Bonne année, bonne santée ! On se retrouve avec de l'avancement dans la quête de nos voyageurs à la recherche de Miss Ciri. Et malheureusement, tout ne se passe pas comme prévu, vous verrez.

Merci à Portgasyuwine pour sa review. Même si la réponse est présent chez Samy, Mandos avait (et je dis bien "avait") deux malédictions. Celle de son oeil, et celle de sa main, qui elle, est héritée de Ombrage avec la plume de sang et l'empêchait par sa présence de mentir. Maintenant que Marco est passé par-là, elle n'est plus active. Concernant Luffy, tu auras ta réponse en temps voulu. Merci d'ailleurs pour ton travail de correction.

Sur ce, je vous dis à très bientôt pour les aventures de la Chasse Sauvage.

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Ils avaient chevauché jusqu'à midi, heure à laquelle ils avaient fait une pause, le temps de se restaurer. C'est dans leur assiette qu'ils découvrirent que les créatures n'étaient pas les seules à avoir muté. Pendant que le repas était préparé, Ace avait montré son carnet de notes à Geralt, partageant ce qu'il avait constaté de l'avant et l'après de nombreux monstres en faisant des allers et retours entre les pages. Ce n'était pas que l'apparence, le comportement était aussi à prendre en compte. Bien des monstres, comme les goules, étaient nocturnes à la base. Aujourd'hui, nuit et jour, elles étaient actives, à croire qu'elles n'avaient plus besoin de dormir. Enfin, on leur servi le repas. Du poisson. Quelque chose avait fait tiquer les pirates avant même qu'ils ne mangent. Pour ensuite réaliser, une fois la première bouchée avalée, que leur soupçon était correct.

- Du fugu ? Où diable as-tu trouvé du fugu ? Frais en plus ! s'exclama Marco.

- Un pêcheur en a trouvé par hasard dans ses filets et ne savait pas ce que c'était. Je lui ai dit que

c'était un poisson toxique et que j'étais prêt à l'en débarrasser, se justifia le vampire en haussant les épaules.

- Je commence à me demander si on n'est pas en pleine Conjonction des Sphères, soupira Geralt.

- Si je trouve un kai-ô, j'entre au couvent, annonça sérieusement Ace.

Marco s'étouffa dans son assiette à cette nouvelle.

- Pour notre survie à tous, et celle de votre mariage, il faut toucher du bois pour que cela n'arrive pas, marmonna le Loup Blanc.

- Parlons peu, mais parlons bien. Mandos, maintenant, c'est qui le patron des fourneaux ?! interpella Thatch.

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Le contact de Geralt à Velen était un certain Hendrik, un espion impérial opérant incognito dans cette région ravagée par la guerre. Sa mission : collecter des informations sur Ciri.

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Ils avaient repris leur route après cela. Durant le trajet, tant qu'il n'avait pas de cheval pour lui, Mandos devait monter derrière Marco, le plus léger du groupe grâce à ses os aérifiés. Pendant les longues heures de chevauchées, le jeune elfe se renseigna sur la situation politique, certainement pour voir les différences entre le monde qu'il connaissait et celui où il était désormais. Il découvrit donc que la démocratie était en place à Vergen et qu'en gage de neutralité et d'un soutien officieux des Scoia'tael (pour ne pas se faire avoir comme pour les accords de Cintra), l'empire laissait la région du Lormark indépendante. Cela permettait d'ailleurs de faire évacuer un maximum de non-humains des villes pour fuir la politique violente et raciste de Radovid. Parce que les mages et magiciennes, il y en avait de moins en moins à chasser, et quand il n'y aurait plus rien à se mettre sous la dent pour les Chasseurs de Sorcières, ils s'attaqueraient aux nains, elfes et halfelins.

Le soir, c'était entraînement.

Jugeant qu'il valait mieux prendre sur soi l'entraînement de Mandos pour éviter des soucis avec Ace et ses méthodes expéditives, Shiva s'était désignée comme instructrice. Donc, à chaque fois qu'elle avait fini de mettre en place une barrière de protection avec ses têtes réduites (en mettant toujours celle de Dethmold au nord pour une raison qu'elle seule savait), elle prenait le bisentô et Mandos pour entraîner leur nouveau compagnon. De son côté, Ace s'occupait d'Anaïs, que ce soit pour lui apprendre à se battre ou lui enseigner deux trois trucs de sorceleurs. Marco, synonyme d'érudit, avait pris sur lui d'apprendre le Japonais et le Langage Ancien à Anaïs.

Puis, ils mangeaient et, une fois le repas fini, décidaient avec les dés de l'ordre des tours de garde. Quand c'était Ace qui avait le premier, il avait pour habitude de sortir sa guitare pour jouer deux trois morceaux avant que tout le monde ne s'endorme.

Cela dura donc cinq jours.

Le cinquième jour, ils arrivèrent à Velen. Le croassement des corbeaux sur un vieil arbre aux pendus et les aboiements des chiens sauvages souhaitèrent la bienvenue aux voyageurs. Du haut du chemin, ils voyaient pour l'instant une campagne triste et pauvre. Ils suivirent la route, passant régulièrement des potences de fortune qui compensaient le fait que le pauvre arbre qu'ils avaient rencontré soit déjà complet avec les corps.

- Sympa le coin, nota narquoisement Thatch.

- On devrait enterrer les corps, dit Anaïs depuis sa place devant Ace.

- On le fera à la tombée de la nuit, sinon, on finira nous aussi avec une corde au cou, lui assura le Chat Noir.

Ils continuèrent de descendre la route pour arriver à un premier village. Les deux premières maisons étaient brûlées. Descendant de monture, Geralt se rapprocha du tableau d'affichage. Ace souleva aisément Anaïs par les aisselles pour la déposer sur la selle de Shiva avant de descendre à son tour et de le rejoindre.

- On est à Valmûrier, informa Geralt.

- Quoi que ce soit d'intéressant ? se renseigna Thatch.

- Zone Nilfgaardienne, raquette par les troupes de Perchefreux, chaman qui fait son boulot, une famille qui veut rejoindre Flotsam et une disparition dans les bois, répondit Ace d'un air las.

Marco regarda Mandos s'approcher d'un enfant, et sourit en le voyant s'occuper de celui-ci, son corbeau sur le crâne faisant des pitreries pour rassurer et distraire le bambin pendant les soins de la blessure que le gosse avait à la main. Puisque de ce côté, c'était réglé, le blond descendit de son cheval avec Thatch. Ils approchèrent des habitants, s'intéressant à leur vie, avant que le vampire ne prenne quelques femmes avec lui pour leur apprendre deux trois tours, notamment, comment faire des nouilles avec de la farine de glands, plus digeste que manger les glands ainsi. Il leur montrerait aussi les champignons comestibles des environs et comment les cueillir pour qu'ils continuent de repousser.

- On se retrouve ce soir à l'arbre, yoi ? se renseigna Marco auprès de son frère.

- C'est bon pour moi.

Marco revint vers le cheval et offrit la longe de la monture de Thatch à Mandos.

- Il va rester sur place pour les aider à trouver une nourriture plus digeste que les racines qu'ils consomment actuellement. On le retrouvera plus tard, yoi. De ce que j'ai appris en consultant les villageois, c'est surtout la nourriture qui les rend malades. Avec la faim. Thatch gère ça mieux que quiconque, donc, sauf si tu as vu autre chose, Mandos, on peut avancer.

- Les morts sont aussi une cause de maladie. Laisser les corps ainsi pourrirent amène pas mal de choses. Alors réduire leur nombre aidera grandement. Surtout avec ce que cela entraîne aussi. Les monstres sont attirés par eux et nous savons tous les deux ce que cela entraîne, répondit l'elfe.

Pourtant, ce n'est pas pour autant que le groupe s'attarda. Ils reprirent rapidement leur route. Une fois qu'ils eurent pris assez de distance avec les habitants, le Phénix lui expliqua son intention :

- C'est quelque chose que j'ai signalé aux villageois. S'ils veulent faire ce qu'il faut, tant mieux, sinon, Thatch usera d'un de ses talents uniques pour dérocher les pendues et les brûler. Une tombe serait mieux, mais les charognards sont doués.

- Si la tombe n'est pas assez profonde, dans ce cas, les goules et les algoules se jetteront dessus et réduiront à néant le travail, expliqua Geralt. Même dans le cimetière d'une capitale comme Wyzima, on en trouvait, preuve qu'aucune fosse n'est jamais assez profonde pour les stopper.

- J'ai du respect pour les morts, mais les vivants passent en priorité, sans vouloir t'offenser toi et ta Lady, Cerbin, renchérit Ace. La moindre des choses avant de les brûler est de dire une prière pour leur âme, mais au moins, par le feu, on peut protéger les autres.

Mandos se contenta de rire.

- Ne t'inquiète pas. Je suis un des valets de la mort, mais je suis là pour aider les vivants. Et puis, tant que le mort est mis au repos, ça me va. Enterré, brûlé... il y a même certaines régions où on les mange ou on les jette à la mer… merlin merci, personne n'est assez stupide pour se changer en Wendigo et consommer la chair humaine. J'ai eu ça une fois. Je n'aimerais vraiment pas avoir le droit à une seconde expérience. Et vous non plus.

Ils virent Mandos jeter un œil au village, qui disparaissait derrière eux, puis fixait quelque chose à côté d'eux avant d'esquisser un sourire. Certainement un mort qui devait avoir trouvé le repos.

- On a déjà Big Mum, c'est suffisant. Et bien assez traumatisant et répugnant, yoi, grinça Marco.

La conversation s'arrêta quand ils arrivèrent en vue d'un étrange trio. Un prêtre du Feu Éternel qui priait devant un autel de fortune avec deux gardes du corps surveillant la route. L'un des bras armés insulta copieusement le sorceleur de l'Ecole du Loup avant que son compagnon ne renchérisse en insultant Mandos, et enfin Shiva qu'ils prenait pour une zerrikanienne. Jusqu'à ce que le prêtre ne leur demande de se taire et dise qu'un sorceleur pouvait toujours être utile. Enfin, c'était le message sous son discours étouffant et hypocrite. Si hypocrite que Marco tiqua tellement ça mettait le phénix en lui en rogne. En soupirant, Geralt descendit de son cheval, étrangement imité par Shiva qui aplatissait sur son crâne le foulard qui masquait ses plumes et ses oreilles. Sans arme visible, on la laissa faire.

- Que veux-tu ?

- Réjouissez-vous, car même un être vil et dépravé tel que vous peut servir la gloire du Feu Éternel.

Sur ces mots, Ace descendit lui aussi de cheval, mais ne fit pas de geste pour se rapprocher plus, même s'il avait retiré de son épaule le fusil. Les gardes la regardèrent avec méfiance, avant d'échanger un regard et d'afficher des sourires goguenards qui disaient bien trop sur l'organe utilisé pour penser sur le moment.

- Et de quoi il s'agit ? se renseigna avec patience Geralt.

- Quelqu'un doit s'occuper des corps sur les champs de bataille. Déjà, les nécrophages s'en prennent aux fosses communes. Ce n'est pas tolérable, leur expliqua l'homme d'église.

- Ce sera ma bonne action du jour ? devina sarcastiquement le Loup Blanc.

- Ce sera surtout une action très profitable. Je sais que vous ne faîtes rien gratuitement, vous autres.

Avant que Geralt ne puisse dire quoi que ce soit, Shiva jaillit avec sa vivacité de serpent. Elle passa sous le bras du prêtre, laissant sa queue s'enrouler autour du corps de sa proie alors qu'elle lui arrachait sa capuche afin de lui mordre la gorge. Un peu de bave coula sur la peau du prêtre, avec son venin. Les gardes voulurent réagir mais Ace tira dans le ventre d'un premier et Marco envoya une plume de feu se planter dans l'oïl d'un second.

Le combat était fini avant même de commencer.

Sans qu'ils ne comprennent pourquoi, Mandos cabra la monture de Thatch et s'en alla au galop.

- C'est pas vrai… Il est aussi con et imprévisible que Luffy. Marco, la clef, soupira Ace en sautant à cheval.

- Tu connais la consigne, rappela son homme en lui lançant la clef de ses menottes.

Ace jeta fusil et glaives à Geralt avant de rattraper ce qu'on lui lançait et de partir au galop à la poursuite de Mandos. Sur le chemin, il défit son entrave qu'il accrocha à sa selle. En voyant Mandos passer au ras d'une fosse emplie de goules, le D. se mit debout sur son cheval toujours au galop avant de bondir pour atterrir dans la fosse, devenant une tornade de feu qui réduisit en cendre les charognards avant qu'ils ne parviennent à atteindre le guérisseur avec son nouveau passager. Les flammes se condensèrent et le D. inspira profondément en retrouvant sa forme humaine. Il se sentait si libre, si léger comme ça. Mais… il savait que c'était dangereux.

- Shinigami, viens mon beau.

Répondant à l'appel, l'étalon noir rejoignit Ace qui monta en selle. Le pirate adressa un regard à l'elfe avant de lui faire comprendre d'un geste de la tête de passer devant au lieu de gober les mouches. Les chevaux allèrent jusqu'à la route, et là, Mandos descendit à terre avec l'homme qu'il avait sauvé de la fosse. Le gars tremblait comme une feuille. Voir la mort comme ça, en face, ça vous change un homme.

- Je ne t'ai pas sauvé parce que tu es innocent, mais parce que c'était la chose à faire… mais si tu regardes là-bas, tu pourras voir ce qu'il se passe avec les vendeurs un peu trop idiots, d'hoine. Je te conseille de changer de profession. Et de réfléchir à ce qu'il t'est arrivé. Nous sommes clairs ?

Par terre sur ses fesses, l'homme hocha frénétiquement la tête. Ace mena son cheval à proximité et lui parla avec un rictus féroce qui dévoila ses dents blanches :

- Dis-toi que le Karma demande toujours le règlement de ce qu'on lui doit. Si tu veux que ton addition ne soit pas mortellement salée au pire moment, je te recommande de suivre son conseil. Comme on dit… Karma is a sadistic bitch. On y va, Mandos ? On a un dealer en bure à faire cramer. En route, Shinigami.

Et sans attendre l'elfe, le D. prit la route pour rejoindre le groupe pour voir Shiva finissant de détacher la tête des corps. Geralt était remonté sur son cheval, pendant que Marco avait pris de l'avance avec Anaïs pour lui épargner la scène.

- Le Feu Éternel qui se met au fisstech… cela me rappelle les faubourgs avec le Révérend et sa coopération avec la Salamandre, pointa Geralt.

C'était pour cela qu'ils avaient tous attaqué. C'était leur odorat (sens du goût pour Shiva et confiance pour Marco) qui avait mené à la mort de ces trois personnes qui, sous couvert de leur apparence religieuse, faisait le mal.

- J'ai jamais eu foi en l'espèce humaine, alors, je suis pas surpris, lui dit le Chat Noir.

Il sauta à terre et brûla les corps pendant que la zoan enfonçait les têtes dans un sac de toiles. Une fois les corps en cendres, le D. remit le kairoseki à son poignet et fouilla dans son sac accroché à sa selle pour prendre sa médication. Il reprit ses armes ensuite, et remonta à cheval.

- Je l'ai perdu il y a longtemps avec mes amis, nota Mandos.

Ace lui jeta un regard de coin. Il avait senti son attention. Oui, il devait se poser des questions sur sa brûlure, au vu de sa nature flamboyante, mais il retint ses commentaires. Et ça l'arrangeait. Il n'avait pas envie d'y repenser. Tout le monde à cheval et en route, l'elfe leur raconta une anecdote :

- Une fois, j'ai rencontré un prêtre qui accusait les non-humains de tous les maux. Il puait le Fisstech. Et la maladie qu'il a sûrement attrapée avec la mauvaise fille de joie. C'était amusant à la dire en face d'une foule en colère. Mais, je pense que j'aurais fait pareil que Shiva s'il n'y avait pas eu autant de d'hoine…

Mandos s'arrêta là quand ils rattrapèrent Anaïs et Marco.

- Pourquoi les avez-vous tués ? demanda la gamine alors que Marco montait sur Dukey.

- Ils sentaient tellement le fisstech que ça me rendait malade, se justifia Shiva.

Et sa langue fourchue darda avec colère d'entre ses lèvres. Ace haussa des épaules.

- Ce sont les pires, Anaïs. Comme ils ont une robe d'église, tout le monde les croit parfaits, alors, ils en profitent pour faire encore plus de mal. Et justement, parce qu'ils font partie de l'Eglise, personne n'interviendra si quelqu'un se lève pour se plaindre. La méthode est sale, mais tant que la justice laissera courir impunément ces personnages, il ne reste que ces solutions.

- C'est une goutte dans l'eau, mais c'est déjà ça, yoi, rajouta Marco au commentaire de son époux.

- Beaucoup ont essayé autrement, jeune princesse, intervint Mandos. Et les morts pleurent encore car personne ne leur rend la justice demandée. Mais, ce qui est intéressant, c'est que la mort est très juste pour les personnes qui parjurent la vie comme si c'était un jeu ou quelque chose que l'on peut posséder.

Ace se tendit imperceptiblement quand Mandos appela Anaïs par son titre, mais un regard et un signe de la tête de Marco le détendirent. Il n'y avait pas à s'en faire. Il n'était pas une menace pour la gamine.

- Ne nous attardons pas. Il faut qu'on trouve notre homme, rappela Geralt.

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C'est un peu avant la tombée du jour qu'ils trouvèrent l'auberge qu'ils cherchaient. En les voyant, un gosse qui traînait dans l'entrée du hameau prit la fuite en alertant les adultes. Sur les portes, ils remarquèrent deux grands avis de recherche sur deux femmes, la mère et la fille certainement. Alors qu'ils mettaient pieds à terre, la frénésie se sentait dans tous les murs des petites maisons.

- Le vieux loup lubrique n'a pas la meilleure tête du monde, mais à ce point, c'est exagéré, commenta Ace.

- Je ne pense pas que ce soit moi qu'ils craignent, commenta Geralt quand en plus des filles de tout âge, on cacha aussi des cochons dans les maisons.

- Prenons notre information et tirons-nous avant que ça ne dégénère. Ah, et j'ai pas envie de prendre un bain, donc, on ne cherche pas la bagarre et même si c'est quelques pièces en moins, c'est toujours ça de gagner, leur dit Shiva.

- Si c'est Quetzalcoatl qui le dit, yoi, soupira Marco en descendant à son tour. Chaton, je peux te faire confiance pour ne pas perdre ton calme ? Je veux jeter un œil aux avis de recherche.

- Pourquoi j'ai dit oui à un homme qui a si peu de foi en moi ? demanda le D. en descendant de cheval avec Geralt.

- Parce que j'étais le premier à vouloir te sauver la peau quand tu faisais une connerie, du genre, essayer de tuer le paternel ?

Ace réfléchit un instant, puis esquissa un sourire.

- Ah… j'étais jeune, encore… c'est si loin… le bon temps.

- Tu te laisseras aller à la nostalgie plus tard, rappela à l'ordre Geralt en l'attrapant par le bras.

Et il l'entraîna dans l'auberge.

Dedans… c'était vide. Le tavernier était seul avec deux clients et il nettoyait minutieusement ses verres, faute d'avoir autre chose à faire.

Les deux mutants se regardèrent et Ace prit la parole alors qu'ils rejoignaient le comptoir.

- Bonsoir. Est-ce que vous avez du lait à vendre ou a-t-il déjà été réquisitionné ?

- Tout est parti à Perchefreux, dit d'une voix sombre le tavernier en leur jetant un bref regard.

- Tant pis. Il vous reste du jus de fruit ? Nous voyageons avec un enfant et je préfère éviter de lui donner de la vodka.

- J'ai encore du jus de framboise en stock.

- On va vous prendre une bouteille et cinq… demanda Geralt.

Il jeta un œil à Ace qui hocha la tête à la question silencieuse :

- Pardon, six d'alcools forts. Et deux verres de vodka témérienne en prime.

- Je vous apporte ça, leur dit le tavernier sans émotion.

En s'appuyant contre le comptoir, face à la porte, confiant le soin à Geralt de surveiller l'homme et donc, ses arrières, le D. commença doucement à poser les questions.

- On nous a demandé de rencontrer un certain Hendrik, ça vous parle ?

- Qu'est-ce que vous lui voulez ? demanda le tavernier en posant deux verres de vodka devant les mutants.

Avant qu'ils ne puissent répondre, des bruits de chevaux leur parvinrent. Cela accentua la tension des clients et de l'aubergiste. Littéralement, les deux péquenauds se barrèrent, les laissant seuls avec l'aubergiste.

Apparemment on attendait des visiteurs. Et pas le bon type.

- Vous devez partir, leur dit avec urgence le tavernier. Je vous ouvre la porte de derrière.

- Nani ? s'étonna le D.

- Des visiteurs ? s'enquit Geralt. Qui sont-ils ?

La réponse passa la porte d'elle-même. Une bande de brigands en armure lourde. Donc, avec des moyens derrière. Et comme s'ils étaient chez eux, ils réclamèrent de la vodka avant de s'asseoir. Cependant, ils s'arrêtèrent en voyant les deux mutants.

- C'est qui lui ? demanda l'un.

- On s'en fiche, t'as vu la bonasse qu'il se trimbale ! commenta un autre.

Ace serra des dents et inspira profondément pour ne pas réagir. S'il déclenchait une bagarre, il irait contre l'avertissement de Shiva qui avait dû avoir une brève vision sans qu'ils ne le réalisent. Et dans ces moments-là, sa camarade était invivable.

- Oh, mais c'est à croire que ça se prend pour des grands guerriers. Ça se balade avec deux épées et tout… commenta le premier.

Geralt attrapa le poignet d'Ace pour l'empêcher de se saisir d'une de ses dagues. Il allait gérer.

- Eh, Blanchette, à quoi ça te sert d'en avoir deux ? Et de laisser ta putain en porter ?

- Eh les gars, peut-être bien que Blanchette planque deux queues dans son froc ! ricana l'un des rigolot en s'asseyant. Pour mieux baiser sa chienne, certainement !

Geralt resserra sa prise sur la main de son camarade tremblant.

- Z'êtes sourd ou quoi ? Vous êtes qui ?

Ace se concentra sur sa respiration bien que sa main se soit posée sur la cachette de la clef de sa chaîne.

- Dîtes-moi qui vous êtes ou je m'en vais vous faire chanter une drôle de chanson.

Pour ne pas répondre à la provocation, Geralt agit intelligemment.

Il se tourna vers eux et… leur proposa de payer une tournée générale. La peur du tavernier était palpable, mais il prépara les pichets pour servir.

- Je peux savoir pourquoi ? s'enquit l'un des gars qui s'était déjà assis.

- Notre bourse est assez remplie pour, voilà pourquoi.

- J'trinque pas avec les étrangers, grommela un des brigands.

Mais Geralt ne se découragea pas pour autant.

- Un bon verre vaut toutes les présentations du monde. Ensuite, chacun reprendra sa route.

Tant qu'il parlait, on ne s'intéressait pas à Ace, et ainsi, il y avait une réduction des risques que cela se termine dans le sang.

- Et il mène où votre chemin ?

- Mon groupe et moi faisons route vers Novigrad.

- Ah ! Cité des putains et des fornicateurs !

Le barman termina de remplir les verres et Geralt prit le sien.

- A la vôtre, l'ami, salua le Loup Blanc.

Et les boissons furent avalées cul sec.

Et ce fut comme si on avait retiré un gros poids de la poitrine du tavernier. Ses épaules s'affaissèrent visiblement sous le soulagement pendant que le lourdaud retournait à ses affaires avec ses potes.

- Si vous voulez dormir un peu, je n'ai qu'un banc à vous proposer, mais il est très confortable, proposa le tenant aux deux mutants. Venez avec moi.

Et il leur adressa un regard entendu. Les deux mutants le suivirent, Ace se frottant les membres en frissonnant sous l'inconfort. Il n'aimait toujours pas qu'on le considère comme une simple paire de jambes à écarter avec ou sans consentement. Une fois hors de portée des oreilles des brigands, le tavernier les remercia à voix basse :

- Merci de ne pas avoir provoqué ces ordures.

- En règle générale, j'évite de me mêler des affaires des autres, lui dit Geralt.

Ace grogna quelque chose de vulgaire en japonais que son camarade ne releva pas.

- Je ne sais pas si j'aurais assez de place pour tout votre groupe, mais si vous le voulez, vous pouvez passer la nuit ici, ça vous protégera de la pluie.

- Non. Si je reste plus longtemps, ils vont avoir la tentation de s'approcher trop près de moi et les efforts de mon collègue n'auront servi à rien, refusa Ace. Dîtes-nous où trouver ce Hendrik, on nous a dit que vous pouviez nous renseigner.

- Il habite à Bourg-la-Lande.

- Je ne vois pas du tout où c'est, commenta le Loup Blanc. Et toi, Ace ?

Le D. secoua la tête.

Le tavernier leur montra la colline par une de ses fenêtres.

- C'est de l'autre côté de la colline. J'ai vu une lueur étrange dans cette direction, ce matin. Sans doute un raid des impériaux.

- Vous avez des informations sur ce Hendrik ? se renseigna le Loup Blanc.

- C'est un drôle d'oiseau. Personne ne sait d'où il vient. Il a débarqué sans crier gare, et s'est trouvé une petite veuve pour lui faire sa soupe.

- C'est le territoire du Baron Sanglant, c'est ça ? Et il n'aime pas les étrangers, si je comprends bien, devina Ace.

- C'est le cas de le dire. Dès qu'on en a un qui pointe son nez, le baron s'arrange pour disparaître quelque temps.

- Merci pour ces réponses.

Les deux mutants prirent la porte de derrière pour ne pas donner de tentations aux brigands. Ils firent le tour de l'auberge pour retrouver les chevaux et le groupe qui était prêt au combat, qui par miracle, était ignoré par les hommes de main. Autour, on entendait les brigands du baron racketter les habitants. Ils cherchaient les petites pucelles, la moindre parcelle de richesse ou même une bête qui leur aurait échappée auparavant. Et si on en croyait le Haki, bon nombre des enfants et des femmes avaient fui pour se cacher dans les bois tout proches.

- Mettons-nous en route, je vais faire un meurtre si on me regarde encore une fois comme ça, cracha Ace.

- Je serais d'avis de dire que personne ne regrettera ces pourceaux, mais les Moires sont proches. Je préfère m'éloigner un peu, renchérit Shiva.

- Je vais attendre qu'on soit hors de vue pour rejoindre Thatch. Le soleil se couche, c'est le moment idéal, yoi, dit Marco. Quelle est la prochaine étape ?

- Bourg-la-Lande, de l'autre côté de la colline, lui dit Geralt.

- Je vais vous accompagner pour enterrer les morts. J'ai de quoi aider pour cela et je pourrais détourner encore plus l'attention des soldats loin des cadavres. Sauf si cela dérange, proposa Mandos.

Marco réfléchit avant de hausser des épaules.

- Si je te porte, ça me donnera une excuse pour forcer Thatch à courir. Il me doit bien ça après le nombre de ses conneries qu'il m'a fait endurer pendant qu'on grandissait ensemble, yoi.

- Si tu te transformes maintenant, tu vas rameuter tout le monde, pointa Geralt. Éloignons-nous avant ça.

Ils sautèrent en selle et quittèrent le patelin.

Ils chevauchèrent assez vite pour mettre un maximum de distance entre le hameau et leur groupe, avant de s'arrêter hors de vue. Là, Ace et Marco descendirent de cheval.

- Oncle Marco, est-ce que tu me laisseras refaire un tour sur ton dos quand tu reviendras ? demanda Anaïs avec espoir.

- Je vais rentrer trop tard pour ça, Hime-chan. Disons… demain matin, ça te va, yoi ?

Le sourire de la gamine valait tout l'or du monde.

Ace attrapa le foulard mauve qui servait de ceinture à son homme et lui embrassa le bout du nez.

- Tu fais attention ?

- Promis.

Ils s'embrassèrent, puis le sorceleur s'éloigna avec l'étoffe qu'il enroula autour de son cou. Marco roula des yeux avec amusement avant de prendre sa forme animale, étirant ses immenses ailes de flammes. Il jeta un regard rieur à Mandos qui était toujours à cheval et fixait avec stupéfaction l'oiseau de feu.

- Tu attends le déluge pour monter, yoi ?

- … Merlin, j'aurais eu le droit à tout. Vraiment à tout. C'est quoi que dirait oncle Roche ? Ah oui. Bordel de merde, si je m'attendais.

Oncle Roche ? Donc, l'infâme chasseur de non-humains avait assez de cœur pour apprécier certains d'entre eux ?

L'elfe descendit du cheval pour regarder un peu mieux l'immense phénix tout en faisant rire son corbeau.

- Je pourrais suivre à balai, vous savez … enfin … je peux réellement … ?

Le Phénix en eut assez des tergiversations de l'elfe puisqu'il prit son envol, attrapa Mandos au passage entre ses serres pour s'éloigner au loin sous les exclamations envieuses d'Anaïs.

- Il t'a promis que vous feriez un tour demain, alors, ne fais pas cette tête, sourit avec attendrissement Ace pour son enfant surprise.

- Allons-y, encouragea Geralt.

Ace sauta sur son cheval pour reprendre la route. Ils avaient un espion à rencontrer.

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Les étoiles commençaient à se montrer quand ils arrivèrent à Bourg-La-Lande.

Et le patelin était mort. Prisonnier sous une fine couche de glace absolument hors saison. L'air était froid. Comme s'ils étaient dans une cave profonde pendant que dehors c'était la canicule. Et au ras du sol, il y avait une fine brume. Ils laissèrent les chevaux à l'entrée du hameau et s'avancèrent à pied.

- Reste près de nous, Anaïs, souffla Ace.

Lui et Geralt avaient déjà leur glaive en main pendant que Shiva brandissait le fusil. Le sol craquait sous leurs pieds, leur respiration formait de la buée et il y avait du sang et de la fumée dans l'air. Il n'y avait plus personne. Sauf un survivant qui se défendait contre des chiens sauvages à l'aide d'une torche. L'affaire fut dans le sac en un instant, avec une victime pour Anaïs et sa dague. On sentait la fierté d'Ace à un kilomètre. Il restait à présent le péquenaud à gérer. Et s'ils avaient été dans un jeu de rôle, la gamine aurait fait une réussite critique en social parce qu'elle s'avança et sans peur, lui enlaça une jambe. L'homme en panique cessa d'agiter sa torche à tout va pour la laisser tomber sur le sol gelé où elle s'éteignit immédiatement. Il enlaça la demoiselle et se mit à pleurer. Doucement, les deux sorceleurs le firent s'asseoir sur le seuil de la maison. Ils avaient besoin d'informations sur ce qu'il s'était passé ici. Ils avaient un affreux pressentiment et il fallait qu'on le leur confirme.

- Vous voulez bien nous dire ce qu'il s'est passé ? demanda Ace en s'accroupissant.

- L'horreur… la mort… une légende, une histoire de vieilles femmes, qui pourtant a pris vie…

- On cherche un certain Hendrik, il devrait habiter ici, dit Geralt.

L'homme essuya ses yeux de sa manche et fixa le sol sans le voir, gardant un bras autour de Anaïs qui lui frottait sa chemise sale d'un geste réconfortant.

- Oui… oui, il habitait ici... Et c'est ici qu'il est mort. J'entends encore ses cris… j'ignorais qu'un homme pouvait crier ainsi… souffrir à ce point…

Les deux mutants échangèrent un regard et se tournèrent vers Shiva qui frissonnait à cause de sa tenue très légère. L'elfe hocha la tête et s'éloigna pour faire le tour des maisons pendant que les deux sorceleurs revenaient vers le paysan.

- Racontez-nous en détail ce qu'il s'est passé, demanda Geralt en se rapprochant.

L'homme prit une inspiration tremblante et finit par raconter :

- Ils les ont pris… ils les ont tous pris… C'était hier, à la tombée de la nuit… d'habitude, à cette heure-ci, on entend les crapauds, mais pas ce soir-là… et il faisait étrangement froid. Bien trop froid. Et la neige s'est mise à tomber… une… une femme hurlait ! J'ai regardé par la fenêtre. Tout le monde fuyait, on se mettait à l'abri… et ils sont arrivés… des cavaliers sombres, couvert de givre.

Un frisson remonta l'échine des sorceleurs et Anaïs leur demanda une confirmation silencieuse.

Oui, ça ressemblait bien à la Chasse Sauvage.

- Ils se sont tous arrêtés devant chez Hendrik et l'un des cavaliers est descendu… le sol gelait sous les sabots des chevaux et de ses bottes de fer…

Les sanglots de terreur revinrent.

- J'ignore ce qu'il s'est passé, mais j'ai entendu Hendrik hurler de terreur...puis supplier...A la fin, il n'arrivait plus qu'à gémir… après, ils ont mis le feu au village… ils ont tué certains et pris avec eux les plus solides… les femmes, les jeunes, celles qui sont encore en âge d'avoir des enfants... les autres, ceux qu'ils ont décimés, ils les ont jetés dans le puits… la terreur est vite repartie, mais le village a gelé comme en plein cœur de l'hiver.

Anaïs lâcha le bonhomme pour se réfugier dans la cape d'Ace, s'accrochant à sa jambe, tremblante avec le froid et l'effroi. Le D. lui frotta doucement le dos avant de prendre sa bourse dans sa sacoche et de la jeter à l'homme.

- Il devrait y avoir assez pour que vous puissiez prendre un nouveau départ ailleurs. Hors de Velen, je vous le recommande.

- Merci, mamzelle. Que les dieux vous gardent.

Et l'homme prit la fuite.

Ils tournèrent la tête en entendant le sifflement d'oiseau de Shiva. Ils la rejoignirent pour la voir se tenir devant une porte de chaumière. Elle jeta un regard à Anaïs et Ace comprit.

- On va essayer de trouver un coin pour monter le camp sans être en vue des ruines. Viens Anaïs.

La demoiselle garda un moment un regard curieux sur Shiva avant de suivre le sorceleur qui avait pris la longe de deux chevaux pour en confier un troisième à la gamine. Iro leur emboîta le pas.

Maintenant que la fille n'était plus en vue, l'elfe s'écarta, permettant à Geralt d'entrer dans la maisonnette. Et en voyant le corps gelé sur le plancher, recouvert de sang, le Loup Blanc comprenait la précaution. Anaïs avait déjà vu assez d'horreur comme ça, alors qu'elle allait sur ses onze ans. Elle ne méritait pas de supporter une telle scène. L'homme, certainement Hendrik, avait été visiblement torturé. Et il n'avait plus de bottes. Elles étaient soigneusement posées à côté du corps, encore recouvertes de sang coagulé et gelé. Répondant à la question silencieuse, Shiva brandit entre ses doigts une petite clef.

- Elle était cachée dedans.

- Eh bien, il ne reste plus qu'à trouver la serrure, pas trop loin, j'espère, commenta Geralt.

Vu la taille de l'endroit, il ne serait pas nécessaire de trop fouiller. Surtout quand ils finirent par trouver une cave secrète sous un tas de paille enneigé. Ils sautèrent agilement dans le trou pour voir qu'il y avait encore une ou deux torches allumées qui avaient miraculeusement survécu au froid. Ici encore, on retrouvait des avis de recherches sur la fille et la femme du Baron Sanglant. C'est en touchant à un chandelier accroché à une poutre qu'un compartiment secret se dévoila aux yeux des curieux. Geralt prit le livre dedans et alla s'asseoir au bureau refourgué dans un coin. Shiva poussa des papiers et s'assit au bord.

- C'est un registre, Hendrik se faisait passer pour un marchand, informa Geralt en faisant une lecture de surface. Paiement pour un sac de grains… livraison de charbon…

Il continua de feuilleter les pages avant de trouver une partie du livre où toutes les pages étaient collées ensembles, avant qu'on y creuse un compartiment assez grand pour un petit carnet.

- EN BAS TAISHO ! cria brusquement Shiva.

Geralt lui lança un regard.

- Marco est de retour, se justifia l'elfe. Que dit le carnet ?

- Les entrées ont des titres intéressants. Cochon ivre, par exemple, dit que le baron a hébergé les sujets dans son semblant de château qu'il occupe déjà illégalement avec son groupe. La raison est inconnue, mais il y a une note disant qu'il faut interroger le baron à Perchefreux. Ensuite, on a un avis de recherche, disant clairement que les sujets, qui ne peuvent être que Ciri et le mystérieux garçon, ont été vus à Novigrad et Skellige. Bon retour, docteur.

Marco venait de se joindre à eux, sentant la fumée et la chair brûlée.

- Où sont Ace et Anaïs ? se renseigna le blond. Et qu'est-ce qu'il s'est passé ici ?

- La Chasse savait pour Hendrik, d'une façon ou d'une autre, répondit Geralt. Et ils nous ont devancés ici.

- Le commandant est avec la princesse et trois des chevaux. Ils cherchent un endroit pour le camp, informa Shiva. On a trouvé ce carnet avec deux trois faits intéressants. Donc, elle a été vue à Skellige et Novigrad, c'est ça ?

- Oui. Il y a une description d'elle confirmant que son apparence n'a pas changé. Cheveux de cendres, cicatrice au visage. Elle évite le contact avec les autres. Par contre, elle ne voyage pas qu'avec ce drôle de garçon. L'informateur parle d'une créature ressemblant à un gros chat, mais inconnue sur le continent. Il parle d'un félin pelucheux blanc tacheté de noir. Il a été aperçu à Skellige et Velen, mais pas à Novigrad.

- Pour moi, c'est un once, yoi, supposa Marco.

Le mutant lui adressa un regard interdit.

- Une panthère des neiges, traduisit le Phénix. Une espèce cousine des panthères noir de Beauclair, mais que l'on trouve dans les régions plus froides. Je n'en ai pas encore vue sur ce monde.

- Ah.

- Et le gars avec elle ? se renseigna Shiva. J'ai pas réussi à le voir dans mes visions.

- Moyen, cheveux noirs, cicatrice au visage. Rien de plus.

- Ce qui correspond à une bonne partie de la population, soupira le blond. Autre chose, yoi ?

- Accrochage avec une sorcière. Ciri et notre inconnu auraient atterri dans les marais et y auraient croisé une sorcière. Il y a eu un conflit, mais on ignore pourquoi. Pour localiser la sorcière, il faut rencontrer les habitants de Hautbreuil. La dernière, c'est des signes montrant que la Chasse Sauvage l'avait à l'œil peu avant l'attaque.

- On sait pourquoi ils ont torturé notre homme, résuma Marco.

Geralt fit brûler le carnet avec un Igni. Hors de question qu'il prenne le risque que quelqu'un d'autre lise ça.

- On arrive trop tard. On n'a pour piste que le baron et cette sorcière. Et merde.

Si Gwynbleidd jurait, c'est qu'ils étaient dans la merde.

Un gémissement étouffé les alerta. Shiva s'était éloignée pour se rapprocher d'un des avis de recherche et en le touchant, elle s'était effondrée. Ses cheveux avaient pris une longueur effrayante et leur teinte laiteuse, alors qu'elle gisait au sol dans un tas de plumes et d'écailles.

- Elle a bien choisi son moment ! jura Marco.

- Transe ? devina Geralt.

- Aide-moi à la remonter.

.


.

Mandos était arrivé au campement qu'Ace et Anaïs avaient commencé à dresser. Le reste, c'était le sac des autres voire la tente de l'elfe, mais le D. n'allait pas fouiller dans ses affaires. Ainsi, en attendant, il avait sorti de quoi écrire et donnait des cours de japonais à la petite princesse.

Puis, son Haki réagit. Et une idée de mauvaise blague lui vint en tête. Première étape, distraire Anaïs pour avoir les mains libres. Pour cela, il traça quelques caractères en s'appliquant un maximum sur les traits et donna pour exercice à la petite princesse de les recopier.

- Quel méfait prépares-tu, Chat Noir ? demanda l'elfe depuis le sommet de sa branche.

Pour toute réponse, Ace se saisit du fusil et le brandit vers Mandos, sans se départir de son grand sourire.

- Serais-tu tenté par une leçon de tir ?

Et avec un lent mouvement de balancier, il présenta le fusil, comme une tentation. Un appât au bout d'une ligne. Et le jeunot mordit. Il sauta à terre devant le D. avec un sourire.

- Assez tenté. Ça me changera de l'arc. Bien que j'aime sentir le bois et la corde entre mes doigts.

Le jeune sembla regarder quelque chose derrière le D. qui se retourna pour voir Anaïs commentant son travail à une Iro vaguement curieuse. Perplexe, il revint vers Mandos quand celui-ci reprit la parole sur un autre ton :

- … Mais, on demande à Marco d'abord.

Ace perdit son sourire. Et merde. Sa blague tombait à l'eau.

- Tu voulais faire une blague à mes dépends, n'est-ce pas ? devina-t-il avec un sourire amusé.

Le D. allait trouver une excuse quand son esprit s'arrêta. Il fronça les sourcils. Il comprenait à présent qui avait vendu la mèche à Mandos. Une personne que seul Alvin avait vu auparavant. Roger s'occupait encore de ce qui n'était pas ses affaires. Mandos voyait les morts après tout et le pirate avait la preuve que son géniteur le hantait toujours.

- Qu'il m'entende ou pas, j'en ai rien à foutre, mais dans le doute, transmet-lui mon message. Qu'il arrête de me hanter et qu'il aille faire chier quelqu'un d'autre. Il m'a foutu dans la merde avec ma mère, nous laissant gérer ses conneries, ses méfaits, sa réputation et ses ennemis. En quarante ans, j'ai peut-être fait le deuil, réussi à encaisser le nom de Gol qu'il m'a légué, mais je ne le pardonne pas. Et j'espère pour lui qu'on sera pas dans le même cercle des enfers, parce que j'en ai gros sur le cœur. Bien assez pour faire de l'éternité de la mort une torture de chaque instant.

Il se tourna vers là où il pouvait imaginer où devait se tenir le fantôme de son père, serrant le fusil avec des mains tremblantes.

- Mon père est Newgate Edward. Certainement pas Gol D. Roger.

Et avec rage, il jeta le fusil à Iro qui le rattrapa machinalement dans sa gueule pour regarder son père d'adoption s'asseoir contre un arbre. Anaïs le regarda, voulut le rejoindre, mais la panthère lui coupa la route, lui faisant comprendre de ne pas s'en occuper, avant d'aller mettre le fusil avec précaution sur le paquetage du pirate. Alors que celui-ci allait essayer la méditation pour reprendre le contrôle sur sa colère, Mandos parla :

- C'est une dame que je vois. Une très belle dame. Les cheveux flottants au couleur blond vénitien, comme un soleil se couchant sur la mer. Elle porte une fleur rouge dans ces derniers. Elle ne te quitte jamais. Elle est ton gardien. Et tu es sa fierté. Je suis désolé si je t'ai… fait du mal. Ce n'était pas mon intention. C'est elle qui m'a… arrêté… en me menaçant du regard comme le ferait ma mère… elle aussi me suivait jusqu'à ce que je la voie. Mais, une chose est sûre. Tu es sa fierté et elle t'aime car elle rayonne à chaque fois qu'elle te regarde.

Une larme coula. Puis une seconde.

Rouge… était fière ? Elle… même après qu'il l'eut tuée en venant au monde, elle continuait à le protéger ?

Mandos voulut rejoindre le D. qui s'était recroquevillé sur lui-même pour sangloter, mais Iro lui fit comprendre de ne pas le faire avant d'aller se mettre de soi-même au travail en se frottant contre le mutant. Il ne fallut pas plus pour que la panthère devienne le gros doudou chaud et rassurant d'un pirate brisé. L'elfe s'agita un instant, regarda une photo qu'il sortit de sa tunique, puis monta sa tente avec sa baguette magique. Quand il ressortit avec des tasses fumantes de chocolat chaud, les buissons s'agitèrent pour laisser passer un Thatch éreinté. Il resta là, vacillant, soufflant comme un boeuf, en sueur, avant d'entendre les sanglots. Mandos le regarda un instant, avant d'offrir une tasse à Anaïs qui fixait avec peine et inquiétude le mutant. Puis, l'elfe alla en déposer une à proximité d'Ace alors que le vampire franchissait la distance.

- Bah alors, qu'est-ce qu'il t'arrive ?

Le D. sécha ses larmes.

- Fais pas chier.

Quelle putain d'idée d'avoir fondu en larmes en public ?! Putain de mutations de merde ! La résistance qu'il avait eue, lui permettant de fuir et de s'isoler avant de craquer… même ça, les Chats le lui avaient volé !

- Hmmm… nan. Je te laisse pas tranquille tant que tu dis pas à ton vieux frangin ce qui ne va pas.

Cela lui valut un pied dans la figure. Et seuls les réflexes du cuistot sauvèrent le chocolat au lait de la tragique fin dans l'humus du petit bois. Il mit la tasse à distance et partit à l'assaut du visage du brun, cherchant à lui tirer les joues quand sa victime lui gardait les bras aussi immobiles que possible. La bagarre aurait continué longtemps si Geralt et Marco n'étaient pas revenus avec les derniers chevaux.

- KALI !

Ace repoussa Thatch pour se jeter sur sa camarade. Délicatement, il descendit la zoan de la selle et l'allongea à proximité du feu.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Merde ! Elle a déjà des griffes !

- Je lui ai fait l'injection, ça n'ira pas plus loin, rassura Marco. Elle a un peu de fièvre, mais rien de plus.

- Elle s'est approchée du portrait de Anna Strenger. Elle l'a touché avant de s'effondrer, expliqua Geralt. Clairement, c'est quelque chose de magique qui la met dans cet état.

- Magie et elle, c'est pas toujours une bonne nouvelle, rappela Thatch.

- Je veux bien qu'elle soit entrée en transe, mais elle ne se transforme pas pour ça ! rugit le Chat en essayant de garder la panique sous contrôle.

Il regarda Mandos quand celui-ci le poussa un peu trop fort pour le faire reculer, avant qu'il ne se penche sur Shiva et lui touche le front. Puis, il releva la tête et leur dit avec sérieux :

- Elles sont là. Et elles l'attaquent.

Inutile de lui demander qui, ils s'en doutaient.

- Il y a deux options : la première, je rentre dans sa tête et que je l'aide à monter un mur dans son esprit pour les repousser. La seconde, il y a un mage ou une sorcière dans les environs pour les bannir. Mais on doit se décider vite et agir.

Et il les regarda avec sérieux.

- Quetzalcoatl ne te laissera pas rentrer. C'est une évidence… mais je doute qu'une sorcière serait assez puissante pour l'aider, souffla le D. avec inquiétude sans chercher à expliquer à l'elfe pourquoi ils parlaient d'un dieu étranger du nord.

- Et où est-ce que vous voulez trouver une sorcière dans ce trou puant ? demanda Thatch.

- Hautbreuil, répondit Marco.

- On est tombé sur les notes de Hendrik, et dedans, il est dit que Ciri a eu des contacts avec une sorcière en arrivant dans le marais. Et que ça s'est fini en conflit, expliqua Geralt.

Marco s'accroupit pour prendre son compagnon par les épaules.

- Dans son état, Mandos y passerait. Une sorcière, surtout locale, aura une meilleure idée de comment lutter contre la menace. C'est la meilleure option, koibito. Agis en tant que son commandant, son capitaine. Choisis ce qu'il faut pour la sauver.

Ace avala ses lèvres et hocha doucement la tête.

- Eh bien, en route pour Hautbreuil. Désolée, Hime-chan, tu vas dormir en selle.