Épuisés et pourchassés, Ciri et Luffy s'étaient effondrés dans les marais. Un paysan les retrouva et les mena jusqu'au Baron Sanglant, le Seigneur auto-proclamé de Velen. Il les recueillit, veilla à leur rétablissement, puis les laissa partir pour Novigrad.
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Il suffisait d'un mot pour décrire Shiva dans l'instant T. Et c'était Satisfaction. Intense et pure Satisfaction. L'esprit de la forêt était passée à proximité de leur campement, sans les voir, à cause du double kekkai. La zoan l'avait renforcée à l'aide des runes de Mandos afin de se prémunir contre une possible rétribution des Moires. Donc, la jument que l'esprit de la forêt possédait avait vaguement senti leur odeur dans les environs, mais ne les avait pas trouvés. Elle avait juste transmis un message que le vent avait porté jusqu'à l'elfe.
Les enfants étaient sains et saufs.
Les Moires n'avaient pas eu le temps de s'en prendre à la femme du Baron.
Il ne manquait plus que ces messieurs se décident à revenir. Aucun risque qu'ils ne les trouvent pas, Marco et Thatch avaient sa Vivre Card, tout comme elle avait celle du Phénix. Dommage que le passage entre les mains et la magie des Aen Elle aient détruites celles d'Ace et Thatch.
C'est tard dans la nuit que Thatch et Geralt revinrent. La femme avait levé juste un instant les protections pour les faire entrer, avant de tout remettre en place. Hors de question de laisser la tentation aux Moires. Pas ce soir.
- Où est le premier Commandant ? demanda la brune sans bonsoir ni merde.
- La grand-mère était en mauvais état, il a préféré l'accompagner directement à Oxenfurt, informa Thatch en descendant de selle.
- L'infection est grave, il n'est pas entré dans les détails, mais il n'était pas positif, dit sobrement Geralt en retirant ses lames pour les poser contre un arbre.
- Donc, elle sera à la garde de Shani, on lui a bien fait passer le message. Les deux autres ont été d'accord ? Pas de protestation ?
- Shiva. C'est Oyaji qui nous a élevé. Je sais que pour toi, Ace sera toujours ton capitaine, même si dans les faits, c'est Shirohige qui commande, mais réfléchi un instant, lui dit gravement Thatch. Tu crois qu'un homme pareil aurait accepté qu'on laisse une femme retourner au foyer d'un homme, juste parce que c'est son époux, malgré les violences et les abus ?
- Je… je… je n'ai rien dit, désolée, c'était stupide.
Elle se frotta le visage en soupirant et le vampire lui sourit gentiment.
- Marco a menacé le Baron de répandre ses entrailles sur le sol et de les mélanger dans la boue, avant qu'il ne lui couse la bouche au rectum. Je pense qu'avec les nombreuses rencontres que nous avons eues, Philippe Strenger se doutait que ce n'était pas une bonne idée d'aller à son encontre. Donc, môsieur n'a pas intérêt à vouloir approcher son épouse.
- Sans compter que Shani sera la garde malade. On parle d'une femme qui a fait battre en retraite le Professeur avec quelques-uns de ses assassins de la Salamandre. Pourtant, l'homme était recherché pour meurtre dans plusieurs pays, renchérit Geralt.
Lui et Thatch s'assirent au coin du feu.
Le vampire allait dire autre chose quand il se figea et porta une main à son épaule.
- Bilan donc ? résuma Mandos. La femme du Baron est à l'abris entres les mains de Shani. Et les Moires ont perdu une petite bataille. Quant au Baron. Je me demande …
Le jeune elfe eut un sourire. Jusqu'à ce que Thatch se lève d'un bond, son katana au clair noircit de Haki.
- Okay mon con ! Montres-toi que je te transforme en sashimi ! Allez ! Ais les couilles de cesser de jouer l'homme invisible que je t'empale sur ma lame.
- Il a choppé quelque chose dans les marais ? se renseigna Shiva avec lassitude.
Geralt croisa les bras, s'appuyant un peu plus contre l'arbre derrière lui, regardant avec un visage de marbre le vampire chercher un ennemi apparemment imaginaire.
Mandos lutta contre le rire un instant avant de répondre :
- Thatch… Ce que tu essayes d'affronter est un fantôme. Et celui-ci essaye de voir comment communiquer. York, arrête. Quoiqu'ait fait Thatch. Laisse-le.
- Mouais. Ben qu'ils essaient de communiquer avec Geralt, c'est son domaine, les esprits, grommela le vampire en se laissant tomber par terre pour bouder.
- On lève le camp demain. Marco sait qu'on doit aller à Novigrad, il nous rejoindra en route, dit froidement le sorceleur en ne relevant pas le commentaire. Il a assuré qu'il nous retrouverait.
- Il faudra néanmoins passer les ponts gardés par les Rédaniens. Et pour cela, un laisser passer est nécessaire. Une solution sur la question ? Ou l'on passe par d'autres voies, Shiva et moi ? demanda Mandos.
- Je peux me faire passer pour une mercenaire Zerrikanienne, ça me dérange pas plus que ça, dit la brune.
Mandos hocha la tête, mais ce n'était pas fini.
- Marco a déjà un laisser-passer, puisqu'il n'est pas judicieux de laisser le meilleur médecin connu dehors, pointa Thatch. Sans compter que le Baron nous en avait fourni un non-nominatif pour qu'on retrouve Tamara. Ce qui permet à deux personnes d'entrer dans la ville. De mon côté, je peux me rendre invisible pour passer le barrage et aller voir Surin ou le Roi des Mendiants. Ils nous doivent tout un tas de services. Bien assez pour obtenir les papiers nécessaires pour justifier de notre présence avec nos noms écrits en toutes lettres dessus.
- Bien. Et s'il y a besoin, je peux user d'une métamorphose pour me faire passer pour un humain. Je l'avais déjà fait à Flotsam pour entrer et sortir. Cette question étant réglée, prochaine étape Novigrad.
- Allons nous coucher. Shiva, peux-tu prendre le premier tour ? demanda Geralt.
L'elfe hocha la tête en silence.
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Ils avaient fait la route en silence jusqu'à Novigrad, devant faire une pause entre temps pour la nuit. Au petit matin, Marco les avait rejoint pour reprendre place sur Duke qui suivait docilement la monture de Thatch auparavant. Profitant du calme avant la ville, Mandos lui avait demandé l'état de la Baronne :
- Comment s'en sort Anna ? Son pronostic vital n'est plus engagé ?
- L'infection a bien attaqué son corps. Bien en profondeur. On a dû retirer tout l'utérus pour la sauver. La fièvre est redescendue, donc, je suis parti, yoi. Elle est touchée par la disparition des enfants.
- Je sais qu'ils vont bien, assura Shiva.
- Eh bien, une preuve pourrait aider son état. Shani sait que le mari ne doit pas l'approcher, mais que la fille a droit de visite.
- Tant que le mari ne l'approche plus. Elle ira pour le mieux.
Personne n'avait quoique ce soit à dire contre ça.
C'est là qu'ils arrivèrent devant les portes de Novigrad. Geralt arrêta son cheval et le fit se tourner en partie pour faire face au reste du groupe.
- Donc, on procède comment ? On entre chacun de son côté ou on laisse Marco et Thatch récupérer les laisser-passer en attendant ici ?
- Le moins risqué serait d'attendre le retour des laisser-passer, selon moi, mais c'est mon avis, dit Mandos.
Marco regarda les autres, mais personne n'avait rien contre l'idée. Alors, Geralt donna son propre document et les deux commandants partirent rapidement vers la ville et son barrage, à pied.
- On va en avoir pour un moment, commenta Shiva en sautant à terre pour se dégourdir les jambes.
Pas longtemps puisqu'elle remarqua rapidement que Mandos n'allait pas bien. Avec les bûchers qui brûlaient des sages, mages, érudits et autres à tour de bras, la ville devait être hantée. Bien des âmes prisonnières des murs, incapable de trouver le repos. Et en prenant en compte son Haki naissant, ce devait être encore plus insupportable pour le jeune Mandos.
- Ville pourrie et souillée, grogna Mandos en jouant avec la chaîne à son cou.
- Je serai la dernière personne à te dire le contraire.
Après un moment, le jeune elfe finit par se détendre et se recentrer sur lui-même. Bien assez pour remarquer que des gardes de la porte les surveillaient depuis leur poste. A rester immobile comme ça, ils attiraient l'attention. C'est sans doute pour cela que Mandos leur pointa un pâté de maisons sur la rive, face au cœur de Novigrad.
- Je sais qu'il y a un panneau d'informations là-bas. On pourra avoir de quoi lire en les attendant. Et je crois qu'il y a un marchand qui peut vendre deux trois trucs intéressants.
Geralt hocha la tête en prenant cette direction en premier. Il tourna sa monture et attrapa la longe de celle de Thatch. Shiva s'occupa de celle de Marco. Ils prirent quelques minutes avant d'atteindre la zone.
Le panneau était bien là avec plusieurs annonces. Rien de bien intéressant, bien que l'une d'elle sembla faire rire le guérisseur sombre qui pointa l'objet de son hilarité à Shiva. Il était l'histoire d'un cerf noir qui avait semé des soucis chez les troupes de soldats. L'elfe noire regarda le jeune homme et soupira.
Les hommes.
Ils tournèrent la tête en voyant plusieurs chasseurs de sorcières devant une maison, tambourinant à la porte. La nuit était en train d'arriver, ce n'était pas vraiment une heure pour faire une visite de courtoisie. Le jeune regarda le sorceleur et Shiva avant de descendre et attacher les longes des deux montures à un poteau. Geralt allait l'imiter mais la brune lui fit un signe de la tête disant de laisser faire. Ils n'étaient que trois, Mandos pouvait se charger d'eux sans la moindre difficulté, pas la peine de s'y mettre à plusieurs et d'attirer l'attention. Même si le voisinage faisait la sourde oreille, il était recommandé de les garder à l'œil, histoire qu'ils ne prennent pas leur camarade en traître.
- Tu crois qu'il va se débarrasser d'eux comment ? demanda Shiva pour faire la conversation.
- La magie n'est pas une option pour l'instant, sauf à petite dose et en dernier recours, réfléchit Geralt.
Avant qu'ils ne puissent émettre des hypothèses, le jeune elfe avait déjà interpellé le trio.
- Bonsoir dh'oine. J'aimerais une indication.
Mandos était calme, mais cela réussi à mettre aux aboies les trois Chasseurs de Sorcières qui pour le coup se retournèrent, l'épée à la main. Pourtant, l'elfe resta tranquille, se contentant de lever les mains en signe de paix.
- Excusez-moi. J'étais curieux. Je suis nouveau dans les environs, et, je crois me souvenir néanmoins que les règles de bienséances du nord indiquent que si une personne refuse de vous ouvrir, c'est que vous n'êtes pas invités, je me trompe ?
Shiva se mordit une phalange pour ne pas rire. Non, elle ne devait pas, elle était la Kuudere, elle avait une réputation à tenir.
- Si tu ne veux pas que l'on te coupe les oreilles, broute feuille, dégage ! menaça l'un des hommes.
- Tout de suite les grands mots. Être un elfe ne veut pas dire "brouter les feuilles". Et être un chasseur de sorcières ne veut pas à chaque fois dire "manque d'intelligence". Désolé, dans votre cas, la règle se confirme.
En réponse, l'un des gars fonça sur lui, mais l'elfe esquiva, portant en même temps sa dague sous la gorge du chasseur, sans pour autant le blesser. Quand un autre chercha à le décapiter, il n'était déjà plus là et son otage fut projeté sur ses camarades, les renversant au passage. Quand l'un d'eux chercha à appeler des renforts, Mandos sortit sa baguette et le silence tomba sur les trois chasseurs de sorcières.
Il était à présent temps de mettre un terme à ce combat. Le premier se retrouva avec une épée dans le corps. Le second perdit littéralement la tête. Et le dernier, eh bien, il finit avec une flèche entre les deux yeux, pour avoir eu la mauvaise idée de vouloir attaquer Mandos avec une arbalète. Au moins, le mage qui venait d'ouvrir la porte de chez lui n'avait plus à s'en faire…pour l'instant.
- Clairement inutile qu'on intervienne, commenta Shiva.
- Hmhm, répondit Geralt alors que le guérisseur se penchait sur les corps pour savoir comment les faire disparaître.
Ding dong ! L'elfe guérisseur gagne un niveau en expérience et en noblesse pour avoir sauvé une famille. Bonus : remerciement de l'ancien mage.
- Bon, faire disparaître un corps … Une idée Shiva ? appela Mandos.
- Tu t'es bien défoulé ? demanda Geralt.
- … On va dire oui pour l'instant. Surtout qu'ils étaient … je préfère même pas décrire ce que j'ai senti dès que je fus proche d'eux.
- Ce sont des assassins, forcément, lui dit Shiva en se rapprochant des corps.
Elle pointa le chasseur avec la flèche entre les deux yeux puis celui qui avait eu l'épée dans l'œil.
- Ces deux sont inutiles pour les Tzantzas. La tête doit rester intacte. Sauf si tu veux un stupide trophée comme Ace avec la gueule de Henselt, lui dit la zoan. Je suis pour faire dans le simple. Les jeter à l'eau. Les noyeurs feront le reste du travail. Et débarrasses-toi aussi du corps sans tête.
Elle se saisit de la tête intacte et esseulée.
- Avec celle-ci, par contre, je vais t'apprendre comment les fabriquer.
Et sans un mot de plus, elle retourna à son cheval et fourra la tête dans un de ses sacs de selle sous l'air blanc de Geralt.
- À votre avis, Marco et Thatch en auront pour combien de temps encore ? Parce que je suis presque tenté de passer par l'entrée des égouts, là. Mais c'est plein de gentilles bestioles affectueuses et mortelles, se renseigna l'elfe après avoir fait disparaître les corps dans les ombres.
Et comme pour répondre à sa question, un puissant sifflement venant de l'autre côté de la berge les alerta.
- Ah. Ça c'est Marco, identifia la pirate.
En effet, sur le quai, côté Novigrad, le blond leur fit un grand geste du bras pour leur dire de retourner vers l'entrée, avant de disparaître en courant dans les ruelles.
- La magie de ces bouts de papiers reste un mystère pour moi, marmonna Geralt alors qu'ils reprenaient les chevaux.
Ce n'est pas pour autant qu'ils les enfourchèrent. Ils avaient passé assez de temps en selle, merci bien.
- … Shiva … j'ai une question pour toi et Geralt … c'est quoi cette histoire de papier ? Ou encore de la Salamandre que Loup blanc a affrontée avec les autres ? Je me pose la question depuis un moment en fait, s'enquit Mandos.
Pour toute réponse, la brune retira un petit morceau de papier d'entre deux couches du foulard autour de son crâne et le donna à Mandos.
- Mets-le à plat dans ta main.
Le jeune elfe obéit et observa avec curiosité le morceau de papier glisser doucement dans le creux de sa main.
- C'est … ça permet de suivre quelqu'un ? Ou quelque chose ?
- C'est ça, une Vivre Card. Inochi no kami. C'est fait à partir d'ongles humains. Le principe est de le couper en plusieurs morceaux et de le donner aux gens importants, afin de leur permettre de se réunir. Ils s'attirent entre eux, et résistent au feu comme à l'eau. Parfait pour organiser des réunions. Si on parle de Vivre Card, c'est parce que ça sert aussi à garder un œil sur la santé de la personne dont les ongles ont servi à faire le papier. Si sa santé se dégrade, alors, le papier se consume.
Elle récupéra le morceau de papier. Si seulement les particularités de la Chasse Sauvage ne détruisaient pas ces morceaux de papiers… Bien des choses auraient été différentes. Seulement, pleurer sur le passé ne pouvait pas le ramener.
- Sinon, pour la Salamandre, je ne connais que le basique de l'histoire de la part d'Ace, ce qui se résume à salopards, racistes, dealeurs de fisstech qui servaient de cible pour la gloire de la Rose Ardente. Ce qui n'aide pas beaucoup.
Geralt garda le silence pendant un instant alors que l'entrée de Novigrad apparaissait enfin dans les premiers rayons de lune.
- C'est un résumé rapide, finit-il par accorder. Il faut rajouter aussi l'expérimentation sur des enfants et le fait que le chef des deux groupes était la même et unique personne.
- … Pardon ? s'étrangla Mandos. Expérimentation sur des …enfants ? Geralt, dites-moi qu'il est mort. Et j'espère qu'il l'est aussi de l'autre côté.
Le Loup Blanc leva trois doigts.
- Le Professeur, second en commande dans la hiérarchie de la Salamandre. Il était recherché pour meurtre, avec prime à la clef, en Temeria, Redania et Kaedwen. Pour nous, c'était une affaire personnelle de nous charger de la mort de ce raciste. Mort, tué par une reine kikimore.
Il baissa un doigt.
- Azar Javed, mage renégat Zerrikanien expulser de Ban Ard. Junkie et pervers violent. Officiellement, c'était lui qui était à la tête de la Salamandre. En tout cas, c'était bien lui qui menait les interrogatoires et les expérimentations avec les mutagènes qu'ils avaient volé. Ace et moi avons réussi à le tuer avec le sacrifice du sorceleur Berengar de mon école.
Et il baissa un autre doigt, ne conservant que l'index de levé.
- Jacques d'Aldersberg, si c'était son vrai nom. Une Source instable hanté par des visions du Froid Blanc. Grand Chef de la Rose Ardente, il tirait dans l'ombre le complot de la Salamandre, les utilisant pour semer le trouble afin de se présenter en sauveur. Mort à l'intérieur même de son esprit alors que le Seigneur de la Chasse le désirait entre ses mains.
- Je n'aurais jamais cru que tu sois aussi loquace, Geralt, nota moqueusement Shiva.
Le Loup Blanc ne se fit pas un plaisir de relever.
- Je demanderais à celui de mon monde ce qu'il est advenu de ces trois-là, marmonna Mandos.
Marco leur fit un signe depuis les portes et franchit celles-ci sans un regard pour les soldats Rédaniens qui faisaient la grimace en le voyant aller et venir. Il était un pirate, c'était pas ça qui allait l'embêter.
- Voici vos sauf-conduits. Shiva, mercenaire Zerrikanienne embauchée pour assurer la protection de Mandos Cerbin, guérisseur dépêché par le Kovir pour étudier de possibles remèdes contre la Catriona.
Il offrit deux papiers aux elfes concernés.
- Geralt, tu es bien le seul dont la réputation aide à avoir des papiers, yoi. Après tout, il y a tellement de saloperies dans la ville qu'un sorceleur ne peut être que le bienvenu.
- Où est Thatch ? Il a trouvé quelque chose d'intéressant ou il est occupé ? se renseigna Geralt.
- Oh, il aide une vieille connaissance à remettre son auberge en état, yoi.
Il récupéra la longe de Duke et entraîna le reste du groupe dans une ruelle sale et puante de Novigrad prenant la direction de l'est, jusqu'à une auberge.
Le Thym et Romarin.
- C'est censé être un…
Shiva ne sortit pas le mot, mais Marco savait de quoi elle voulait parler et pourquoi elle ne voulait pas le dire. Le trauma restait là.
- Ce n'est pas sous la coupe de la pègre, plus maintenant, ça a changé de main, yoi. C'est en de meilleures mains à présent. Et tu crois que Mandos aurait réagi comment si on se rendait vraiment dans un lupanar, yoi ? Regarde-le sourire. On croirait Iro qui a trouvé une proie.
Apparemment, pour le krebin, s'était comme chez lui vu qu'il partit à tire d'aile vers la lucarne ouverte de l'ancienne maison de passe et s'y introduit.
- Le nouveau propriétaire en a fait quelque chose de très bien, en tout cas chez moi. Sinon, j'ai une envie de manger un truc, pas vous ? Et surtout, ne plus monter sur une monture pour les prochaines heures ni rencontrer des bloede dh'oine racistes et assassins.
Shiva n'était pas très rassurée mais elle se laissa convaincre.
Mandos entra en premier dans le bâtiment, presque comme s'il y était chez lui.
- Hey, Thatch ! Qui on a au menu ce soir ? J'ai la dalle avec Hugin et les chasseurs de sorcières n'ont aucun savoir vivre.
Les trois autres eurent un regard las et attachèrent les montures à l'extérieur.
Dedans, Thatch ne se détourna pas du rangement qu'il faisait pour répondre à l'elfe un peu trop joueur qui venait d'entrer :
- Ce soir, au menu, c'est Paul quarante-trois ans, connu comme Mady la Pointue pour les habitués du Passiflora. Mort de la catriona.
- Parfait. C'est gentil d'avoir pensé à Hugin. Il est mort depuis combien de temps ? Les Krebins aiment bien lorsque ça date.
- Quatre ans. Il avait la Chaude Pisse avant de crever, continua le vampire en remettant en place une table pour aider Zoltan.
Il ramassa une plume blanche au pied d'un perchoir sur lequel le krebin venait de se percher. Ce qui fit monter un sourire sur ses lèvres, c'est que Mandos continua sur la lancée de la blague.
- Mah. Je pense, Hugin, que tu devrais faire attention à ta consommation. Contente-toi des cadavres des champs de bataille ou encore que je te fournis. On ne veut pas que tu manges n'importe quoi, recommanda sérieusement le jeune elfe en redressant un tabouret.
Même la réaction du krebin resta dans le thème puisqu'il feignit la déception !
- C'est soit ça, soit laisser Marco faire à manger.
- On souhaite que la ville n'explose pas. Merci.
Et Mandos sortit ça à l'instant même où Marco entrait à la suite de Shiva et Geralt.
Au moins, cela fit rire Zoltan à défaut de plaire au Phénix.
- Cela vous amuse, je vois, yoi, nota le blond.
L'autre porte de la grande salle s'ouvrit et une bande d'ivrognes entra.
- Ouuuuh ! Vous l'aurez cherché ! Je vais vous enfoncer les jambes dans le cul jusqu'à ce qu'elles ressortent ! gronda Zoltan en remontant ses manches.
- Je finis de ranger pendant que tu sors les ordures, lui dit Thatch sans s'en occuper.
Marco regarda Thatch pour savoir ce qu'il se passait pour que Zoltan soit aussi en rogne, mais son frère eut un geste de la tête pour lui dire de ne pas y penser.
Après une belle raclée pour les idiots locaux, le nain referma la porte et vint vers Geralt.
- Geralt ! Mais ça fait une paye, mon ami ! Viens là que je te salue comme un frère !
Et il avança vers Geralt pour échanger avec lui une accolade. Ensuite, le nain se tourna vers l'elfe noir qui profitait qu'ils soient entre eux pour retirer le foulard de son crâne et libérer sa collerette de plume dorée.
- Shiva, c'est un honneur. J'ai presque l'impression de ne pas avoir quitté Vergen ! Sinon, c'est qui le p'tit nouveau ?! Vous ramassez des gosses perdus ?!
Mandos leva une main pour saluer le nain, son krebin sur l'épaule.
- Mandos Cerbin, guérisseur et éclaireur … Cas désespéré d'un accident de conjecture des sphères.
- Ah ? Merde, donc, ça veut bel et bien dire qu'il y a une chance pour que Iorveth se soit reproduit, au moins dans un autre monde !
- Pas fils, mais neveu, rectifia Marco en retirant sa cape pour la poser sur une chaise.
- Ah ouf…
Le nain regarda le groupe et fronça les sourcils.
- Le matou s'est perdu en route ?
- Non, Ace a décidé de relever un défi qui n'en était pas un, et donc, il devrait revenir d'ici un jour ou deux, soupira Shiva.
- Pourquoi tu as accepté d'entrer sous ses ordres, déjà ? se renseigna Thatch.
- Parce que je lui dois ma vie, mon goût pour elle et tellement de choses que la liste dépasserait mon bras.
- En tout cas, gamin, je sais pas si t'es au courant, mais t'es tombé sur le bon groupe pour te remettre de ce changement de monde. Je te recommande juste de retirer le bandeau de sur ton œil, si tu veux pas te faire pourchasser parce qu'on te confond avec Iorveth. Pour les humains, tous les elfes sont identiques… mit en garde Zoltan avec un air sérieux.
Puis il frappa dans ses mains.
- Attendez, j'vais vous servir à boire ! Asseyez-vous !
Et il alla chercher de quoi boire pendant que tout le monde se mettait autour d'une des tables remise en état.
- Dis-moi, Zoltan, tu n'avais pas une chouette, par hasard, yoi ? se renseigna Marco quand Thatch lui montra la plume blanche qu'il avait ramassé.
- Comment tu le sais ? S'enquit le nain.
Remarquant le sourire de Mandos, Marco savait qu'il ne s'était pas trompé.
- Je suis un phénix, je sais ressentir ce genre de chose, yoi. Où est-elle ?
Zoltan avait jeté un vague regard à la cicatrice sur le visage de Mandos sans faire de commentaire, avant de revenir au médecin :
- Un marchand est venu il y a une semaine. On a joué au Gwent… et je l'ai perdu. Il la voulait absolument, mais j'ignore pourquoi. Entre nous, ce gars, il m'inspirait pas confiance.
- Il portait une tenue jaune ? demanda Geralt.
- C'est exact.
Et le nain lui servit à boire.
- Impossible de remettre la main sur de l'alcool de Mahakam, donc, faut faire avec la Rédanienne, désolé. La faute à la guerre.
Et une bouteille vide pas très loin explosa.
- Si tu veux frapper sur quelque chose, on peut aller s'entraîner dehors, proposa Shiva alors que le nain regardait ce qu'il restait de la bouteille en essayant de comprendre ce qu'il s'était passé.
Zoltan se tourna avec un doigt levé vers Geralt, comme pour lui demander si c'était lui, mais le Loup Blanc secoua la tête. Mandos attrapa son verre et le bu cul sec avant de répondre à Shiva, la rage pleinement perceptible dans sa voix :
- Avec joie. Le sale mangemort, engeance des tréfonds et aberration de la création... Si je l'attrape …
- Je prends ton katana, commandant.
Thatch fourni son sabre à l'elfe noire qui entraîna Mandos dehors.
- J'ai loupé quelque chose, non ? devina Zoltan.
- L'homme que tu as rencontré est un démon, en plus d'être le responsable du changement de Sphère de Mandos, expliqua Marco. Le wedd vous connaissait, yoi. Et le voilà à devoir affronter des visages de ses proches qui sont pourtant des inconnus aujourd'hui. Le pire, ça a été avec Roche. Le wedd apprécie le Vernon Roche de son monde, c'est quasiment de la famille pour lui, alors, imagine ce qu'il a dû ressentir quand il m'a accompagné filer des soins aux Stries Bleus, yoi.
- C'est moche pour le gamin. C'est pour ça que vous vous êtes réunis ? Vous êtes en quête d'un moyen pour le ramener chez lui ?
- C'est l'un des objectifs, lui dit Thatch. On n'a pas eu besoin de se le confirmer, ça allait de soi pour nous de l'aider. Mais on a autre chose sur le feu.
- Comme quoi ?
- Quelques problèmes, mais on va pas t'embêter avec ça, soupira Geralt en resserrant nerveusement sa queue de Cintra.
- Tu te fous de moi ! s'indigna le nain.
Et il frappa la table du poing pour faire bonne mesure.
- Crache-moi ce morceau et plus vite que ça !
Geralt se frotta la nuque.
- On cherche Ciri et le petit-frère d'Ace.
Les sourcils de Zoltan sautèrent sur le haut de son front.
- On sait qu'ils sont venus à Novigrad et on espère qu'ils y sont encore.
- Alors, une chose à la fois. Ciri, d'abord… elle est revenue ? Merde alors… Je suis même pas certain que je pourrais la reconnaître. Ça fait quoi ? Six ? Sept ans ? Mais qu'est-ce qu'elle viendrait faire ici ?
- Se cacher ou fuir, elle a des ennuis avec la Chasse Sauvage, yoi, informa Marco en allumant son kiseru.
Zoltan ouvrit la bouche, puis se tourna vers Geralt.
- Tu l'as vu en rêve, c'est ça ?
- Oui. Elle et la Chasse Sauvage.
- Oh, c'est pas bon ça…
- Non, pas bon du tout, mais je pense qu'elle est venue ici.
- Voir Jaskier peut-être ? Proposa Thatch.
- Eh bien, dans ce cas, on a un petit problème. J'aimerais bien savoir où est Jaskier, justement. Il aurait pu me dire ce qu'il s'est passé ici. Je rentre à peine et au lieu du bon gigot et de la petite pinte dont je rêvais, je tombe sur le merdier que notre ami vampire à bien voulu m'aider à ranger. Plus de Jaskier et la taverne sans dessus dessous remplie de saoulards… je nage en plein brouillard.
- Et moi qui pensais que Thatch était le pire des deux, soupira Marco en fumant sa pipe.
A cet instant, la porte s'ouvrit sur un Mandos qui avait pris une belle raclée, mais qui semblait plus calme. Il salua tout le monde de la tête et se transforma en corbeau pour prendre son envol et se nicher dans les poutres, bientôt suivi par Hugin qui transporta Swift, un écureuil adopté par le jeune elfe, sur son dos, alors que Kali rentrait à son tour en fermant la porte derrière elle.
- Je n'ai plus rien à lui apprendre, il a besoin d'un commandant pour la suite, informa la brune en chassant du pouce la fine coupure sur sa joue osseuse.
Elle remit le katana au fourreau et le rendit à Thatch.
- Eh bien, on lui laissera choisir son poison quand il en aura trois sous la main, yoi, conclu Marco. Où en étions-nous ?
- Jaskier qui me laisse un bordel pas possible derrière alors que je lui demande de se montrer responsable en mon absence. Mais on verra là où il est après. J'aimerais savoir ce que fabrique le petit-frère d'Ace ici. Surtout qu'il doit plus être tout jeune, ton mec à quoi… soixante… soixante-dix ans ?
- Soixante-sept, rectifia Marco alors que Shiva s'asseyait entre lui et Geralt.
La queue de la zoan s'agita très légèrement en s'enroulant autour des pieds de son siège.
- Qu'est-ce qu'il peut bien faire avec Ciri ? demanda à nouveau Zoltan.
- C'est la grande interrogation, pointa Thatch. On sait que c'est Ciri qui a attiré par erreur la Chasse Sauvage à Marine Ford, menant à l'enlèvement d'Ace en premier lieu, mais je pense pas que ce soit à ce moment qu'elle et le petit Luffy aient fait connaissance.
- Il y avait bien trop de monde là-bas, mon commandant, lui dit Shiva en secouant la tête. Si je n'avais pas senti sa magie, moi-même, je doute que je l'aurais remarqué. Peut-être après ? Qui peut savoir.
- Vous avez une piste ? se renseigna Zoltan.
- Trouver Triss, dit Geralt.
- En sachant qu'elle et Philippa Eilhart sont recherchées en priorité par Radovid, ça va pas être de la tarte. M'enfin ! Vu que votre petit corbeau a décidé de roupiller dans les poutres, considérez-vous ici chez vous.
- Merci Zoltan. On a bien besoin de repos.
- Demain matin, je t'aiderais à trouver Jaskier, il a dû laisser un message ou un indice, on ne disparaît pas comme ça, yoi, proposa Marco.
- Juste pour savoir, puisque la taverne sert aussi d'auberge et que je suis censé accepter des clients. Ace et toi… ça va mieux ou…
- Une chambre pour nous deux ira parfaitement. Au besoin, je prends ma forme animale et je me pose sur une chaise pour dormir. Mais merci de t'inquiéter, Zoltan.
Le médecin serra l'épaule du nain qui en fit de même avec un des avant-bras du blond.
- Vous n'avez pas besoin de moi pour trouver Merigold, je pense, annonça Shiva. Mandos veut me montrer quelque chose sous Novigrad, donc, j'irais avec lui.
- Bon, ben, il reste que nous deux pour retrouver la miss, nota Thatch à Geralt.
Le mutant n'eut pas de commentaire.
La journée avait été longue, ils avaient besoin de repos.
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Voir les corps d'un doppler et d'une sorcière sur le bûcher n'étaient pas ce qu'on aimait voir de bon matin, mais les dépouilles étaient trop bien gardées pour que Geralt puisse faire quelque chose. C'était sans compter sur Thatch et son talent pour l'invisibilité. Allez donc courir après quelque chose d'invisible qui se barre avec les corps. Cela laissa le mutant seul pour chercher une piste sur Triss.
Plus facile à dire qu'à faire quand on avait un avis de recherche pour elle aux quatre coins de Novigrad. Trouver où elle avait vécu fut assez simple. Il suffisait de passer une double porte au bout d'une impasse pour trouver sa demeure. Par contre le saccage montrait bien qu'elle n'était plus là depuis longtemps. Ce qu'on avait, c'était des pillards qui cherchaient dans les ruines des objets de valeurs. Et il fallut une bonne raclée pour leur faire comprendre que non, ça ne se faisait pas de fouiller dans les affaires des autres.
Après quelques poings dans la bouche, ils furent très loquaces. La garde du temple traquait toutes les magiciennes si les Chasseurs de Sorcières ne les trouvaient pas avant. Cependant, il eut un nom : le Bosquet Putride. Le pire trou à rats de tous les trous à rats. Repaire des canailles et des racailles de tout poil. On avait deux accès. Un par les égouts, à l'extérieur de la ville, mais allez savoir où était l'entrée… L'autre moyen, la grande porte, c'était de suivre un voleur ou un mendiant. Parce que l'un comme l'autre payait un tribut au Roi des Mendiants qui régnait en maître sur le Bosquet Putride.
Là, c'était plus parlant pour le sorceleur.
Marco et Thatch avaient des contacts avec cet homme, et il ne serait pas surpris que ce soit aussi le cas d'Ace.
- Fais gaffe à toi. Menge lui-même évite le bosquet, averti l'un des pilleurs.
- On me demande ?
Geralt se retourna pour voir un chasseur de sorcière débarquer. Le mec avait une sale gueule. Le crâne rasé, un gros nez écrasé et une vilaine cicatrice sur le visage. C'était lui qui avait mené le show durant les bûchers.
- Je suis curieux de savoir pourquoi, continua l'homme
Et quelques soldats les encerclèrent.
Le Chasseur de Sorcière fit un signe à Geralt de sortir du cercle et le Loup Blanc ne se fit pas prier, laissant l'homme devant les deux pilleurs.
- La vermine chapardeuse, en salle de confession.
- Mais, monsieur… quel mal a-t-on fait ? C'est la boutique d'une foutue sorcière ! s'exclama l'un d'eux.
- Cela ne t'autorise pas à lui voler ce qui lui appartient.
- Ben… les mages, les sorcières et tout le tintouin, c'est des hors-la-loi… non ?
- La loi, justement, attribue leurs biens à la Garde du Temple. Et c'est toujours la loi qui règne à Novigrad.
C'est pour cela que la garde embarqua les deux pilleurs, laissant Menge en tête à tête avec le sorceleur impassible. L'homme s'assit sur un coffre renverser et commença la conversation :
- Sais-tu qu'une chauve-souris peut sentir un papillon à une lieue de distance ?
- L'odorat n'y est pour rien, c'est une affaire d'ouïe, rectifia Geralt.
- Eh bien, un vrai professionnel en chauve-souris, moi qui croyais avoir devant moi un tueur de monstres. De mon côté, je renifle les anomalies. Et je les avertis. Elles ne sont pas les bienvenues à Novigrad.
- Je n'ai pas vu le moindre non-humain dans les rues, je découvre que les mages sont interdits de séjour, et maintenant, ce sont les sorceleurs… que reste-t-il ?
- Les honnêtes gens, répondit Menge en se levant d'un air menaçant. Ceux qui professent la seule vraie foi, celle du Feu Éternel. Je ne puis rien faire pour l'instant, mais sache que je t'ai à l'œil. Un faux pas, une erreur… tu finiras par commettre un impair, c'est inévitable… Je serai le premier averti. Là, ce sera la procédure habituelle. Comme pour toute erreur de la nature osant souiller l'air ambiant avec sa magie.
Il se rapprocha, comme pour renifler Geralt, avant de reculer.
- Au plaisir.
Et il s'en alla, laissant le mutant au milieu des débris et du vandalisme. Geralt secoua la tête avec lassitude et entra dans ce qui était une luxueuse demeure à présent mise à sac depuis longtemps. Il restait une belle brosse à cheveux sur la table basse du salon et des herbes médicinales au pied de l'escalier. En haut, il trouva sur une bibliothèque basse des amulettes diffusant une aura magique. Oui, c'est vrai que Triss était allergique aux potions. D'où certainement l'usage des amulettes.
Il restait encore un étage en haut.
La chambre à coucher.
Dans la table de chevet, il trouva la Rose de Souvenance de la rousse. Totalement asséchée. Tellement que le moindre souffle de vent risquait de la transformer en poussière s'il n'y avait pas de magie pour la garder un minimum intact.
Le mutant regarda autour de lui, s'arrêtant sur des vêtements en tas sur le sol. Les mêmes qu'elle avait portée durant le siège des La Valette et à Flotsam. Ce n'était pas son genre de les jeter par terre. Elle avait dû prendre la fuite.
Il souffla par le nez et redescendit les marches pour voir Thatch attendre au dehors, les mains sur les hanches.
- Alors ? se renseigna le vampire.
- Bosquet Putride, certainement, si j'en crois les pilleurs que la Garde du Temple a interpellé. Et j'ai eu droit aux compliments de Menge.
- Ah.
Le vampire tourna les talons et remit la capuche de sa cape sur sa tête.
- Viens, allons voir ce que dit le Roi des Mendiants à ce sujet.
Sans un mot, Geralt emboîta le pas de son camarade vampire qui le guida dans les rues de Novigrad. A un moment, ils croisèrent un voleur poursuivi par la garde. Ce fut bref, un geste presque invisible, mais la bourse que le voleur avait dans sa main passa dans celle du vampire sans que la garde ne le réalise. Quelques pas plus loin, le pirate effleura un homme plutôt louche qui tenait les murs et la bourse trouva un autre propriétaire. Le nouveau porteur lui adressa un remerciement de la tête avant de s'en aller et prendre une autre ruelle. Le mutant jeta un regard interdit au Scoia'tael qu'il suivait mais le vampire se contenta de siffloter tranquillement.
Ils traversèrent la criée noire de monde à cette heure de la journée, ignorant la forte odeur de poisson.
- Fais-moi penser à acheter de la limande au retour, demanda le cuisinier.
- Acheter de la limande au retour, répéta d'une voix morne le sorceleur. Autre chose, messire ?
- Ça ira pour l'instant, mon brave.
- Bien, messire.
Il commençait à comprendre un peu mieux comment Marco avait développé sa patience mythique. Le mutant était presque certain que ce vampire arriverait à venir à bout de celle de Vesemir.
Ils traversèrent un pont en pierre, passant dans une zone plus pauvre et mal famée de Novigrad. Le quartier de la dentelle n'était pas connu pour la richesse des vêtements de ses habitants, mais plus pour le bas prix pour lequel ses habitantes acceptaient de montrer la dentelle en question. Sans hésitation le vampire se dirigea vers une lourde porte dans la façade de pierre d'une demeure communautaire. Il s'arrêta devant et toqua fermement à la porte.
Un panneau de métal coulissa et le visage d'un moustachu apparut de l'autre côté.
- Qui va là ?
Pour toute réponse, le vampire souleva un peu sa capuche pour permettre de faire voir son visage au portier.
- La vieille truie a mis bas à ce qu'il paraît, dit doucement le vampire.
- Ouep. Une bonne nouvelle dans ce monde de merde. Entre, mon frère.
Et la porte pivota, permettant au duo d'entrer dans la ruelle sombre du cloaque qu'était le Bosquet Putride. Les habitations étaient entassées les unes sur les autres, plongeant l'endroit dans l'obscurité et l'humidité. L'air était lourd, puant, charriant des relents qui donnaient envie de vomir. Thatch savait où aller clairement. Il retira sa capuche et marcha d'un pas déterminé sur le pavé humide. Geralt trouvait ça assez ironique de voir les mages dans leurs vêtements riches et colorés, réduit à vivre au milieu des miséreux et devoir se rendre utile auprès d'eux pour ne pas se faire livrer au Feu Éternel.
- En voilà un joli collier, nota une catin en se penchant vers un enfant qui venait de brandir un bijou très cher. Où l'as-tu eu ?
- Par terre, dans la rue, répondit le garçon. Alors, je l'ai pris.
- Tu mens en me regardant droit dans les yeux comme ton père, nota la femme avec fierté. T'es un bon garçon.
Elle remarqua Thatch et lui offrit un sourire.
- Va jouer plus loin, le client favori de maman vient d'arriver.
- Cela aurait été avec plaisir Léa, mais le frangin m'a confisqué la bourse et je sais que le plaisir sans le règlement c'est mauvais pour tes affaires, lui sourit Thatch d'un air désolé.
- Une autre fois, alors.
Geralt adressa un salut silencieux à la prostituée alors que le vampire se dirigeait vers une des habitations taguées du coin. Entendre la voix de Triss au travers la porte était un soulagement.
- Bien, disait-elle en répondant à une question. Les gens affluent toujours plus nombreux dans nos cliniques secrètes.
- Les chiens de garde de Menge ne leur font plus peur ? Demanda un homme.
- Une maladie incurable doit paraître plus terrifiante que l'idée de la torture.
- Dans ce cas, le tribut va lui aussi affluer.
- Tu touches déjà quatre-vingt pour cent de nos gages !
Thatch fit signe à Geralt de passer devant et le mutant ouvrit la porte pour voir un intérieur chaleureux. Triss leur tournait le dos pour parler à un homme au crâne rasé.
- Oui, mais n'oublions pas qu'on sécurise les coins où vous vous terrez, toi et les tiens.
Le duo entra dans la pièce pour les rejoindre.
- Il est grand temps qu'on clarifie un truc, magicienne, dit l'homme.
- Oui grand temps, confirma Triss qui n'avait pas l'intention de se laisser marcher sur les pieds.
L'homme devant elle avait une bonne carrure, le crâne rasé, un certain âge déjà, portant une cape d'un vert sombre sur une tunique marron aux manches jaunes à carreaux noir. Malgré la sobriété, on sentait une certaine richesse chez lui. Avec d'abord l'hygiène impeccable, puis la bonne coupe et l'état de ses vêtements, et enfin, les deux gros boutons en or qui attachaient sa longue cape à son cou.
Pas besoin de sortir de Ban Ard pour deviner qu'il s'agissait du Roi des Mendiants. Surtout avec sa façon de tenir tête à Triss.
- Moi et mes gars, on s'en sort très bien sans l'aide des mages, mais vous autres...sans nous, vous finiriez cuits à point par la Garde du Temple avant que le Phénix ne revienne par ici. Sauf si tu veux lui courir après dans la ville. Quand on parle du loup, voilà son avant-garde.
- Heureux de te revoir aussi, Beldam, salua Thatch sans émotion particulière.
Il se tourna vers Triss qui les fixait tous les deux avec des yeux ronds et eut une révérence presque comique.
- Triss Merigold de Maribor, toujours aussi magnifique, malgré ces temps difficiles. Marco a reçu la demande que tu as transmise à notre cher et tendre Roi des Mendiants. Il tâchera de te rencontrer sous peu pour en discuter avec toi.
- Geralt ? Thatch ? souffla Triss qui ne s'attendait certainement pas à ça.
- Salut, Triss, salua Geralt.
Une oreille experte ou quelqu'un ayant l'habitude de gérer le mutant saurait reconnaître du soulagement dans sa voix.
- Eh bien, eh bien, on dirait que les présentations sont inutiles, nota le seigneur de la pègre devant eux.
Triss n'eut aucune réponse, se contentant de mâchouiller ses lèvres.
- Vous vous connaissez bien même, nota l'homme avec un certain amusement. Merci de l'avoir escorté jusqu'à moi, Newgate, tu me fais gagner du temps.
- Si tu avais une mission pour lui, tu aurais pu me le dire, j'aurais fait passer le message, lui dit le vampire avec un ton blasé. Nous, on cherchait juste Triss de base.
- Une affaire à me proposer, donc ? S'enquit Geralt.
- Qui sait...un gars qui se balade avec deux épées et sait s'en servir peut toujours être utile. Dommage que Thatch ait choisi de t'escorter jusqu'à moi, j'aurais été curieux de voir si tu étais aussi futé que… mutant. Je n'aime pas demander des services au Chat Noir. Avec elle… on sait jamais très bien si on va poser son doigt sur une bombe.
- C'est un Chat, se contenta de répondre Geralt comme si ça valait toutes les explications du monde.
Et dans un sens, c'était le cas.
Le Roi des Mendiants hocha tranquillement la tête. Son assurance se voyait dans son calme et sa façon tranquille de parler.
- C'est vrai oui. Mais vois-tu, cher Loup Blanc… j'ai mes plans. Et je vois grand. Histoire de remodeler cette ville des pieds à la tête.
Triss s'assit sur une marche menant à l'étage et Thatch s'adossa à un mur. Ils allaient en avoir pour un moment.
- Tu as songé à briguer un poste au conseil municipal ? se renseigna Geralt.
- Le conseil est une troupe de marionnettes, dont le hiérarque du Feu Éternel tire les ficelles. Enfin, qui les tirait, jusqu'à ce que Radovid et ses chasseurs de sorcières ne reprennent les rênes.
Il dégagea sa cape d'un grand geste du bras et s'assit sur un tabouret proche de la table où de la bonne nourriture attendait qu'on la consomme.
- Le pouvoir fantoche ne m'intéresse pas.
- Quel visionnaire.
Personne n'a vu l'ironie, non, personne.
- Un jour, la prétendue citée libre de Novigrad le sera vraiment. Mais il faut d'abord se débarrasser des superstitions. Péter à tout va en affirmant l'essence divine du Feu Éternel ? Un conte pour mioche.
- Visiblement non, la foule en délire à l'exécution était surtout composée d'adultes.
Thatch toussota dans son poing quelque chose comme "mouton de panurge".
- N'importe quelle foule applaudit quand ça sent la chair calcinée, demande-le aux enfants qui ont survécu au grand incendie de Rivia. Mais un jour, les gens comprendront que le Feu Éternel est une laisse qui les étrangle.
- Une partie de carte, Merigold ? Proposa Thatch à la rousse.
- Shh, lui siffla la magicienne.
Ahhh, les politiciennes…
- Ils appellent cet endroit le Bosquet Putride, continua Bedlam. Mais c'est tout le reste de Novigrad qui pue la charogne !
Il se leva et marcha jusqu'au mutant.
- Ici, c'est le dernier bastion de la normalité et du bon sens.
Le sorceleur ne répondit rien du tout.
- Content de voir qu'un homme comme toi a fini par rallier notre ville. Car elle sera nôtre, un jour, Geralt. Tu verras.
- Nôtre ? Au pluriel ?
- Ouais. A moi, et à… mes amis. Je te raconterai une autre fois. Pour l'instant, je vous laisse avec la charmante magicienne, bien que j'ai l'impression que notre ami Écureuil va plutôt tenir la chandelle.
Et il s'en alla.
- Vous voulez que je vous laisse ? Proposa Thatch.
- J'ai pas mal de choses à faire en ville, mais, pourrais-tu… commença Triss.
- Marco essaye de mettre la main avec Zoltan sur un barde qui s'est perdu dans Novigrad et il vient à ta rencontre, rassura le vampire. Je vais vous laisser tous les deux, juste, avant que je m'en aille, tu n'aurais pas quelque chose pour la pousse des cheveux ? J'ai la farouche sensation que je dois me savoir tout le crâne couvert de cheveux longs.
Triss esquissa un sourire amusé et exauça le vœu du vampire. Thatch s'inclina joyeusement et s'en alla. La magicienne se tourna vers son ancien amant.
- Je serais ravi de t'accompagner, assura le mutant.
Et Triss passa devant.
Une fois hors de la bâtisse, le mutant commença les questions :
- Quelle est la nature de votre accord ? Il t'utilise ?
- Disons plutôt qu'il m'aide à survivre, répondit la femme en remontant sur son crâne la capuche de sa pèlerine.
Elle n'avait certainement pas des vêtements riches ou ses magnifiques robes de conseillère, mais sa tenue de cuir moulante restait toujours aussi colorée et décolletée.
- Il y a six mois, j'aurais eu peine à croire que Triss Merigold de Maribor travaillerait pour le compte d'un criminel de Novigrad.
- Il y a six mois, Triss Merigold de Maribor a dit adieu à un être cher et a dû commencer une nouvelle vie, répliqua la rouquine. Tout n'a pas tourné comme je l'espérais, raison pour laquelle j'ai besoin d'un des talents de Marco. En attendant, viens, je vais te donner un aperçu de ma vie ici.
Ils arrivèrent aux portes et le portier en armure se mit sur leur route.
- Madame la magicienne, toujours aussi radieuse, commenta l'homme en lissant sa moustache. Dommage que vous partiez.
- Pas de panique, je serai bientôt de retour.
Il leur ouvrit la porte.
- Si tu es à Novigrad avec le vampire et Marco, j'imagine que le reste de la troupe a suivi. Et que ce n'est pas pour une réunion de courtoisie, devina Triss. Sur l'échelle d'ennuis… dix étant la mort de Foltest et un, un sorceleur qui fait une bêtise, on est où ?
- On dépasse l'échelle de mesure. On cherche deux personnes. L'une d'elle est le petit-frère d'Ace.
Triss s'arrêta juste en dehors des portes du Bosquet Putride pour fixer son ami.
- Le petit-frère d'Ace ? Mais comment...?
- Il voyage avec Ciri.
Les couleurs disparurent du visage de la magicienne.
- Elle ? Ici ? Non, c'est impossible.
- Et c'est pourtant vrai. Emhyr nous a demandé séparément de la retrouver et de tuer quiconque voyageant avec elle.
- Portgas a dû apprécier.
- A cet instant, il ignorait encore que celui qui voyageait avec Ciri était son frère. Le fait est qu'on a rencontré des gens qui les ont vus et côtoyés, sans compter qu'on a retrouvé le familier du petit-frère. On a clairement des traces de leur passage. J'espérais que tu saurais quelque chose. Tu es magicienne et tu es ici depuis un moment… aide-nous à trouver quelque chose. Un indice, n'importe quoi.
- Je ferais mon possible, évidemment, assura la magicienne avec sérieux en posant une main sur l'un des bras de Geralt. Tu t'adresses à la bonne personne… je l'espère.
Et elle se remit en marche, le mutant sur ses talons.
- Pourquoi as-tu besoin de Marco ? Des blessures que tu ne peux soigner avec la magie ?
- Non.
Elle regarda à droite et à gauche, avant de baisser la voix pour ne pas se faire entendre :
- J'ai réussi à négocier un accord avec le Kovir afin d'évacuer les mages là-bas. On compte y aller par bateau. Et Marco reste le meilleur navigateur du Nord. J'avais déjà prospecté auprès de quelques capitaines et que ce soit lui, Shiva ou Thatch, ils ont une sacrée réputation sur les mers. Alors, pour cette mission, peu importe le prix que ça me coûtera, je veux mettre toutes les chances de mon côté pour sauver un maximum de gens en embauchant le meilleur homme du métier. Et je n'ai pas besoin d'entendre tes pensées pour savoir que Portgas voudra absolument l'accompagner et donc qu'on va devoir se côtoyer durant le voyage.
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Thatch entra dans la taverne pour tomber sur la fin d'une partie de gwent où Mandos avait plumé tous les clients, Zoltan avec.
- Bah alors, on m'attend pas pour jouer ? s'indigna presque le vampire en refermant la porte derrière lui.
Il s'avança vers l'elfe en finissant de défaire ses tresses. Ceci fait, il agita sa longue crinière cuivrée et l'attacha rapidement en catogan. Il fronça les sourcils en regardant autour. Pas de Marco, pas de Shiva.
- Où sont les autres ?
- Ton frère m'a abandonné brusquement quand son bras a pris feu. Il m'a dit qu'il y avait urgence avant de prendre son envol, dit Zoltan.
- Ça doit pas être une bonne nouvelle, je me trompe, non ? devina Mandos avant de montrer la place à côté de lui. Vous avez un jeu ou besoin d'un pour une partie ?
- J'ai bien peur que la partie attende un autre jour, si Marco est parti comme ça. Il a dit un lieu ? Une personne ? se renseigna le vampire avec sérieux.
- Rien du tout. Il a pris la direction de Velen, c'est tout ce que je sais, soupira le nain.
- Et où est Shiva ?
L'elfe pointa le sol du doigt.
- Dans la bibliothèque.
Bibliothèque ? Qui aurait donc l'idée saugrenue de mettre une bibliothèque dans les égouts ?
- Elle était tellement concentrée que je n'ai pas osé la déranger. Elle souriait comme si quelqu'un venait de lui offrir le Saint Graal. Pour la référence, c'est un objet mythique doué de pouvoirs qui font rêver ceux qui le cherchent. Bref … Si besoin, j'ai quelqu'un qui pourrait aller voir et revenir. Rouge et Roger sont là aussi. Alors je me doute que c'est Ace que cela concerne.
- Non. Marco n'a pas redonné de plume à Ace, il se les arrache pas comme ça. J'ai beau me foutre de lui sur bien des sujets, je sais qu'il n'aime pas ça… il a mis une plume dans la tombe de la petite Déa, mais pour l'autre…
- Gretka. La petite qui a été sauvée par Ciri et le frère de Ace, Luffy, répondit Mandos.
