Bonjour à tous ! Merci d'être de nouveau au rendez-vous pour un nouveau chapitre de la Geste. On avance lentement dans nos aventures, mais on avance, parole de scout. Merci à Yu pour la review et je vous dis à bientôt ! Pour les curieux, vous saurez donc que la démo de chant de Kali, c'est tout simplement la "Llorona" en langue Nahualt. Voilà.

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- Je peux savoir ce que vous faites dans mon jardin ? demanda Keira en voyant les trois chevaux s'arrêter devant sa porte alors qu'elle ramassait des herbes.

Ace n'avait vraiment pas envie de lui répondre. D'une, comme un idiot, il avait oublié que sa médication était au camp, donc, s'il faisait sauter le kairoseki, il aurait rapidement des hallucinations. De deux, cela faisait plus de vingt heures qu'ils étaient en selle. Et trois, ouais, ils avaient chassé en route, mais ils avaient faim en plus d'être fatigué.

- Prendre un petit déjeuner, répondit Mandos en sautant à terre. Et s'asseoir ailleurs que sur une monture pour plusieurs heures.

- Je suis contente d'être un serpent… souffla Shiva en étirant sa queue jusqu'au bas de sa propre monture.

- Je ne crois pas vous avoir invité, pointa la blonde. Vous croyez vraiment que je vais vous servir, comme ça ? Et puis quoi encore ?

Le D. la regarda d'un air fatigué, puis bailla voluptueusement.

- Contre trois têtes réduites, tu nous offres l'hospitalité ? demanda le pirate.

- Non.

- Tu es vraiment en train de négocier un petit-déjeuner contre mes tzantas ? se fit clarifier Shiva.

- Quatre ?

- Mais non ! s'énerva la blonde.

- Six et je fais la vaisselle.

- Mais je veux pas de têtes réduites !

Au moins, cela eu le mérite de faire rire Mandos.

- Nan, je vais faire à manger. Avec les sorcières de la Loge, on ne sait jamais si on ne va pas manger notre dernier repas. Et j'ai de quoi faire dans mon sac. On prend juste le foyer et des chaises inutilisées. Une bloede dh'oine comme elle serait tentée.

Et il se mit au travail avec du lard, des œufs et du café sur un feu de camp qu'il venait d'invoquer avec sa baguette. Et rien que l'odeur faisait déjà saliver le mutant épuisé.

- Pourquoi chez moi ? demanda d'un air résigné la magicienne.

- Je suis une sorceleuse et je voyage avec deux elfes. CQFD, dit sombrement Ace en se laissant tomber contre un arbre les yeux fermés.

Ooh oui, le cul par terre, ça faisait un bien fou après ces heures interminables de chevaucher. Il bâilla de nouveau et ferma les yeux.

- Fyke, c'est ça ? marmonna le D. sans ouvrir les yeux.

- Je te demande pardon ? se renseigna Keira.

- Servez-vous. J'en ai fait pour chacun. Même pour la magicienne grognon, annonça Mandos.

En grognant, le D. se releva et prit sa part avec une tasse de café noire. Le soleil, le café et le sol. Ouais. L'instant était parfait.

- Merci Mandos, remercia le commandant comme un gentil gamin bien élever.

Et il enfourna son assiette avec ce vieil entrain qu'il avait eu à une époque et qui ressurgissait quand il crevait la dalle. Puis il se figea en sentant un goût écœurant et familier lui remonter dans la gorge.

Sang de canard.

Il retint un haut le cœur. Putain, c'est vrai que Schrödinger l'avait conditionné. Il reposa son assiette à moitié vide et prit son café pour essayer de tuer le goût et ne pas aller vomir.

- Pourquoi tu me parles de l'île de Fyke ? demanda Keira en regardant sa part du coin de l'œil comme si elle craignait que ça lui saute à la figure.

Ace avala sa gorgée de café et grimaça. Il sortit du miel blanc de sa sacoche à élixir et le vida dans la tasse.

- C'est pas l'île que tu voulais que Geralt exorcise ?

Shiva se figea alors qu'elle allait vider son lard dans l'assiette du D.

- Tu nous laisses souffler, tu arrêtes de râler parce qu'on squatte ton jardin alors que Mandos a bien voulu te faire à manger, et je vais te la nettoyer cette île.

- /Tu n'as pas pris ta dose ce matin et cette île est un concentré d'ondes négatives ! Tu as la Voix de Toutes Choses et des mutations merdiques ! Tu peux pas le faire sans péter un plomb !/ protesta Shiva en japonais.

- Je le ferai. Je peux le faire. C'est un obstacle à surmonter. Je le dois.

Et il inclina son chapeau sur son visage avant de passer sa main dans son dos au niveau du début de son tatouage, montrant clairement pourquoi il voulait absolument aller au-delà de ce handicap. Cela tira un air désespéré à sa camarade.

- Onegai da ! supplia Shiva.

- Très bien, ça me va, accepta Keira.

Ace termina cul sec son café, ramassa ses armes et se leva.

- Je laisse mon cheval ici. Je reviens.

Et il se mit en route.

- Mais… et les fantômes ? demanda Keira alors que les deux autres suivaient le pas.

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Geralt retira sa capuche en entrant dans le jardin où s'était assis le Baron Sanglant, perdu dans ses pensées.

- Des nouvelles ? demanda le baron avec espoir.

- Votre fille est à Oxenfurt.

Il leva une main pour couper le flot de questions du baron.

- Je ne fais que vous dire ce que je sais pour l'instant, que vous n'alliez pas vous mettre en tête que l'on ne fait rien. J'ai parlé à l'homme qui a aidé votre femme et votre fille à fuir. Anna est portée disparue, mais Tamara serait saine et sauve, avec apparemment aucune intention de revenir.

- Je me fiche de ce que peut raconter un pécore ou quiconque qui les aurait aidées ! Je veux une certitude ! Allez la trouver, et rencontrez-la ! Je ne me fie à personne d'autre !

- Il faut un laisser-passer pour rejoindre Oxenfurt, et je n'ai pas ce qu'il faut pour.

Le baron regarda et lui donna un papier d'allure officielle.

- Prenez le mien, ils ne sont pas nominatifs.

- Merci. Mais je veux que vous m'en disiez un peu plus sur Ciri et Luffy. C'était ce qui était convenu. Je vous donne des nouvelles de votre famille, vous m'en donnez sur eux.

Le baron eut un soupir résigné et raconta:

- Parole donnée… donc, une fois reposés, nous les avons conviés tous les deux à une partie de chasse, pensant qu'un bon petit galop leur ferait du bien après une bonne nuit de sommeil… Votre petite là, une vraie perle. Attaquer des sangliers de cette taille, c'est un exploit qui leur aurait valu une place à la table du défunt roi Foltest.

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Quelques jours avant

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Il était tard, pas loin de minuit. Près de l'écurie, sur des bancs, le baron et un groupe d'hommes profitaient tardivement de sangliers immenses qui cuisaient à la broche. Ils étaient tous assis sur des bancs ou des rondins de bois.

- Ciri, Luffy ! Venez ! J'estime que les cuissots devraient vous revenir ! appela le baron.

Les deux jeunes rejoignirent les hommes autour du feu et s'assirent sur le rondin entre le bras droit du baron et Philippe. Si Ciri conservait un sourire plaisant, Luffy avait un visage étrangement sombre.

- Ouais. Bien joué, les jeunes, félicita le second en commande de la troupe.

- Pas mal… Pas mal du tout. Mais...tu chasses toujours le sanglier à l'épée ? demanda un autre.

- /Qu'est-ce qu'ils veulent ?/ demanda Luffy.

- /Ils nous offrent les cuissots des sangliers,/ lui traduisit la blanchette.

- /Seulement!? Mais on va mourir de faim !/

- /Essaye de bien te tenir tant qu'on est là, s'il te plaît./

- /Partons, alors ! J'aime ni ces gens, ni cet endroit. Surtout que personne n'a réagi à la petite enfermée dans les ruines qui a pleuré toute la nuit et qui continue encore ! Y'a que moi qui suis allée la voir, mais personne n'en a rien à foutre du bébé abandonné !/

- /Luffy, calmes-toi, il n'y a que toi qui l'entend. Et rappelles-toi que nous avons besoin d'information pour retrouver Geralt et Ace./

Le pirate eut une moue mais ne protesta pas.

- Excusez Luffy, il a un appétit qui rendrait jaloux le désert du Korath, expliqua Ciri. J'essayais de lui dire que les sangliers n'étaient pas tous pour lui.

Et elle leur offrit un sourire diplomatique.

- Tu me diras, qui serait assez fou pour attaquer des sangliers avec ses poings, grommela un des gars. Toi l'épée, lui les poings.

Ciri haussa des épaules et croisa ses jambes pour refaire les lacets d'une de ses rangers.

- Je n'avais ni arc, ni lance, alors, j'ai fait avec ce que j'avais sous la main. Quant à Luffy, il a toujours appris à se battre avec ses poings et ses pieds, c'est comme ça que son grand-père l'a formé.

- Il l'a bien formé, ça on peut le dire. Et toi, où as-tu appris à te battre ainsi ?

- A Kaer Morhen, répondit Ciri.

Ou du moins, c'était les bases qu'elle avait apprises là-bas, entre les bonnes mains de Geralt et Ace, et les conseils avisés de Vesemir. Il y avait eu le voyage jusqu'au Temple de Metilete, puis l'apprentissage de la magie avec Yennefer. Le complot sur l'île de Thanedd. Les Rats, cette bande de malfrats de bas étages avec qui elle était restée malgré les diverses tentatives de viols. Puis, à leur mort, il y avait eu Leo Bonhart. Ce salopard l'avait battu et drogué avant de la forcer à combattre dans l'arène pour lui. A cette pensée, sa main se crispa sur Zireael. C'était ce salopard qui lui avait fourni cette arme qui lui servait tellement bien aujourd'hui. Arme avec laquelle elle avait tué son tortionnaire. Et il y avait les Aen Elle et enfin, la Loge. La mort de Geralt et Yennefer qui avait mené à son départ vers d'autres mondes. Marine Ford et pour finir Rayleigh. Tout ceci l'avait formé. L'avait rendue plus forte, plus habile, plus féroce.

Mais ces gens n'avaient pas besoin de savoir.

- L'école des sorceleurs ? s'étonna un des brigands. Mais je croyais que c'était réservé aux garçons.

- Kaer Morhen est le bastion des Loups, rectifia Ciri. L'école la plus traditionnelle des sorceleurs. Ils ont fait une exception pour moi, certainement pour éviter la disparition. Ou alors, parce qu'ils savaient que je n'étais pas apte à devenir une dryade et donc, n'était pas une bonne monnaie d'échange avec eux. Après, je sais que l'Ecole du Chat prend des femmes. J'ai apprit deux trois trucs du Chat Noir, la grande sœur de Luffy, et c'est une sorceleuse de cette école.

- Qui connait pas l'Incendiaire de Rivia ! ricana un gars. Si c'est son frangin, il a de qui tenir !

Ciri fronça imperceptiblement les sourcils.

L'Incendiaire de Rivia ? Elle se souvenait du pogrom qui avait coûté la vie à Geralt, mais pas d'un incendie impliquant Ace dans cette ville.

- Et donc, t'es une sorceleuse ?

Ciri secoua la tête.

- Pas entièrement. Sur les trois épreuves, je n'ai passé que la première. Je n'ai pas subi les mutations de la seconde. J'espère, quand j'aurais réglé mes affaires, pouvoir persuader le doyen de reprendre la formation.

- Sérieusement ? Malgré…

- Malgré le racisme, les mutations et tout ce que ça implique ? Oui. Croyez-le ou pas, mais être une sorceleuse permettrait de résoudre bien des problèmes que j'ai actuellement.

Elle ne remercierait jamais assez Luffy et sa naïveté pour ça. Contrairement à elle, il n'avait pas toutes les données, mais il l'avait éclairé sur une solution simple. Tout le monde voulait son sang. Un enfant descendant de Lara Dorren. Être une sorceleuse permettait définitivement de mettre un terme à l'envie de tout le monde. Elle avait assez donné aux gens, aux humains comme aux Aen Elle. A présent, elle voulait vivre pour elle, être ce qu'elle voulait. Être libre.

- Les potions, tu t'y connais ? se renseigna un gars.

- Pas des masses. Un peu.

Note à soi-même, demander à Geralt ou Eskel de lui faire un cour de rattrapage sur le sujet. Lambert se moquerait d'elle avec son mordant coutumier, Vesemir lui ferait la morale et Ace avait des difficultés à brasser lui-même certains élixirs.

- Parce que des fois, ça me gratouille un peu les…

Si un regard pouvait tuer, le petit malin serait déjà mort devant l'expression de colère, de dégoût et de mépris de la jeune femme.

- Une donzelle qui manie l'épée, c'est du déjà vu, dit un autre. Mais pour chevaucher autre chose qu'une queue de bonhomme, y'a plus personne. A cheval, vous valez rien. Pas étonnant, tout de travers sur la selle…

- /Il a dit quoi ?/ demanda Luffy en voyant que le regard froid était sur le nouvel interlocuteur.

- /Que je ne sais pas monter à cheval. Je vais lui montrer comment on chevauchait, à Cintra./ informa Ciri avant de se tourner vers le bonhomme : Tu veux parier ?

- Tu te crois plus forte que moi sur un bourrin ? Ha ha ha ha ! Je veux voir ça ! On parie quoi ?

- La jument noire, celle à l'écurie.

Cela causa un blanc, avant que l'homme ne réponde avec une grimace :

- Oh, ça n'ira pas du tout.

Même si elle avait envie de l'asticoter, elle préféra ne pas déclencher de bagarre tant qu'elle jouissait encore de l'hospitalité du Baron Sanglant et donc, ne pas provoquer de bagarre.

- En voilà une mine de dix pieds de long… Tu ne veux plus te mesurer à une femme ?

- La jument m'appartient, informa Philippe.

Ah, oui, forcément. On ne pouvait pas parier comme ça un bien de son chef.

- Me mesurer au baron en personne, ce serait un honneur.

Elle se leva et fit la révérence comme lui avait enseigné si patiemment Sac-à-souris.

- Oh, quel spectacle ça ferait ! ricana le bras droit qui s'était retrouvé avec une vue parfaite sur les fesses de la jeune femme l'espace d'un instant.

Luffy ne comprenait pas ce qu'il se disait, mais il avait vu le regard. Il poussa innocemment l'homme pour qu'il tombe en arrière et se leva en s'excusant. Il était incapable de mentir, il était un très mauvais comédien, mais le fait qu'il ne parle pas la langue commune jouait en sa faveur. Ciri le tira par un bout de sa chemise pour qu'il se rassoit.

- /Reste tranquille, je vais nous gagner un cheval./

- /Et comment ?/

- /A la course./

- C'est bon pour moi, accepta le baron. Mais si je gagne, je remporte votre épée.

- Entendu.

Et puis quoi encore ? Il croyait qu'elle lui laisserait Zireael comme ça ? Si elle ne gagnait pas, elle volerait le cheval. Elle préférait ne pas en venir à cette option, mais s'il le fallait, elle le ferait.

- Allez, assez bu pour ce soir, vous aurez besoin de toute votre tête pour la course. Nous démarrons à l'aube.

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- Donc, on s'est donné rendez-vous à proximité d'une tour en ruine pour la course, à l'aurore. Et elle monte comme une diablesse ! Elle a filé comme le vent. Donc, forcément, elle l'a remporté cette course. Je lui ai fait cadeau de la jument noire.

Kelpie était noire, Geralt s'en souvenait.

- C'est là qu'une bête nous est tombée du ciel et Ciri hurlait comme une démente ! En un instant, tout le monde avait oublié l'enjeu. Chacun s'est mit à courir… pour sauver sa peau, fût-ce au risque de se rompre le cou.

- Et ça a donné quoi ? demanda Geralt.

- Certains s'en sont tirés… d'autres ont eu moins de chance. Mais ce qui s'est passé alors… je vous le dis, sorceleur, j'en ai vu, dans ma vie, mais jamais rien qui ressemble à ça, jamais.

Le baron ne dit rien de plus.

- Je connais cet air-là, nota le sorceleur.

- Vous apprenez vite. Vous saurez le reste quand vous aurez retrouvé ma femme.

- On y travaille.

- Et vous progressez pas d'un poil, lui reprocha Philippe.

- Elles se sont séparées, on n'avait pas envisagé cette possibilité. Mais on la retrouvera.

Elle ou ce qu'il restait.

Il salua le baron de la tête et s'en alla. Il avait fait quelques pas dans la cour quand l'homme le rattrapa et l'interpella. Lassé d'avance, le sorceleur se retourna.

- Quand vous aurez trouvé ma fille, voulez-vous lui donner ceci ?

Et il brandit l'affreuse poupée à l'effigie de Triss qu'Ace avait trouvé sous un meuble. Sans un mot, il prit la poupée de chiffon et de bois. Il lui adressa un signe de la tête avant de s'en aller. Il était temps de retrouver les autres.

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- Je crois pas vous avoir demandé de me suivre, je suis un grand garçon, vous savez, pointa le D. alors qu'il suivait le courant.

La barque qu'ils avaient trouvé toucha le sol de l'île boueuse. Ils mirent le pied à terre, et pendant que Mandos trempait ses pointes de flèches dans de l'huile contre les spectres, Ace partageait la sienne avec Shiva à qui il avait refilé une de ses dagues en argent.

- Laisse-moi émettre un doute, Quickshot. Juste un, lui dit Mandos.

Et au sourire forcé de l'elfe, Ace lui adressa un regard noir. Il fit tourner machinalement son glaive et inspira profondément. Il pouvait le faire. Il pouvait résister à ses mutations et son Haki.

- Y'a bien trop de magie ici… je… je pense pas que je vais pouvoir aller plus loin, souffla Shiva avec une petite voix.

- Retourne aux chevaux, lui ordonna Ace.

- Mais…

- C'est un ordre ! On est pas ici depuis cinq minutes que tes cheveux blanchissent déjà, donc, tu ne protestes pas et tu retournes aux chevaux. Et si tu y tiens, raconte tout à Marco, mais quitte cette île ! MAINTENANT !

Shiva avait l'air déchiré entre sa loyauté pour Ace et son état qui pourrait s'aggraver si elle restait plus longtemps. Elle regarda Mandos, comme s'il avait la solution à ses problèmes.

- S'il y a le moindre souci, je le sortirais de là, Shiva. Ne t'inquiète pas, il est trop décidé pour qu'on le détourne de son objectif. Quel qu'il soit. Et puis, les morts sont un peu mon rayon. Vas te mettre en sécurité. C'est important. Je me charge de la tête brûlée, rassura le guérisseur.

Shiva hésita encore clairement, avant qu'Ace ne lui pose une main sur l'épaule.

- J'en ai besoin, mais je ne veux pas que tu risques ta vie et ta santé mentale. Alors, va. Je reviendrais en un seul morceau. C'est une promesse. Et tu sais comment je suis avec les promesses.

La pirate enlaça férocement son commandant avant de se tourner vers le lac et de prendre son envol. Ace resta un instant à la regarder partir, avant de se tourner vers Mandos.

- Bon. Si je dis que je vois de l'herbe là où il y en a pas, tu peux te faire du mouron. Sinon, on y va ?

- … si tu commences à voir des trucs étranges, je t'assomme ou j'attends que tu reprennes pieds ? demanda l'elfe avec une pointe d'humour. Bon, allons-y, elle sait que nous sommes déjà là et on a un comité d'accueil.

En disant ça, il tira deux flèches en argent sur des spectres qui venaient de se pointer. Ace lança un couteau en argent dans la tête de l'un d'eux avant de s'avancer. Il expira profondément pour ne pas se laisser atteindre par les sentiments qui commençaient à s'infiltrer dans son esprit. Il ferma les yeux pour rester concentrer et son glaive fit un large arc de cercle argenté devant lui, exorcisant les âmes venus leur demander des comptes.

Un pas, après l'autre. C'était comme vouloir avancer contre le vent. Il sentait tant de haine et de peur dans les environs, ça le prenait à la gorge. Ce n'était pas aussi fort qu'à Flotsam, mais c'était percutant quand même.

Un pas après l'autre. Se concentrer sur le glaive et la cible. Rien de plus, rien de moins.

- Ça va ? Tu gères l'afflux de haine des morts ? demanda Mandos.

- Si Roger veut savoir si la bombe va exploser, dis-lui que je suis plus fort que lui, parce que je suis un Portgas. Il m'a légué ce foutu Haki, il croit quoi ? Que je découvre comment ça marche ? Surtout à mon âge ?

Il administra un coup de pied plein de Haki dans la tête d'un spectre alors qu'ils suivaient un chemin boueux à moitié effacé vers la tour, se rapprochant de la palissade.

- Gaffe au Putréfacteur à ta droite.

Pas besoin de regarder, l'odeur de brûler lui répondit sur le sort du monstre. Ils passèrent la palissade et le D. fit sauter la tête d'une guenaude quand elle jaillit de l'eau croupie.

- C'était moi qui étais inquiet, moron. Je ne passe pas toujours les messages des morts.

- Ahou ka ? Tu parles à un pirate, gakki, la haine, c'est monnaie courante dans le métier…

Il serra les dents et lâcha son Haoshoku en arrivant au pied de la tour, faisant reculer monstres et spectres sous le coup.

- C'EST PAS UNE TOUR DE MERDE QUI METTRA UN D. A GENOUX !

- Crie plus fort, je crois que la Pesta t'a pas entendu.

La haine et la colère de l'endroit ne faisait qu'alimenter le brasier qu'était le mutant. Pourtant, il n'était pas libéré du kairoseki.

Il attrapa Mandos et le jeta sur son épaule en mode sac à patates, avant de plier les genoux, adressant un rictus vers le sommet de la tour.

- Ace… J'espère que tu es prêt pour les conséquences … J'en ai marre que vous me preniez pour un sac à patate.

- GEPPOU !

Et il sauta assez fort pour s'élever plus haut qu'un mutant ne pourrait normalement le faire, sauf sans équipement. Sans que cela ne le dérange, il dit littéralement fuck it aux lois de la gravité et de la physique en continuant de sauter en plein air pour arriver tout en haut de la tour. Là, il laissa tomber l'elfe sur le plancher pour marcher d'un pas rageur vers la porte pour l'étage juste en dessous où était la Pesta et y administra un coup de pied.

- On a demandé un putain d'exorcisme, la Pesta !?

Mandos essaya de dire quelque chose, mais entre ses mutations et son Haki, le D. était une éponge. Il y avait trop d'émotions négatives pour qu'il puisse entendre quoique ce soit. Il tira son glaive alors qu'une prison d'ombres se dressait brutalement entre lui et la Vierge de la Peste. Ce n'était pas dans les capacités de ces spectres ! Comment celui-ci avait-il réussi ?

Attendez… des ombres ?

Mandos !

Avec un feulement de rage, il tourna sur lui-même en sortant une dague pour trancher l'air.

Cling !

Il cligna des yeux en regardant ses deux armes tomber bruyamment à terre. Pourquoi était-il si proche du sol ? Pourquoi son glaive et son poignard étaient-ils brusquement si grands ? Il vacilla sur ses jambes arrières, son équilibre entamer… et tomba sur quatre pattes. Des pattes. Velues. Noirs. Il en porta une à son visage et sentit un museau félin sous ses coussinets. Puis des petites oreilles pointues. Un regard dans son dos lui montra une queue soyeuse.

Il était un chat.

Et vu sa taille, il était pire que ça.

Il était un chaton.

Il allait tuer Mandos. Lentement. En prenant un plaisir sadique dans cette tâche.

Sa colère monta d'un cran quand l'elfe l'attrapa par la peau du cou.

- Écoute et ouvre grand tes oreilles … Tu étais tombé bien profond ! Et ne me dis pas que tu contrôlais parfaitement la situation ! Tu étais pire qu'un berserker !

Sa mission était de débarrasser les environs de la Pesta ! C'était son boulot et sans Mandos, il l'aurait fait parfaitement ! Il lui feula toute sa colère à la figure.

- Regarde autour de toi et écoute !

Toujours dans les airs, il fut tourné vers la Pesta qui sanglotait entre la rage et la peine. Enfin, ce n'était plus une Pesta. C'était une jeune femme, à présent, assez richement vêtue, qui se serrait dans ses bras, recroqueviller contre des cuves ayant certainement servi au mage qui avait vécu ici, dans ses expérimentations sur la peste.

Il retrouva un peu brutalement le plancher des vaches, voire des rats dans le cas présent.

- Si tu veux contrôler tes émotions lorsque tu ressens celles des autres et des lieux, commence par déjà les différencier des tiennes !

Il en avait des bonnes, lui ! Il était une putain d'éponge à cause de ses mutations et du Haki que lui avait refilé Roger !

- Et je suis navré, continua Mandos. Si je t'assommais, tu m'aurais tué dès ton réveil. Et ne dit pas que c'est faux.

Ace lui jeta un regard dubitatif depuis le sol. Parce qu'il croyait que c'était un corps de chaton qui l'empêcherait de le tuer ?

- La colère du lieu, tu l'aurais concentrée sur une victime. Et, bonne nouvelle, je suis l'idiot qui aurait été en face de toi. Alors, oui, la seule solution que j'ai trouvée pour te calmer, c'est te donner une forme qui te fait revenir sur terre. La colère des morts ne touche pas les animaux. À part celle du Haki, tu n'as plus celle des morts.

Le sorceleur eut un feulement. Il ne faisait que son putain de boulot ! Il devait protéger les gens et la Pesta, aussi tragique soit-elle, était un danger ! Il n'avait qu'un glaive, pas de pouvoir divins permettant de mettre au repos les autres ! Chasser une Pesta n'était pas aussi simple que lever une malédiction ou exorciser un Spectre de Midi ou de Minuit ! Il eut un rictus colérique. Puisque môsieur n'aimait pas ses méthodes, qu'il se démerde. Il n'avait peut-être toujours pas accès à son akuma no mi, mais il avait encore une bonne partie de ses capacités physiques malgré son apparence de l'instant. Il demanderait à Shiva de l'aide pour retrouver sa forme humaine.

Il se ramassa sur lui-même et bondit vers le visage de Mandos, toutes griffes dehors. De là, il serait parfaitement placé pour rejoindre la fenêtre la plus proche sans se rapprocher de la Pesta. Du moins, il l'espérait, mais l'elfe fut plus rapide.

Ouuuh, qu'il allait détester cette journée.

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Marco regarda d'un air interdit le chaton que Shiva lui déposa entre les mains.

- ...j'ai envie de savoir ? se renseigna le blond.

Il arrangea la position de ses bras pour permettre à son époux transformé en petite boule de poil de grimper sur ses épaules. Thatch se rapprocha du chaton et commença à l'embêter sous le regard neutre de Geralt.

- Mandos a voulu l'empêcher de faire une connerie. Et au lieu de l'en remercier, il s'est énervé contre lui. Il va en avoir pour toute l'après-midi, jusqu'en début de soirée certainement, informa Shiva.

- Ah. Et sur quoi ? se renseigna le Loup Blanc.

- L'Île de Fyke. Ace a voulu se prouver qu'il pouvait survivre à l'afflux des ondes imprégnées dans cette terre et il s'est noyé dedans. Mandos s'est interposé en voulant l'empêcher de devenir un monstre et de se débarrasser de la Pesta à coups de glaive quand une solution moins brutale était possible.

Cela fit soupirer Marco. Il comprenait que Mandos soit revenu blessé. Quand il avait une idée en tête, son homme ne l'avait pas ailleurs. Et le pauvre elfe en avait fait les frais.

- PUTAIN! ACE!

Tout le monde regarda Thatch qui se tenait le visage avec les deux mains plaquées sur son œil droit et le D. qui se rallongeait sur l'épaule de son homme avec dignité.

- Tu l'as cherché, pointa Shiva.

- Il m'a arraché un œil ! C'est trop drastique pour dire que je l'ai cherché !

- Tu l'as cherché, yoi, répéta Marco.

- Ace, aussi dérangeant que ce soit, il faut que tu acceptes qu'il y a des choses que tu ne peux pas faire et que pour elles, il est acceptable de demander de l'aide, dit sérieusement Geralt.

Le D. siffla de colère pour toute réponse.

- Je ne veux pas de traduction ? se fit confirmer le Loup Blanc.

Les deux zoans secouèrent la tête à la négative.

- Je ne veux pas la traduction. Sinon, j'ai appris quelque chose d'intéressant chez le baron. Ciri et Luffy ont une monture. Une jument noire. Kelpie. Et Ciri veut reprendre sa formation de sorceleuse. Et subir les mutations.

- Les épreuves sont bien plus mortelles chez les adultes que les enfants, non ? se fit confirmer Marco en ignorant Thatch qui attendait que son œil se régénère.

- Exact. Mais je pense qu'on connait tous une exception à cette règle.

Vrai. Même si Eilhart avait changé les choses avec sa magie, Ace avait déjà la vingtaine quand il avait subi les Herbes.

- Sauf si elle trouve une magicienne qui ne veuille pas la manipuler et qui acceptera de la rajeunir assez pour repasser les épreuves, le cas d'Ace ne peut pas se répéter pour elle, pointa Shiva.

- Je ne vois que Triss et Yennefer, mais aucune des deux n'accepteraient de le faire au vu des risques. Sans compter que le savoir des Herbes des Loups a été perdu, informa le Loup Blanc. On a les mutagènes mais pas la recette.

- Les Chats sont donc sa seule option possible, mais au vu du résultat sur Ace, ce n'est pas recommandable. La quête de Ciri m'a donc tout l'air irréalisable, yoi, résuma Marco. Sinon, la suite, c'est quoi ?

- Il reste à retrouver Tamara à Oxenfurt et savoir ce qu'il est devenu d'Anna, résuma Thatch en clignant son œil régénérer pour chasser les restants de gêne et douleur.

Shiva décida des rôles pour tout le monde.

- Marco et Ace, à Oxenfurt. Geralt et Thatch, à la poursuite de Anna.

Cela fit lever un sourcil à tout le monde. Elle n'avait pas d'autorité dans l'équipage, mais pourtant elle donnait les ordres ?

- Bon, puisque les rôles ont été distribués, marmonna Geralt en haussant des épaules. Donnez ça à Tamara, de la part de son père.

Et il tendit à Marco une poupée de chiffon que le médecin rangea dans sa besace de soin. Il s'accroupit ensuite auprès d'une Anaïs silencieuse et lui sourit:

- On sera de retour demain matin, Ace et moi. Reste sage avec Shiva et console Mandos. Il en a besoin, yoi. D'accord ?

- D'accord !

- Frangin, si tu…commença Thatch.

- Si je croise Shani, je lui transmettrais le message. Parole.

Les deux commandants échangèrent une accolade.

- Une indication, une piste, quoique ce soit pour retrouver la femme ? demanda Geralt à Shiva

- Suivez le chemin des douceurs, leur dit l'elfe noire. A Lurtch, prenez au sud.

Elle prit la main d'Anaïs et l'embarqua dans la tente pour lui faire sa leçon de Langue Ancienne du jour. Le reste du groupe se regarda, puis Marco déposa Ace dans sa capuche avant de grimper sur Duke, son étalon bai. Les deux autres montèrent à cheval et ils s'en allèrent.

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Anaïs faisait attention à éviter les zones trop boueuses de la forêt pendant qu'elle marchait à côté de Iro en suivant Hugin. Elle avait persuadé le krebin de la conduire jusqu'à Mandos en lui graissant la patte avec quelques douceurs qu'elle avait trouvé dans un bocal à l'intérieur d'un placard de la cuisine. Pourquoi avait-elle regardé dans le placard ? Parce que Marco et Shiva n'avaient pas arrêté de dire qu'il sentait bon. Donc, voilà pourquoi, avec la bénédiction de l'elfe noire et la surveillance de la panthère, la petite princesse avançait dans les bois en faisant attention où elle marchait, évitant de déranger les branchages ou de marcher dans les flaques qui disaient qu'il avait plu la nuit dernière. Elle sourit en entendant Mandos chantonner depuis le haut d'un arbre. Elle se rapprocha en se faisant aussi discrète qu'une souris et l'écouta depuis en bas. C'était beau. Elle ne comprenait pas ce qu'il disait, mais c'était agréable à attendre. Tout autant qu'écouter Ace jouait certains morceaux sur sa guitare qu'elle disait sortant de quelque chose s'appelant Kill Bill.

Brusquement, il arrêta de chanter en remarquant son krebin qui vint se poser sur son épaule, puis la petite princesse en bas avec Iro.

- Les autres savent que tu te ballades avec un krebin et … Iro comme protection, Anais ?

La petite ne répondit pas et commença l'escalade de l'arbre pour monter au niveau de l'elfe, puis se percha dans la fourche d'une branche pour sourire à Mandos. La panthère suivit le mouvement et s'allongea de tout son long juste sous eux, sur une autre branche. Elle bailla voluptueusement et ferma les yeux.

- Tatie Shiva m'a dit qu'il n'y avait personne dans les environs à cause de la pluie d'hier soir, et que Iro pouvait aisément m'aider à fuir. Je lui ai dit où j'allais et pourquoi, et elle m'a donné son autorisation. Nii-chan est avec oncle Marco et ils vont à Oxenfurt. Oncle Thatch et Geralt, eux, vont vers le sud, ils cherchent le chemin des douceurs s'ils suivent les conseils de Shiva. Il n'y a que nous trois au camp, avec Iro et Hugin.

- Tu ne devrais pas être avec Shiva ? Je pense pas que Chat noir accepte que tu viennes me voir après la dernière chose que j'ai fait. Mais je te remercie d'être venu me voir. Un fruit ? Je n'ai que cela pour l'instant et de l'eau. Et quelques livres.

- J'aime bien Shiva, mais… niveau conversation, elle est pas...

Elle ne termina pas sa phrase, se contentant d'agiter ses jambes en regardant le sol, avant de relever les yeux vers Mandos.

- Ace ne me dira rien. S'il avait voulu que je ne vienne pas te voir, il aurait réussi à me le faire comprendre. Et je t'aime bien.

Elle fit un sourire au guérisseur elfique qui le lui rendit.

- Je te remercie. Je pense que j'avais besoin de l'entendre. Tu es une très bonne personne, Anaïs. Et continue à l'être. Les royaumes du nord ont besoin de personnes comme toi. Alors ? Que veux tu faire avec un elfe comme moi ce matin ? Chasser ? Blaguer ? Écouter des histoires à dormir debout ? Ou faire un petit tour sur le dos d'un cerf et effrayer des dh'oines idiots ?

- On ne doit pas chasser. Nii-chan a rapporté déjà deux ours il y a deux jours, nous n'avons pas besoin de plus. On ne doit prendre que le strict nécessaire. Nous ne sommes pas en hiver, donc, il est inutile de faire des réserves et il y a assez de gibier dans les environs. Il ne faut pas troubler l'équilibre de la vie sauvage.

- Vrai. Mais, apprendre à te fondre encore plus dans la forêt et voir ses petits secrets que seul un qui écoute la nature pourrait trouver... Ça t'intéresse d'apprendre ça ? Je pense que tu as appris à suivre une trace, pour traquer. As-tu déjà suivi une trace pour observer quelque chose ?

Les yeux de la fillette s'allumèrent.

- Oui !

Mandos eut un rire avant de ranger ses affaires et ensuite descendre. Anaïs suivit le mouvement et termina souplement au sol. Ils se tournèrent vers la panthère qui les regardait en silence.

- Tu veux venir ou tu rentres au campement ?

Le félin sauta agilement sur le sol boueux et s'étira avant de s'asseoir, attendant de savoir où ils allaient. Comprenant les intentions de l'animal, Mandos revint vers la petite princesse.

- Bien … montre-moi déjà ce que tu sais faire pour te fondre dans le coin. Je ferme les yeux. Tu as quinze secondes pour trouver une cachette. Ce n'est que pour voir si je te repère au premier coup d'œil. Si c'est non, on pourra passer à l'étape suivante. Je ne vais pas utiliser le Haki. Les animaux ne l'ont pas pour la plupart.

Mandos ferma les yeux et Anaïs fonça droit devant elle. Ace lui faisait porter des vêtements sombres, il fallait qu'elle trouve une cachette dans les mêmes tons. Elle trouva un rocher moussu et se jeta derrière. Elle étouffa un petit cri en mettant la main sur des ronces. Zut, c'était une erreur. Priant pour que cela ne la trahissent pas, elle se plaqua contre le rocher, sous des larges feuilles d'herbes folles.

Plus qu'à attendre.

Elle ferma les yeux et respira calmement. Elle était le monde, le monde était elle. C'était ce que lui avait répété souvent Ace. Mais ça marchait dans une foule, pas forcément dans les bois.

Elle rouvrit les yeux, et attendit que Mandos la trouve. Elle ne fut pas surprise de voir les herbes se soulever sur Mandos. Elle avait fait une erreur, elle en avait conscience.

- Bien Anais. Petite erreur mais très bien. Je peux dire que tu t'es précipité pour trouver une cachette. La respiration aussi est bien. Mais, tu étais concentrée comme si tu étais dans une foule. Mais, ça veut dire que je n'ai qu'à t'apprendre à écouter la nature et te fondre dedans.

Forcément. C'était ce que lui avait appris Ace.

L'elfe s'assit à côté d'elle et posa une main sur son épaule.

- Ferme les yeux et écoute. Pas avec le Haki. Simplement, écoute ce que tu as autour de toi. Qu'entends-tu ?

Elle ferma les yeux.

Elle entendait le vent, mais pas Mandos. Pourtant, elle le percevait toujours la main sur son épaule. Quelque part, un oiseau chantait. C'était tranquille.

- Qu'est-ce qui goutte ?

- Ouvre les yeux et regarde.

La demoiselle ouvrit les yeux et regarda ce que l'elfe voulait lui montrer. Juste sous la mousse et les feuilles, on avait une petite source qui s'était faite avec la pluie de la nuit dernière. Cela expliquait qu'elle ait glissé sur le sol humide en se cachant. Ou pourquoi ses bottes avaient adhéré à l'humus.

- Les animaux nous entendent et nous sentent. Ils sont habitués à nous éviter. Ils savent que l'on peut être un danger. C'est pareil pour les humains. Trop pressé, on se fait repérer. Pas assez rapide, pareil. Le tout, c'est de trouver le bon équilibre. Les elfes sont taillés pour se fondre dans les forêts mais aussi dans les villes. Tu pourrais parfois avoir du mal à les voir se déplacer quand ils ne veulent vraiment pas être vus. Mais, ça peut s'apprendre.

Elle voulait apprendre. Comprendre. C'était son maître-mot. Ainsi, elle pourrait devenir une bonne reine.

Elle écouta les conseils de l'elfe avant de passer à l'exercice. Sans lui dire quoi ou pourquoi, il lui fit signe de le suivre, pour l'entraîner sur une piste. Elle essaya de l'imiter dans ses gestes, sa façon de bouger. A chacune de ses erreurs, le guérisseur lui disait comment les corriger. Et elle écoutait.

Puis, elle finit par trouver quelque chose sur le sol. Une trace de pattes griffues. Plus petite que ce que faisait Iro. Elle montra sa trouvaille à Mandos qui lui sourit l'air de dire "bien joué".

En ne faisant aucun geste brusque, ils se glissèrent entre deux buissons et écartèrent des branches. Elle retint une exclamation d'émerveillement.

Une famille de renards. Une maman avait rapporté un lapin à ses petits. C'était absolument adorable. Elle vibrait de joie. Jamais elle n'aurait cru tomber sur ça. Tellement mignon ! Ils reculèrent et mirent de la distance entre eux et la petite famille avant que Mandos ne se tourne vers la demoiselle :

- Bien, elle ne t'a ni senti, ni entendu, ni vu. Tu es très douée, Anaïs. Si tu appliques cela dans une foule ou dans une ville, c'est la même chose que dans une forêt. Bon … une petite chevaucher et on rentre ?

- Je peux crier ? demanda la demoiselle.

- Si tu ne cries pas, je serais vexé, lui dit l'elfe avec humour.

- OUAIIIIIS ! UNE CHEVAUCHÉE !

Mandos posa ses mains sur le sol de la forêt, et l'instant suivant, un grand cerf noir se tenait devant elle. Il plia une patte pour permettre à la princesse de grimper sur son dos, chose que fit la demoiselle avec joie. Et ils partirent dans une belle cavalcade dans les bois, allant jusqu'à sauter sur les arbres. Quand ils sortirent d'entre les arbres, ce fut pour tomber sur des hommes du baron qui puaient le pinard.

Mandos frappa le sol de son sabot.

Anaïs les pointa du doigt avec un air sérieux.

- À l'attaque !

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Shiva leva le nez de son livre en voyant Anaïs arriver avec Mandos et Iro.

- Shiva! Shiva ! Tu ne devineras jamais ce qu'on a fait ! s'excita la princesse.

Sans un mot, l'elfe referma son livre pour le poser à côté d'elle, avant de tapoter le sol de l'autre côté pour que la demoiselle puisse s'asseoir et lui raconter ses aventures, ramenant ses jambes contre elle pour se mettre plus à l'aise afin de l'écouter, souriant doucement devant la joie contagieuse de la princesse. C'était loin des aventures qu'elle avait dû connaître entre les murs de la baronnie, en dehors des visites d'Ace. Du coin de l'œil, elle remarqua l'intérêt discret de Mandos pour le livre qu'elle lisait auparavant.

Très peu de chance qu'il comprenne.

Anaïs venait de finir de raconter son histoire et profiter elle aussi d'un verre de thé. Posant une main sur l'ouvrage qu'elle lisait, Shiva ferma les yeux :

Quizaya teocalli tonal, chocani,

Ihcuac pano on~ itta.

Quizaya teocalli tonal, chocani,

Cualnezqui huipil,

Huilcaya~ chocani~

Tlal tonantzin ni neltoca

Elle se laissa aller en arrière, les yeux fermés. C'était mieux avec l'accompagnement de la guitare, mais juste la voix était en soit un appel à la légende et une ode à la divinité qui l'avait inspirée. Anaïs s'arrêta de boire pour la regarder. Il faut dire qu'elle était celle de laquelle on attendait le moins un talent artistique ou une démonstration de chant.

¡ Ihyo ! No~ chocani, chocani,

Chocani, quihuic atoyatl.

Xi tlapacho mo~ tlilmantli, chocani,

¡ Ihyo ! No~ chocani, chocani,

Chocani, quihuic atoyatl.

Xi tlapacho mo~ tlilmantli, chocani,

Pampa nimiquiz in cehuatl.

Son poing se referma sur le livre alors que ses jambes devenaient sa queue de serpent. Elle fixa le vide, voyant presque une brume naissante de laquelle une mariée squelettique jaillissait pour danser au son de la chanson nostalgique.

¡ Ihyo ! No~ chocani, chocani

Chocani, tlapalli ilhuicatl.

¡ Ihyo ! No~ chocani, chocani

Chocani, tlapalli ilhuicatl.

¿Intla yeliztli cohualcalli, chocani ?

Amo cahua nitlazotzin.

La zoan se tût et ferma paisiblement les yeux. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas chanté autre chose que des shantys ou des incantations durant des rituels. C'était agréable.

- C'était magnifique, Shiva.

Elle sursauta et ne put s'empêcher de rougir. Elle avait presque oublié qu'elle n'était pas seule. Anaïs se permit même d'applaudir.

- M...Merci… c'est… c'est du Nahuatl. La même langue que le livre que je lisais.

- Je ne connais pas cette langue, mais je serais curieux de connaître un peu plus. Surtout ce que tu as chanté. Bon. Je vais préparer quelque chose. Traquer donne un peu faim.

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Le patelin de Lurtch fut atteint en début de soirée, peu après qu'Ace ait retrouvé sa forme humaine. De là, ils se séparèrent. Ace et Marco continueraient vers l'est en remontant à peine au nord pour rejoindre Oxenfurt, pendant que Geralt et Thatch filaient vers le sud et Culterrier. En passant à travers bois, ils tombèrent sur un manoir abandonné. L'endroit parfait pour passer la nuit. Jusqu'à ce que Geralt arrête Ablette au beau milieu du chemin. Il descendit à terre sous le regard curieux de Thatch et… désamorça un piège explosif dans lequel sa monture avait failli mettre les sabots.

- Les monstres ne posent pas de pièges. Quelqu'un est ici.

Le vampire analysa les environs de son Haki avant de descendre de cheval. Il arma le fusil et visa un mur en bois à proximité d'une fenêtre. Il sentait quelqu'un, là, caché dans la nuit et l'obscurité de ce qui devait être le grenier d'une grange.

La balle partie et traversa le bois.

- Allez la Vipère, sort de ta cachette, t'es suspect comme ça.

La voix de Letho leur parvint :

- J'aurais jamais cru qu'ils embaucheraient un Scoia'tael et un autre sorceleur pour m'avoir.

- Embaucher ? répéta d'un air perplexe le vampire en baissant le fusil.

- On ne sait pas de quoi tu parles, on cherchait juste un endroit où passer la nuit, expliqua Geralt.

- Montez, invita le mutant gigantesque.

Les deux autres se regardèrent et attachèrent les chevaux à proximité avant de rejoindre la grange en question en évitant les pièges. Ils trouvèrent une échelle derrière de la paille et l'utilisèrent pour monter dans le grenier. Le sorceleur gigantesque n'avait pas changé. Il se tenait sur le bord de la fenêtre, accroupi, observant la nuit.

- Tu te caches de qui ? se renseigna Geralt.

- Pour l'empereur, ce sont des mercenaires. Eux-mêmes se voient en chasseurs de primes. Mais pour moi, ce sont des emmerdeurs tout ce qu'il y a de plus banal.

- Ce qui ne correspond à aucun de nous deux, pointa Thatch. L'empereur, il faisait moins le fier après avoir rencontré Marco.

- Bonne idée de te cacher dans des ruines qui devaient être envahies de monstres, complimenta Geralt.

- Au moins, les gens ne s'y aventurent pas par accident. Et ceux qui viennent volontairement ici, je suis prêt à les accueillir.

- Des assassins, devina le Loup Blanc en se rapprochant de Letho avec Thatch.

- L'empereur a décidé de se débarrasser de moi, au lieu d'honorer son accord. Je suis un témoin dérangeant de ses manigances, après tout. Depuis que j'ai quitté Loc Muinne, j'ai rencontré nombre de ses hommes qui cherchaient à me tuer.

- Ce qui explique les pièges.

- Je suis devenu précautionneux.

Les trois hommes regardèrent par l'ouverture pour voir une troupe de brigands arriver à cheval dans la cour du domaine, tout en restant discret.

- Ils n'ont rien à voir avec des voyageurs perdus, commenta le Loup.

- Ce n'en sont pas. Ce qui veut dire que Louis m'a vendu.

- Louis ? répéta Thatch sans quitter des yeux les nouveaux venus en bas.

- Une vieille connaissance. On a déjà bossé ensemble plusieurs fois par le passé. C'est lui qui m'avait recommandé cet endroit.

- Tu es devenu imprudent, tu t'es laissé prendre au piège, pointa le Loup Blanc.

- Nan. Les seuls pièges ici sont ceux que j'ai posé. Je dois me débarrasser d'eux, vous me filez un coup de main ?

- J'ai une meilleure idée. Tu es doué pour jouer les morts ?

Les deux sorceleurs regardèrent Thatch qui avait retiré sa cape et son katana à sa ceinture.

- Tu as un plan, constata le sorceleur de la Vipère.

- Le problème est que tu es vivant. Si tu es bon acteur, on aura une dizaine de témoins disant qu'un monstre a eu raison de toi. Le tout est de savoir si tu es prêt à perdre quelques litres de sang.

Les griffes poussèrent le long des doigts du vampire alors que son visage se contractait pour prendre un aspect plus féroce qui dévoila ses crocs. Puis, il poussa plus loin, perdant toute ressemblance avec un homme civilisé, devenant une chauve-souris griffue d'à peine plus de deux mètres de haut avec la même collection de tresses rousses sur le crâne qu'il avait sous sa forme humaine. Sans demander à Letho son avis, il lui administra un puissant coup de pattes dans la poitrine, le faisant passer au travers la paroi en bois. Le sorceleur atterrit lourdement à terre, mais avant qu'il ne puisse se relever, Thatch était déjà sur lui. Il eut beau se débattre, le vampire mordit la gorge. Il but un peu de sang, mais la majorité termina sur le sol, dessinant une flaque sombre dans la poussière. Finalement, les mains qui cherchaient à repousser le vampire tombèrent mollement sur le sol. Thatch se détacha de sa proie et regarda le groupe d'hommes horrifiés. Il passa sa langue sur ses babines pleines de sang plus pour le show que pour le goût et avança vers eux. Un brave se jeta à l'assaut. Il se retrouva transpercé par les longs doigts griffus du vampire qui continua son avancée. Les autres eurent un éclair de lucidité et prirent la fuite. Le vampire fit mine de les poursuivre avant de reprendre sa forme humaine en revenant vers le sorceleur au sol. Il essuya sa bouche et cracha sur le côté.

- Eurg ! Ecoeurant ! Putain! T'as bu un élixir récemment pour que ton sang soit aussi imbuvable !? Déjà que je suis pas un grand fan, là, tu vas me faire passer l'envie de m'y mettre un jour ou l'autre !

Geralt sauta à son tour du grenier de la grange pour rejoindre la cour. Letho se redressait en tenant sa gorge d'une main. Il fouilla sa sacoche pour trouver une fiole d'élixir de Raffard le Blanc qu'il enfila avidement. Il resta immobile un instant, reprenant son souffle et ses esprits, avant de répondre:

- Cela aurait pu être pire. J'aurais pu consommer du Sang Noir.

- Salaud ! Dire que j'ai fait ça pour t'aider !

- On ne viendra pas te poursuivre de nouveau avant un moment, nota Geralt à l'adresse de Letho en l'aidant à se relever.

- J'aurais préféré une autre solution, mais ça me va comme ça.

- Tu vas faire quoi, à présent ?

Letho alla s'asseoir sur le rebord du puits de la cour et en puisa de l'eau pour laver le sang sur sa gorge.

- Loin. Loin de l'empereur, commencer une nouvelle vie. Je me suis fait avoir. On m'a manipulé. Je voulais revoir notre école, mais cela n'arrivera jamais à présent. Au moins, je n'ai plus la pression de la cavale.

- C'est amusant d'être en cavale, pourtant, pointa Thatch.

- On n'a pas demandé l'opinion de l'Ecureuil suceur de sang, pointa Geralt en croisant les bras.

Le vampire alla se rouler en boule dans un coin, une aura dépressive sur le sommet du crâne pour faire des trous dans le sol en sanglotant sur le fait que personne ne l'aimait.

- Letho de Guletta s'est fait boulotter par un vampire. Cela va faire rapidement le tour du continent en quelques jours, reprit Geralt.

- Cela rejoint mon plan d'origine. Maintenant, je peux commencer une nouvelle vie. Où ? Ça reste une bonne question.

Et il se renversa l'eau sur la tête pour laver le sang.

- Va à Kaer Morhen. Notre bastion est en ruine, mais c'est mieux que rien. Sauf si tu veux aller te perdre au fin fond de la Zerrikania.

- Avec tes potes de l'Ecole du Loup ? Ouais, mauvaise idée, ça pourrait mal finir.

- Je ne vois pas en quoi. Certes, les Vipères prennent des contrats d'assassins comme les Chats, mais vous gardez un semblant de code moral et de neutralité. Aucune raison que ça clash. Sans compter qu'on a prit sous notre aile le Chat Noir, ce qui prouve qu'on est d'accord pour tendre la main aux autres écoles. Et si tu leur dis que c'est moi qui t'envoie, ils comprendront et te laisseront vivre.

La montagne de muscles sembla réfléchir un instant, avant de hausser les épaules.

- Mieux que rien. Où est le bastion ?

- Remonte la rivière Gwenllech jusqu'aux montagnes de Kaedwen. De là, tu ne peux pas louper le bastion si tu les longes vers le nord.

- Très bien. J'ai quelques affaires à régler de mon côté avant de m'y rendre. On s'y reverra, Loup.

- Je t'aurais bien proposé mon aide, mais j'ai une affaire en cours qui passe en priorité.

- Ah ?

- Mon Enfant Surprise. Si je la retrouve, tu comprendras lorsqu'on se reverra à Kaer Morhen.