Bonjour à tous ! On se retrouve aujourd'hui pour la suite de nos aventures et on débarque dans les marais de Wyzima. Merci encore d'être au rendez-vous et j'espère que vous apprécierez le chapitre.

Pour ce chapitre, je veux remercier particulièrement Ewan (alias Neroc Tomer) pour avoir accepté de me laisser le droit d'utilisation sur son personnage mythique de RP. Un personnage parti trop tôt alors qu'il avait tant de drama à apporter.

Merci aussi à Misstykata (tout commentaire seront fait en direct .)

Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture et à bientôt !

.


.

Avec réticence, Leuvaarden avait admis qu'il aurait bien besoin des Sorceleurs pour nettoyer le quai de la zone des marais. Cela lui avait arraché les dents parce que les chevaliers de la Rose Ardente n'avait pas voulu le faire, soi-disant que ça ne servait à rien vu que les marécages étaient une fabrique à monstres. Autant donner des coups d'épée dans l'eau. Et contrairement aux Chevaliers, les Sorceleurs, eux, ils se faisaient payer pour leur travail. Et un radin comme Leuvaarden n'appréciait pas des masses ce fait.

Une simple barque faisant la navette entre les deux quais leur permit de traverser pour rejoindre les marécages et découvrir le problème de l'endroit. Généralement, la plupart des monstres était des créatures nocturnes, se cachant dans l'obscurité et ne sortant que la nuit, vivant sous terre, sous l'eau ou dans des grottes/cavernes/mausolées/caves et tout lieu sombre où le sang avait coulé. Sauf que voilà, en plus d'être un foutu marécage bourbeux et sauvage, l'endroit était très boisé, ce qui plongeait les zones de terre dans une pénombres éternelle hormis quelques zones très rares. Et pour le coup, les monstres qui sortaient normalement la nuit faisaient des ravages en journée. Le matelot qui s'occupait de la barge faisant la liaison entre les marais et la ville n'osait même pas poser un pied à terre. Et pour cause, dès que les sorceleurs mirent un orteil sur la terre meuble et boueuse des marais, une petite armée de noyeurs surgit de l'eau croupie tout autour. Le pauvre péon se cacha en tremblant dans le fond de sa barque alors que les deux sorceleurs échangeaient des soupirs.

Il n'y avait pas plus basique que des noyeurs. Si encore, on leur avait dit des noyadés, ils auraient compris, mais là…

Ann recula pour laisser la place à son camarade masculin qui partit dans l'enchaînement mortel des techniques de sorceleur, utilisant le style de groupe pour y aller plus vite, faisant tournoyer son glaive d'argent tout autour de lui comme s'il ne pesait rien, découpant la chair morte et boursoufflée d'eau des morts-vivants aquatiques. Ce contrat revenait à de l'argent facile. Certes, les monstres reviendraient certainement s'ils ne découvraient pas ce qui, dans la tour du Mage, continuait de les corrompre et de les faire apparaître, mais pour l'instant, ils faisaient le travail pour lequel ils étaient payés. Ils nettoyaient les quais, ils avaient leur argent, affaire classée.

Une fois la petite armée de morts-vivants aquatiques décimée, Geralt se tourna vers Ann qui avait patienté en nettoyant une de ses dagues avec sa cape, assise sur le bout de la barque pour s'assurer que l'idiot dedans ne les abandonne pas à leur sort.

- On essaiera de repasser dans la nuit par ici, pour faire un second nettoyage. Avec la lune haute, on devrait avoir d'autres de nos camarades qui montreront leur nez, dit le Loup.

- C'est bon pour moi, assura le Chat.

Le marin se releva du fond de sa barque et demanda avec hésitation s'il pouvait retourner vers les quais civilisés.

- Sois de retour ici à minuit ; si on doit faire la traverser à la nage, je t'assure que tu feras connaissance avec nos philtres et on s'amusera à compter le temps qu'il te faudra avant que leur toxicité ne te tue, avertit Ann.

Le pauvre homme hocha la tête avec empressement et la brune le laissa partir. Rapidement, la barque manœuvra pour reprendre la route de Wyzima.

- Je présume qu'on suit la route, mais on va par où ? Une idée ? demanda Ann.

- Je pense qu'il faudrait trouver les locaux. Il est censé y avoir un village de briquetiers par ici, ils devraient avoir des informations sur la tour.

De son glaive d'argent, Geralt pointa quelque chose à l'ouest, tout juste visible entre les arbres et la brume grisâtre. Ann suivit la ligne de l'arme et nota ce que son camarade lui désignait. Des cabanons de branchages. Elle se rapprocha de l'eau pour avoir une meilleure visibilité des bâtisses et ferma les yeux, cherchant la présence de ce qui pouvait vivre ou occuper les lieux, avant de soupirer avec la réponse que lui offrit son Haki.

- C'est envahi par les noyeurs et les noyadés. On trouvera pas âme qui vive là-bas

- C'est la même technique que l'autre soir ? demanda Geralt.

- Chez moi, on appelle ça le Haki. Les mutagènes ne peuvent que te faciliter l'apprentissage, mais si tu veux l'apprendre, ça sera à la dure.

Son sourire ressemblait à un celui d'un chat qui a trouvé la cage du canari ouverte.

- Autrement dit ? s'enquit Geralt avec un mauvais pressentiment.

- En te coupant les sens pour essayer de ressentir la présence même de ce qui t'entoure ! J'ai l'endroit parfait pour t'entraîner en tête ! Je connais une cave, dans Wyzima, qui est pleine de Graveirs. J'y ai pas touché parce qu'on voulait me payer juste pour des bouteilles d'alcool dans le sous-sol et que je suis assez bonne voleuse pour me faufiler entre les monstres et récupérer le vin. Suffit de te boucher les oreilles, de te priver de tes élixirs et enfin, de te bander les yeux avant de te jeter dans cette cave pour que tu t'entraînes !

- Pourquoi j'ai l'impression que tu te moques de moi ?

Ann haussa les épaules.

- C'est ton choix. En attendant, j'ai senti de la vie par là-bas.

Et elle pointa un doigt vers l'est.

- Ce qui ressemble à un village, d'ailleurs. On va voir ?

- Montre le chemin.

- Faut pas s'appeler Vegapunk pour suivre une route de terre, même si elle est boueuse, bougonna-t-elle en montrant le chemin clairement marqué devant eux sur le peu de terre non occupée par l'herbe, les arbres ou l'eau, et qui remontait vers le nord.

- Qui ?

Ann agita la main pour lui dire de laisser tomber et passa devant avec un pas énergique, ses bottes produisant des bruits de succion dans la boue. Geralt soupira et la suivit, regardant autour d'eux avec méfiance, prêt à repousser la moindre attaque.

Ce qu'ils trouveraient ici, de son humble avis, ce ne serait que des vapeurs toxiques, des noyeurs et des pieds mouillés. Rien de bien intéressant.

Quoiqu'un pauvre chien avait réussi à se perdre dans les environs et fut pris d'envie de les suivre alors qu'ils continuaient de remonter vers le nord. Le chemin n'était pas très long, quelques minutes, à peine cinq. Jusqu'à trouver un embranchement. Un vers l'ouest et un autre à l'est. Et assis sur un arbre renversé, un vieil homme soupirait d'ennui.

- Bonjours mes enfants, salua-t-il en les voyant approcher.

- On est pas vos enfants, Pépé, lui dit Geralt.

La réplique fit rire le vieil homme.

- T'as bien deviné mon nom en tout cas. Tout le monde m'appelle Pépé par ici !

- On nous appelle de biens des façons, soupira Ann. Notamment saloperies de monstres. Lui, c'est Geralt, moi, c'est Portgas.

- Geral de Riv et Anabela D. Portgas, précisa le Loup Blanc ce qui fit rouler des yeux à sa collègue.

- Eh bien, les gens ont tendance à exagérer, parce que j'en vois pas beaucoup des saloperies, moi ! Eheheh ! Sans offense ! pointa le vieil homme.

Le commentaire tira un maigre sourire à Geralt, ce qui était tout de même un exploit venant d'un loup sans émotion.

- On n'est pas offensés. Surtout qu'on risque d'en chopper quelques-unes en nous baladant dans ces marécages. Sinon, Pépé, vous savez quoi que ce soit au sujet de la Tour du Mage ?

Le vieil homme perdit son sourire pour regarder le duo avec un drôle d'air.

- Pourquoi ça vous intéresse ?

- On nous paye pour l'ouvrir, expliqua Ann.

- Un but très ambitieux, et l'ambition, c'est la clef de la vie. Je suis trop fatigué pour tout expliquer, mais je vous aime bien les jeunes ! J'avais un livre qui en parlait justement. Il doit être quelque part chez moi, je pourrais vous le montrer si vous venez me rendre visite.

- Merci Jiji, remercia la D en s'attirant un regard perplexe de son camarade qui ne reconnut pas le mot qu'elle utilisa.

- Je me demande si vous allez y arriver… continua le vieil homme.

- Et pourquoi ça ?

- Une tempête approche, prenez garde à l'orage.

- Tu y comprends quelque chose ? s'enquit Ann en regardant son camarade masculin.

- Pas le moins du monde, soupira Geralt.

- Ecoutez Pépé, les jeunes. Les articulations me font souffrir, une tempête approche.

Ann renversa la tête pour regarder le ciel au travers la brume des marais, mais rien ne disait qu'une tempête se rapprochait. Après, elle n'était pas navigatrice, alors…

- Sinon, vous savez pas où on peut trouver du travail ? demanda Geralt.

- Des glaives, hein ? Je pense savoir le type de travail que vous cherchez. Vous pourriez peut-être aider un vieil homme dans son pèlerinage jusqu'à la statue de Mélitel pour que je puisse prier ? Je me fais vieux et je suis plus assez bon pour éloigner les monstres avec un bâton.

Les deux sorceleurs se regardèrent et Ann soupira.

- On songeait plus à du travail rémunéré, mais on peut bien vous escorter, annonça Geralt.

- Allez, j'vais faire ma BA. Va voir de ton côté si tu peux trouver des infos, je vais escorter le vieil homme jusqu'à son lieu de culte.

- C'est bon pour moi.

Il s'en fichait un peu de qui faisait quoi. Du moment qu'il pouvait arriver à avancer dans l'affaire de la Salamandre à la fin de la journée, c'était toujours ça de gagner.

Et ainsi, ils se séparèrent, Ann allant vers la gauche à l'embranchement et lui-même se dirigeant vers la droite et le village.

.


.

Geralt pénétra dans le village de briquetiers avec ses maisons de bois à moitié sur pilotis. Pour avoir des informations, il savait d'expérience qu'il fallait s'adresser à un ancien, un guérisseur ou un doyen. Dans le village, c'étaient eux qui avaient le plus d'informations se rapportant à la profession des sorceleurs. Que ce soit sur les monstres ou sur les légendes locales. Le Loup Blanc trouva son bonheur devant une des maisons où une vieille femme faisait la lessive. Elle se redressa pour faire face au sorceleur largement plus grand qu'elle, sa bouche à moitié édentée tordue dans une étrange moue.

- Un voyageur d'une terre lointaine ! dit-elle avec un sérieux assez inquiétant. Il a perdu quelque chose qu'il cherche à présent !

Quelque chose disait à Geralt qu'il était tombé sur la catégorie des bargeots en s'approchant de la vieille femme édentée. Espérons au moins qu'elle en avait encore assez dans le crâne pour répondre à ses questions.

- Comment vous nommes-t-on ? s'enquit le sorceleur.

- Vaska. Je suis la doyenne du village.

Il l'avait trouvée du premier coup quand même.

- Je suis Geralt, un sorceleur. C'est bien un village de briquetiers, n'est-ce pas ? Comment ça se fait qu'aucun ne travaille ?

- Les temps sont durs, soupira l'ancienne. Parle, que font les Sorceleurs ?

Finalement, elle n'était pas aussi folle qu'il l'avait cru au premier abord.

- On règle les problèmes, répondit le blanc. Dîtes-moi, j'ai cru comprendre qu'un autre sorceleur était venu par ici. Son nom est Berengar, ça vous parle ?

- Il est venu, confirma la vieille femme. Il a… posé des questions au sujet de… l'alchimie, certainement à la demande ce Kalkstein de Wyzima. Puis un jour, nous sommes tombés sur son équipement dans les puits d'argiles, et il était couvert de sang.

Donc, Berengar n'avait pas laissé volontairement ses affaires derrière.

- Homme à la chevelure blanche, prends garde à toi, continua la femme de sa voix chevrotante. Il y avait des signes de combat, là-bas, mais pas avec des monstres. Ce sont des hommes qui l'ont attaqué. Prends garde ! Fais attention au lézard de feu et à ceux qui sont secs ! J'ai besoin de toi vivant !

Finalement, elle ne devait pas être tout à fait là dans sa tête, cette vieille femme.

- Je ferai attention. Sinon, je présume qu'avec ce que j'ai entendu sur les marais, vous devez avoir un problème de monstres, non ? enchaina le Sorceleur pour ne pas s'attarder sur la bizarrerie de la femme.

- En effet. Des créatures ont fait leur nid dans les puits d'argiles, ce qui explique pourquoi aucun de nos hommes n'est au travail.

- Et ils ressemblent à quoi ?

- Comme si des hommes s'étaient noyés pour ensuite revenir à la vie !

La façon dont elle en parla lui donnait un air presque halluciné, un peu comme cette histoire de Trelawney dont lui avait parlé Triss avant l'attaque de Kaer Morhen.

.


.

Dans sa tour solitaire, Sybille fut prise d'un puissant éternuement en plein cours de divination, ce qui offensa grandement miss Hermione Granger qui se reçut tout sur la tête. Vexée, la demoiselle ramassa ses affaires et se jura de ne plus remettre les pieds dans cette salle.

.


.

- Des noyeurs, je peux m'en occuper. Les puits sont à l'ouest, visibles depuis les quais, non ? Sur la route vers l'autel de Melitel, si je me trompe pas ?

- Exactement.

Ce devait être ce qu'Ann avait senti ; elle ne se moquait pas tant de lui finalement.

- Mais nous sommes pauvres, je ne peux pas vous payer plus de cinquante orins, dit la grand-mère.

- C'est suffisant et de toute façon, à l'heure où on parle, ma camarade doit être en train de faire le nettoyage. Ce sera elle que vous devrez payer, pas moi. Sinon, dîtes-moi, vous savez quelque chose au sujet de la Tour des Marais ?

- Comme un glaive, tu tranches le voile du mystère. Celui que tout le monde nomme Pépé pourra satisfaire ta curiosité. Je me dois de rester silencieuse jusqu'au moment venu.

Oui, vraiment dérangée la grand-mère.

- Est-ce que vous pourriez garder un œil ouvert ? demanda-t-elle. Un des enfants du village a disparu. Habituellement, il revenait rapidement après ses promenades, mais pas cette fois. Je crains que les druides ne l'aient kidnappé pour en faire une dryade.

- Et ils sont où ces druides ? se renseigna Geralt.

- Au nord. A partir de l'autel de Melitèle, vous continuez tout droit au nord et vous tomberez sur un camp de bucherons. En suivant le chemin, vous verrez la clairière des druides.

- Merci pour les informations.

Il tourna les talons. Il avait du travail qui l'attendait après tout.

.


.

- Les Seigneurs arrivent ! dit un gamin en sortant des buissons avec une voix bien trop sérieuse.

- Qu'est-ce que tu fais ici, gamin ? Rentre chez toi, c'est dangereux par ici, lui dit Ann en poussant gentiment l'enfant sur la route vers le village.

- Qui est au-dessus des Seigneurs !? continua le gamin.

- Je sais pas ce que t'as bouffé, gamin, mais ça doit être aussi fort que ce qu'on m'a donné pour mes mutations pour te faire délirer autant.

Elle soupira et se tourna vers le reste des puits d'argiles, shootant dans un des corps de noyeurs et de noyadés qu'elle avait tranchés, son glaive d'argent reposant sur son épaule. Ignorant le vieil homme qu'elle escortait dans son pèlerinage, elle revint vers le bord de l'eau croupie, à l'autre bout des trous argileux creusés dans le sol et des fours de fortunes construits pour la fabrication des briques. Elle dépassa un autel qu'elle reconnut d'origine Vodyanoi et trouva ce qu'elle avait remarqué plus tôt. Deux corps, mutilés, à moitié cachés par les herbes jaunâtres, les feuilles d'arbres et la boue. Au vu des mouches et de l'odeur, cela faisait un moment que ces deux hommes devaient être morts. D'où l'intérêt des noyeurs pour les lieux. Après tout, cela représentait de la nourriture gratuite. Elle planta son glaive dans le sol et s'accroupit pour examiner les restes des corps, déplaçant du bout des doigts les morceaux de vêtements.

Malgré les morceaux de chairs que les monstres avaient arrachés aux deux corps, les marques d'un glaive très bien aiguisé étaient parfaitement reconnaissables sur les cadavres en décomposition. Sur l'épaule de l'un d'eux, en plein sur une blessure qui aurait pu presque le couper en deux, la femme trouva un emblème en ivoire, avec une salamandre noire peinte dessus. L'objet était fissuré presque dans sa totalité. Mais elle le reconnaissait entre mille.

Elle soupira et se releva avant de mettre ses mains en porte-voix :

- DE RIV ! RAMENE-TOI ! J'AI TROUVE QUELQUE CHOSE !

Le cri de la brune réveilla quelques noyeurs des marais.

Sans même regarder, elle brandit sa main dans leur direction, repliant son index pour former son signe magique favori : Igni. Un jet de flammes jaillit de sa paume et transforma en rôti tous les corps avec efficacité. Elle laissa retomber son bras pour prendre une dague et leva l'autre main vers un autre noyeur qui courait de sa démarche pataude vers elle. Cette fois, elle replia légèrement le majeur et une vague d'énergie percuta le monstre pour le sonner sans qu'il ne tombe. Sa dague d'argent fit le reste du travail. Avec une parfaite touche de Haki en plus, le lancer permit de détacher proprement la tête des épaules de la créature. En soupirant, elle alla ramasser son arme et revint vers les corps et son glaive toujours dans le sol, attendant que Geralt se ramène, histoire de dégager un peu les herbes.

- Quelque chose ne va pas ? demanda le vieux grand-père qu'elle escortait.

Ann se détourna des corps avec satisfaction et se rapprocha du chemin sans lui répondre, attendant de voir la crinière blanche de son camarade. Bientôt, le Loup Blanc apparut en remontant le chemin au pas de course, son glaive d'argent en main. Il ralentit et s'arrêta en voyant qu'il n'y avait apparemment pas de danger immédiat.

- Quoi ? demanda l'homme avec son ton aussi vide d'émotion que d'habitude.

D'un signe de la main, elle l'entraîna vers sa trouvaille pour lui montrer les corps décomposés qui firent froncer les sourcils à Geralt. Curieux, le grand-père se rapprocha, pas du tout rebuté par les cadavres pourrissants.

- C'étaient des amis ? demanda le vieil homme.

- En tout cas, ceux-là n'en avaient pas beaucoup, commenta froidement le sorceleur

- J'ai trouvé ça sur l'un d'eux, pointa Ann en montrant l'emblème fendu de la Salamandre. Et t'as vu la façon dont l'objet a été tranché ? ça te rappelle pas quelque chose ?

Geralt prit l'objet en main et l'examina attentivement. Oui, ça lui parlait, c'était même très familier. C'était le genre de trace qu'il laissait dans la chair des monstres avec ses propres glaives. Cet emblème avait été brisé par un glaive de Sorceleur.

- Berengar, conclut-il.

Et il regarda la scène avec les deux corps pourrissants. Il était fort probable que la disparition de Berengar soit due à une attaque de la Salamandre à son attention. Mais le fait qu'on ait retrouvé ses affaires laissait présager que le sorceleur n'était pas vainqueur de ce combat. Mais dans ce cas, il manquait un corps.

Il se redressa de là où il s'était agenouillé et alla examiner l'eau croupie de son mieux, balayant la vase de son glaive d'argent dans l'espoir de trouver quelque chose.

- Ce qui me dérange, c'est pourquoi on a pas pris ses affaires. A quoi ça pouvait bien servir de déshabiller un corps et de laisser le matos derrière pour être retrouvé par n'importe qui ? marmonna Ann.

- J'ai la mauvaise impression que je vais devoir annoncer sa mort à Vesemir.

- Même si vous êtes une armure sans émotion, vous les loups, je sais qu'il le prendra très mal, surtout après avoir perdu son apprenti.

- Notre meute se meurt. Au passage, tu viens de te faire cinquante orins auprès du village de briquetiers. Ces noyeurs leur posaient problème. C'est la doyenne, une dénommée Vaska, qui te paiera.

Ann se leva et fronça les sourcils. Cinquante orins, c'était ce qu'elle prenait pour deux noyeurs, à la limite, là, elle en avait décimé une dizaine !

- C'est ton jour de bonté ou tu te venges du fait que j'ai pris tous les contrats avant toi par deux fois ?

- C'est tout ce que la femme peut donner. J'ai pas vraiment eu envie de discuter, tu sais comment les doyennes sont en général.

- Mouais, t'as fait monsieur j'économise mes paroles et tu t'es évité une migraine. Soit. Tu nous accompagnes ?

Geralt haussa des épaules.

Ann reprit sa lame et la rangea dans son dos alors que son camarade rangeait l'écusson fendu dans sa poche. Elle lança le signe d'Igni sur les cadavres qui s'embrasèrent.

- Vous n'auriez pas vu un enfant ? La doyenne raconte qu'un petit garçon manquerait à l'appel, demanda Geralt.

Le visage d'Ann se liquéfia alors qu'elle regardait le grand-père qui prit ça pour une accusation :

- Quoi ? Pourquoi vous me regardez comme ça ?! J'aime pas les enfants ! rouspéta le vieil homme en se défendant.

- Je vous accuse de rien… c'est juste que… on a vu un garçon… Y'a quoi… cinq, dix minutes… KUSOU !

Et avant qu'on ne puisse l'arrêter, elle partit en coup de vent dans la direction où elle avait poussé l'enfant, fouillant les marais pour chercher le gnome. Il pouvait lui être arrivé n'importe quoi dans un marais comme celui-ci, entre les noyeurs, noyadés, les bloedzuigers…

- Je fais quoi maintenant, moi ? s'enquit le vieil homme.

- Je vais vous accompagner pour le reste du chemin, soupira Geralt en se remettant en marche.

Le vieil homme pressa le pas pour ne pas se laisser distancer par le sorceleur à la crinière blanche. Contrairement à Ann, le Loup était tout le contraire de loquace. Il se contentait de monosyllabes durant les tentatives de conversation du grand-père quand ses silences ou ses grognements ne pouvaient pas répondre pour lui.

Geralt s'arrêta subitement en levant un bras pour faire signe au vieil homme de ne pas bouger.

Le médaillon de loup contre sa gorge s'agitait bien trop à son goût.

Il prépara sa lame d'argent, marchant courber à tout petits pas. Un bruit parvint à ses oreilles affutées. Sous ses pieds.

- Reculez, ordonna Geralt en se mettant en garde.

Le vieil homme ne se le fit pas dire deux fois. Juste à temps parce qu'une immense plante, haute comme trois hommes, jaillit du sol, des restes d'ossements humains prisonniers dans les longues tiges qui lui servaient de corps, agitant sa couronne fleurie au-dessus de sa tête. Sauf qu'à la place de sympathiques pétales, il était devant une mâchoire végétale peu rassurante. D'instinct, le Sorceleur leva sa lame, déviant un jet d'épines empoisonnées que lui avait jeté à la figure le monstre.

Geralt avait déjà vu des ekynoppes, qui faisait autour des deux mètres de haut avec leur gueule rouge pâle, signe qu'ils étaient sur les lieux d'un crime terrible qui avait offensé la terre et lui faisait réclamer vengeance sans épargner les innocents. Il se souvenait aussi des ekynoppyres, qui faisaient quand même la taille au-dessus, dans les deux mètres trente, ou deux quarante, avec leurs tiges mauves et leurs pétales rose pâle. Ces plantes, c'étaient quand il était question d'un crime si grave qu'il en terrorisait les hommes et en offensait les dieux. Mais devant l'ekynoppyre massive qu'il avait devant les yeux, le Loup Blanc se dit qu'il ne voulait pas savoir de quel genre de crime elle avait tiré ses forces.

Sa lame d'argent siffla autour de lui dans un style rapide pour compenser l'agilité et la vitesse de la plante qui profitait de sa taille et de sa hauteur pour l'attaquer, ne lui laissant pas le temps d'esquiver ses attaques. Au milieu d'une pirouette, il coupa son enchaînement pour lancer un signe magique qui embrasa la plante, l'incinérant lentement.

Le problème avec ce genre de monstre était qu'en plus d'être impossible à renverser et paralyser, ça n'en avait rien à faire du poison et ça ne saignait pas. La meilleure chose à faire, c'était de s'assurer que le feu prenne bien sur elle ou de la découper en morceaux, sauf que pour une fleur, c'était sacrément solide, et l'arme aiguisée du sorceleur ne faisait pas beaucoup de dégât.

Ce fut donc avec un grand soulagement qu'il fit tomber la plante à terre et lui coupa sa couronne florale. Avec des gestes secs, il noua le restant de tige à son crochet à trophée. Vincent avait parlé d'une plante meurtrière dans les marais, donc, à moins que les ekynoppyre ait décidé de changer de soupe…

- Si je vous dis de reculer ou de courir, faîtes-le, ordonna froidement Geralt en reprenant la route.

- D'accord, accorda le vieil homme.

Ils reprirent leur avancée au travers des marais, croisant des noyeurs et des monstres horribles, gluants, puants bien trop proches des sangsues, même si ça faisait la taille d'un homme, qu'étaient les bloedzuigers. Par contre, ils croisèrent d'autres ekynoppyres et ekynoppes qui rassurèrent Geralt par le simple fait qu'elles avaient une taille et une vitesse plus raisonnables par rapport au monstre qu'il avait tué juste avant. C'était juste une bête particulièrement grande, rien de bien inquiétant.

Puis, enfin, ils arrivèrent en bout de route, devant une statue de Melitèle qui devait être visitée régulièrement en dépit du danger, si on en croyait les offrandes et les bougies allumées.

- Nous y sommes ! Merci mon garçon ! sourit le vieil homme.

- Je ne suis pas votre garçon, lui dit froidement Geralt.

- J't'aime bien, toi et ta copine ! Vous devriez me rendre visite un de ces jours, j'ai des livres intéressants ! Je vous ferai du thé et du goulash !

Geralt voyait mal où le vieil homme pouvait trouver de la viande pour le plat, à part en le prenant sur les monstres ; après tout, la viande de wyvern était comestible, mais le vieux n'était certainement pas en état pour en chasser. Le sorceleur haussa les épaules. Tant qu'Ann courait toujours après le gosse des briquetiers, il pouvait bien répondre à l'invitation.

- T'es un Sorceleur, non ? continua le vieil homme. J'en ai rencontré un comme vous récemment. Mais il manquait franchement niveau courtoisie. Il m'a posé des questions sur le Cercle des Eléments dans les marécages.

Ce ne pouvait être que Berengar. Il savait peut-être ce qu'il s'était passé.

- Un autre Sorceleur ? Qu'est-ce que vous pouvez me dire à son sujet ? interrogea le Loup Blanc.

- Pas grand-chose, mon garçon. Il a erré dans le coin, posé des questions, avec l'air de quelqu'un qui a l'estomac bien dérangé.

- Ce n'est pas vraiment le genre d'informations qui m'intéresse.

- Je m'en doute ! Je peux dire en tout cas qu'il avait peur de quelque chose, ou de quelqu'un. Il a passé beaucoup de temps du côté des puits d'argiles dans lesquels ces idiots du village passent leur journée à creuser.

Cela confirmait donc que les deux corps étaient son œuvre et qu'il savait très certainement que la Salamandre en avait après les Sorceleurs en général.

- Merci vieil homme. Fais tes prières et je vais te raccompagner. Je vais accepter ton invitation.

- Merveilleux ! sourit le vieil homme. Eh bien, il est temps de prier pour un peu de paix.

Le vieillard se mit difficilement à genoux dans un concert de craquements et se mit à prier pendant que Geralt attendait à proximité.

.


.

Le sorceleur avait passé le temps à tuer quelques noyeurs et bloedzuigers tout en ramassant des plantes des marais. On n'a jamais assez d'ingrédients pour les élixirs. Puis, le vieil homme s'était relevé en grognant et avait invité Geralt à le suivre en parlant de tout, de rien, de tout ce qu'il savait de ces marécages, pendant que le loup gardait le silence. Ils suivirent une route à moitié envahie par l'eau et la végétation, devant parfois couper au travers les herbes pour cela. Pas de monstres sur la route, même si la présence d'un corps déchiqueté à moitié caché dans l'eau disait qu'un noyeur ou noyadé devait être à proximité. Ils étaient enfin arrivés devant des cabanes sur pilotis, dont l'une d'elle servait à garder du bois un maximum au sec en dépit de l'environnement humide. Sans un mot, Geralt porta une main à son médaillon qui s'était étrangement agité en se rapprochant de l'ilot où vivait le vieillard. Le sorceleur regarda autour de lui, dans les airs, le sol, mais il ne trouva rien qui puisse lui dire pourquoi son médaillon le mettait en garde.

Le vieil homme entra chez lui en premier et entraina presque immédiatement Geralt devant sa bibliothèque, l'invitant à se servir. Et les yeux de l'homme tombèrent immédiatement sur un livre à la couverture jaune dont le nom était gravé dans sa tête par la nécessité.

Ain Soph Aur.

- Je peux vous emprunter ce livre ? demanda Geralt en se retournant vers le vieil homme qui s'agitait pour allumer sa cheminée.

Le blanc se figea en voyant ce qu'il y avait sur la table.

- Oui, vas-y fils, sers-toi ! assura le vieil homme sans se retourner.

Le sorceleur l'ignora, observant un peu plus la table et la maison. Des décorations en ossements, certains encore sanglants. Contre la table, une collection de crânes humains avait été embrochée sur des piques faites d'os longs. Entre eux, des morceaux de viande. Sur la table, un crâne humain bien rongé et des restants de viande dans une assiette, dont ce que Geralt reconnut comme un cœur en dépit de son passage à la casserole, avec même un morceau de cervelle.

Un cannibale avait fait de cette hutte son domaine.

Les yeux du sorceleur se tournèrent vers le vieillard qui luttait toujours pour allumer le feu.

- Pépé, ce sont bien des ossements et un cerveau humains ? se fit confirmer froidement le Loup Blanc.

- Oui, confirma tranquillement le vieil homme en se redressant comme si c'était tout à fait normal.

- Et la viande ?

- Aussi.

- Dans des assiettes et un verre…

La façon dont Geralt leva le bras pour prendre son glaive d'acier disait clairement la suite des évènements. Le grand-père paniqua et leva les mains dans un geste qu'il voulait apaisant en longeant les murs pour contourner le Sorceleur.

- Pas besoin de s'énerver, laisse-moi t'expliquer !

- Quelles raisons peut donc avoir un cannibale ? gronda le sorceleur.

- T'as l'air un peu palot, tu veux pas manger quelque chose ?

Le sorceleur retira son glaive de son fourreau.

- Essaye donc de te justifier, gronda Geralt.

- J'aime la chair humaine ! se défendit le vieil homme en continuant de longer le mur. C'est bon pour la santé…. et ça a le même goût que le poulet ! Tu sais, une livre de viande humaine équivaut à…

- Epargne-moi les détails.

- Tu m'as demandé ! Après, j'ai des principes ! Par exemple, je ne mange jamais d'enfants !

- Que c'est admirable…

Le sarcasme dégoulinait de chaque lettre comme de l'huile.

- Pas besoin de sarcasme ! De temps à autre, je me fais un vieux druide ou un briquetier. Mais j'ai un faible pour la viande d'elfe ! C'est très goûteux et c'est naturellement infusé d'herbe avec un parfum de racines et d'herbes.

- Et pourquoi pas de la viande de nain ?

- Pouf. Trop ferme et filandreuse. Je crois que j'en ai mangé une fois, mais en vérité, je suis même pas certain que c'était bien de la viande de nain. Pour ma plus grande honte, j'ai dû me battre avec un noyeur pour ça. Le morceau que j'ai pu récolter n'avait plus grand-chose pour être identité.

- Ça suffit !

Qui serait assez stupide pour aller disputer de la viande à un noyeur ? Surtout un homme qui disait ne plus être assez fort pour manier sa hache ! Est-ce que son cinéma à l'autel de Melitèle était en fait un piège ? Très certainement. Combien s'étaient fait avoir par la comédie du vieil homme qui voulant aller rendre hommage à une déesse, pour ensuite se faire décimer par les monstres. Surtout que Geralt avait rencontré des ekynopses sur la route, comme par hasard. D'autant plus que s'il y avait bien une divinité contre le cannibalisme, c'était bien Melitèle.

- Tu ne mérites pas de vivre, gronda Geralt en se mettant en garde pour tuer le vieil homme.

- Attends ! s'écria le vieil homme en se recroquevillant un peu plus sur lui-même devant sa bibliothèque. Oui, tu peux me tuer, mais je serai bien plus utile vivant ! Je sais beaucoup de choses et je connais les marais comme ma poche ! Je pourrais t'être utile !

- Il est temps de mourir, monstre.

Le vieillard n'attendit pas plus pour se jeter par la porte qu'il referma dans son dos.

Geralt sortit juste en suivant, mais l'homme avait déjà disparu. Il était rapide, il avait donc une vitalité bien plus impressionnante que ce qu'il laissait paraître.

Contre sa gorge, son médaillon s'agita de nouveau.

Il tendit l'oreille et parvint à percevoir les bruits des pas de sa cible dans l'herbe, le faisant s'orienter vers le chemin qu'ils avaient emprunté en venant. En revenant sur l'ilot, il vit au loin des longues tiges d'Ekynopses et d'Ekynopyres. Rien que ça disait que le vieil homme avait dû commettre des meurtres immondes pour renflouer son garde-manger. Une véritable concentration de ces maudites plantes. Il les cultivait pour en avoir une dizaine dans un carré aussi réduit ?

- Aaaaaah !

Le vieil homme venait de sortir de derrière un arbre et fonçait sur Geralt en levant une hache et en poussant un puissant cri de guerre.

Le glaive d'acier le découpa en deux.

Un autre monstre venait de mourir sous sa lame.

Il ne restait plus que les plantes et il irait à la recherche de Portgas. Il ne voulait plus entendre parler de ce vieillard.

Plus jamais.

.


.

Ann avait couru comme une folle dans une large zone du marais à la recherche de l'enfant, mais ses pas la ramenèrent bientôt vers le village de briquetiers. Et bredouille en plus de ça. Elle refit son chignon en soupirant avant de se dire qu'il était temps de mettre au courant la vieille doyenne. Autant pour le nettoyage des puits d'argiles que pour ce qu'il était arrivé à l'enfant.

- Vous êtes Vaska ? demanda Ann en trouvant la vieille femme dont lui avait parlé Geralt.

- C'est mon nom, confirma la doyenne.

- Geralt m'a dit que c'est vous que les noyeurs du puits d'argiles dérangeaient. Je m'en suis occupée. Les deux corps sur la berge les attiraient, donc, je les ai brûlés. Ça sentira la chair cramée un moment, mais la zone est de nouveau utilisable. Apparemment, mon camarade et vous, vous vous êtes arrangés sur un prix de cinquante orins

La vieille femme la regarda avec surprise, avant de soupirer doucement. Elle montra la porte d'une maisonnette et la sorceleuse la suivit en répondant à l'invitation. L'intérieur était petit et spartiate. Au vu du feu à l'extérieur, il était possible que la cuisine soit faite au dehors, ne laissant dedans qu'une petite table, une maigre armoire, un tout petit lit, mais surtout, dans un coin bien propre et bien entretenu, un autel vodyanoi. Cela expliquait en bonne partie pourquoi personne du village n'avait émis de plainte au sujet des hommes-poissons. Ils devaient les vénérer ou au minimum, avoir une relation pacifique avec eux. La vieille femme alla à son placard qu'elle ouvrit, montrant un vide intersidérale comblé par quelques toiles d'araignées. Elle prit quelque chose dans le fond, avant de se détourner du placard avec une pierre dans sa main qui avait été entourée d'un cordon de cuir pour en faire un collier. Une belle pierre rouge, mais certainement pas précieuse. La façon dont le chat en métal dans le creux de la gorge de la sorceleuse s'agita indiqua qu'il y avait de la magie dans l'air, certainement venant de la pierre dans les mains de la doyenne.

- Vous vous êtes montrés si généreux, vous et votre camarade, et pourtant, je vous ai trompés. Je ne peux pas vous offrir d'argent. Mais je ne peux pas non plus ne pas vous récompenser.

Et elle tendit l'amulette de fortune à la brune.

- Prenez cette amulette. C'est le Sephirah Kezath, symbole de la Miséricorde. C'est le minimum que je puisse faire, enfant de l'océan.

La sorceleuse se retint de rouler des yeux. Elle avait cessé depuis le temps de demander pourquoi les anciens et certaines personnes sensibles l'appelaient comme ça. Soit on ne lui répondait pas, soit on lui donnait une explication sans queue ni tête qui ne faisait que cacher l'ignorance de son interlocuteur. Après des décennies à subir le même refrain, elle n'avait plus envie de se prendre la tête sur le sujet.

- J'accepte.

Elle n'allait pas se prendre la tête avec une vieille femme sans un rond qui lui donnait quand même un objet magique en échange.

- Merveilleux ! sourit la vielle femme.

Ann posa un genou à terre pour laisser la vieille dame lui passer l'amulette au cou, avant de se relever.

- A présent, nous pouvons nous préparer pour la venue des Seigneurs ! annonça la grand-mère.

Cela rappela à Ann l'étrange gamin qu'elle avait vu dans les marais.

- Qui sont ces Seigneurs ? s'enquit la sorceleuse.

Elle glissa l'amulette sous ses vêtements pour qu'on n'ait pas la tentation de l'attaquer afin de la lui voler. Elle n'avait pas envie de se prendre le chou avec des pickpockets et autres bandits de bas étages. S'habituant à la magie de la pierre, l'amulette de chat fini par cesser de vibrer.

- Nous vènerons et recevons la bénédiction de ceux qui vivent dans les profondeurs éternelles.

- Les Vodyanois, les hommes-poissons ? se fit confirmer la sorceleuse en montrant l'autel.

La grand-mère reconnaissante devint furie…

- Comment osez-vous ! Ces noms offensent les Seigneurs !

La D. leva les mains en reddition. Se disputer avec une personne âgée, ça ne servait à rien. Et surtout, elle n'était plus un gosse de vingt ans aujourd'hui pour vouloir chercher la bagarre ou avoir toujours raison. Si ces villageois voulaient faire un remix de l'histoire du Cauchemar d'Innsmouth, c'était leur souci, elle ne voulait pas s'en occuper, sauf si on la payait pour faire du nettoyage. Après, de ce qu'elle avait vu, les vodyanois restaient dans leur coin, alors…

- De Riv m'a dit que l'un de vos gosses avait disparu, non ? Ce ne serait pas un petit garçon très accroché à votre culte ?

- Vous l'avez vu ? demanda la grand-mère.

- Il trainait du côté des puits d'argiles. Je lui ai dit de rentrer chez lui, mais je ne sais pas ce qu'il a fait par la suite. J'ignorai encore qu'il était manquant. Surtout que j'avais déjà nettoyé la route entre votre village et les puits, donc, à moins qu'il se soit amusé à faire un bruit de tous les diables, il n'y a aucun moyen qu'un noyeur ou un bloedzuiger l'ait attaqué. J'ai couru un peu partout pour le retrouver, mais sans résultat.

- Les druides l'ont kidnappé pour le transformer en une dryade !

- Aucune chance. Même s'il est dans la bonne tranche d'âge, il n'a pas les bons organes reproducteurs pour devenir une dryade. Je peux leur demander s'ils ont vu l'enfant, mais ils ne l'auront pas enlevé. Les dryades se tournent vers les hommes simplement pour la procréation, et encore, elles vont préférer les elfes aux humains, parce que ce sont de meilleurs chasseurs et qu'ils respectent les anciennes traditions et la nature. Le garçon est simplement trop jeune pour ce genre de tâche.

- Merci, jeune fille. Puisse les Seigneurs te bénir dans ta quête.

- J'ai passé l'âge d'être considérée comme jeune, baa-san, mais merci pour la bénédiction.

Et Ann ressortit.

Elle expira profondément et ouvrit son Haki au marais pour percevoir la présence de Geralt. Elle le sentit venir vers le village par le nord-est. Qu'est-ce qu'il était allé faire là-bas, l'autel était pourtant à l'ouest ?

Elle marcha à sa rencontre pour le retrouver entrant tout juste au village, le visage toujours aussi imperturbable, mais les épaules raides et le regard légèrement plissé.

- Ben alors, et le vieux ? Tu l'as abandonné à son sort ? s'étonna la D.

- Me parle plus de lui, gronda Geralt.

Elle avait l'impression d'avoir loupé un épisode.

- Et je peux savoir pourquoi ?

- …

Le silence était un non, d'après elle.

- Bon, le soleil ne devrait pas tarder à se coucher. On fait quoi ? On retourne déjà au quai ou tu as une autre piste ?

Geralt ouvrit son sac et brandit un livre. Ain Soph Ur.

- D'accord, donc, on va voir Vivaldi, puis Kalkstein, comprit la brune.

- La barge ne reviendra pas avant minuit, donc, je voudrais en profiter pour récolter des ingrédients.

- Il y a apparemment des druides, on devrait trouver de quoi refaire le plein pour nos élixirs.

- Oui, je sais, la doyenne me l'a dit.

Et sans ajouter un mot de plus, il se mit en marche. Ann le regarda passer devant elle, soupira silencieusement et le suivit en retirant sa cape qu'elle accrocha à la lanière de son sac.

.


.

Ils avaient marché un moment dans les marais, tuant et dépeçant des monstres par dizaines sur leur passage, avant de tomber sur un camp de bucherons dont les ouvriers humains, sous la direction d'un nain (ce qui était en soit surprenant), s'étaient arrêtés pour la nuit. De là, on leur confirma la direction à prendre pour rejoindre la zone de la forêt appartenant aux druides. Et elle était facilement repérable. Non seulement l'entrée de la clairière en question était signalée par une sorte de portail avec un petit dolmen et quelques barrières en bois servant plus à la délimitation qu'à la protection vu leur espacement et leur côté ridiculement inutile. Mais en plus, juste au-dessus des arbres aux feuilles chatoyantes, non seulement le ciel était dégagé de toute la brume, mais la magie était visible à l'œil nu, donnant une atmosphère féérique, tranquille et presque rosée à tout ce cercle. En pénétrant dans la clairière, les médaillons des sorceleurs se mirent à vibrer sévèrement sous la magie des environs.

Il n'y avait pas que le décor qui disait qu'ils étaient en territoire druidique.

Ici, on entendait les oiseaux, on pouvait respirer pleinement l'odeur des fleurs. On pouvait voir une dryade assise au pied d'un arbre, avec pour tout vêtement, quelques bijoux de pierre et de bois, ainsi que des lianes feuillues qui ne cachaient strictement rien de son corps aux formes généreuses et à la peau verte. Plus loin, on rencontrait des vieux hommes, vêtus d'une bure, priant aux pieds des arbres ou s'occupant des plantes. Et le plus surprenant, ça restait les wyvernes. Pas plus grande qu'un chien, les sorceleurs savaient que ça restait des créatures sauvages ressemblant vaguement à un dragon, avec de la force et de crocs. Certainement pas le genre de créature à se balader pacifiquement autour des druides. On avait même quelques loups pacifiques dans les environs.

Un simple ilot de paix au milieu de la puanteur et du danger des marécages.

Ils dépassèrent l'entrée et ses étranges runes pour vraiment mettre un pied dans le territoire des druides. Les bêtes les regardèrent vaguement, mais retournèrent à leurs affaires.

- Des wyvernes… ils n'ont vraiment pas froid aux yeux, soupira Geralt.

- J'trouve ça plutôt cool ! Si rien ne pouvait remplacer Iro, j'aurais bien essayé d'apprivoiser une wyverne pour me tenir compagnie. Après, Vesemir me ferait très certainement la morale pour ça, sourit joyeusement la D. en s'accroupissant à proximité d'une des wyverne avec ses écailles souples jaunâtres.

Elle lui gratouilla le menton et comme un gros chien, le mini-dragon se roula sur le côté, les pattes levées comme pour demander à ce qu'on lui caresse le ventre.

- Je vais demander l'autorisation de récolter des ingrédients ici aux druides, dit Geralt en se détournant de la D.

Ann se remit sur ses pieds en finissant ses papouilles pour le reptile.

- Je vais voir la dryade, elle sait peut-être ce qu'il en est pour l'enfant. Demande aussi aux druides.

- Hm.

C'était toujours un immense plaisir de parler avec Geralt.

Elle remarqua un elfe aux longs cheveux et à la tenue sombre, assis contre un arbre, perdu dans ses pensées. Les queues d'écureuils tombant de son armure de fourrure noire disaient clairement que cet homme était un Scoia'tael.

Même si elle soutenait et comprenait leur cause, elle n'était pas là pour ça.

Elle continua sa route et finit par s'approcher de la dryade qui la regarda en souriant alors qu'elle glissait des fleurs rouges de bidents dans ses dreads d'un vert si sombre qu'ils en paraissaient noirs par endroit.

- Quelle surprise de te revoir, Deith ichaer, [*] surtout en compagnie de Gwynbleidd. A te voir, on dirait que cette magicienne a finalement trouvé un moyen lucratif de se débarrasser de toi.

- Je suis désolée, mais nous nous connaissons ? s'enquit Ann en fronçant les sourcils.

La dryade tapota le sol à côté d'elle et la D. s'y assit en retirant ses glaives de son dos pour être mieux assise.

- Je suis Morenn. Nous nous sommes vues très brièvement, quand j'étais encore en Brokilon. La magicienne est venue nous voir avec toi, tout juste transformée, et nous a proposé un échange de service. Toi, en échange de certains de nos secrets.

Un sourire amusé se dessina sur le visage de la dryade.

- Cela a été une cruelle déception pour cette femme de voir qu'on avait compris juste en un regard que tu n'étais pas une femelle naturelle. Et surtout, que même sans tes flammes, le brasier continuait de brûler dans ton sang, ne demandant qu'une étincelle pour s'étendre. Nous ne pouvions risquer nos forêts pour ça. Elle aurait eu peut-être plus de succès en s'adressant aux naïades.

- Je connaissais pas cette partie de l'histoire, et c'est vrai que toute ma période avec cette varh'he [**] est assez floue, avoua la sorceleuse. Elle a essayé de doubler les Chats, donc ?

- Elle avait déjà un accord avec eux ?

Ann ignora la main verte et calleuse de la dryade qui prit doucement son médaillon de métal entre ses doigts.

- Je suis la récompense du Droit de Surprise. Ce n'est pas parce que j'ai perdu ma virilité et mes flammes que j'en reste pas moins un brasier, pour reprendre vos termes. En attendant, malgré cette information inopinée, je voulais vous poser quelques questions. Déjà, vous avez une solution contre l'amnésie ? Le Loup grincheux a perdu la mémoire.

Geralt dut entendre qu'on parlait de lui vu le regard qu'il jeta en leur direction, faisant rire les deux femmes.

- Des choses méritent mieux de rester oubliées, mais j'ai de la peine pour lui, finit par répondre la femme des bois en ramenant ses genoux contre elle pour croiser ses bras dessus. Mes sœurs de Brokilon auraient peut-être eu une solution, mais moi, non.

- Toujours en guerre contre les humains ?

- Nous continuerons encore et toujours à défendre notre maison contre la brutalité qui a fait des humains les seigneurs de ce monde. Ces bois sont nos vies, nous mourrons pour eux s'il le faut. Cependant, notre fin est proche. Même si nous vivons plus longtemps qu'eux, notre nombre diminue. Eithne a donné l'ordre d'attaquer des villages humains pour capturer des fillettes afin de les transformer pour pallier ces morts, mais j'ai peur que ça ne soit pas suffisant.

- J'ai vu l'elfe. Projet de conception ? Il m'a l'air bon chasseur.

- C'est un leader des Ecureuils, il m'a déjà prouvé qu'il était bon chasseur et le sang des Aen Seidhe est puissant dans ses veines. Cependant, malgré son masque de chair Yaevinn est déjà vieux. Bien assez pour ne plus être apte à la conception. Tu as la curiosité d'un chat.

- Curiosity kills the cat, comme on dit chez moi. La curiosité tue le chat.

- Prends garde à ne pas y laisser tes moustaches, jeune chat.

- J'ai passé l'âge d'être vue comme jeune.

- Pas assez pour ne pas l'être à mes yeux, sourit la dryade avec humour. Tu voulais savoir autre chose ?

- Est-ce que vous, ou vos sœurs de Brokilons, auraient une idée de comment je pourrais retrouver mon genre d'origine. J'ai rien contre les femmes, j'en ai vu des fortes et des intimidantes et vous-même, vous êtes la preuve que vous êtes tout, sauf ce qu'on peut appeler un sexe faible. Cependant, je suis né homme, j'ai grandi comme un homme, je n'ai jamais eu l'envie de changer de genre, et même si j'ai appris à me désigner en tant que femme pour éviter les ennuis, je donnerai mes deux bras pour retrouver ma virilité.

- Je comprends ta requête et ton sentiment, mais nous sommes des dryades. Nous vivons avec la nature, nous faisons partie d'elle et ton changement de genre est contre-nature dans sa méthode de mise en place, et respire une magie sombre et douloureuse. Ce n'est pas de notre ressort. Il te faudrait l'aide d'une magicienne puissante, certainement du même niveau que celle qui t'a mise dans cet état. Ou alors, demander l'aide d'un dieu.

La dryade tendit une main vers Geralt qui venait les rejoindre.

- Tu es avec Geralt de Riv et nous savons l'intérêt que lui porte les magiciennes. Grâce à lui, tu peux peut-être demander de l'aide à, par exemple Triss Merigold ou Yennefer de Venderberg.

Le visage d'Ann se ferma à l'idée de s'adresser à ces femmes.

- Ou sinon, tu peux chercher auprès des divinités vivantes. Des Dieux.

- Je suis un D., je suis censée être l'ennemi des Dieux.

- Nous savons très bien aussi qu'il n'est pas question des mêmes divinités.

Et la dryade lui adressa un sourire mystérieux avant de tourner la tête vers Geralt.

- Les druides n'ont pas vu le garçon. Ils n'acceptent pas la présence d'enfant dans les parages, dit le Loup Blanc à Ann qui hocha la tête.

- Gwynbleidd, salua la dryade en souriant.

- Je ne vous comprends pas, lui dit clairement le sorceleur.

Ann se retint de grogner. Cet idiot avait oublié la Langue Ancienne. Ils n'étaient pas dans la merde.

- Cela veut dire Loup Blanc, traduisit avec amusement la femme nue. Dans ton cas, tu as de la chance, tes deux surnoms ne sont qu'un, seulement traduit. Pour ta camarade, elle en a deux différents. Chat Noir et Deith Ichaer pour Sang de Flammes.

Geralt leva un sourcil pour tout commentaire.

- Et il va sans dire que ta réputation te précède, Loup Blanc, continua la dryade. Vous cherchez quelque chose ?

- Un petit garçon du village des briquetiers a disparu et ils vous accusent de l'avoir enlevé pour le changer en dryade.

La dryade éclata de rire en secouant la tête, faisant voler ses dreads couleur forêt.

- Nous ne prenons que les enfants étant venus au monde en tant que fille, pas les garçons.

- Je ne faisais que m'en assurer.

- Je te montrerai bien d'où viennent les jeunes dryades…

- Mais on n'est pas là pour ça et les sorceleurs sont stériles, coupa Ann. Merci en tout cas pour les réponses. Ça m'évite de faire tout le chemin jusqu'à Brokilon. Bonne journée.

- De même, sourit la femme.

La D. se leva sous l'air perplexe de son compagnon.

- Nous rentrons ? demanda-t-elle.

- Allons cueillir quelques plantes par ici, puis nous rentrerons. Les druides nous ont donné leur accord.

- Prenez garde à ne pas trop prendre, avertit sévèrement la dryade.

Les deux sorceleurs hochèrent la tête, se mirent en route pour leur cueillette et passèrent à proximité de l'elfe assis dans les racines qui les salua :

- Bienvenus dans les clairières des druides, voyageurs.

- Salutation, répondit laconiquement Geralt.

- Ceádmil Yaevinn c'est bien ça ? salua Ann.

- C'est exact, sourit paisiblement l'elfe. C'est un endroit magnifique, non ? Je viens ici quand j'ai besoin de réfléchir et la paix de ses lieux aide à apaiser mon esprit. Même les sorceleurs sont les bienvenus ici.

Le semblant de bonne humeur des sorceleurs disparut. Et Geralt explicita le mieux leur sentiment avec son cynisme et son sarcasme légendaire :

- Un mot de plus sur moi qui accepte ma différence et trouve le foyer que je n'ai jamais eu et je vais me mettre à pleurer comme un bébé.

Un rictus un brin moqueur apparut furtivement sur le visage sans âge de l'elfe aux long cheveux noirs.

- Le sarcasme ne sert qu'à exposer vos inhibitions.

- Et merde, pourquoi il faut qu'on tombe sur le psy de la Scoia'tael ? gémit Ann en se massant le nez.

- J'ai passé des décennies avec les humains. Je trouve votre espèce aussi compliquée que les projets d'une puce.

- Décennies ? A vivre aussi longtemps parmi les humains, on ne peut que finir par devenir un peu plus comme eux, plus qu'on ne le voudrait de base, continua calmement le Loup Blanc.

- Parles-tu d'expérience, tueur de monstres ?

- Je suis une partisante de la Scoia'tael, mais franchement, les gars comme toi m'insupportent, siffla Ann.

- Il faut admettre qu'il n'a pas la langue dans sa poche, lui accorda le Loup avant de revenir vers l'elfe. Je suis Geralt de Riv, et elle, c'est Ann D. Portgas.

- Comme votre camarade l'a dit, mon nom est Yaevinn et je suis en effet de la Scoia'tael.

Il suffisait de voir la queue d'écureuil qui pendouillait de son brassard pour le comprendre.

- Pourriez-vous me rendre un service, puisque vous avez dit être sympathisante de la Scoia'tael ? demanda l'elfe à Ann.

- Portgas, les sorceleurs sont neutres, rappela à l'ordre Geralt.

- Neutre mon cul, de Riv ! rétorqua la brune. C'est peut-être ton truc de te faire embrocher par une fourche durant les pogroms contre les non-humains, mais le mien, c'est de prendre violemment le nez des connards qui décident et de le mettre en face de leur merde ! Donc, Yaevinn, en quoi je peux aider ?

Toujours sans la moindre expression, l'elfe lui tendit une lettre.

- J'ai besoin que cette lettre soit livrée à Wyzima où je ne suis, bien entendu, pas le bienvenu. En tant que Sorceleuse, je doute que vous aurez des difficultés avec les monstres sur le chemin ou même avec les gardes de la ville.

- Pour qui ?

- Je vous…

- Abrège et dis-nous qui, soupira Geralt.

- Nous ? s'étonna Ann.

Son compagnon ne lui donna aucune réponse.

- Bon, nous donc.

- Vivaldi, un nain.

- Je pense savoir ce que vous voulez lui demander et je sais d'avance que la question aura une réponse négative ! ricana Ann.

- Je vous en suis redevable.

- De rien. Cependant…

Elle se pencha vers lui et lui dit avec un sourire froid :

- La prochaine fois que tu nous prends pour de simples dhoin'ne en t'adressant à nous, je risque de ne pas être aussi gentille. Alors, ne tire pas la queue du chat noir, c'est pas recommandable.

Et elle se redressa avant de regarder Geralt.

- On fait notre récolte ?

Le blanc se contenta de hocher la tête et ils s'éloignèrent pour commencer à récolter des herbes, contournant les monolithes des environs, dont celui faisant partie du cercle des éléments.

- Je me demande s'ils ont eu du mal à les dresser, commenta Ann en examinant quelques plantes dans un buisson. Imagine les morts et les accidents.

- Juste un idiot qui a voulu brosser les dents d'une wyverne, répondit laconiquement le blanc.

Ann retint un rire. L'idiot en question ne devait plus avoir de main suite aux faits.

.


.

Il était tard quand Geralt entra dans l'hôpital du prophète St Lebioda. Il remonta à pas rapides la grande allée en jetant un coup d'œil à chaque alcôve avant de trouver ce qu'il cherchait. Le prisonnier de la Salamandre agonisait sur une paillasse au fond d'une des alcôves, avec deux gardes autour de lui.

Gardes qui sortirent leur hallebarde pour empêcher le Sorceleur de s'approcher.

- Restez loin du prisonnier !

- Je vous apporte de quoi boire, annonça le blanc en brandissant deux bouteilles de vodka témérienne qu'il utilisait normalement pour base de ses élixirs.

La tentation était forte dans le regard des gardes, mais ils refusèrent l'alcool. En soupirant, le sorceleur rangea les bouteilles dans son sac de voyage et fouilla jusqu'à trouver sa bourse. Prenant garde à ne pas la sortir, il l'ouvrit à l'aveuglette et compta quelques pièces qu'il garda dans son poing. Il le ressortit du sac et étala l'or sur sa paume ouverte. La cupidité fit briller la prunelle des soldats qui échangèrent un regard.

- Je veux poser des questions au prisonnier, on devrait s'arranger, non ?

Il compta les pièces dans sa main et en tendit la moitié au second garde. De nouveau, les deux soldats témériens échangèrent un regard. Mais avant que l'argent ne change de main, le prisonnier à l'agonie se mit à gémir.

- Aaaaagh… Ghhh…

Il essayait de parler et pour le coup, même les gardes étaient intéressés.

Difficilement, entre deux gémissements, le nom de Kalkstein sortit entre les lèvres du malade. Mais rien de plus, puisqu'il s'évanouit.

- Il a perdu connaissance ! Fous l'camp ! gronda un des soldats alors que Geralt rangeait l'argent.

Mais le sorceleur l'ignora. Il entendait des bruits de lutte dans le couloir. Il se dépêcha de rejoindre l'allée principale de l'hôpital pour voir une bande de voyous en arme hurlant comme des putois en se dirigeant vers lui, l'arme levée. Le bruit finit par atteindre les soldats qui vinrent voir ce qu'il se passait.

- Fichus bandits ! Le Boucanier les a envoyés ! gronda l'un des soldats.

Les trois hommes se mirent en garde et bientôt, le sang commença à couler.

- Mais que signifie tout ce boucan ! Il y en a qui essaye d'étudier en paix !

La bataille s'interrompit un instant, comme un arrêt sur image. Un homme, vêtu dans la tenue noire et inquiétante des docteurs de la peste, venait de sortir d'une salle adjacente à la statue de Melitèle. Le visage de l'individu, recouvert du masque blanc en forme de bec d'oiseau si typique de la profession, se baissa légèrement pour mieux voir la scène. Il vit les corps par terre, puis les bandits qui s'étaient figés avec les soldats et le sorceleur dans leur combat. L'homme ne perdit pas de temps à faire l'addition tout seul.

- Eh bien ! Qu'est-ce que vous attendez ! Finissez donc rapidement cette affaire ! Je vais avoir beaucoup de travail avec tous ces nouveaux corps et je n'ai pas toute la nuit devant moi ! Faîtes-moi signe quand vous en aurez fini !

Et il retourna à ses affaires, suivi du regard par les hommes toujours en arrêt. Dès qu'il eut disparu du couloir, tout le monde se remit en marche et les têtes commencèrent bien vite à tomber quand les bandits ne finissaient pas tout simplement empalés dans les hallebardes des soldats. Le combat fini, Geralt agita son glaive pour en faire tomber le sang.

- Qui est-ce ? demanda le Loup Blanc en montrant la porte par laquelle l'étrange homme avait disparu.

- Neroc Tomer, un médecin d'Oxenfurt, le meilleur spécialiste de la peste catrionna. C'est aussi le croquemort de la ville, expliqua un des soldats. Il est…

L'homme fit un geste de sa main près de sa tête pour bien signifier son opinion sur la santé mentale du médecin.

- Je vois. Bonne chance.

Et avant qu'on ne puisse le retenir, Geralt s'en allait de l'hôpital à pas rapides. Il avait un rapport à faire à Raymond, puis à Portgas. Il sortit dehors et grogna en réalisant qu'il pleuvait des cordes. Une véritable tourmente. Courant sous la pluie, le sorceleur quitta le quartier de l'hôpital pour rejoindre le bureau du détective, serrant les dents sous l'eau qui se déversait furieusement des réservoirs du ciel.

En arrivant enfin devant chez Raymond, il remarqua que le détective était encore debout, puisqu'il se tenait derrière une des fenêtres du rez-de-chaussée pour regarder la pluie. En remarquant le mutant, l'homme se retira de sa fenêtre pour lui ouvrir la porte et l'inviter à entrer.

- Sale temps, n'est-ce pas Loup Blanc.

Le grognement d'ours mal-léché voulait tout dire. Geralt s'ébroua, laissant ses longs cheveux dégouliner sur le sol en les essorant vaguement, avant de se redresser. Raymond tira un tabouret de sa table et alla fouiller ses placards pour en sortir une bouteille d'alcool fort et deux gros verres. Répondant à l'invitation, le sorceleur alla s'asseoir sur le tabouret et remercia le détective quand celui-ci les servit tous les deux en alcool pour qu'ils puissent se réchauffer.

- Alors ? Quoi que ce soit de nouveau ?

- Donc, concernant le capitaine de la garde. Vincent est hors de cause, on a une preuve irréfutable qu'il travail contre la Salamandre.

- C'est surprenant, commenta Raymond. Certain qu'il n'a pas essayé de vous embrouiller ?

- Sûr et certain. Il cache quelque chose, c'est un fait, mais il ne travaille pas pour la Salamandre.

- Eh bien, je vais le retirer de notre liste de suspects, pour l'instant. Je trouverai bien une explication plus tard. Quelque chose d'autre ?

- J'ai pu approcher le prisonnier.

- Il a craché quoi que ce soit ?

- Pas eu le temps. Les hommes du Boucanier ont attaqué.

Raymond fronça des sourcils.

- Certain ?

- La garde a identifié ses hommes.

- C'est étrange.

Raymond se leva, abandonnant son verre sur la table et se mit à faire les cents pas dans la pièce.

- Le Boucanier veut la disparition de la Salamandre qui empiète sur son territoire et effraie ses filles, à moins que quelque chose se soit passé pour en faire des alliés, mais dans ce cas-là, je ne suis pas au courant…

- Intimidation ou corruption, proposa Geralt.

- C'est à vérifier. C'est tout ?

- Le prisonnier a dit un mot : Kalkstein.

Raymond se tourna vers Geralt en agitant son doigt.

- C'est logique. Kalkstein est connu pour être un talentueux alchimiste. Il pourrait très bien aider Javed avec ses expérimentations.

Le sorceleur secoua la tête.

- Portgas et moi avons rencontré Kalkstein. L'accuser d'avoir une araignée au plafond, je veux bien, mais il n'a rien d'un criminel.

- C'est possible, mais nous avons besoin d'étudier toutes les pistes. Mettons-nous au travail. Je vais poser des questions en ville, parler avec mes contacts. Pendant ce temps, vous et Portgas, gagnez sa confiance pour le garder à l'œil. Obtenez sa confiance, apprenez ses plans et ses secrets.

- Une façon particulière de procéder ?

- Patience, intima Raymond en se rasseyant. C'est comme la pêche.

- Je préfère la chasse, rétorqua Geralt.

- Gagnez sa confiance, rendez-lui service. Apprenez quelque chose d'intéressant pour lui. Vous pourriez vous faire embaucher par lui.

- Déjà fait.

- Alors continuez jusqu'à tout savoir sur lui. Ah et parlez au Boucanier, mais ne poussez pas trop, il a le sang chaud.

- Portgas l'a tout autant, si ce n'est plus.

.


.

Ann referma en soupirant sa porte, trempée jusqu'aux os.

Elle avait fait mordre la poussière aux hommes qui faisaient chier les filles de Carmen, elle pouvait se reposer à présent. Ou peut-être aller voir où en était Geralt.

Saluant de la tête la vampire qui gardait son domicile en son absence, la brune alla se caser devant la cheminée qu'elle alluma, alors qu'Albina s'en allait sous la pluie pour rejoindre certainement la maison close. Le D. ne s'en occupa pas, elle en avait assez de courir pour aujourd'hui. Elle en avait plein les pattes après les marais. Elle irait voir Vivaldi demain pour la lettre.

Elle retira ses glaives et allait se défaire de ses poignards quand la porte dans son dos s'ouvrit.

Cling !

La dague qu'Ann lança par instinct vers l'entrée fut déviée par un glaive. Elle allait saisir une seconde lame quand elle réalisa que ce n'était que Geralt qui venait d'entrer.

- Ah. C'est toi, reconnut la brune.

Une odeur caractéristique vint chatouiller ses narines qui réalisa que son camarade était très tendu.

- L'interrogatoire du prisonnier ne s'est pas bien passé ?

- Des bandits m'ont coupé durant mon interrogatoire. La seule chose que j'ai pu obtenir est le nom de Kalkstein. Suite à ça, il a perdu connaissance. Un coup du Boucanier.

- Donc, deux personnes à interroger. Retourne-toi s'il te plaît, je suis trempée.

Ann retira la veste de cuir sur sa tunique blanche qui laissait voir ses formes par transparence. Comprenant le message, Geralt lui tourna le dos, permettant à la femme de se débarrasser de sa tunique mouillée et de l'étendre devant la cheminée allumée pour qu'elle sèche. Elle fouilla son sac à la recherche d'un change sec. Par curiosité, le loup jeta un œil par-dessus son épaule pour voir sa camarade. Elle était maigre et avec une poitrine presque absente comme le laissait suggérer ses vêtements en général. Sur son dos, qui était ce qu'il voyait le mieux puisqu'elle lui tournait presque le dos, il y avait des tas de cicatrices. Une griffure dans le bas des reins, certainement résultat d'un affrontement avec un griffon ; des marques de tortures sur le reste du corps, comme si elle avait été fouettée ; une morsure imposante sur un de ses flancs et une longue et fine cicatrice descendant de l'épaule droite jusqu'aux côtes. La plus impressionnante restait certainement celle au milieu du dos, là où elle avait un immense tatouage mauve qui rappelait un drapeau pirate. En son centre, juste au niveau du cœur, un disque de chair était totalement brûlé. Et il faisait la taille du poing d'un golem.

- HEP ! rouspéta Ann en le prenant la main dans le sac.

Geralt leva les mains en détournant la tête pour regarder de nouveau devant lui.

- C'est mon seul avertissement de Riv !

- Message reçu, assura le blanc.

Il entendit la brune se remettre en mouvement, le laissant debout au milieu de la pièce à faire face à la porte.

- Sacré tatouage. Tu as fait de la piraterie en dépit du code des sorceleurs ? s'enquit Geralt pour couper le silence.

- Pour ta culture, tu sauras que l'Ecole du Chat se torche le cul avec le code des sorceleurs. C'est oncle Vesemir qui me l'a appris et je lui en suis reconnaissante. Concernant ma période pirate, t'es pas dans le bon ordre chronologique.

- Les pirates ne prennent pas de jeunes enfants sur leurs navires, sauf en esclave, prisonnier ou je ne sais quoi. Tu n'aurais pas pu être pirate, puis être prise par les Chats pour subir les mutations.

- C'est ce qui a été fait. Reste bien de dos.

Elle retira ses lames de ses jambes alors qu'elle avait fini par enfiler une nouvelle tunique et défit son pantalon de cuir avec difficulté. Le cuir et l'eau ne faisaient jamais bon ménage. Heureusement, le semblant de sous-vêtement qu'elle avait dessous était sec. Elle étala le pantalon devant la cheminée et s'assit sur son couchage pour s'enrouler dans la couverture pour se réchauffer.

Qu'est-ce qu'elle aimerait retrouver son mera mera dans ces conditions.

- Si tu veux te changer, je suis face au feu, informa-t-elle.

Geralt se retourna pour la voir assise en tailleur devant le feu, la couverture sur ses épaules.

- Explique-moi s'il te plaît, j'ai dû mal à suivre, demanda le loup en allant récupérer ses affaires.

Il se débarrassa de ses glaives et de son gilet avant de fouiller son sac pour du change sec. Il jeta un regard à sa camarade pensive qui finit par soupirer avant de lui cracher le morceau :

- Le Droit de Surprise. Tu en as déjà fait usage, donc, je ne t'apprends rien en disant que c'est comme ça que je suis devenue sorceleuse.

- Je te rappelle que je suis amnésique, Portgas.

- Lorsqu'on sauve quelqu'un, sans qu'il y ait un contrat fait préalable, soit on réclame de l'or ou quelque chose de précis, soit on s'en remet au Droit de Surprise. Il y a deux variantes. Celle qui dit que la récompense sera la première chose qui viendra te saluer à ton retour chez toi. Ce qui peut aller au chien heureux du retour de son maître, un soldat aux portes ou une belle-mère de mauvaise humeur. La seconde variante, c'est « ce que tu trouveras chez toi, mais que tu n'attendais pas ». Il arrive quelques fois que ce soit un amant retrouvé dans le lit d'une épouse infidèle, mais généralement, par je ne sais quel tour du destin, ce sont des enfants que les époux découvrent en revenant de la guerre, ignorant être parti combattre en laissant une épouse enceinte derrière. Vesemir m'a dit qu'outre l'école du Chat qui n'en avait rien à faire, quand il était question d'une fillette, les sorceleurs les échangeaient contre des garçons avec les dryades de Brokilon, ou alors leur en faisait cadeau si elles n'avaient pas de garçonnet sous la main. Dans mon cas, il est question de la putain de foutue magicienne de merde qui porte cette saloperie de nom de Philippa Eillart.

Geralt continua de se changer dans son dos, se contentant de lever un sourcil devant la haine évidente de sa camarade pour la magicienne.

- Elle avait une dette auprès de Schröndinger, de l'école du Chat. Et malheureusement, en rentrant chez elle, c'est moi qu'elle a vue. J'avais tout juste vingt et un ans, je crois, à l'époque.

Le Loup s'arrêta et la regarda. Aucune école de sorceleur n'aurait pris un adulte pour lui faire subir la mutation. Avec un corps déjà formé, tenter de faire les mutations n'étaient qu'une perte de temps pour les sorceleurs et la mort assurée pour le cobaye.

- Je me souviens plus exactement de comment j'ai fini chez elle. J'étais malade, fiévreuse, presque mourante. Mais j'ai eu le malheur de l'intéresser. Alors, elle m'a ramenée dans son laboratoire et m'a étudiée.

Un frisson parcourut le corps du Chat Noir.

- Cette salope n'a pas simplement violé mon corps. Mon esprit, mes souvenirs y sont passés. Elle m'a transformé, volé, étudié, au point de me prendre des morceaux essentiels de mon identité. Elle a réussi à corrompre mon corps. Quand elle en a eu assez de faire joujou avec moi, elle a d'abord essayé de me livrer aux dryades, en échanges de quelques-uns de leurs secrets, mais elles ont vu au travers les manipulations qu'elle avait faites sur mon corps et la vérité était que je serais un danger pour leurs forêts. Alors, finalement, elle m'a offert aux chats pour ainsi respecter le Droit de Surprise.

- Ils n'auraient pas pris un adulte et les dryades non-plus, réfuta Geralt.

- Exact. Mais les chats n'ont pas vu et ne savent pas que j'étais une adulte à l'époque. Philippa a rajeuni mon corps durant une de ses expérimentations. Quand elle m'a refourguée à Schrödinger, j'avais l'apparence d'une enfant de sept ans, mais avec l'esprit et l'expérience d'une commandante pirate qui avait vécu le triple. C'est cette expérience qui m'a permis de terminer rapidement ma formation, même si leur façon de m'affamer pour lutter contre mon appétit hors norme et les mutations ont pris plus de temps pour moi que pour les autres jeunes.

- C'est pour ça que Vesemir disait que tu étais celle qui avait réussi à s'élever au rang de sorceleuse le plus rapidement, dans toute l'histoire de nos écoles.

- Ouais. Oncle Vesemir est le seul à qui j'ai raconté la totalité de mon histoire. Je t'ai raconté qu'un bout, il faudra du temps avant que je te raconte la suite.

Geralt termina d'enfiler sa tunique sur le court pantalon de toile qui lui servait de sous-vêtement et alla étendre ses vêtements devant la cheminée avant de s'asseoir sur son propre couchage. Un regard à sa comparse qui fixait toujours le feu, comme si les flammes l'hypnotisaient, et il remarqua la tâche dorée à son doigt. Tâche brillante sur laquelle le feu se reflétait qu'elle faisait tourner lentement autour de son annulaire.

- C'est donc avant de devenir sorceleuse que tu t'es mariée. Tu as eu l'occasion de le retrouver ?

Ann défit son chignon et laissa ses dreads tomber sur ses épaules avant de faire non de la tête.

- Marco était potentiellement immortel, mais même lui n'a pas vu les limites de ses dons, donc, rien ne me dit qu'il est toujours vivant. Mais il est trop loin. Je sais que je ne peux pas le retrouver. Peut-être mieux ainsi. Après ce qu'il s'est passé, c'est peut-être ma punition et je l'accepte, chuchota amèrement la brune.

Elle soupira et s'allongea en tournant le dos à son comparse. Geralt la regarda en silence, avant de rapporter son attention sur le feu.

- Ne, Geralt ?

Le blanc tourna la tête pour regarder la brune qui lui tournait toujours le dos, se demandant pourquoi elle utilisait son prénom brusquement.

- Si je te dis Ciri, est-ce que ça te parle ?

Ciri…

Geralt renversa la tête vers le plafond pour observer le jeu de lumière de la cheminée et du croissant de lune au dehors avec la pluie.

Ciri…

Il sentit son cœur se serrer douloureusement et l'inquiétude pompée dans ses veines. Pourquoi ce simple nom lui faisait autant d'effet ? Que représentait-il ?

- Tout espoir n'est pas perdu pour ta mémoire.

Geralt rapporta son attention sur sa camarade qui le fixait de ses yeux d'argents par-dessus son épaule, avant qu'elle ne lui tourne le dos de nouveau.

- Oyasumi.

En soupirant, le Loup Blanc s'allongea à son tour et croisa ses bras sous sa nuque.

Que représentait donc le nom de Ciri pour lui pour qu'il ressente ce genre d'émotion si étrange pour lui.

.


.

Vivaldi accueillit Ann qui se présenta comme une collègue de Geralt afin d'obtenir le livre dont ils avaient besoin.

- Je n'ai besoin que de prendre quelques notes à son sujet et je vous le rends certainement dans la journée, expliqua la brune qui s'était accroupie pour rester au niveau du nain.

- J'ai votre parole ?

- Je n'en ai qu'une. Tenez.

Ann retira de son cou son amulette du chat et la donna au nain.

- Je reviendrai pour cette amulette et pour vous rendre votre livre.

Le nain prit le bijou de métal et hocha la tête. Il alla ouvrir la caisse qui contenait ses maigres effets personnels et fouilla dedans avant d'en sortir un livre qu'il donna à la brune.

- Je vous en remercie. Ah, et j'ai une lettre pour vous. D'un elfe du nom de Yaevinn, pas l'individu le plus sympathique de ce monde.

Le nain se rembrunit en prenant l'enveloppe qu'elle lui donna.

- Je suis d'accord avec le commentaire sur Yaevinn. Je n'ai même pas besoin de le lire, je sais ce qu'il veut, Sorceleuse. Vous savez, que ce soit les elfes, les humains ou les nains, ils veulent tous la même chose…

- Des naines ? proposa la D. en riant.

- Très intelligent ! Cassez-vous, revenez plus tard et j'aurai une réponse à vous donner, maugréa le nain qui ne trouvait pas ça drôle.

Ann eut un semblant de révérence humoristique et sortit, s'écartant du chemin devant la porte pour permettre à un autre nain, qu'elle avait vu discutant avec Geralt, d'entré avant qu'elle ne puisse sortir à son tour.

Elle remonta la rue et alla voir Kalkstein pour lui montrer les livres, sachant qu'à côté, Geralt devait être en train de rencontrer Leuvaarden pour lui signaler qu'ils avaient nettoyé le quai du marais. Combien de temps avant les noyeurs et noyadés ne s'y réinstallent ?

Elle fronça les sourcils en se souvenant d'un contrat concernant des noyadés, par la Rose Ardente. Elle devrait aller voir ce Siegfried pour confirmation à ce sujet. Mais déjà, cette affaire de tour. Ah et il y avait aussi cette affaire d'ekynopse, non. C'était le jardinier qui avait fait une demande à ce sujet.

Ann soupira en se massant les tempes.

Elle et sa mémoire. Elle devrait vraiment arrêter de mettre le feu aux contrats qu'elle n'avait pas encore accomplis.

Elle se mordit le pouce et se mit à faire les cents pas.

Ah oui ! Elle avait aussi un contrat pour de la graisse de chien servant à la fabrication des cercueils !

Elle s'arrêta et regarda le malheureux chien qui passa devant elle en reniflant doucement le sol.

Oui, non, celui-là, elle pouvait l'oublier.

Elle soupira et alla toquer à la porte de l'alchimiste qui vint lui ouvrir avec un immense sourire, avant de l'inviter en bas dans son laboratoire pour discuter. Pendant que le scientifique retournait à ses manipulations, elle-même s'assit sur les marches pour faire son rapport.

- Donc, j'ai réussi à réunir quelques informations nouvelles au sujet de la Tour, avec l'aide de de Riv.

Cela eut le don d'intéresser grandement l'alchimiste qui la pressa de lui délivrer les informations. Pour toute réponse, Ann sortit les livres qui avaient été récoltés et les feuilleta pour finir par dire :

- Avant la tour actuelle, le magicien en avait érigé deux autres, mais elles se sont effondrées. Celle qui reste était à la fois son laboratoire et son domicile.

- Je le savais déjà, quoi que ce soit de plus ? s'enquit l'alchimiste en retournant à ses expériences avec des produits dangereux.

Ann lui adressa un regard noir et revint aux deux livres sur ses genoux qu'elle lisait :

- Il y a vécu jusqu'à ce qu'il disparaisse. Il est mort là-bas très certainement. Il a créé des golems d'argile à son service, mais c'est pas un exploit incroyable en soit.

Kalkstein s'arrêta dans les manipulations sur sa paillasse de laboratoire en bois et se tourna vers la brune.

- Cela confirmerait la légende de la Sentinelle, dit-il.

- On raconte aussi qu'il y aurait dix pierres dressées qui seraient reliées aux éléments de la vie et les lignes du destin qui ont mené à la création de toute chose. Et là, je lis bêtement sans même chercher à comprendre parce que même la langue Zerrikanienne, à côté, c'est du gâteau.

Kalksetin eut un air pensif avant de littéralement sauter de joie.

- Les Sephirots ! Les anciens parchemins avaient raison !

La sorceleuse ne chercha même pas à comprendre. Elle tourna une page et leva le livre en question.

- Celui-ci contient des indices sur la localisation des pierres dressées et des sephirots.

- Nous devons trouver les dix sephirots ! annonça l'alchimiste en lui prenant le livre des mains pour continuer à le feuilleter. J'en possède déjà une, il s'agit de Chocc'mah, la pierre de la Sagesse.

Il alla vers un petit coffre sur sa paillasse, l'ouvrit et en sortit une pierre carrée mauve, semblable dans sa forme à la pierre Kezath que lui avait remis la grand-mère.

- Kezath en fait partie ? se fit confirmer Ann en se levant.

- Oui, c'est l'une d'elle.

- Et une pierre bleue, assez clair, de même forme… je sais que de Riv en a trouvé une dans le cadavre de la cocatrice dans les égouts.

- Mmmmh… réfléchit l'alchimiste en continuant de regarder le livre. Cela ressemblerait à Maal'kad, qui symbolise le Royaume. Il en reste donc sept à trouver ! Vous êtes allée dans les marais, donc, vous avez dû voir le cercle d'obélisques qui entoure de loin la tour. De ce que je lis, une fois les dix pierres réunies, il faudra les placer dedans, il doit y avoir une encoche prévue à cet effet. Les runes réagiront à la pierre et le sortilège s'activera, permettant ainsi l'ouverture de la tour !

Kalkstein était tout bonnement fou de joie.

- Ah ! Si proche ! Quelle découverte ! Je vais pouvoir éradiquer les théories stupides de ces bons à rien de professeurs de l'académie de Oxenfurt ! Je vais les détruire ! Les écraser !

La sorceleuse le regarder avec les sourcils très haut sur son front large, l'air absolument perplexe.

- So…ka, marmonna-t-elle en grattant la brûlure autour de son œil gauche. En attendant, s'exciter tant qu'on a pas trouvé le reste des pierres, ça ne sert à rien. Et ça ne sera pas une tâche aisée. Ce qui est dit dans ces livres peut être considéré comme obscur et encore, je pèse mes mots.

- Navré, s'excusa le savant. Donnez-moi l'autre livre, je vais faire des annotations à ce sujet.

- Faîtes-les sur un parchemin à part, l'exemplaire des Passages secrets est un emprunt, je veux le rendre en l'état à son propriétaire.

.


.

Elle ressortit en examinant les notes de l'alchimiste d'un air pensif, avant de jeter un œil au soleil. Vivaldi devait avoir eu le temps d'écrire une réponse. Elle revint vers la maison du nain et toqua à la porte pour voir le nain aux cheveux quelque part entre le roux et le brun à barbe courte de tout à l'heure lui ouvrir.

- Oui ? Vous voulez quoi ?

- Je suis revenue comme promis rendre quelque chose à Vivaldi. Il est disponible ?

- Chivay, laisse-la rentrer ! lança la voix du banquier.

- Vous êtes attendue, ma bonne dame.

- Merci ! sourit joyeusement la brune.

- J'ai rarement vu des humains aussi agréables et joyeux, marmonna Zoltan.

- Si je devais pleurer pour tous mes malheurs, je passerai mon temps roulée en boule à chialer jusqu'à la fin des temps. Et je ne suis plus humaine depuis trèèèès longtemps.

Elle entra dans le taudis et rejoignit Vivaldi en lui présentant le livre.

- Merci encore de nous l'avoir prêté, c'était très instructif.

- Je l'espère, bougonna l'ancien banquier.

Il reprit son livre.

- Vous avez fini votre réponse pour Yaevinn, Vivaldi-san ?

- Comment vous m'avez appelé ? demanda suspicieusement le nain.

- Vivaldi-san ? San est une particule de ma langue d'origine pour dire monsieur. Il n'y a rien de plus neutre. Applicable à un homme autant qu'à une femme, à un inconnu autant qu'à son patron, et ça ne s'intéresse même pas à la race de l'interlocuteur, rassura la D.

- J'espère bien. Tenez, la voilà la réponse, l'elfe vous récompensera certainement.

- J'en doute mais c'est pas grave, je dois retourner dans les marais de toute façon.

- Tenez, ceci est à vous.

Et l'amulette du chat retourna dans la main de sa propriétaire.

- Aaaah ! Une sorceleuse ! comprit Zoltan avant de froncer les sourcils. Attendez, vous ne seriez pas Portgas D. Ann ?

- C'est moi, pourquoi ? s'étonna la D.

- Je suis un bon ami de Geral de Riv et il m'a dit qu'il vous cherchait !

- Il m'a trouvée, aucun problème là-dessus. Sore de wa… passez une bonne journée messieurs.

Et elle sortit de la maison. En marchant, elle coinça la lettre entre ses dents tout en rattachant son amulette autour de son cou. Bon et maintenant, où était Geralt ? Toujours à bosser sur la Salamandre certainement.

.


.


A.N 1 : Deith ichaer : Sang de flamme et Gwynbleiid : Loup Blanc

A.N 2 : Chienne. Ouep. Chienne.