Bonjour à tous !

Comment dire qu'en cette période, je me fais royalement chier.

Je pense que c'est votre cas à vous aussi, non ? C'est pourquoi, je me suis dit qu'une publication un peu à l'avance ne ferait de mal à personne. Donc, ce soir, je vous sors du Witcher, j'espère que vous apprécierez. Surtout avec les gros trucs que je lâche durant ce chapitre...

Merci à Misstykata pour son enthousiasme devant l'apparition de Neroc et je vous dis à bientôt pour la suite des aventures !

Restez bien à l'abri, faîtes pas les cons et prenez soin de vous.

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En dépit de l'étrange nuit qu'il avait vécue, Geralt avait des choses à faire. Et pour cela, il devait interroger le Boucanier pour savoir pourquoi ses hommes l'avaient empêché d'interroger le prisonnier de la Salamandre. Après avoir fait connaissance avec le glaive du Sorceleur, les gardes du Roi de la Pègre locale n'étaient plus en état de l'empêcher d'entrer. De toute façon, avec le nombre de truands dans les environs, ces deux malabars seraient facilement remplacés.

L'homme était occupé à écrire une lettre quand il vit son visiteur dans l'immense hangar qui lui servait de baraque.

- Qu'est-ce que tu veux, Loup ? demanda l'homme en guise de bonjour.

- J'ai des questions sur ceci, lui dit Geralt en le rejoignant à la table qui lui servait de bureau.

Debout devant son interlocuteur (puisqu'il n'y avait pas de seconde chaise), il jeta un écusson de la Salamandre sur le courrier du Boucanier. L'homme observa un instant l'objet, avant de relever les yeux vers Geralt. D'une pichenette, il dégagea le badge de son courrier.

- J'l'ai vu souvent. Ça t'pose problème ?

- Je ne suis pas d'humeur, avertit le sorceleur. Alors, tu ferais mieux de me dire tout ce que tu sais. Le nom de Azar, ça te parle ?

- J'ai une règle, gronda le truand en se levant de son siège, une main sur son arme. Avant de trancher la gorge de quelqu'un, je lui donne toujours un conseil. Il ne faut jamais me menacer.

Oui, Geralt avait bien fait de s'occuper de cette affaire et de ne pas laisser Ann sur le sujet.

- Assure-toi de bien t'en souvenir. Après tout… l'image, c'est important, non ?

- Ma camarade et moi avons constaté qu'à chaque fois qu'on parle de la Salamandre, tes hommes deviennent nerveux et se ferment immédiatement.

- Ils sont comme moi, ils n'aiment pas la Salamandre, lui répondit le truand.

- Je vois. Règlement de compte des bas-fonds, devina Geralt. Et qu'est-ce qui vous relie à Berengar ?

- Tu vas me ressortir le même discours que ta minette en disant que c'était ton frère ? se moqua le Boucanier en se rasseyant.

- Non, mais nous sommes tous les deux de l'école du Loup et de notre groupe, il est le seul qui manque à l'appel. Et je sais que la Salamandre est derrière tout ça, or, c'est grâce à tes gars que ses merdes ont fini chez Thaler.

- Tu choisis tes amis très mal. Berengar complotait avec la Salamandre et c'est pour ça qu'on l'avait à l'œil. Comme on dit, garde tes amis à proximité et tes ennemis encore plus.

Berengar qui complote avec la Salamandre ? Et puis quoi encore ? C'étaient des chasseurs de non-humains, ils n'avaient aucune raison de faire ami-ami avec un mutant !

- Il a disparu dans les marais, continua le Boucanier. Kalkstein a engagé un de mes gamins pour le trouver, qui a fini par disparaître. C'est tout. Maintenant casse-toi.

- Je n'ai pas dit que j'en avais fini. Des voyous à ton service m'ont attaqué hier soir à l'hôpital pendant que j'interrogeais un prisonnier de la Salamandre.

Le seigneur de la pègre eut un rire narquois.

- T'as perdu la tête ? Je les ai envoyés pour ramener un des nôtres !

- Je vois… songea le loup en faisant les connexions. J'ai compris la vérité derrière la Salamandre.

- Dis-moi tout, marmonna Boucanier en reprenant l'écriture de son message.

Geralt se mit à faire les cent pas pendant qu'il réfléchissait à l'affaire.

- Toi et tes hommes devenaient nerveux à la vue des badges de la Salamandre. Rien de surprenant quand vous luttez pour dominer le même terrain. Je sais qu'il cherche à faire main basse sur le réseau de fisstech et de ce que m'a coéquipière m'a dit, il essaye aussi de s'approprié l'influence sur les catins de la ville.

- T'es certain de ce que tu racontes ? demanda le Boucanier en le regardant avec un œil plissé.

- Oh oui, je peux sentir ta peur.

La bouche de l'homme était peut-être derrière un foulard, mais il n'était pas nécessaire de la voir pour deviner le rictus de colère qui déformait ses traits.

- Tu m'fais chier.

- Tu es persuadé que la Salamandre m'a envoyé avec Portgas pour te tuer. Et ce devait être la même chose avec Berangar.

- J'étais persuadé qu'il pourrait me conduire jusqu'au leader de la Salamandre, lui avoua le truand.

- Mais Berengar a disparu. Cependant, ton gars a réussi à apprendre quelque chose.

Le Boucanier soupira et reposa sa plume avant d'étaler ses mains bien à plat sur la table pour regarder Geralt qui avait cessé de faire les cent pas.

- Malheureusement, il s'est attiré les foudres de la Salamandre, puis les gardes l'ont capturé. Ceux que j'ai envoyé pour l'aider, tu les as découpés.

- Tes gars étaient nerveux. Nerveux et agressifs.

- Ils s'attendaient à une attaque de la Salamandre et t'ont pris pour l'un d'eux. Qu'est-ce que mon gars a raconté ?

- Pas grande chose, il était dans un sale état.

Le truand soupira et haussa les épaules.

- Dommage. Eh bien, ce n'était qu'un quiproquo. Allez, je te pardonne pour avoir tué mes gars.

Quelle générosité de sa part.

- Tu combats la Salamandre, et je les traque avec Portgas. On est dans le même camp.

- Exact. Comme tu le sais, Javed essaye de me prendre ma place et il a commencé avec les filles. Et tu sais pourquoi ? Moi je vais te le dire. Même si ça fait un bail qu'il a laissé la Zerrikani derrière lui et qu'il a fait des études pour devenir mage, au fond, il est toujours un putain de sauvage. Tu comprends maintenant ?

- Pas vraiment.

- C'est l'instant et l'instinct qui l'anime. Il pense avec sa bite de Zerrikanien. Et il a de drôles de fétiches…comme le feu.

Un adepte du SM un peu plus hardcore que les autres, donc ?

- Mes filles ont la trouille, et crois-moi, il en faut beaucoup pour les effrayer autant.

D'accord, donc, c'était plus que ça.

- Merci pour l'information.

- Aucun problème.

Geralt tourna les talons et quitta la baraque, laissant le truand retourner à ses affaires. Portgas allait rire en apprenant le fétichisme de Javed.

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Ann humait doucement en sautant d'ilot en ilot pour ne pas trop se mouiller les pieds. Pour au final, perdre sa maigre bonne humeur en réalisant que ce foutu Yaevinn n'était plus avec les druides. Après renseignement, il s'avéra qu'il avait rejoint un camp à l'autre bout du marécage.

Donc, elle devrait se mouiller les pieds.

Ultra génial.

Elle traversa donc aussi vite que possible les marais, passant à proximité d'une tour qui s'était effondrée sur elle-même et de larges groupes de monstres.

Après s'être fait poursuivre par un nombre faramineux de noyeurs et bloedzuiger, elle fut reconnaissante de voir une flèche la frôler alors qu'elle filait au travers les marais, pour aller se planter dans le crâne d'un noyadé derrière elle. Elle se retourna d'un bond, chargea un signe d'Igni entre ses doigts et le relâcha, cramant ceux à sa poursuite. Elle souffla profondément et leva les mains en signe de paix en percevant le son d'un arc qu'on bande.

- Ceádmil Scoia'tael. Je suis à la recherche de l'Aen Seidhe Yaevinn. Je lui apporte une réponse de Wyzima. Je suis la Sorceleuse Deith Ichaer ! annonça distinctement la femme pour ne pas se faire tirer dessus.

Elle perçut des murmures parmi les bruissements de l'eau. S'il y avait bien quelques trucs pour lesquels elle était contente de sa mutation, c'était pour les sens et les réflexes. Dans d'autres circonstances, elle n'aurait pas perçu le son de la conversation entre les elfes qui la gardaient en joue depuis le couvert des arbres. Toujours concentrée sur son audition, elle entendit des pas qui s'éloignaient. D'abord sur de la terre boueuse, puis sur du bois, certainement un petit pont pour traverser un maigre bras du marais. Ann garda les mains en l'air malgré les fourmis qu'elle commençait à avoir dans les doigts. Même si elle n'était pas la femme la plus patiente du monde, elle pouvait bien attendre un peu avant qu'on ne daigne venir à sa rencontre.

Enfin, les pas revinrent. Deux personnes si elle ne se trompait pas.

- Ceádmil vatt'ghern*, lança enfin une voix familière dans le dos de la brune.

Ann se retourna en laissant retomber ses bras pour voir que Yaevinn était sur une berge d'un ilot du marais.

- Ceádmil Aen Seidhe, salua-t-elle en faisant rouler ses épaules.

D'un geste de la main, il l'invita à le suivre et elle fut bien contente de retirer ses pieds de l'eau croupie qui s'infiltrait ses bottes, pour se poser sur les marécages. L'elfe la conduisit le long d'un court chemin, traversant un pont de bois de fortune. Ils pénétrèrent dans un campement rudimentaire. D'un coup d'œil rapide, elle nota plusieurs choses. D'une part, l'hostilité des elfes et des nains présents dans les lieux. Ensuite, le fait que tous portaient sur leur armure de fortune des queues d'écureuils. Et enfin, concernant le camp, il y avait deux autres choses à voir. Tout d'abord, les maigres habitations étaient soit dans les hauteurs des arbres et accessibles par des échelles, soit sous un camouflage de feuilles et de lianes, les rendant plus difficiles à voir de loin dans les marais. Et enfin, il y avait des cibles d'entraînements. Que ce soit pour l'épée ou l'arc. Et elles étaient toutes en court d'utilisation.

- Quelqu'un n'a pas chômé, commenta-t-elle. Un camp d'entraînement, donc ?

- Nous devons nous entraîner si nous voulons nous battre efficacement, lui répondit l'elfe.

Ann fit un tour sur elle-même pendant qu'ils marchaient, jetant un œil critique sur l'état des troupes.

- Ce n'est que mon opinion, tu en fais ce que tu veux, ce sont tes guerriers, mais je doute qu'ils puissent être efficaces dans tout autre chose que dans de l'infiltration ou de la guérilla.

- Est-ce que quelques pierres peuvent déclencher une avalanche ? Une ville entière peut-elle brûler avec une simple étincelle ? lui répondit l'elfe en s'asseyant par terre autour d'un feu de camp. Inutile de répondre, nous connaissons tous les deux la réponse.

Rivia était bien placée pour savoir comment une étincelle pouvait avoir raison d'une ville entière, mais c'était une autre histoire, elle comprenait son point. Le problème était que cet homme agissait trop comme un poète et pas assez comme un guerrier. Un idéaliste borné et haineux. Elle sentait sa haine et sa colère contre les humains, comme un hurlement de rage assourdi.

Foutu Haki.

Pourquoi avait-elle hérité de cette particularité de percevoir la Voix de Toute Chose ?

Décidant d'abréger, elle retira de sa veste une lettre et la lui donna.

- La réponse de Vivaldi.

- Il envoie donc des mots et non de l'or. Je m'en doutais, nota Yaevinn en prenant la lettre.

Une veine commença à palpiter sur le front de la D.

- Si tu me dis que j'ai fait un foutu aller-retour pour rien, je t'assure que ton unité aura besoin d'un autre chef, siffla-t-elle en posant une main sur un de ses nombreux poignards.

- Bien au contraire, Sorceleuse, assura l'elfe en parcourant la réponse des yeux. Vivaldi ne veut ou ne peut nous aider, et cela reste une information cruciale en soit. A-t-il dit pourquoi ?

Ann haussa des épaules.

- Tout Wyzima sait que des magouilles ont fait que sa banque a été récupérée par des humains. Il est sur la paille à présent.

Une lueur d'intérêt s'alluma dans le regard de l'elfe.

- Très intéressant. La banque fonctionne entre des mains humaines alors que Vivaldi a fait faillite. Merci beaucoup, Ann, vous me donnez une idée.

- A moins que je ne donne l'autorisation, je veux qu'on me nomme Portgas, rectifia Ann. Et toi et tes hommes avez vraiment beaucoup de chance que je sois une sympathisante. A ma place, de Riv vous aurez laissé dans vos merdes.

- Puisque vous êtes une sympathisante, vous accepteriez bien de nous aider.

- Les élixirs et les chevaux, ça ne se paie pas tout seul. J'espère avoir un salaire cette fois.

- Oui, il y aura un salaire.

- J'écoute, annonça Ann.

- Vous avez prouvé être capable de naviguer dans les marécages et qu'on pouvait vous faire confiance. J'ai entendu dire que des chevaliers de l'Ordre de la Rose Ardente étaient entrés dans les marais. Ces fanatiques détestent les non-humains, ils s'en prendront à nous tôt ou tard.

- Ce qui est normal parce que vous êtes des criminels. Ils ont l'excuse parfaite pour s'en prendre à vous. T'espère quoi ? Que je claque des doigts et qu'ils tombent comme des mouches ? Je suis une sorceleuse, pas un dieu.

- Non, rien de tout ça. J'aimerais que vous conduisiez une petite escouade jusqu'au Cimetière des Golems. Là-bas, des hav'caaren** nous attendent avec une livraison d'armes. Si la situation tourne au drame, évitez que l'unité se disperse.

Ann soupira et se leva, s'époussetant vaguement.

- Dis-moi où trouver le Cimetière des Golems. Je vais partir en éclaireuse le temps que tu prépares ton unité.

Elle se débarrassa de sa cape et de son sac, et s'en alla au travers du marais, laissant Yaevinn mettre en place ses troupes. Il ne fallut pas plus de dix minutes avant qu'une clameur ne s'élève d'entre les arbres avec des hurlements et de la fumée. Et dix autres minutes pour qu'Ann revienne, tirant derrière elle le corps de deux chevaliers en armure complète de la Rose Ardente. L'un n'avait plus de tête et l'autre avait son plastron défoncé à un point que le torse ne pouvait être que de la bouillie à l'intérieur. Elle jeta les corps aux pieds de Yaevinn et reprit sa cape pour essuyer du sang de ses mains et de son visage.

- Ai-je déjà dit que ce que je déteste le plus, en plus des esclavagistes, ce sont les racistes et les misogynes ? demanda-t-elle d'une voix presque guillerette. Je suis un Chat, nous sommes connus pour être psychologiquement instable. Je suis un volcan qui n'attend qu'un petit caillou pour éclater.

Elle montra d'une main sanglante les deux corps qu'elle avait ramenés.

- Vous ne deviez pas être juste un éclaireur ? s'étonna Yaevinn.

- Eh bien, j'ai rencontré ces charmants machos et leurs amis en plein cimetière. Il n'y avait qu'eux. Et ils n'ont pas accepté mon excuse sur l'étude des golems. Ils ont préféré essayer de voir si une sorceleuse était un bon coup à tirer. Apprenez d'eux, et évitez de me traiter comme un simple objet sexuel.

- Nous prendrons garde, sorceleuse. Je m'en vais chercher votre récompense, puisque vous avez fait seule le travail que j'attends d'une escouade.

- Ah et il n'y avait ni hawkers ni armes.

Yaevinn se détourna pour aller rejoindre une des cabanes dans les arbres, avant de redescendre avec une bourse d'or qu'il lui donna.

- Nous trouverons des armes. Les dh'oine viendront pour notre or. Mais le plus important réside dans le fait que l'Ordre a été battu. Je vous recontacterai, sorceleuse.

- Je n'en doute pas un instant.

- Tant que j'y suis, j'ai mené une petite enquête sur le sorceleur qui est venu précédemment dans les marécages avant vous et votre camarade.

- Quelque chose d'intéressant ? s'enquit Ann en regardant son reflet dans une de ses lames pour savoir si elle avait encore du sang sur son visage.

- Oh oui. Il a été capturé par les dh'oine portant des insignes de la Salamandre. Et apparemment, il n'a offert aucune résistance.

La D. s'interrompit dans son nettoyage.

Donc, Berengar serait en vie et n'aurait même pas chercher à se défendre lorsqu'on l'avait capturé ?

- S'il est vivant, pourquoi a-t-il abandonné ses affaires derrière ? marmonna-t-elle en humectant son bout de cape pour mieux se débarbouiller.

- Peut-être avait-il prévu leur venue. Faîtes attention à vous et à Gwynbleidd, Deith Ichaer.

- Merci pour l'information et la mise en garde. Bonne chance pour la suite.

Elle ramassa ses affaires, rangea la bourse dans son sac et s'en alla.

Elle avait de quoi raconter à Geralt.

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- Geralt ! Nous devons parler !

Il était occupé à négocier de la mandragore avec une herboriste locale quand Shani l'interpella alors qu'elle était sur le chemin pour rentrer chez elle après une journée de travail à l'hôpital.

- De quoi s'agit-il ? demanda le Sorceleur en se tournant vers la rouquine.

Celle-ci lui fit signe de la rejoindre et il lui emboita le pas pour la suivre chez elle.

- Je vous en prie, mon père, faîtes comme chez vous et aidez cette pauvre fille, dit la vieille dame qui occupait le rez-de-chaussée.

Shani jeta un regard perplexe à son ami qui secoua la tête l'air de dire plus tard. Ainsi, la jeune femme grimpa à l'étage dans sa chambre, avec son lit, sa table pour manger, ses armoires et ses livres (elle avait même un squelette pour l'étude de la médecine, qui pendait sur un socle).

- La dernière fois que je suis venu, elle a vu cet anneau qu'un vieux m'a donné quand je suis arrivé ici, expliqua Geralt en montrant une chevalière avec une pierre noire sur le dessus. C'est la chevalière de l'ordre du prêtre Lebioda. Elle m'embête pas, donc, je n'ai aucune raison de la détromper.

- Ah, je vois, comprit la rousse.

Elle s'assit à sa table et fit signe à Geralt de s'installer en face d'elle.

- Des hommes ont été assassinés à l'hôpital, dans la nuit d'hier. Tu as quelque chose à voir avec ça ? Le Docteur Tomer ne sifflote que lorsqu'il a des corps à recoudre.

Il aurait dû se douter que Shani s'en rendrait compte.

Elle tapota des ongles la table, un geste montrant son agacement, avant qu'elle ne se lève d'un bond.

- Eh bien ? J'attends des explications !

Cela ne servait à rien de garder le silence, autant lui dire ce qu'il s'était passé.

- Je voulais interroger un prisonnier, le patient de l'autre fois, celui qui était sous surveillance. Seulement, les bandits nous ont interrompus et sont passés à l'attaque. Les gardes de surveillance m'ont aidé à les mettre à terre.

La rousse soupira profondément et se rassit, la colère devenant lassitude.

- Peu importe. Le prisonnier sera transféré dans un lieu sûr.

- Merci pour l'information, Shani.

La rousse détourna la tête en rougissant.

- J'essaye seulement de protéger tes arrières.

Eh bien, il était temps de dire à Raymond que leur prisonnier allait être déplacé.

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Ann revenait en ville quand elle vit Geralt s'apprêtant à entrer chez le Détective Raymond.

- De Riv ! J'ai à te causer !

Elle fronça les sourcils en remarquant que son camarade s'était figé et qu'il venait de porter une main à son glaive d'acier. Se dépêchant de le rejoindre, elle comprit rapidement pourquoi son camarade était nerveux. Son propre médaillon se mettait à vibrer de plus en plus fort à mesure qu'elle se rapprochait de la porte. Elle échangea un regard avec son camarade et décrocha deux dagues de ses jambes. Elle concentra son Haki sur la maison. Raymond était en danger. Elle sentait des présences hostiles dans la maison. Deux, non, quatre. Trois simples bandits et un assassin.

- Ils sont quatre. Le plus dangereux du lot est directement sur la gauche, informa-t-elle à Geralt.

Doucement, le Loup Blanc ouvrit la porte et se glissa dans la maison avec sa camarade. La raison de l'avertissement de leur médaillon était très simple à voir et le Haki d'Ann avait vu juste. Raymond faisait face à la porte, reculant lentement vers sa cheminée, un poignard brandi pour se défendre, pendant que des truands de la Salamandre l'encerclaient. Les sorceleurs ne perdirent pas de temps à poser des questions. Le bras d'un des brigands fut découpé proprement par le glaive aiguisé de Geralt alors qu'Ann sautait sur le dos d'un des truands avec un plastron pour lui trancher proprement la gorge. Profitant de la diversion, Raymond sauta sur un autre assaillant pour lui planter son poignard dans un œil, l'enfonçant jusqu'au cerveau. Le dernier eut la malchance de se retrouver doublement embroché par les glaives de Geralt (dans le dos) et d'Ann (par devant).

Le ménage fini, les armes furent rangées et tous les regards se portèrent sur les morts.

- Portgas… je pense que je vais prendre ton offre au sérieux au sujet de l'entraînement, annonça Geralt.

- On commence ce soir, lui répondit Ann. J'espère que tu as de l'Hirondelle et du Chat-Huant en poche, tu en auras besoin et ce sont les seuls que je t'autoriserai durant l'entraînement. Les autres modifieront trop tes perceptions sensorielles.

- Merci à vous deux en tout cas, coupa Raymond en soupirant pendant qu'il essuyait son poignard sur le corps de l'un des bandits. Ces enfoirés ont réussi à me coincer. Il semblerait qu'ils aient réalisé que j'étais sur les traces de leur organisation.

A trop poser de questions, c'était toujours un risque de se voir frapper au visage par l'ennemi.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? s'enquit Geralt.

- La Salamandre, grogna Raymond. J'étais à un cheveu de résoudre le mystère. Il ne me manquait presque rien !

- C'est bon, tu es en sécurité à présent.

- Hai, moshi moshi, Naïveté-san desu ! se moqua Ann en portant sa main à sa bouche.

- Qu'est-ce que tu racontes encore ? soupira Geralt en se massant le nez.

- Que l'amnésie te rend naïf, vieux loup lubrique.

- Je suis d'accord avec elle, Loup Blanc, pointa Raymond en montrant Ann du doigt. Il n'y a pas l'ombre d'une chance que je sois en sécurité. Ils vont me suivre à présent. Jour et nuit. Il faut que je trouve un moyen de leur faire perdre ma trace.

- Ce sera difficile, pointa Ann.

- Mais pas impossible.

- Que faisons-nous à présent ? demanda Geralt.

- Je vais les jeter sur une fausse piste. Vous interrogez nos nouveaux suspects. Vous avez avancé avec Kalkstein et le Boucanier ?

- Le Boucanier est hors de cause, je l'ai interrogé ce matin, informa le Loup Blanc.

- Qui sont les nouveaux suspects ? se renseigna Ann.

Raymond courut à l'étage et descendit tout aussi vite avec un parchemin qu'il leur tendit.

- Vu que je les ai sur mes talons, je vais les attirer à ma poursuite, ce qui devrait vous laisser le champ libre pour le reste de l'enquête. Chat Noir, Loup Blanc, je vous tiens au courant.

Les deux sorceleurs hochèrent la tête et sans demander son reste, Raymond quitta en courant son domicile. Ann le regarda passer devant elle avant de se pencher par-dessus le bras de son camarade pour voir la liste des suspects.

- On sait déjà que Leuvaarden paie pour la mort des membres de la Salamandre, mais on sait pas exactement pourquoi ; j'y crois pas des masses à son histoire de business, pointa Ann en montrant le nom du marchand sur la liste.

- Thaler est le plus suspect du lot, fit remarquer Geralt.

- J'y pense, mais l'un comme l'autre, ils ont de l'argent, ils ont la possibilité de tomber sur un des Sephira.

- On verra. Sortons d'ici.

- On commence par qui ? demanda Ann en suivant son camarade hors de la maison du détective.

- Leuvaarden.

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Retour aux quais. Ils devaient trouver le marchand très bien portant. Ils le trouvèrent grimpant sur le ponton en consultant un parchemin tout en faisant l'ascension des escaliers.

- On veut vous parler, Leuvaarden, annonça Ann d'une voix sérieuse sans bonjour ni merde.

- Si vous y tenez, soupira l'homme.

Sur un signe de Geralt, ils s'éloignèrent sur le ponton pour trouver un coin vide, loin des oreilles indiscrètes. Une fois certains que leur conversation ne pourrait pas être entendue, ils s'arrêtèrent et les deux hommes se firent face pendant qu'Ann tournait lentement autour d'eux.

- On veut la vérité à votre sujet concernant la Salamandre, attaqua d'office Geralt. Si vous n'êtes pas avec eux, vous êtes qui au juste ?

- Un modeste marchand, répondit très sérieusement Leuvaarden.

- Ne nous prenez par pour des idiots. On veut la vérité pour pouvoir avancer dans notre enquête.

- Il se pourrait que je fasse partie d'une organisation secrète qui lutte contre la Salamandre, proposa le marchand bedonnant.

Le regard de Geralt disait clairement qu'il ne voulait pas perdre de temps avec ces bêtises.

- Mais je peux vous dire une chose ! annonça le riche en levant un doigt comme pour insister sur le sérieux et l'importance de ce qu'il allait dire. La Salamandre a mis beaucoup en jeu ! ça en est devenu une affaire politique, laissez-moi vous le dire ! Il y a quelque chose de grand et de secret qui se joue en ce moment en Redania. Peu connaissent ce secret. Le Roi Foltest, la Loge des Sorcières et moi surveillons la frontière nord.

- Et en quoi c'est en lien avec la Salamandre ?

- Azar Javed a envoyé une équipe spéciale au nord. Mes hommes les ont vus. Lui aussi sent que quelque chose va se passer et pour le coup, il se prépare en prévision.

- Ce qui est normal, quand on sait que c'est un mage. C'est presque dans la définition des mages d'avoir des ambitions politiques. Raison pour laquelle je préfère les sorcières. Mais c'est une pièce d'information intéressante de savoir que quelque chose se prépare au nord, annonça la pirate. Bonne journée.

Ann lança un regard lourd à Geralt l'air de dire de la suivre sans poser de question. En soupirant, se demandant encore ce qu'elle avait inventé, il lui emboita le pas. Elle se mit en marche pour revenir dans la ville et encore plus étrange, elle se colla presque à lui. Il la sentit lui effleurer une main avant qu'un objet carré dégageant une chaleur presque humaine ne soit mis dans sa paume. Il baissa les yeux et n'en revint pas de se retrouver avec un Sephirot entre les doigts. Une pierre bleu foncé.

- Tupperath, la Compassion. Chose dont est totalement dépouillé ce gros porc.

- Tu lui as volé ? souffla Geralt.

Elle n'avait pas fait ça tout de même ?

- C'était soit ça, soit devoir débourser tout notre argent pour un caillou qui n'aura qu'une utilité temporaire. Tu sais aussi bien que moi que l'alcool coûte de plus en plus cher et que c'est un outil essentiel pour nos élixirs. Si tu veux te mettre sur la paille, va lui demander combien il vendrait cette amulette, sinon, boucle-la avant que la garde ne nous remarque.

Avec un claquement de langue, Geralt rangea la pierre dans sa poche.

- C'est intéressant ce qu'il a dit, tout de même, enchaîna Ann. Quelque chose se trame en Redania. Personnellement, en traversant le pays, j'ai évité les grosses villes, donc, j'ai pas vu grand-chose de différent, mais c'est en traversant la frontière témérienne nord que j'ai été attaquée. Et c'est la frontière qui sépare la Redania de la Temeria.

- Tu serais donc tombée sur l'équipe dont il parlait ?

- Peut-être, peut-être pas. Mais ça confirme ses dires. Ça pue au nord et j'ai la mauvaise impression qu'on va se retrouver au beau milieu de ce merdier. Sinon, concernant ton entraînement et ta mémoire… Tu te souviens de toutes les techniques et des signes ?

- Mémoire du corps et pour les signes, je suis tombé sur les cercles des éléments pour me rappeler de Aard et Ignii. Pour les recettes d'élixirs, Lambert m'a fourni des notes des recettes les plus connues avec les compositions alchimiques. Depuis que je suis sur la route, je consulte un maximum de livres pour me rappeler de quelles plantes correspondent à quelle composition alchimique.

- Donc, il te reste à te rappeler de Yrden, Quen et Axii qui ne peuvent être appris nulle part autre qu'avec les cercles des éléments, mais encore faut-il les trouver. Me demande pas pour Heliotrop ou Somne, j'ai jamais su les maîtriser ; pourtant, Vesemir a essayé de me les apprendre. Est-ce que les noms font le moindre sens pour toi ?

- Vaguement.

- Fais bosser la mémoire, allez, essaye.

En soupirant, alors qu'ils passaient la porte pour revenir en ville, Geralt se massa le nez pour travailler sa mémoire avant de regarder une de ses mains et, après hésitation, replia légèrement son pouce et son auriculaire tout en écartant l'index du reste des doigts.

- Quen pour la protection ?

- Bingo ! approuva Ann. Suivant la force que tu mets, l'aura de protection que forme le signe durera plus ou moins longtemps et résistera à des coups plus ou moins forts, allant parfois jusqu'à les renvoyer à l'agresseur. Tout dépend de ton endurance, comme tous les signes. Et aussi de ta spécialité et de ton entraînement, mais pour ça, faut voir avec Vesemir. A ne pas confondre avec Heliotrop qui est plus pour une attaque unique et puissante, ou pour ne pas se prendre trop de dommages suite à un impact. Symbole suivant ?

Geralt regarda sa main en réfléchissant, avant d'écarter tous ses doigts, les pliants très légèrement.

- Yrden, le piège ?

- Hmhm. Tu peux immobiliser un ennemi avec autant d'efficacité, si ce n'est plus, qu'un piège à ours, voire le blesser pendant qu'il est sous l'influence du signe. Tout dépend de l'intensité, de la concentration et de ton endurance. Certains sorceleurs sont capables d'aligner trois Yrden à la suite et de les synchroniser au point d'en faire une barrière de défense infranchissable. On peut l'utiliser aussi pour sceller quelque chose. Et Axii, tu t'en rappelles ?

Geralt réfléchit un instant, puis enchaîna quatre signes avec sa main, dont les deux derniers étaient identiques. En réponse, Ann éclata de rire et secoua la tête.

- Nan, cette forme, c'est à utiliser sur quelqu'un un minimum susceptible, discrètement, pendant une conversation, pour le pousser dans ton sens et obtenir ce que tu veux. Genre, on aurait pu l'utiliser contre Leuvaarden et le pousser à nous faire cadeau du Sephirot. Sauf qu'il y a toujours une possibilité que ton interlocuteur y résiste. Regarde l'application.

Ann fit signe à son compagnon d'arrêter de marcher et de l'observer. Elle se dirigea vers une patrouille qui passait par là et arrêta l'homme de tête.

- Donne-moi ton arme, s'il te plaît.

Et en gardant les mains le long du corps, elle enchaîna les mêmes signes qu'avait fait Geralt auparavant. Les yeux de la sorceleuse s'illuminèrent un instant, inquiétant le reste de la patrouille, mais l'homme à qui elle s'était adressée se contenta de lui tendre son arme.

- Merci ! Bonne journée ! sourit joyeusement la femme en la lui rendant.

Et elle revint vers Geralt qui hocha la tête en comprenant la démonstration.

- Axii, en combat, c'est simplement ce signe.

Elle leva sa main, le pouce et les deux premiers doigts levés, légèrement écartés alors que les autres étaient repliés, avant de recoller ensemble les premiers. Geralt répéta le signe en hochant la tête.

- Dans un combat, toujours à moins d'être devant un adversaire qui est immunisé ou non-susceptible, tu peux en faire un allié temporaire. La magie, la puissance et ton endurance disent combien de temps et combien de personnes tu peux charmer en même temps. Le maximum, je crois, c'est trois.

Geralt hocha la tête.

- On va voir Thaler avant de commencer ton entraînement ? proposa Ann.

Le hochement de tête du sorceleur peu loquace lui donna la réponse qu'elle voulait.

- Je vous cherchais !

Le duo se tourna vers le haut de la rue pour voir Shani descendre rapidement les marches dans leur direction.

- Bonsoir à vous deux ! Je… j'aimerais vous demander un service.

Les deux sorceleurs se regardèrent en levant un sourcil. Qu'est-ce qui pouvait bien tracasser la jeune médecin pour qu'elle ait besoin de deux sorceleurs.

- Geralt, tu te souviens de Jaskier ?

La façon dont le blanc la regarda rappelait clairement qu'il était amnésique et que donc non, il ne pouvait pas s'en souvenir. Mais le nom parlait à l'autre mutante.

- Le barde là, qui est connu pour avoir couché avec la moitié d'Aedirn, Redania et Temeria ? Celui qu'on a plus d'une fois confondu avec un elfe ? Qui, si la débauche était un crime, aurait été pendu, lapidé, mis au poteau, castré et j'en passe des meilleures, au moins une vingtaine de fois au bas mot ?

A chaque mot, le sourire apparu sur le visage d'Ann devenait de plus en plus grand. Elle connaissait le poète par les ouï-dire. Certainement le plus talentueux de ce siècle. Il avait aussi une sacrée réputation de coureur de jupons. De Thatch ou lui, elle n'aurait su dire qui était le pire. Peut-être Jaskier, puisque sa poésie lui faciliter grandement le travail pour charmer les filles.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu as découvert que c'était ton père et un salaud, donc, tu veux qu'on lui découpe les bijoux de familles en représailles ?

- Portgas… soupira Geralt en se pinçant le nez.

- Ben quoi ? demanda innocemment la mutante.

- Non, même s'il aurait bien besoin de quelqu'un pour lui mettre du plomb dans la cervelle, ce n'est pas pour ça que je parle de lui ! rit Shani. En fait, j'organise un petit rassemblement…

- Un rassemblement ? répéta le Loup Blanc.

- Parler du bon temps, boire quelque chose… cependant…

- Tu n'as pas les boissons, comprit le mutant.

Shani eut un geste de la main pour dire que là était le problème.

- J'ai pas non plus envie de servir n'importe quoi, dit la jeune femme.

- Et il faut quoi ?

- De la vodka de cerise pour Jaskier, du vin rosé pour moi… des boissons pour vous aussi et peut-être quelqu'un d'autre si vous avez une idée de qui inviter.

- Je suis invitée ? C'est pas censé être un rassemblement de vieux amis ? s'étonna Ann en se montrant du doigt.

- C'est l'occasion de faire connaissance ! Et tu as déjà plus de conversation que Geralt dans ses bons jours, alors, c'est un plus en ta faveur.

Ann rit en secouant la tête.

- Je vais chercher l'alcool, soupira le mutant. Portgas ?

- J'aurais bien dit que j'avais quelques flacons de Mouettes Immaculés pouvant faire l'affaire, mais ça serait très bête si quelqu'un en buvait par accident, grimaça-t-elle. Si tu trouves, prends un maximum de d'alcool de type Liqueur de Mandragore, Alcool Vermoulu ou Alcool de Sang de Wyverne. Sinon, je me contenterai d'Alcool de Zerrikania. Et tiens.

Geralt rattrapa au vol la bourse que sa camarade lui envoya.

- Je te dois bien ça, après tout, je t'ai pris sous le nez la totalité des contrats des environs, sourit le Chat Noir. En attendant, moi, je reviens des marais et je sens le sang et les bois, donc, si je suis invitée à une fête, j'aimerais autant ne pas empester. Donc, je vais faire un tour par les bains publics avant de venir.

- On s'attend devant la statue de la place du marché ? proposa le mutant.

- C'est bon pour moi. Merci pour l'invitation et à tout à l'heure, Shani.

La sorceleuse fila rapidement pour rejoindre son squat et récupérer du change, laissant Geralt face à Shani.

- N'hésite pas à inviter quelqu'un, qu'on puisse faire connaissance avec d'autres de tes amis.

- D'accord, d'accord.

- On se voit tout à l'heure.

Et à l'immense surprise de Geralt, elle se hissa sur la pointe des pieds et l'embrassa sur la joue, avant de partir en courant. En soupirant, il se mit en marche. Il laisserait peut-être sa besace avec le reste des affaires de Portgas. Les épées aussi, certainement. Il garderait seulement sa dague pour se défendre au cas où. Le sorceleur se dirigea vers la taverne. Là, il s'adressa à la serveuse pour lui acheter quelques bouteilles. Se souvenant ce que Zoltan avait pris la dernière fois qu'ils avaient bu ensemble, il sut quoi prendre pour lui, avant de se fier à la liste que lui avait faite Shani et de récupérer de l'alcool fort pour lui et Portgas. Comme quoi, les mutations avaient leur avantage quand il était question d'alcool. Les bras chargés, il remonta des bas-fonds pour rejoindre le quartier non-humain, croisant Zoltan au passage.

- Quelqu'un prévoit de s'infliger une bonne gueule de bois ?! ricana le nain en le voyant faire.

- Non, Shani, une amie, organise une petite fête chez elle. Ça te dirait de venir ?

- Elle inviterait un nain ? s'étonna le petit homme en écarquillant les yeux.

- Elle aura déjà deux sorceleurs à sa table, je doute qu'elle ait quelque chose à redire contre un nain.

- Eh bien, je m'arrange un peu et je vous y rejoins ! Elle est où cette petite fête ?

- Chez elle. La maison juste en face de la statue qui représente un caducée. Une vieille femme habite au rez-de-chaussée pendant que Shani est à l'étage. Une ville femme très agréable !

Cela fit rire Zoltan.

- Je vois le genre ! A tout à l'heure et buvez pas tout l'alcool sans moi !

Le mutant se contenta de rouler des yeux et de reprendre sa route. Il fit un crochet par le squat de Portgas pour voir l'Alpyre rire de son état. Ce n'était pas les femmes les plus attirantes, mais elles étaient encore plus repoussantes avec leur rire. Le Loup déposa les bouteilles d'alcool et, remarquant que sa camarade s'était elle aussi débarrassée de la majorité de son équipement, il en fit de même, laissant ses trois glaives sur place et ne gardant que son poignard. Il reprit ensuite les bouteilles et remercia de la tête la vampire quand elle lui ouvrit la porte. Il se dirigea vers la maison de Shani et bénit de la voir dehors en train de discuter avec un des marchands.

- Laisse-moi te décharger un peu.

- Je vais attendre Portgas ici, lui dit le blanc.

Au lieu de prendre la moitié des bouteilles, Shani prit donc la totalité.

- Tu m'ouvres la porte ?

Geralt ne se le fit pas dire deux fois et lui ouvrit la route pour qu'elle puisse entrer chez elle, avant de refermer.

.


.

- On y va ?

Geralt se détourna des livres de l'antiquaire en entendant quelqu'un s'adresser à lui. Il se retourna pour voir qu'Ann n'avait pas fait que se nettoyer. Elle avait aussi changé son équipement. Elle portait une tunique longue et blanche, assez large pour ses épaules et ses bras, afin qu'on puisse voir qu'elle avait un début de tatouage sur l'un d'eux. Pour garder tout ça en place, elle avait une sorte de fin plastron de cuir sans manche qui se fermait par des sangles sur le côté. La tunique en-dessous descendait juste assez pour cacher la zone pelvienne de son pantalon de cuir, et par-dessus, elle avait rajouté une ceinture de tissu mauve nouée sur le côté. Elle avait deux dagues sur chaque cuisse, mais pas une arme de plus.

- Je suis pas fan de la tenue de l'école du Chat, mais vu que je l'utilise presque jamais, je suis certaine au moins qu'elle est propre et sent pas la mort, explicita la femme en arrangeant ses mitaines de cuir qui remontaient, dans du cuir orangé agrémenté de métal, sur ses avant-bras, presque jusqu'au coude.

Pour le coup, l'alliance à son doigt était pleinement visible.

- Une ceinture pareille devrait gêner durant un combat, pointa Geralt.

- Ca ? Non, elle fait pas partie de la tenue, c'est mon propre ajout. Tu as vu mon tatouage dorsal, tu dois comprendre le pourquoi du choix de la couleur. Alors, on y va ?

Le Loup Blanc passa devant et la conduisit jusqu'à chez Shani.

La première chose qui les accueillit, outre les bruits de conversation de l'étage, ce fut la grand-mère qui hurlait à la mort.

- Je n'en peux plus ! gémissait-elle avec une voix grinçante. Mon cœur ! A l'aide !

Ann choisit son moment pour glisser discrètement de derrière Geralt pour se diriger vers l'escalier sur la pointe des pieds, laissant son camarade gérer.

- Qu'est-ce qu'il y a ? grogna le sorceleur en jetant un regard trahi à sa collègue qui se marrait en silence.

Foutu chat.

- Tant de débauche sous mon toit ! Elle s'est trouvée un musicien ou je ne sais quoi…

- C'est le fameux poète Jaskier.

- Je sais très bien en quoi il est célèbre ! rugit la grand-mère avec sa voix criarde. Je n'ai aucune envie de supporter les hurlements d'un mioche d'ici neuf mois !

Si seulement elle voulait bien baisser d'un ton, ses oreilles lui en seraient reconnaissantes.

- Je vais leur servir de chaperon, promit le sorceleur.

- Enfin un peu de bon sens !

Et elle s'éloigna en bougonnant dans le reste de la maison, ne remarquant pas Ann qui s'était assise sur l'escalier pour mieux se moquer. Le mutant adressa à sa camarade un regard noir et grimpa les marches, la dépassant aisément, faisant qu'elle se leva et lui emboita le pas.

- Geralt, Ann ! Vous voilà !

Shani se leva avec joie de sa table pour les accueillir avec un sourire rayonnant qu'Ann lui rendit. L'autre occupant de la pièce était un homme, certainement l'infâme Jaskier. Pour un quarantenaire, il faisait bien moins que son âge. Il portait des vêtements colorés, bien taillés, propres et en apparence riches, sans pour autant qu'ils n'en soient inconfortables, dans des tons mauves-azurés. Ses cheveux noirs étaient portés longs en une tresse dans son dos, mettant en valeur la finesse de son visage et la blancheur de sa peau. Avec son corps longiligne, ses membres très fins et sa haute taille, il était normal qu'on le confonde avec un elfe. Cependant, pour le moment, la beauté de l'homme était gâchée par la grande bouche ouverte devant la présence du Loup Blanc. En tremblant, il se leva et posa deux mains moites et fébriles sur les bras du mutant.

- Geralt ? Que je sois maudit ! C'est vraiment toi ?! Pendant un instant j'ai cru voir un fantôme !

- Non, je ne suis pas un fantôme, assura Geralt avec toute la joie et l'émotion qu'un bac de glaçons pouvait accumuler.

- Je… je… Je suis en train de perdre l'esprit, c'est ça ?!

Le poète se détacha du Sorceleur et se prit la tête entre les mains.

- C'est une blague, n'est-ce pas ?! Shani !?

- Si seulement ça pouvait être une blague, soupira Ann avec un sarcasme dégoulinant.

Shani avala ses lèvres et cacha sa bouche derrière sa main pour ne pas rire. Portgas D. Ann, ou l'art et la manière de briser une scène émotionnelle.

- Soyons sérieux un instant, mademoiselle ! insista Jaskier.

Ann le regarda comme s'il avait trois têtes. Mademoiselle ?! Elle avait bien la soixantaine, non mais oh ! Elle avait passé l'âge d'être une « mademoiselle » !

- Je… je l'ai vu de mes yeux ! insista le poète.

- Qu'as-tu vu, Jaskier ? se renseigna Geralt qui était un peu perdu dans cette affaire.

- Je l'ai vu leur dire de te mettre dans la barque… et il y avait une licorne, et… Milva, Cahir et Angouleme, et Yarpen et Zoltan aussi… on l'a tous vu !

- J'ai perdu la mémoire, et j'aimerais savoir pourquoi tout le monde est surpris de me voir vivant. Dîtes-moi tout, étape par étape.

- Il y a cinq ans, on était tranquillement dans une auberge à manger de l'escargot en buvant de la vodka… puis une foule assoiffée de sang a attaqué le quartier non-humain. Tu es sorti pour les effrayer. Cependant…

- Cependant ? insista le Loup Blanc.

- Quelqu'un t'a enfoncé une fourche dans l'estomac, une blessure fatale. On n'a rien pu faire…

Jaskier soupira profondément en se prenant la tête dans les mains.

- Tu me dis vraiment tout ? demanda Geralt en essayant de ne pas se laisser submerger par la réalisation.

- Nous étions tous là, lui dit le poète.

- Tous, autrement dit ?

- Tu te souviens vraiment de rien ! Tes proches ! Ceux que tu aimais, tes amis !

- Cela ressemble un peu trop à une chanson romantique.

- Mais c'est la vérité et seulement ça, Géralt… je…

Jaskier vint reprendre Geralt par les bras.

- Pardonne-moi, mais j'ai vraiment du mal à réaliser que c'est bien toi. Que tu es là, debout et vivant, devant moi.

- Ecoute, Jaskier, je sais pas quoi te dire ou si je peux prouver quoi que ce soit, parce que c'est impossible. Je ne me souviens de rien. Donc, j'ai bien peur que pas mal de choses ne puissent pas être expliquées. Alors, on va s'asseoir, boire comme de vieux amis et on verra ce que le temps dira à mon sujet.

Et Geralt s'assit à une des chaises à la table et attrapa l'une des bouteilles d'alcool fort.

- Tu as raison, accorda Jaskier. On a traversé tellement ensemble. Je le saurais…

Shani se racla la gorge et montra de la tête Ann qui avait regardé le feuilleton dramatique en grignotant du raisin. Comprenant le message, le poète se tourna vers la femme avec un sourire.

- Je suis désolé pour ce qu'il vient de se passer. L'émotion, tout ça… je ne m'attendais pas du tout à retrouver un ami mort en venant ici.

- Je comprends parfaitement, assura Ann. Même si je suis d'avis que de Riv est un vieux con de loup lubrique avec la capacité émotive d'un iceberg, je ne nie pas que certaines personnes devaient l'apprécier.

Et elle tira la langue au sorceleur qui roula des yeux en se versant un verre.

- Vous n'êtes pas… s'inquiéta Shani en les montrant tous les deux du doigts.

- Notre relation est strictement professionnelle, assura Ann.

L'annonce eut l'air de soulager grandement la rousse.

Ann transféra le raisin dans son autre main, essuya sa paume contre son pantalon et la tendit à Jaskier.

- Portgas…

- …D. Anabela ! Le Chat Noir ! La Sorceleuse aux Yeux d'Argent ! reconnut Jaskier en lui prenant la main. L'Incendiaire de Rivia ! J'ai beaucoup entendu parler de vous ! Et il est vrai qu'à une époque, en revenant d'hibernation à Kaer Morhen, Geralt avait pour habitude de médire à votre sujet, ma chère Anabela.

- Portgas me va très bien, merci.

Et elle retira un peu sèchement sa main de celle de Jaskier qui avait voulu lui faire un baisemain.

- Aussi farouche que tu l'avais décrite, sourit le barde au loup.

Puis il se figea et fronça les sourcils.

- Attendez… le grand incendie de Rivia qui a valu votre surnom, c'était juste une semaine après la mort de Geralt ! Serais-ce pour venger votre camarade que vous avez mis le feu à la ville ?

Geralt manqua d'avaler de travers sa gorgée d'alcool. Portgas ? Qui le venge ? Et puis quoi encore ?

- C'est vrai que le timing le laisserait supposer, songea Shani.

- Je n'ai pas fait ça pour lui ! Je déteste juste énormément les racistes et j'ai entendu parler du Pogrom ! J'étais dans la région et c'est tout ! Ça n'a rien à voir avec de Riv ! Et le premier qui me dit que je suis une tsundere se prendra mon pied dans l'fion ! protesta Ann en prenant une intéressante couleur tomate.

- Très bien, admettons donc que ce n'est pas pour Geralt que vous ayez fait ça, mais que c'est une simple coïncidence, sourit Jaskier avec taquinerie. Allons donc rejoindre notre camarade misanthrope, mesdames, avant qu'il ne s'enfile tout l'alcool !

Ann partit s'asseoir devant, n'osant même pas regarder en face son camarade, alors que Jaskier offrait son bras à une Shani hilare pour l'accompagner à la table, laissant la rousse à côté de Geralt.

- Sinon, tu as invité quelqu'un ? demanda la demoiselle à son ami mutant.

- Zoltan Chivay, le connais-tu ? répondit le blanc.

- Non, mais je serais heureuse de le rencontrer !

- Splendide ! approuva Jaskier en se servant un verre. Zoltan et moi sommes bons amis ! Sinon, dîtes-moi, qu'est-ce qui amène deux sorceleurs aussi célèbres que vous dans les quartiers pauvres de Wyzima.

- Un groupe de bandits a attaqué Kaer Morhen. Le seul novice que nous avions est mort et pour ne pas arranger les choses, ils nous ont volé le secret de nos mutations, répondit sobrement Geralt. On est tous partis aux quatre vents pour les retrouver et nous venger. Il semblerait que du lot, je sois le chanceux.

- Bon sang, qui aurait l'idée de faire une chose pareille ?! Et surtout, les mutagènes ! Suffit de vous voir pour savoir que ce n'est pas quelque chose à laisser entre les mains de n'importe qui ! souffla Jaskier d'un air indigné.

- Je suis certaine que Nilfgaard n'aurait pas dit non à ce genre de cadeau, mais ils ont plus proche… C'est la Vipère, je crois, qui a son école chez eux, réfléchit la mutante en sirotant son verre. Mais peu importe, on a appris que ces fils de chiens s'intéressaient à la frontière entre Temeria et Redania. C'est justement pour ça que j'ai appris leur existence, sinon, j'aurais paisiblement continué ma route à travers la Temeria.

- La géographie n'est pas mon fort, mais Kaedwen n'est pas la porte à côté, pointa Shani en prenant son propre verre de vin. Pourquoi l'école du Loup, il n'y a pas plus proche ?

- Je peux pas répondre, j'ai oublié si je le savais, répondit Geralt.

- Je crois que les Griffons sont de Kovir, mais je n'ai pas entendu parler d'école en Temeria ni en Redania, répondit pensivement Ann.

Elle but une gorgée de son verre, avant de l'agiter doucement avec un doigt tendu.

- Vu que mes camarades de l'école du Chat se sont fait des tas d'ennemis, on a perdu notre bastion et une bonne partie de nos membres. Quand j'ai commencé la formation, on était déjà dans une caravane. Et sans parler qu'on est non seulement plus nombreux que les loups, on est aussi plus fous, majoritairement sociopathes et pour d'autres, totalement psychotiques. Il y aurait plus de chance que les mutagènes des Chats soient détruits plutôt que récupérés. A côté, les Loups sont juste froids et rationnel, mais moins nombreux. Y'avait qui cet hiver ?

Elle regarda son camarade pour avoir la réponse.

- Vesemir, Leo, Eskel, Lambert et moi. Triss était avec nous aussi.

- Ah cette bonne vieille Triss, soupira Jaskier.

- Le fait est qu'en comptant les ratés mais toujours vivants, on est presque le triple par rapport aux Loups, enchaîna Ann. Vous avez un bastion mal protégé, donc un laboratoire immobile facile d'accès. Essaye de poursuivre une caravane quand c'est un paranoïaque qui la conduit.

- Laissons ce sujet, ça ne fera que gâcher la soirée, recommanda Geralt dans un grognement.

Jaskier les regarda alternativement, avant de se laisser aller sur sa chaise.

- Vous êtes le jour et la nuit niveau caractère, c'est dingue.

- Mutations, dirent en cœur les deux mutants.

Shani rit devant la synchronisation de la réponse. Ann secoua la tête et prit une nouvelle gorgée de son verre, observant Geralt. Soit il avait laissé dans un coin l'annonce concernant sa mort pour y revenir plus tard, soit il réfléchissait dessus en silence. Mais comme toujours, les Loups étaient des blocs de glaces.

Ils se mirent à parler de tout et de rien, oubliant pendant le temps d'une soirée la Salamandre, le Racisme, la Pauvreté et la Peste, profitant simplement du moment. Et même si Geralt était le seul à ne jamais rire, il avait l'air déjà moins morose et coincé qu'à son habitude. Et de temps à autres, devant les histoires ubuesques de Jaskier, là où les dames riaient aux éclats, le Loup esquissait un sourire si bref qu'on pouvait se demander s'il avait vraiment été là. Ann laissa aller son menton sur une de ses mains en observant Jaskier.

Il ressemblait tellement à Thatch.

Elle ferma les yeux pour refouler l'image de la cabine en sang de son meilleur ami. Même s'ils n'avaient pas retrouvé son corps, ils savaient tous qu'il était mort. Il avait perdu trop de sang et il était déjà sec quand ils l'avaient réalisé.

- J'ai une question qui me tracasse, dit subitement Jaskier.

- Exprimes-toi, Jaskier, la retenue ne te va pas, encouragea Geralt en se resservant.

- Imaginons que votre prochain contrat est un vampire. Qu'est-ce que vous feriez ?

- Glaive d'argent, élixirs, comme d'habitude… où veux-tu en venir ?

- Et toi, Portgas ?

- J'me renseigne, répondit sobrement la mutante de derrière son verre.

- Et si je dis qu'il est possible de passer un marché avec le vampire en question ?

Ann ouvrit la bouche, mais Geralt fut plus rapide :

- Jaskier, crois-moi, si je pouvais dire à une brouxe de se mettre à chasser des lapins, je serais sans emploi depuis longtemps.

- Ah, parce que t'as essayé avec Albina ? s'enquit Ann avec une fausse naïveté en le regardant.

Elle se tourna vers le reste de la table en ignorant le regard noir de son camarade.

- Il est possible de négocier, généralement, pour les vampires de stades intermédiaires, la menace d'un glaive d'argent sous la gorge peut faire entendre raison à ceux qui ont encore un peu d'intelligence et qui ne sont pas totalement dépendant de leur instinct, une brouxe ou une alpyre sont de ceux qu'on peut menacer par exemple. Mais avec quelque chose comme un garkain ou une noctule, faut pas compter là-dessus.

- Et les vampires supérieurs ? demanda Jaskier.

- Ils sont rares… je ne saurais dire, avoua le Loup Blanc.

Les regards se tournèrent vers Ann qui secoua la tête en reposant son verre.

- J'en ai jamais rencontré, donc, je peux pas répondre. Mais si j'en reste à ma formation, chose que j'évite trop de faire, je suis censée le réduire en chair à saucisse, le découper en fins morceaux et disperser le corps aux quatre vents pour s'assurer qu'on aura un à deux siècles de tranquillité avant qu'il ne se régénère. Mais si j'arrive à négocier, tant mieux… seulement, je vois pas vraiment les termes de l'accord quand ces créatures sont quasiment immortelles.

- Et si je vous montrais ce à quoi sert le sang pour un vampire supérieur ? proposa le brun.

Les deux sorceleurs clignèrent des yeux.

Un barde qui en sait plus qu'eux sur leur propre métier ? Eux qui ont passé des décennies sur les routes à traquer des monstres pour quelques orins ?

- Santé ! lança Jaskier.

Shani suivit Jaskier dans le toast avant de boire son verre. Ann et Geralt burent le leur avec perplexité.

- Aaaah ! C'est fort, mais ça fait du bien là où ça passe ! commenta le poète.

- Tu étais sur le point de nous éclairer, rappela à l'ordre le Loup Blanc en posant son verre.

- Il vient de le faire, Geralt, lui dit Shani en souriant.

- Exactement ! approuva Jaskier. Je viens de le faire avec ce toast ! Ecoute un homme qui a vécu un minimum et qui lui, n'a pas perdu sa mémoire. Pour les vampires supérieurs, le sang, c'est…

- Ah ! Quelqu'un vient ! nota Shani en se levant de sa place.

Ann se retourna pour chercher un autre siège dans les environs et trouva un tabouret qui trainait sous un panier à linge. Elle alla chercher le siège en question pour le mettre dans l'espace libre entre elle et Jaskier. Pendant ce temps, le nain jovial entrait dans la pièce, les saluant avec toute sa joie de vivre et se présentant. Lui et Jaskier se saluèrent comme de vieux amis, avant que Zoltan ne se présente à Shani et Ann qui en firent de même, avant de s'asseoir et de remercier chaleureusement l'hôte quand elle lui servi un verre d'alcool fort et en faire autant avant le verre de tout le monde.

- Ouff ! Il est fort celui-ci ! commenta Jaskier. C'est le Sang de Dragon, non ?

- J'en ai les yeux qui pleurent… renchérit Geralt en battant des paupières.

- La Mouette Immaculée peut se rhabiller ! toussota Ann avec une main sur la gorge. Davy Jones bénisse les Zerrikaniens et leurs alcools !

- C'est pas pour les fillettes ! approuva Shani en s'éventant.

- Bon choix, en tout cas ! apprécia Zoltant avec un claquement de langue satisfait. J'ai toujours dit que les alcools forts, c'est ce qu'il y a de mieux.

- Tout dépend, rétorqua le barde. Pour un dîner romantique à deux, ce genre de boisson n'est pas adapté. Pas à cause du goût, mais des effets secondaires.

- Mon Eudora et moi, on a souvent partagé une cruche et on n'a jamais remarqué d'effets particuliers, rétorqua le nain.

Ann masqua son rire derrière son verre vide.

Elle s'en souvenait des effets secondaires de l'alcool, avec son logia et le zoan de Marco. Combien de fois ils s'étaient loués une chambre d'hôtel juste pour avoir le plaisir de s'envoyer en l'air tout en descendant une quantité dangereuse d'alcool pendant le sexe ?

- Je préfère le vin, mais je n'ai rien contre un peu de liqueur de temps à autres, avec modération, commenta Shani de sa place entre les deux mutants.

- Et l'alcool fort de qualité est utilisé en médecine moderne, pour lutter contre les infections, rappela Zoltan.

- Il est vrai que c'est le meilleur désinfectant que l'on puisse trouver de nos jours, confirma la rousse.

- Pas seulement. Ça réchauffe le corps, soulage la douleur et aide à surmonter certaines faiblesses.

- Sans parler que c'est une base essentielle pour l'alchimie et les élixirs qu'on utilise, dans bien des pays, voire même en mer, boire de l'alcool coupé est parfois bien plus prudent que l'eau, quand on ne sait pas si elle est traitée ou quoi que ce soit, raconta Ann. Mais d'après moi, rien ne vaut une ligne de shots de B52.

Shani manqua de s'étouffer de rire.

- J'y ai goûté pendant mon service à Brenna. C'est explosif ! Tu sais le mixer ? s'enquit la jeune femme.

- Cette table ne contient aucun des ingrédients pour le faire. Et si quelqu'un me dit qu'on peut trouver de la Liqueur de Café ici, en Temeria, je me fais nonne, marmonna Ann avec une moue.

- Pour la survie de nous autres, pauvres mortels, espérons qu'il n'y en ait pas, commenta Zoltan.

- Si tu nous parlais de la bataille de Brenna, Shani ? demanda Geralt.

- Nous étions cinq soigneurs et un homme seul pour nous protéger. Et tout autour, des milliers de blessés. Je n'ai pas eu l'occasion de quitter la tente, répondit la rousse.

- Tu as toute mon admiration, Shani.

- C'étaient les pires jours de ma vie.

Elle fronça les sourcils, avant d'agiter son doigt comme si elle venait de comprendre quelque chose.

- Je me rappelle maintenant ! Je me disais que je voyais où tu voulais en venir Jaskier mais je ne comprenais pas pourquoi je le savais !

Tout le monde regarda la rousse, attendant d'en savoir plus.

- L'homme, qui nous protégeait à Brenna, était un patient de longue date d'un des guérisseurs. Apparemment, il souffrait d'une amnésie sérieuse semblable à la tienne, Geralt, raconta Shani. Et c'était un vampire supérieur ! C'est lui qui m'a dit qu'il n'avait pas besoin de sang pour vivre, il aimait en consommer de temps à autre comme nous et l'alcool ! Et c'est lui, d'ailleurs, qui nous a mixé à tous ces shots de B52 ! Il disait qu'il ne se souvenait pas de sa vie, mais que son corps, lui, n'avait pas oublié et que c'est comme ça qu'il arrivait à se battre, à cuisiner ou mixer l'alcool.

Jaskier montra Shani de ses mains.

- Eh bien cette connaissance vampirique est le parfait exemple de ce que je disais !

- Tu es certain que c'était un vampire, Shani ? se fit confirmer Geralt.

- Il a dû se transformer une fois, parce que Coën lui-même avait des doutes, parce que son médaillon ne réagissait pas. D'un homme assez agréable à l'œil, il est passé à un monstre aux traits plissés, avec des crocs immenses et des griffes gigantesques.

Pour illustrer le propos, elle écarta ses mains d'une bonne quinzaine de centimètres.

- Mais il n'a attaqué personne, n'a bu le sang de personne, ou quoi que ce soit. Quand il ne s'assurait pas qu'aucune des armées ne viendrait nous voir pour nous faire des reproches, parce qu'on soignait les blessés des deux camps, il nous assistait avec les malades, pour le transport, les premiers soins, ce genre de choses.

- Et les corps ? se renseigna Ann.

- Il n'y touchait pas.

- Comme quoi… conclut la mutante.

- Cela n'explique pas comment tu sais ça, Jaskier. Quelque chose à avouer ? demanda Geralt en plissant les yeux.

- Par les couilles poilues d'une araignée, c'est vrai ! s'exclama joyeusement Zoltan.

- Pourquoi j'ai l'impression que ce sont les experts de monstres qui sont dans le noir quand ils ne devraient pas ? demanda Portgas.

Jaskier tendit son bras par-dessus la table et posa une main ferme sur l'épaule du Loup Blanc.

- Geralt, tu avais un ami, et je dis bien, un véritable ami, en la personne d'un vampire supérieur.

- Et j'avais un dragon pour ami, aussi ? commenta sarcastiquement le mutant.

- Maintenant que tu en parles, c'est le cas, donc, la blague se retourne contre toi. Dans notre cas, le vampire se nomme Regis. Zoltan, dis-lui que c'est vrai !

Zoltan était déjà en train de se resservir en hochant sérieusement la tête.

- Des amis comme lui, on avait pas des mille et des cents ! Il pouvait tirer des fers à cheval portés à blanc du foyer encore brulant, à mains nues, sans se brûler !

- Et qu'est-ce qu'il lui est arrivé à ce Regis ? demanda Geralt dont on percevait le scepticisme à mille lieux à la ronde.

- Emiel Regis Rohellec Terzieff-Godefroy est mort en se battant à tes côtés, Geralt. Buvons à sa santé et à celles de ceux qui sont morts, salua solennellement Jaskier.

- A Caleb Stratton ! lança Zoltan en levant son verre.

- A Rusty ! dédia Shani.

- A Sabo, à Thatch, souffla Ann en levant son verre. A Oyaji et à tous les autres.

Et chacun avala son verre.

Ann attrapa une autre bouteille d'alcool, et grimaça en la voyant vide. Elle la montra à Shani qui lui désigna un meuble proche de l'escalier.

- Je la descendrai demain matin.

La pirate se leva et alla poser la bouteille sur le meuble, avant de revenir s'asseoir. Zoltan lui donna une cruche pleine, lui permettant de se resservir.

- Honnêtement, Geralt, je vois pas pourquoi tu as autant de mal à y croire, commenta la D. en se servant généreusement.

Elle eut une mine pensive. Pour appeler son camarade par son prénom, c'est qu'elle devait être particulièrement éméchée.

Elle leva la cruche, comme pour demander si quelqu'un en voulait et Jaskier lui tendit son propre verre. Elle le servit tout en surveillant l'autre mutant du coin de l'œil pour avoir le bon timing, avant de rendre le verre au barde qui commença à le boire.

- Après tout, je suis bien mariée à un phénix.

Perfect timing ! Les trois hommes autour de la table manquèrent de s'étouffer avec leur boisson, les forçant à recracher la moitié et à tousser un bon moment.

- J'adore faire ça ! pouffa Ann en se tournant vers Shani qui ne parvint pas à contrôler son rire.

- Mariée ? s'étrangla Zoltan. Mais la stérilité, tout ça…

- Il est lui-même quasiment stérile, alors, avoir des enfants n'a jamais été dans nos projets.

Sans parler que de base, c'était un mariage homosexuel à l'arrache sur le pont d'un navire durant une escarmouche violente. Marco avait demandé à leur père de les marier parce qu'il ne voulait pas mourir sans lui avoir passé la bague au doigt. Au final, ils n'étaient pas morts et ils avaient enchaîné sur deux semaines de vacances pour la Nuit de Noces et la Lune de Miel. Elle avait été tout bonnement incapable de quitter le lit durant ces quelques jours et avait boité pendant les quatre jours qui avaient suivi leur retour à bord.

- A un phénix ? s'étonna Geralt.

- Si c'est une plaisanterie, elle manque de piquant, pointa Jaskier en reposant son verre avec prudence.

Pour toute réponse, Ann leva sa main devant son visage pour bien montrer son alliance. Jaskier lui prit la main pour mieux voir la bague, avant de la lui rendre.

- Mariée et fidèle, même si ça fait quoi… entre trente et quarante ans que je l'ai pas vu. Et vu que les Phénix n'ont qu'un seul vrai partenaire à vie, je sais que c'est aussi le cas. On s'est liés l'un à l'autre durant la Nuit de Noces.

- Tu n'as pas cherché à le retrouver ? s'enquit Shani.

- Il me faudrait une nouvelle Conjonction des Sphères pour le revoir, je pense ! rit amèrement la mutante.

- Cela ferait une magnifique balade, soupira Jaskier. Deux amants séparés par le destin et la magie, se languissant de l'autre, se cherchant, au travers le temps, priant pour se revoir.

- L'avantage, dans ce cas, d'être une sorceleuse, c'est que ton mignon, tu le retrouveras, même si je pense que ça devait pas être marrant tous les jours au pieu avec un piaf ! commenta Zoltan.

- Il était capable de polymorphie, donc, il avait une apparence humaine la grosse majorité du temps… mais j'admets que c'était des moments assez hilarants quand il prenait sa forme animale pour le sexe ! rit Ann. Ok, j'ai trop bu, je pense !

En riant, elle avala son verre et voulut le reposer le plus loin possible d'elle, avant que Zoltan ne s'en empare et le reremplisse.

- On est entre amis ici, personne pour juger, vas-y, laisse-toi aller ! encouragea Shani en lui posant une main sur son épaule.

- Si c'est si gentiment proposé.

Elle sirota son nouveau verre d'alcool. Elle avait chaud et la tête lui tournait un peu. Ce n'était pas si mal comme situation.

- Vous avez pas faim ? demanda Zoltan.

- Un peu, avoua Geralt.

Les regards se portèrent sur l'énorme miche de pain à l'autre bout de la table.

- On a du pain, mais le pain nature, c'est triste.

- Zoltan a raison, approuva le barde avec sérieux. Nous avons besoin de lard.

- Je suis certain que cette grand-mère en bas doit en avoir une bonne réserve !

- Vous vous fichez de moi… soupira Geralt.

- La grand-mère doit avoir du lard et peut-être même des cornichons.

- Shani…

Le mutant se tourna vers son amie rousse dans l'espoir que la voix de la raison se fasse entendre. Seulement, elle était bien assez alcoolisée pour approuver l'idée, jusqu'à un certain point :

- Ne te fais pas prendre, Geralt, j'irai la payer demain matin.

- Attendez un instant, pourquoi moi ?

- Les nains ne sont pas des maîtres de la discrétion, Shani n'est pas le genre de femme à faire un truc pareil et Jaskier… eh bien… il foirerait le truc…

Jaskier était trop occupé à vider un énième verre pour de protester.

- Et pourquoi pas Portgas ? On parle de la femme qui s'est introduite sans laisser-passer dans la capitale et qui ne s'est toujours pas fait prendre !

- Et la galanterie, Geralt ! gronda Jaskier.

- Généralement, je serais d'avis de dire que je déteste quand on applique cette histoire de galanterie qui n'est qu'une discrimination sexuelle recouvert d'un enduit de politiquement correct, de gentillesse et de bonne éducation… commença Ann.

- Mais… ? fit son collègue.

- Mais j'ai pas envie de bouger.

Avec un lourd soupir, le Loup Blanc se leva de sa chaise avec un pas légèrement chancelant, pour descendre les marches.

- Il a vraiment tout oublié ? s'enquit Jaskier quand le sorceleur ne fut plus en vue.

- L'autre soir, je lui ai demandé si le nom de Ciri lui parlait. J'ai en partie entraîné la gamine, puisqu'une femme n'a pas le même centre d'équilibre qu'un homme, donc, j'étais plus apte à l'aider. Ce qui fait que je la connais assez bien, je lui avais même apprise les bases de ma langue natale. Mais Geralt…

Ann soupira en secouant la tête.

- Je pense que les souvenirs sont toujours là, scellés et inaccessibles, mais il garde une sorte de mémoire instinctuelle ou quelque chose comme ça. Le nom de Ciri a fait naître de l'inquiétude chez lui. D'ailleurs, vous avez eu des nouvelles de la gamine ?

Les hommes secouèrent la tête.

- C'est elle qui a récupéré les corps de Geralt et Yennefer, mais on ne l'a plus revue depuis.

- So ka.

Jaskier et Zoltan se mirent à discuter entre eux pour prendre de leurs nouvelles, laissant Ann au fond de ses pensées, jusqu'à ce que Shani lui parle.

- Tu as porté un toast à un certain Thatch, qui était-il ?

- Thatch ?

Ann soupira en sirotant son verre.

- Il est mort il y a longtemps, bien avant que tu ne viennes au monde. C'était… mon meilleur ami. Il avait beau être humain, mais il avait une bonté sans norme et toujours le mot pour dédramatiser la pire des situations, tout en sachant quand être sérieux et se battre de toutes ses forces pour ses convictions. Il avait aussi la même réputation de coureur de jupons que Jaskier.

La sourire de la mutante s'effaça doucement.

- On a servi pendant un temps sur le même navire, nous étions deux des seize commandants de la flotte du géant des mers que nous appelions père. Sauf que voilà, un matin, on a retrouvé du sang dans sa cabine. Du sang et pas le moindre corps. Tellement de sang… aucun moyen qu'il ait pu survivre, même s'il était du genre à se remettre assez vite de ses blessures. Et à côté, un des hommes sous mes ordres avait disparu avec un objet magique qui appartenait à Thatch. L'affaire n'a fait que s'aggraver, et c'est comme ça que je les ai perdus de vue.

- Je suis navrée pour toi.

- C'était il y a longtemps. Avec tout ce que j'ai vécu, j'ai eu le temps de faire le deuil. Pourquoi tu t'es intéressée à lui ?

- Eh bien… le vampire que j'ai rencontré à Brenna portait le même nom, c'est pour ça.

- Vraiment ?

- C'est pas un nom très commun, commenta Zoltan.

Apparemment, les hommes avaient suivi la conversation.

- Il disait qu'il devait sa vie à un autre vampire mais que son frère adoptif était la seule chose qui lui restait de sa vie d'avant, expliqua Shani.

- Et il ressemblait à quoi ?

- Grand, dans les deux mètres, assez mastoc et fort comme un roc. Coën s'était foulé le poignet en voulant faire un bras de fer avec lui. Certes, il pouvait se battre avec ses dons de vampires, mais il préférait l'épée. Il en maniait deux.

La mutante fronça les sourcils.

- Ah et il avait les cheveux longs et auburn, il les coiffait en catogan à l'époque.

Elle positionna sa main sous son épaule pour dire jusqu'où ils descendaient.

- Il avait aussi de très beaux yeux ambrés.

- Un sorceleur ? C'est leur marque de fabrique les yeux ambrés, pointa Zoltan.

- Je pense que notre amie de l'Ecole du Chat est la preuve même que tu es dans le faux, se moqua Jaskier.

Le nain leva le nez vers Ann qui le regarda un instant avant de revenir vers Shani.

- Exact, sympa l'argent, commenta Zoltan.

- Je suis une exception, vous fiez pas à moi. Les couleurs restent entre l'or, l'ambre et le jaune majoritairement, avec parfois des restes de la couleur d'origine, rappela Ann.

- Eh bien, ce n'est pas un mutant. Enfin pas totalement. Il les avait naturellement de cette couleur, sans avoir les pupilles de chat ou tout autre chose, pointa Shani.

- Il avait une cicatrice ? coupa Ann. En arc de cercle, de l'arcade sourcilière à la joue en passant sur la tempe ?

Elle dessina le parcours de la cicatrice sur son visage en passant sur la brûlure qui le marquait au coin de l'œil gauche.

- Exactement, confirma l'humaine.

- Ce serait donc le même homme que tu as connu ? devina Zoltan en s'adressant à la pirate.

- Le Thatch que j'ai connu était humain et il y avait autant de chance qu'il puisse être un vampire, que mon petit-frère aurait été capable de faire une découverte révolutionnaire en science, en alchimie ou en magie (Bêta : C'est pas gentil pour Luffy, ça !). Autrement dit, zéro. La ressemblance est intrigante, mais il est tout bonnement impossible que ce soit la même personne.

La conversation n'alla pas plus loin que Geralt remontait de son pas chancelant avec un gros pot de saindoux et une grosse conserve de cornichons.

- Ah ! Notre sauveur revient ! commenta Jaskier.

- Lard et cornichons, présenta le mutant en déposant son butin sur la table.

- Hmmm… et le sucre ? s'enquit Zoltan.

- Zoltan…

Pas content le sorceleur, attention, il grogne.

- C'est bon, le lard suffira, assura le nain.

Ann se leva pour prendre la miche de pain et la découper, laissant Shani faire les tartines et la distribution des cornichons.

- Que représente le tatouage sur ton bras ? demanda Jaskier en montrant le bout d'encre tout juste visible avec la manche pendante de la tunique d'Ann.

Et il mordit dans sa tartine.

Ann suçota ses doigts pour les nettoyer, avant de défaire le lacet au-dessus de ses gants pour desserrer la fermeture de sa manche et la remonter, laissant voir le tatouage agrémenté de griffures de diverses bêtes.

- Ace se traduit par As, comme pour la carte. C'était mon prénom avant que je ne devienne sorceleuse. C'est comme ça que ma famille et mes proches me connaissaient. Et par je ne sais quel tour, la petite Ciri connaissait ce nom et me nommait ainsi en lieu d'Anabela. Le S au milieu c'est un memento. Un de mes frères adoptifs s'est fait tuer durant une fugue, par un noble. En me gravant cette lettre, j'avais pour ambition de porter avec moi son souvenir pour qu'il puisse vivre les aventures et la liberté dont il rêvait tant.

- Ce sont les meilleurs, les plus purs et les plus innocents qui partent en premier, commenta Zoltan.

- Pourquoi changer de prénom ? demanda Shani.

- J'ai eu des problèmes avec une magicienne avant de devenir sorceleuse. Elle a pris deux parts intégrantes de mon identité, ce qui faisait de moi Ace. Comme je ne suis plus cette personne, je ne peux plus porter ce nom, tant que je n'ai pas retrouvé au moins l'une de ses parts de moi.

- Qui donc ? s'enquit Jaskier.

- Philippa Eilhart.

- Tu n'as pas choisi la meilleure des ennemies.

- Je ne suis pas qu'une sorceleuse, rétorqua Ann en rejetant un de ses dreads dans son dos quand il glissa de son chignon.

Et les discussions embrayèrent sur un autre sujet pendant que la mutante rattachait sa manche correctement.

Finalement, ce qui pouvait arriver avec un barde dans l'assemblée arriva. Jaskier se leva en annonçant qu'il avait une chanson parfaite pour Zoltan et Ann, ce qui intrigua la paire. Il ramassa son luth qu'il avait posé sur le lit de Shani et se positionna au pied du meuble pour l'accorder. Les deux femmes s'assirent côte à côte, à proximité de la cheminée, alors que Zoltan s'installait un peu plus loin. Geralt restant un instant debout avant d'aller s'adosser à un mur, les bras croisés.

Jaskier commença à jouer des notes légèrement mélancoliques en racontant l'histoire de deux loups. L'un libre, sauvage et heureux qui exprimait toute sa joie d'être célibataire. Et l'autre, la queue et les oreilles basses, triste et mélancolique, qui par contre, était marié.

Pendant une bonne partie de la démonstration musicale, Ann remarqua un étrange jeu entre Geralt et la rousse. L'un regardant l'autre pendant qu'il ne le voyait pas et détournant des yeux à temps pour ne pas se faire prendre, avant de finalement, se regarder enfin en face à face pendant un instant. Shani offrit un sourire rayonnant à son ami avant de rapporter son attention à Jaskier.

Il ne fallut pas longtemps pour que l'alcool ne réclame son dû et que la rousse ne se laisse aller sur Ann en s'endormant.

La chanson finie, Zoltan l'applaudit joyeusement.

- Sinon, Zoltan, et ta promise ? demanda le barde.

Le nain soupira lourdement et l'amertume était pleinement audible dans sa voix :

- C'est une question difficile, Jaskier. Disons que le bon vieux temps ne reviendra pas.

- Le bon vieux temps… oui, je m'en souviens, soupira le barde. Comme la fois où j'ai interrompu Geralt et Shani à Oxenfurt…

Avant que le mutant ne puisse lui demander de quoi il parlait, Ann intervint :

- Shani vient de s'endormir. Prenez un dernier verre pendant que je la mets au lit.

- Oui, il serait temps d'y aller, il est tard, confirma le barde.

Doucement, Ann hissa la rousse dans ses bras et se leva pour aller la déposer dans le lit. Pendant que les hommes prenaient un dernier verre, elle retira les chaussures de la jeune femme et sa ceinture avec son poignard pour poser le tout sur la table basse.

- A Shani, saluèrent les hommes.

Ils avalèrent un dernier verre puis s'en allèrent. Vu qu'elle était seule avec la demoiselle, elle la changea rapidement avec sa nuisette et lui mit la couverture sur le dos pour qu'elle ne prenne pas froid. Elle brandit ensuite une main vers la cheminée et usa de Igni pour endormir juste assez les flammes afin qu'il n'y ait aucun accident. Elle fit ensuite un peu de ménage dans les restants de leur petite fête, croquant dans un dernier cornichon au passage, mettant de côté les bouteilles et les cruchons vides et récupérant les alcools très forts qu'elle pourrait toujours utiliser en alchimie. Puis, sur la pointe des pieds, elle se glissa en bas et quitta en silence la maison.

Pour se mettre autant à parler de sa vie, c'est qu'elle devait avoir bu un peu trop d'alcool que ce qu'elle s'autorisait généralement.

Sur la placette endormie, elle regarda la maison de la jeune femme.

Amis…

Il y a longtemps qu'elle n'avait pas rencontré des gens qu'elle puisse considérer comme tels.

En soupirant, elle arrangea les quatre bouteilles dans ses bras et prit sa route vers sa planque.

.


.

Ann lui avait dit qu'elle avait quelques trucs à faire histoire de préparer son entraînement, qui les occuperait tant que Raymond ne serait pas de retour. Ce qui laissait à Geralt le champ libre pour faire ce qu'il fallait pour remercier Shani.

Et il avait gentiment demandé au jardinier des roses rouges, qu'il lui en avait offert en échange d'un casse-croûte.

Donc, il était retourné voir la belle avec les fleurs ce qui avait laissé la jeune femme sans voix et rose d'émotion.

- Tu rougies, commenta le mutant alors que Shani acceptait les fleurs.

Cela eut pour conséquence de la faire rougir encore plus alors qu'elle respirait le parfum des fleurs.

- On m'offre si rarement des fleurs… avoua-t-elle.

- Une ravissante et jeune médecin comme toi ne devrait pourtant pas manquer d'admirateurs.

- En fait, il y a cet homme si peu rassurant qu'il a effrayé tous les autres.

- Si tu as besoin d'aide…

La demoiselle eut un rire en secouant la tête.

- Non, tout va bien. Il était mystérieux, et même charmant dans son style particulier. On est sorti ensemble plusieurs fois, et qui sait ce qui aurait pu se passer si je n'avais pas découvert qu'il menait une double vie.

- Tu parles de qui ? se renseigna Geralt.

- Thaler, je doute que tu le connaisses. Un soir, nous marchions sur l'embarcadère quand j'ai réalisé qu'on était suivis par deux hommes qui portaient des manteaux gris sur des armures des forces spéciales. Les manteaux devaient normalement les cacher. Mais ils ne savaient pas qu'à l'université, j'ai appris à reconnaître les hommes de leur espèce. J'ai cru qu'on allait se faire arrêter, mais Thaler m'a dit de ne pas m'en faire. Que le devoir l'appelait et que nous devions nous séparer.

L'histoire devenait très passionnante. Quel était le rapport entre Thaler et les forces spéciales ?

- J'étais sur le point de lui dire ce que je pensais quand j'ai remarqué les hommes lui faire des signes.

- Ils portaient des badges de la Salamandre ?

- Attends ! lui dit Shani. J'étais curieuse, alors, je lui ai dit qu'il m'avait brisé le cœur et j'ai fait semblant de m'évanouir. Thaler leur a alors dit « ça a tout intérêt d'être important » et l'un d'eux a répondu « mais chef, on était cachés, tout bonnement invisibles ! ». Là, Thaler a répondu « ce sont tes couilles qui seront tout bonnement invisibles quand je les aurais enfoncés dans ton cul ! ». J'ai pas pu m'en empêché et j'ai éclaté de rire…

Rien qu'en racontant ça, elle avait un grand sourire et des larmes d'hilarité aux yeux.

- Et comment ça c'est fini ?

- Ils m'ont raccompagnée chez moi, mais j'ai entendu d'un des « homme-invisible » que leur opération contre la Salamandre avait échoué.

L'hilarité que Geralt ressentait s'échappa immédiatement. Donc, Thaler bossait contre la Salamandre ?

- Tu sais qui sont ces hommes ?

- La police secrète de Foltest, répondit Shani. On les avait déjà rencontrés à Oxenfurt, quand je t'ai aidé à fuir les agents Redaniens. Les Témériens sont à peine meilleurs.

Voilà qui était rassurant au minimum. Foltest, même absent, savait ce qu'il en était dans son royaume.

- En parlant d'Oxenfurt, Jaskier m'a dit qu'il avait interrompu quelque chose à notre sujet, qu'est-ce que c'était ?

Le sourire de Shani devint malicieux alors qu'elle portait une main à la ceinture qui gardait sa tunique en place.

- Je craignais que tu ne me le demanderais jamais.

Et la ceinture tomba par terre.

Comment dire non.

.


.

Ann était adossée à un mur, une main levée pour former le signe de Yrden, ce qui faisait qu'un monstre aux dents longues, pointues, mesurant pas loin de deux mètres cinquante, était immobilisé au centre de la pièce. La créature se tenait courbée, avec une peau épaisse, rosée, parcourue d'innombrables veinules aussi rouges que la crète épineuse qui suivait sa colonne vertébrale.

Geralt finit par passer la porte et porta une main à son glaive d'argent en voyant le monstre.

- C'est ton entraînement, patate. Range ton arme pour l'instant.

Le Loup Blanc hésita, mais accepta de laisser son arme.

- Tu devais juste lui apporter des fleurs, qu'est-ce qui t'a fait prendre autant de temps ? se renseigna la mutante.

- Disons qu'on a eu une conversation intéressante au sujet de Thaler. Il se pourrait que ce soit le chef des services secrets de Foltest et qu'il lutte lui aussi contre la Salamandre.

- Intéressant, je me disais qu'il cachait quelque chose. Et c'est tout ce que tu as à dire pour tes deux heures de retard ?

Ann leva un sourcil devant l'absence de réponse de son collègue.

- De Riv, qu'est-ce que tu as fait ?

- J'ai tué une grand-mère pas accident.

- Nani ? Tu as quoi ?

Ce gars était pire source de problèmes qu'elle-même.

- J'ai passé un peu de temps avec Shani… et on n'a pas fait que parler.

Ah.

- La grand-mère nous a entendu et elle m'a allègrement insulté, en plus de hurler et de me casser les oreilles parce que j'avais soi-disant brisé sa confiance et qu'en plus, pour le coup, elle devrait supporter Shani dans sa grossesse.

Oublions juste que la mutation des sorceleurs entraînait la stérilité.

- J'ai perdu mon calme et je lui ai crié dessus en retour, en lui disant d'aller mourir. Et elle l'a fait.

Ann resta impassible et faillit éclater de rire avant de réaliser que son hilarité faisait faiblir Yrden et que le monstre était sur le point de s'échapper. Elle reprit sa concentration et attrapa le poignet droit qui formait le signe magique, renforçant celui-ci.

- Où est le corps ?

- Je l'ai déposé à l'hôpital.

- D'accord. Bon, on se met au travail ou pas ? Je commence à avoir une crampe.

- Qu'est-ce que je dois faire ?

Du menton, Ann montra son sac. Sur le dessus, un long et large tissu rêche était posé.

- Tu trouveras dessous deux élixirs. Chat-Huant et Hirondelle. Tu en auras certainement besoin pour l'entraînement. Quand tu les auras bus, tu te banderas les yeux. Si j'ai pris un tissu aussi large, c'est parce que tu vas devoir aussi te boucher les oreilles. Le but est d'éveiller l'instinct et de parvenir à accomplir ce genre de choses. Ecarte-toi.

Ann se leva et attendit que Geralt recule pour relâcher le signe.

Immédiatement, le monstre fonça sur elle et la mutante ferma les yeux, restant calme. Elle esquiva un premier coup de griffe, puis un second et un troisième. Une pirouette l'embarqua derrière le monstre et elle lui mit un coup de pied dans le dos qui le repoussa. Elle continua pendant quelques instants à danser entre les coups sans regarder, poussant même jusqu'à prédire les attaques avant qu'elles ne soient portées, avant de finalement, se baisser sous un coup pour appliquer le signe de Yrden au sol et de rouler plus loin, faisant qu'en la suivant, le monstre marcha dans le signe mauve luisant sur le sol, se retrouvant emprisonné. Il se débattit contre le sort, mais Ann se relevait déjà pour le garder en son pouvoir.

- Aucune magie, sauf celle du corps humain et de l'instinct. L'entraînement, nos mutations et nos vies facilitent l'apprentissage de cette technique.

- Son nom ?

- Kenbushoku no Haki. Fluide de l'Observation. On verra plus tard pour l'Armement, d'autant plus que je ne peux pas vraiment en faire de démonstration pendant que je suis occupée à garder le monstre immobile.

- Une méthode particulière ? demanda Geralt.

- Ben, disons que j'aimerais que tu évites d'utiliser des sabres, parce que sinon, les Graveirs, faudra aller les chercher soit dans les cryptes dans les égouts, soit au cimetière. Sous le plancher, il y en a encore cinq.

- Donc, je dois me battre à mains nues ?

- De préférence. Cela pourrait aussi aider à l'éveil de la seconde forme de Haki. Busoshoku. Fluide de l'Armement. Vois ça comme une sorte d'armure qui renforce muscles, tendons, os et peau. Soit pour la défense, soit pour en faire une arme.

- Je vois. Sinon, à la base, je demandais une méthode pour développer la technique, ce Fluide de l'Observation.

- Sentir. Ressentir. Allez au-delà des sens. Te forcer à percevoir quand tu n'as plus aucun sens. Je l'immobiliserai si jamais il essaye de te niaquer.

Geralt ne fit aucun commentaire. Il retira ses glaives de son dos et les appuya contre le mur. Il fit rouler un instant sa tête sur ses épaules, avant de soulever le tissu et de récupérer les petites fioles en dessous. L'une avec un liquide bleu très clair, semblable à un ciel d'été, alors que l'autre avait une teinte rosée. Sans la moindre hésitation, l'homme les avala l'une après l'autre et crispa ses yeux alors que ses mutations réagissaient au liquide qui formait à présent des veinules noires en se dispersant dans son corps. Cela ne dura qu'un instant, avant qu'il ne retrouve son calme et son aspect habituel. Histoire de ne pas perdre trop de temps sur la durée des élixirs, il s'empressa de se bander les yeux, passant plusieurs fois sur les orbites et ses oreilles pour se couper de ses sens avant de faire le nœud.

- C'est parti.

Ann relâcha le monstre qui fonça sur elle, avant de se prendre un coup de pied dans le facies et de finir un peu plus loin à terre. Là, il se redressa, mais Ann avait déjà bougé pour se mettre hors de vue derrière un vaisselier encore présent dans la maison à l'abandon, ne laissant plus que Geralt de visible.

Vu que le monstre faisait quand même son poids, le Loup Blanc sentit tout de même venir la créature, avec les grosses vibrations du sol. Mais il n'eut pas le temps de réagir qu'il se prit une puissante mandale qui l'envoya contre un mur.

Ann le regarda faire.

Les coups étaient la meilleure méthode pour apprendre le Haki.

Elle le savait.

Elle avait eu des dizaines d'années pour se remettre à niveau.

.


.

Comme elle l'avait prédit, tout ce qui faisait d'eux des sorceleurs aidait à l'apprentissage du Haki.

Presque une semaine après le départ de Raymond, Geralt arrivait à mieux prédire les mouvements de son adversaire et à lui répondre. Sans parler de la surprise que ça avait été pour Ann de le voir montrer des signes du Busoshoku. Aussi inhumains et puissants que soient les sorceleurs, on n'attend pas d'eux qu'ils soient capables d'exploser le crâne solide d'un charognard aussi gros d'un Graveirs avec un seul coup de poing.

Les deux techniques étaient flageolantes, mais il s'en sortait mieux qu'elle à ses débuts.

- C'est fini pour aujourd'hui, finit par dire Ann en se relevant de sa place au sol où auparavant elle mixait des élixirs.

Elle rangea son matériel avant d'aller ouvrir la porte de la cave. Elle attrapa le monstre par l'épaule et le renvoya dans la cave avec ses amis, avant de sceller la porte avec Yrden. La cible d'entraînement rangée proprement, le mutant retira son bandeau en soupirant.

- Je suis surpris qu'on ait pas eu d'entraînement de ce genre durant nos formations, commenta Geralt en faisant le tour de sa personne pour voir s'il était blessé assez grièvement pour devoir se changer et se soigner. Le plus proche dont je me souviens, c'est l'Epreuve des Yeux de Forêt.

- L'épreuve, là, où on est attaché à un arbre dans la forêt et où on doit retourner à la caravane avant le lever du jour ? Cet enfoiré de Schrödinger m'a suspendue par les chevilles parce qu'il m'avait accusée de tricherie. Je suis restée quoi…. Une semaine la tête en bas, jusqu'à ce qu'il veuille bien me faire descendre pour que je lui prouve avec démonstration à l'appui que d'une, cette épreuve, c'était de la merde et de deux, que non j'avais pas triché.

Elle alla remettre dans son dos ses glaives et lança à Geralt les siens.

- Si elle n'est pas apprise, c'est parce que c'est une technique méconnue. Je serais pas surprise d'être la seule à savoir comment l'enseigner sur le continent. L'autre raison est que bien souvent, à force de suivre la Voie, les sens s'aiguisent tellement que ce sont des compétences que les sorceleurs les plus vieux finissent par développer inconsciemment. Oncle Vesemir est un bel exemple.

Chacun reprit le reste de ses affaires et ils sortirent de la maison. Ils allaient s'aventurer plus loin lorsqu'un enfant courut jusqu'à Geralt et l'interpela :

- Vous êtes Geralt de Riv ?

- Oui, et ? demanda laconiquement le sorceleur pour la plus grande curiosité de la D. à ses côtés.

- Mr Maarlove voudrait vous voir.

- Qu'est-ce qu'il se passe ? demanda Ann en s'accroupissant pour se mettre au niveau de l'enfant.

- Il m'a demandé de vous dire qu'il avait de nouvelles informations et de venir le retrouver rapidement chez lui.

- Très bien, merci pour le message.

Et l'enfant s'en alla en courant. Les deux sorceleurs se regardèrent et se mirent en marche vers la maison du détective. Et juste devant la porte, leur amulette respective se mit à trembler violemment.

Soit une immense magie était à l'œuvre, soit il y avait un grand danger qui les attendait derrière.

Ann posa sa main sur le bras de Geralt pour l'empêcher de dégainer son arme, avant de lever un doigt à ses lèvres pour lui faire comprendre de garder le silence. Elle prit sa respiration, étala sa main sur la porte et ferma les yeux, envahissant chaque centimètre carré de son Haki. Le danger transpirait par tous les pores de la maison. Et une puissante magie était à l'œuvre.

Elle recula en ouvrant les yeux et se tourna vers son camarade.

- Raymond n'est pas là. Par contre, on a un mage très puissant qui fait joujou avec ses pouvoirs à l'intérieur.

- Surveille mes arrières, je vais voir ça. Le mage est où ?

- A l'étage, dans la chambre.

Geralt hocha la tête et ouvrit la porte avec précaution, gardant une main sur son glaive. La première chose qu'il vit, ce fut la décoration de la pièce à vivre. La pièce avait changé. On avait échangé les tabourets pour des chaises plus confortables et on avait rajouté sur le sol un luxueux tapis exotique, sans parler d'un globe en métal doré, monté sur pied et aussi large qu'un homme, qui représentait la position des étoiles. Sur l'un des murs, une carte avait été accrochée, montrant la frontière Témérienne du nord, partagée avec la Redania en haut et Kaedwen à droite.

Et sur la table, une petite boite attira son attention. Métallique, discrète, parfaite pour tenir dans la paume de la main. Facile à ouvrir. Une odeur très puissante en sortait.

Fisstech.

Rien n'avait laissé penser que Raymond soit un junkie.

Le Loup Blanc se retourna vers sa camarade qui s'était glissée en silence dans la pièce et lui montra les différences. Elle fronça les sourcils et fit un geste du nez pour désigner le plafond. Tout aussi discrètement, Geralt se dirigea vers l'escalier et commença à le monter, alors qu'Ann se positionnait au pied des marches. Lentement, le sorceleur monta à l'étage, une main sur son glaive, prêt à dégainer au moindre signe suspect.

Pourtant, à l'étage, assis par terre à lire quelques papiers, Raymond attendait.

Etrange.

Ann se serait-elle trompée ?

Mais alors, comment expliquer l'agitation du médaillon ? Si ça n'avait été que le sien, Geralt aurait bien voulu admettre qu'il était défectueux, mais celui d'Ann aussi ?

Il jeta un regard à Ann, bougeant deux doigts pour lui faire comprendre de rester cachée, avant d'éloigner sa main de son arme. Il glissa le pendentif de l'amulette dans son col, le masquant de la vue et s'avança dans la pièce. Immédiatement, Raymond releva la tête et se mit debout avec excitation.

- Ah ! Loup Blanc, vous ne devinerez pas ce que j'ai trouvé !

- Quoi donc ?

- Avant toute chose, n'oubliez pas mes honoraires. J'ai besoin de deux cents orins pour payer mes fournitures, faux-frais et informateurs.

Geralt haussa un sourcil.

Raymond n'avait pas dit qu'il les aiderait gratuitement parce que lui aussi avec une affaire personnelle avec Azar Javed ?

- Cette enquête commence à me revenir cher, soupira Geralt en prenant sa bourse dans son sac.

- Je ne suis pas le prophète Lebioda. Je ne peux pas me nourrir de racines et de bais. Et mes informateurs non plus. Et je peux vous assurer que cet argent ne fait que couvrir que les frais nécessaires. J'y pense, le Chat Noir n'est pas venu ?

- Non. Elle compte quitter Wyzima sous peu. Elle juge qu'elle n'a plus rien à faire ici et veut s'entretenir avec les dryades de Brokilon au sujet de ne je ne sais quoi. Elle ne se sent pas concernée puisque ce n'est pas son école qui a été attaquée.

- Vous savez où est l'école des Chats ?

- Vu que Portgas hiverne avec nous, je pense qu'ils n'ont plus de bastion.

- Hmhm.

Raymond se gratta la joue alors que Geralt comptait l'argent. Finalement, deux cents orins finirent sur la table et bientôt, dans la poche du manteau de Raymond.

- Bien, parlons affaire à présent. Ils ont transféré le prisonnier après l'attaque.

- C'est pas bon.

- Surtout quand il est mort la nuit dernière.

- Comment ça se fait ?

Cela faisait bien une semaine depuis l'attaque. Il s'était passé quelque chose entre temps à l'hôpital ?

- Eh bien, il n'était pas en très bon état, donc, je pense que ce n'est pas une surprise… mais j'ai un pressentiment.

Oui, Geralt aussi l'avait ce pressentiment.

- Quelqu'un l'aurait aidé à mourir ? devina le Sorceleur.

- Exactement. Miss Shani qui travaille à l'hôpital est une bonne amie à vous, non ? Le croque-mort n'acceptera pas de faire l'autopsie, mais elle oui, certainement, si vous lui demandez.

Shani ? Pourquoi il lui parlait de Shani et d'où il la connaissait ?

- Attendez un instant, vous m'espionnez ?

- C'est mon travail, se justifia Raymond en haussant des épaules.

Peut-être, mais ils travaillaient ensemble, il aurait pu s'abstenir, surtout quand il lui avait sauvé la vie.

- Je vais voir ça. Je vous tiens au courant.

Et Geralt tourna les talons. Il descendit rapidement pour voir la porte légèrement ouverte sur la rue et Portgas absente. Il quitta la maison et trouva sa comparse l'attendant un peu plus loin en direction des quais. Il hâta le pas pour la rejoindre et ils quittèrent la zone urbaine pour rejoindre le ponton et la zone de déchargement. Il n'y avait pas beaucoup de monde à l'extérieur, parfait pour rester discret dans ce qu'ils allaient dire.

Et c'est Ann qui lança le bal.

- Cet homme n'est pas Raymond.

- Tu en es certaine ? se fit confirmer Geralt.

- Aussi certaine que je sais que l'eau, ça mouille. Le tout est que je ne sais pas qui ou quoi se fait passer pour Raymond. Ce ne peut pas être un Doppler. Leur nature est trop douce, un médaillon ne réagirait pas ainsi. Sans parler qu'il y avait beaucoup de magie dans cette maison.

Geralt se mit à faire les cents pas.

Il commençait à avoir une idée. Une idée très dramatique de qui pouvait se cacher derrière le masque de Raymond, mais avant d'en parler, il aurait besoin de preuves. Et ça, pour l'instant, il n'en avait pas.

- J'ai une idée, mais il me faut quelque chose pour le prouver, lui dit Geralt.

- Très bien. J'irai me cacher dans les marais, néanmoins, je garderai un œil sur Wyzima et j'interviendrai s'il le faut pour empêcher un massacre. Je ferai croire que je suis partie, tout simplement.

Geralt hocha la tête. Des deux, Portgas était la plus discrète. Lui, il avait sa taille imposante et sa carrure musclée sans parler de ses yeux de chat et de ses cheveux blancs. Mais la brune était plus fine et agile, elle se fondait mieux dans la masse. Il pouvait s'assurer qu'on se concentre sur lui, et ainsi, tout le monde oublierait sa partenaire, leur permettant de faire d'elle un atout dans leur manche en cas de confrontation avec la Salamandre.

- Tu arriveras à t'entraîner seul ?

- Je devrais m'en sortir avec la base que tu m'as donnée, lui assura Geralt.

Ann hocha la tête.

- Mon bon souvenir à Shani. Je reprends mon sac et j'y vais.

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A.N.: Alors, pour ceux qui ne le savent pas ou ne l'ont pas compris, Ceádmil c'est "Bonjour/Salutation". Aen Seidhe c'est basiquement les elfes (bien que ça se traduise par "Peuple des collines"). Quand on sera au niveau du Witcher 3, on verra une seconde version pour elfe, mais ce n'est pas important pour l'instant. Nous avons ensuite dh'oine pour humain et vatt'ghern pour les sorceleurs. Concernant le nouveau vocabulaire, nous avons donc hav'caaren qui se traduit dans la langue commune par havekar ou hawker... ça ne vous éclaire pas, eh bien, ce sont des contrebandiers qui fournissent les rebelles mais qui peuvent les revendre si on leur fait un bon prix. Yup. Des salauds.