de toutes ses forces. NOOON !

Harry se rendit compte qu'il pleurait lui-même frénétiquement, maintenant. Quand avait-il commencé? Peut-être qu'il pleurait depuis le départ. C'était un cauchemar, il allait se réveiller, il allait forcément se réveiller. L'idée d'être emmené par Voldemort, livré à Curiosité et Jalousie, était encore plus terrorisante que celle de faire partie des morts. La gouvernante à côté de Grand-Mère hurlait si fort qu'elle parvint à émettre des sons même sans bouche, mais c'est Père que Voldemort regardait.

Le mage noir leva sa baguette, doucement.

Tout à coup, Severus se jeta aux pieds de Voldemort.

-Puis-je parler, maître ?

-Dépêche-toi, maugréa Voldemort sans un regard pour lui.

-Le garçon, maître. Il n'a pas été si malmené que cela, si on y réfléchit. Peut-être retiendrait-il plus facilement à qui va sa loyauté, s'il s'impliquait un peu plus?

Une étincelle brilla dans les yeux du petit Curiosité.

-Montre-nous, mon bon Severus, ordonna l'enfant.

-Je donne mes ordres seuls, cracha sèchement Voldemort.

Il manifesta malgré tout son accord d'un geste sec. D'un coup de baguette, Severus libéra Harry de ses liens, puis il le saisit par la nuque en s'appliquant à le faire gémir de douleur aussi fort que possible. Harry ne tentait même plus de résister, il ne regardait que Grand-Mère étalée sur le sol. Le Mangemort enroula la main d'Harry autour de la sienne, la main qui tenait sa baguette... puis la pointa sur James.

-Prononcez la formule avec moi, Potter, chuchota Severus derrière Harry. C'est votre seule issue.

-Arrêtez ça, je ferais tout ce que vous voudrez si vous arrêtez ça!

-Ne regarde pas, Harry, haleta James.

« S'il vous plaît, pas Harry ! », « Tout ira bien », « ne regarde pas, Harry ». James n'aimait peut-être pas Harry, mais James faisait son devoir. Il essayait de le protéger. Ce n'était que maintenant qu'Harry comprenait que, s'ils n'avaient jamais vraiment pu être père et fils, ils avaient au moins été des camarades d'infortune. Et James n'avait abandonné membre de sa famille, pas même Lily maintenant qu'elle n'était plus là.

-La formule, ordonna Severus. Vous l'avez entendu, après tout. Je suis sûr que vous l'avez retenu.

Harry compris in extremis, rien qu'au fond du dernier recoin de lucidité que son esprit avait pu préserver de la terreur. Il n'en éprouva aucun soulagement pour autant. Non, il ne voulait pas. Il n'avait absolument aucunes raisons de faire confiance à Severus.

-La formule, Potter, répéta sèchement Severus.

-Peu importe, grogna Jalousie. Tue James.

-Les pensées de Severus sont étranges, fit doucement Curiosité avec un intérêt nouveau. Il a peur, Tom.

-Dépêchez-vous, Harry, lâcha Severus en broyant presque les doigts d'Harry.

-Ne m'appelle pas Tom, cracha Voldemort à Curiosité. Jamais.

-Je vais le forcer, moi, maugréa encore Jalousie en sortant sa propre baguette.

-La formule, tonna Severus.

-ANIMA ANARKI !, hurla enfin Harry.

La formule que Severus lui avait ordonné de retenir quand ils descendaient l'escalier. Harry ne l'avait peut-être même pas prononcée exprès. Il avait juste trop mal, trop peur, il voulait que tout s'arrête, et il aurait dit absolument tout et n'importe-quoi plutôt qu'avada kedavra. Pendant une seconde, absolument rien ne se produisit. Evidemment. Evidemment, pas vrai? Il ne savait même pas ce qu'il faisait. Il allait mourir, toute sa famille allait...

Soudain, un éclair mauve jaillit de la baguette et le salon explosa. Harry hurla, projeté contre un mur par une vague visqueuse, au milieu d'un brouhaha de hurlements. Ce n'est qu'une fois affalé par terre qu'Harry put vraiment commencer à regarder, les yeux écarquillés.

Les tableaux accrochés aux murs vomissaient leurs univers dans le salon. Les paysages, les natures mortes, les personnages – Grand-Mère avait toujours adoré les tableaux. L'un d'eux, celui qui représentait un bateau voguant vers une falaise, déversait sur le plancher l'océan tout entier en emportant tout sur son passage, les meubles, les Mangemorts, les morts et les vivants, tout. Jalousie tenta de se saisir d'Harry, mais une vague plus forte que les autres projeta l'adolescent contre l'un des Mangemorts. Harry voyait le voilier – un voilier plus grand que le salon – arriver droit sur eux dans l'arrière-fond comme s'il avait hâte de rejoindre le monde réel.

Médusé, Harry vit une fête de village moyen-âgeuse jaillir d'une autre toile, des dizaines et des dizaines de paysans du 16e siècle qui s'écrasaient par terre en hurlant, paniqués. Harry entendit Père hurler son nom quelque-part, à moins que ça n'ait été quelqu'un d'autre. En quelques secondes, ils furent des dizaines dans la pièce plongée dans le noir, et la moindre personne qui tombait se faisait piétiner. Mais le pire, se fut quand la fresque au plafond s'anima aussi : des anges trompettistes commencèrent à tomber du plafond pour s'écraser dans la foule avec des bruits à glacer le sang.

Voldemort lui-même était tout prêt d'un cadre dont jaillissait une clairière toute entière, des torrents d'herbes et de boue, des arbres entiers, même des cerfs et des sangliers. Le Seigneur des Ténèbres déchiquetait tout ce qui menaçait de l'atteindre, sa baguette pointée devant lui avec un cri de rage, mais pour quelques secondes, tout invincible qu'il était, il ne regardait plus Harry.

-Le garçon est à moi!, hurlait Jalousie quelque-part. Retrouvez-le !

-Où est Harry?!, mugissait Curiosité hystérique. Je veux savoir! Je veux savoir!

Terrifié, Harry fit quelques pas chancelants au milieu du chaos, et soudain, il fut violemment tiré en arrière, juste avant qu'une locomotive ne jaillisse d'un tableau pour s'écraser dans le mur d'en face. Un peu plus et Harry aurait été broyé comme un insecte.

Severus tira Harry avec lui de plus belle :

-Dépêchez-vous, idiot!

-Ma famille..., balbutia Harry.

-Ils sont perdus, haleta Severus en cherchant une issu au milieu de ce cauchemar.

-NON !, hurla le garçon en se débattant en vain.

Severus lui enserrait le bras dans une poigne de fer.

Il essayait de l'aider. Depuis le début Severus essayait de sortir Harry de là, c'était évident, mais tellement insensé que le garçon ne parvenait pas à y croire. Ils passèrent juste sous le nez de l'un des Mangemorts, mais la situation était si incontrôlable qu'il ne les remarqua même pas. Un homme en toge s'écrasa juste à côté d'Harry, aussitôt balayé par un cheval ailé qui roulait des yeux épouvantés. Soudain, fou d'espoir, Harry aperçut Père. Est-ce qu'il avait crié quelque-chose, est-ce qu'Harry avait entraperçu son visage, il n'en savait rien, son père était à quelques pas il en avait la certitude.

Harry tendit la main pour essayer d'attraper la sienne, ballotté de toutes parts, de l'eau et de la boue jusqu'aux genoux. Il n'était sûr que de la poigne de Severus qui continuait à essayer de le tirer hors de la pièce.

-Père !, hurla Harry. PERE !

Soudain, il le vit distinctement. A dix pas de lui – tout un voyage au milieu d'un chaos pareil – James était aux prises avec Jalousie. Harry le vit réussir à repousser son adversaire au milieu de la foule, puis son regard se fixa sur celui d'Harry. Le garçon tendit encore la main, désespéré, alors que Severus bataillait pour le traîner vers la porte. James le regarda, haletant, le visage rendu méconnaissable par le sang et les bleus. James pouvait l'atteindre. Il n'était pas trop loin, et c'était le meilleur des combattants, assez fort pour abattre cinq Mangemorts d'un coup. Il les sauverait. Il ferait son devoir comme d'habitude, il « essaierait ». Mais James ne se battait pas, ne tendait pas la main pour essayer d'attraper Harry, n'essayait rien. Il le regardait juste.

Et puis, au lieu de s'efforcer de se frayer un chemin vers son fils, James recula.

Sans parvenir à y croire, Harry vit son père parvenir à atteindre une fenêtre et se jeter dans le vide. Le garçon entendit le bruit du transplanage comme si c'était le seul bruit qui existait vraiment au milieu du vacarme. Il était plus effrayant que le son des corps qui se faisaient broyer sous les chaussures, des sortilèges de Voldemort en personne qui massacrait de toutes parts ou des hurlements de douleur. Cet infime crak, c'était la fin de tout.

Harry laissa son bras retomber le long de son corps, glacé de l'intérieur, et il se laissa traîner par Severus.

Le garçon n'arrivait plus à faire quoi que ce soit d'autre que s'accrocher à la main du Mangemort. Il avait l'impression qu'on venait de lui vider le cœur. Il l'avait abandonné. Père l'avait laissé, il l'avait laissé avec Voldemort et ses Mangemorts. Ca ne se pouvait pas.

Bien-sûr que si, railla une voix au fond de lui. Il te détestes depuis le début, tu ne lui attires que des ennuis. Pourquoi il ne s'enfuirait pas sans toi? C'est toi qu'ils veulent.

Severus tirait Harry à travers le hall d'entrée, maintenant. Les hurlements résonnaient encore derrière eux, plus lointains. Severus avait dû le mener à travers de nombreuses pièces et beaucoup de couloirs, peut-être même se battre, mais Harry avait l'impression de ne reprendre conscience que maintenant. Il n'y avait plus de place dans sa tête pour davantage de sons ou d'images, il n'y avait que le crak, en boucle.

-...lorsqu'on est cernés, disait Severus en sueur. Et le sort qui interdit de transplaner à l'intérieur de cette maison se retourne contre nous. Mais dans tous les cas, nous ne transplanerons pas. Ils vous retrouverons où que vous soyez dans le monde, maintenant. Alors vous allez en sortir.

-Sortir de... de quoi ?

-Votre famille se souvient peut-être mieux d'où elle vient qu'elle ne le croit. Volontairement ou non, vous ne vous êtes pas éloignés de la Mer.

-Pourquoi vous faites ça?, balbutia Harry en levant des yeux écarquillés vers Severus. Pourquoi vous m'aidez?

-Je travailles avec des gens qui œuvrent à votre survie.

-Vous êtes avec l'Ordre du Phénix, pas vrai? Avec... avec Dumbledore ?

Severus détourna le regard. Quelque-chose dans sa voix fatiguée lui donnait mille ans quand il murmura :

-L'Ordre du Phénix a disparu depuis trois ans. Et Dumbledore est sûrement mort il y a quelques jours.

-Mais... mais alors... qui... qui vous a envoyé? Pour qui est-ce que vous travaillez?

-Je ne peux plus vous mener à eux, alors ils devrons vous trouver eux-mêmes. Vous devez disparaître, c'est le mieux que je puisse faire.

-Mon elfe de maison est encore là-haut!, s'écria soudain Harry. Il s'appelle Souillé, il n'y est pour...

Mais Severus n'écoutait rien, ne faisait qu'accélérer.

Harry fut content de s'être habillé dés son premier pas dehors, lorsque le froid s'insinua sous ses vêtements en glaçant la transpiration sur son dos et ses épaules. Ils s'élancèrent à travers le vaste jardin, dans l'allée de pavée qui menait au grand portail du manoir.

Le manoir des Potter se dressait au-dessus de la mer, au milieu d'une rue Moldu ordinaire – Grand-Père trouvait ça « déshonorant » mais c'était plus facile de se cacher parmi eux que parmi les sorciers. Il avait tout de même choisi la plus belle maison du quartier, et Harry se demandait pour la première fois si cette manie de la grandeur n'avait pas aidé Voldemort à les retrouver. Les flammes avaient gagnées le premier étage et jaillissaient des fenêtres, là où Harry avait animé les tableaux. Des hurlements en montaient encore, comme si le manoir abritait l'enfer. Harry pria pour que Souillé ne le cherche pas et s'échappe d'un claquement de doigts.

A cette heure-ci il n'y avait pas une voiture qui passait dans la rue, la ville entière dormait. De toutes façons les Moldus n'auraient rien pu faire.

Ils n'avaient même pas atteint le bout de la rue lorsque Severus s'arrête brusquement en dérapant sur les pavées. Il saisit Harry par les épaules et lui désigna la mer qui s'étendait en contrebas, au-delà des habitations.

-Dans cette direction, vous serez rapidement au port. Ne vous arrêtez pas avant d'avoir atteint la mer.

Le manoir surplombait des allées étroites de petites maisons qui descendaient jusqu'au port, mais il n'y avait rien là-bas, rien que l'océan qui s'étendait à l'infini. Severus aurait aussi bien pu envoyer Harry dans une impasse. Soudain, le garçon comprit avec effroi que son protecteur ne venait pas avec lui.

-Ne... ne me laissez pas tout seul, supplia le garçon.

Harry ne vit même pas la gifle venir, il sentit juste sa tête partir en arrière et une douleur cuisante lui foudroyer la joue. Des éclairs crépitaient dans les yeux noirs de Severus. Aucune pitié ne faisait vaciller la colère sur son visage.

-A partir d'aujourd'hui vous n'êtes plus un petit garçon qui peut s'offrir le luxe de pleurnicher, tonna-il. Abandonnez l'idée que quelqu'un se soucie encore de vous, Potter, elle vous ferait tuer. Ne penser qu'à avancer, sans vous soucier de quiconque.

-Mais..., balbutia Harry.

La seconde gifla fusa aussi vite que la première. Harry avait les joues brûlantes.

-Ne pensez qu'à avancer!, martela Severus.

Enfin, Harry présenta une face complètement lisse, où ne brûlait qu'une froide colère. Severus se calma un peu :

-Bien. Restez en colère. Ne vous soumettez plus jamais. Là où vous allez, la mort vous attends au premier signe de faiblesse. Votre mère vous a peut-être laissé pour cela, parce que vous auriez été incapable de survivre.

Il toisa Harry avec une étrange inquiétude.

-...si toutefois elle se soucie vraiment de vous.

Harry ne comprenait plus rien, il était terrorisé, il ne voulait pas aller au port, il avait la certitude qu'on l'obligeait à faire quelque-chose d'irréparable, une chose pour laquelle il n'aurait jamais dis oui s'il avait comprit. Mais il se cramponna à cette colère froide qu'il sentait en lui comme si c'était tout ce qui le maintenait en vie. Tant qu'il était en colère, la peur ne le rendait pas fou. Tant qu'il était en colère, il se sentait encore capable de bouger, elle anesthésiait sa détresse et même la sensation de la pluie qui le glaçait jusqu'aux os. Il ne voulait pas mourir. Non, il ne voulait pas.

-Où...où est-ce que je vais aller ?, osa-il demander.

-Suivez l'Appel, déclara laconiquement Severus comme si ça devait avoir le moindre sens pour Harry. Vous ne pouvez aller à aucuns endroits où je serais susceptible de penser. Curiosité est meilleur en légilimancie que Voldemort lui-même ne l'a jamais été, c'est pourquoi il le garde à ses côtés.

-Qu'est-ce que c'est que ces choses? Pourquoi ils lui ressemble autant ?

-Curiosité et Jalousie sont des parts de Voldemort dont il se croyait débarrassé, éluda Severus. Deux d'entre elles, tout du moins.

Harry en frissonna d'effroi. Il y en avait d'autres?!

-Croyez-moi, souffla Severus en scrutant le manoir, vous préféreriez encore être retrouvé par Voldemort que par l'un des défauts dont le Seigneur des Ténèbres en personne ne veut plus. Hâtez-vous, à présent. Je vais les mettre sur une fausse piste. J'essaierai de les convaincre que j'étais à votre poursuite.

-Ils ne vous croiront jamais!

En fait, Harry n'en savait rien du tout, il était juste terrorisé à l'idée de se retrouver tout à fait seul au monde, à la rue, dans le noir. Ses parents n'étaient plus là, ni ses grands-parents, ni personne. C'était impossible, il ne pourrait jamais. Personne ne pouvait survivre à ça, dés que l'adrénaline l'abandonnerais Harry s'effondrerait comme un pantin sans marionnettiste, il en était sûr. On lui avait toujours dis ce qu'il devait faire, à chaque seconde de sa vie.

-Ne pas être cru est une façon comme une autre de gagner du temps, rétorqua Severus en raffermissant sa prise sur sa baguette.

-Vous allez vous faire tuer !, protesta désespérément Harry.

-Il n'y a pas d'autre espion auprès de Voldemort – il n'y a plus personne où que ce soit, à vrai dire. S'il existe le moindre espoir de sauver ma couverture, je dois essayer.

Harry était incapable de comprendre ça. S'il n'y avait plus d'Ordre du Phénix, que même les Potter et leurs derniers alliés pensaient que Severus était leur ennemi, alors cet homme était seul au monde. Harry ne serait pas retourné à proximité de Jalousie pour tout l'or du monde, et Severus y allait alors que personne ne le récompenserait jamais pour ça. Il restait.

Il reculait enfin lorsque Severus le rappela :

-Potter.

Harry se retourna un instant. Severus lui tournait toujours le dos, baguette à la main. Soudain, deux traînées de fumées noires jaillirent des fenêtres du manoir Potter. Pourtant, la voix de Severus était plus calme que jamais, presque enfin douce, quand il lâcha :

-N'en voulez pas trop à votre père. Pas pour toujours. Vous lui rappelez ce qu'il a connu de meilleur, je suis bien placé pour le savoir.

Harry resta là un instant, à se demander une dernière fois s'il ne faisait pas une horrible erreur. S'il avait tord de se séparer de Severus, le garçon serait mort d'ici dix minutes. Puis finalement, il s'élança vers la mer que la tempête faisait peu à peu virer du gris au noir d'encre.