Le chemin pour retourner à Novigrad s'était fait sans un mot. Un grand silence, juste le bruit des pas des voyageurs sur le chemin de terre. Ils étaient arrivés vers midi à la citée puante de Redania. Ils retrouvèrent rapidement l'ancien bordel où Zoltan, Thatch, Marco et Geralt qui parlaient des dernières nouvelles alors que Kali était assise sur la scénette en regardant par la fenêtre. Mandos les salua doucement et après avoir appris laquelle des chambres lui était attribué alla se coucher en souhaitant une bonne nuit à tout le monde. Là, Marco mit Déa dans les bras d'Ace sans un mot avant de tirer une chaise pour l'inviter à s'asseoir.

- Alors, qu'avons-nous appris ? se renseigna le D. en regardant la petite qui gazouilla de joie dans ses bras.

- Uma pourrait être important, donc, tu as possiblement bien fait de le ramener, informa Thatch.

Ace aurait bien dit que c'était la Mort elle-même qui lui avait dit de le prendre, mais d'une, il n'en était pas certain et de deux, on allait lui dire qu'il avait une médication pour quelque chose.

- C'est une malédiction Undod, dit doucement Shiva de son poste à la fenêtre où elle regardait au dehors. C'est dans ce genre de situation qu'être la dernière Undod existante est une bonne chose. Outre Ida, je suis la seule encore vivante qui parle le Laith aen Undod.

- On dirait une punition. Je vois ça, je vois un avertissement pour dissuader des traîtres, après, ce n'est que mon opinion, commenta Thatch.

- Tu parles à une arme, tu crois que les Undod seraient prêt à aller jusqu'où pour faire payer la traîtrise ? siffla avec acidité l'elfe noir en se détournant un instant de la fenêtre avant d'observer de nouveau au dehors. Sur un autre sujet, Lambert voulait te voir, Ace.

- Et monsieur Grognon me veut quoi ? se renseigna le Chat.

- Il serait question de deux sorceleurs du nom de Aiden et Karadin, yoi, informa Marco qui fixait son compagnon avec des yeux plissés comme s'il essayait de savoir ce qu'il s'était dit entre Mandos et Ace.

- Aiden, je ne le connais pas, mais Karadin, là, ça me parle, et pas qu'un peu. De quoi s'agit-il ?

- Aiden aurait été un ami de Lambert et les circonstances de sa mort sont troubles et impliquent le susnommé Karadin, résuma Thatch.

- C'est un pote, le Karadin ? demanda Zoltan.

- Ouiiii, tout à fait, ironisa Ace. Comment expliquer ma relation avec Karadin…

Il fit semblant de réfléchir avant de regarder le nain avec des yeux plissés.

- Eilhart m'a livré à Shrödinger, j'avais l'apparence d'une fillette de sept ans. Je ne connaissais pas encore le nordien, mais ce jour est resté ancré dans ma mémoire au point que je m'en souvienne parfaitement encore aujourd'hui, ce qui explique que je sache ce qu'il s'est dit ce jour-là. Tu veux le savoir, Zoltan ?

- Pourquoi je sens que je vais le regretter si je dis oui ? demanda le nain avec une certaine hésitation.

- « Elle a sept ans, elle a l'air encore vierge, amusez-vous ».

Thatch et Marco se levèrent d'un bond en entendant ça, l'air assassin et ils produisaient des envies de meurtres si intense que Déa se mit à pleurer. Clairement, Schrödinger avait quelques ennemis en plus, mais comme son nom le disait, l'avoir serait une tout autre épreuve.

- C'est une raison de plus pour laquelle Vesemir m'a dit de ne surtout pas remettre mes pieds à la caravane. Le fait est que ceux qui s'y sont tenté se sont retrouvés nez à nez avec une bête sauvage. C'est comme ça que je suis passée de potentiel fille à revendre à un bordel perdu de la cambrousse de Kaedwen à sorceleuse. Quand Schrödinger a changé d'avis, je me tenais sur une pile de pseudo-mutant. Du lot, Karadin était l'un des rares à avoir le schéma de mutation complète. Et il y a laissé deux doigts.

Thatch se rassit lentement alors que Shiva fixait d'un air acéré son capitaine. Marco regarda Ace plus longuement, les yeux plissés, comme s'il venait de comprendre quelque chose qui ne lui plaisait pas le moins du monde.

- Ah bah putain, sans vouloir t'offenser, Portgas, tu sais que je t'aime bien, mais il est clair que les Chats ont un putain de gros problème, commenta Zoltan en brisant le silence.

- Pourquoi tu crois que j'ai béni que Vesemir fasse une exception avec moi ? Les Chats ne sont toujours pas les bienvenus à Kaer Morhen, mais quand il a trouvé sur le pas de sa porte, en plein hiver, une gamine d'une dizaine d'années qui cherchait à fuir ces fous, il m'a accueilli à bras ouverts. Et je lui serais toujours reconnaissant de ce geste. Les Chats m'ont bousillé le cerveau, Vesemir m'a conduit à un alchimiste qui a réussi à trouver un traitement pour m'aider à garder les deux pieds dans la réalité.

- Dans tous les cas, Lambert souhaitait savoir si tu pouvais l'aider à faire la lumière sur la mort de Aiden en retrouvant Karadin, coupa Geralt.

- Déa a mangé ? se renseigna Ace auprès de son époux.

Le blond secoua la tête.

- Je vais lui donner à manger le temps que monsieur grognon débarque.

Comme si c'était le signal qu'elle attendait, Shiva se leva en retirant son long cardigan de cachemire gris et monta à l'étage. Ace, quant à lui, quitta les lieux en quête de lait pour la petiote qu'il avait adopté comme sa sœur.

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- Comment diable savais-tu qu'il était ici ? se renseigna Lambert.

- J'ai une très longue liste de personnes que je veux voir mortes. Du lot, deux m'échappent. Schrödinger et Eilhart. Tu ne fais que monter en priorité mon face à face avec lui, répondit Ace.

Une fois que Lambert était arrivé au Thym et Romarin, Déa avait de nouveau était confié à Marco qui surveillait Anaïs qui s'était décidé à aider à apprendre à lire Gretka. Ace allait faire un massacre et cela serait un parfait moyen d'évacuer sa frustration et son mal être au sujet de Mandos. Certes, il était conscient qu'il avait fait une connerie, mais si c'était pour le protéger de lui, il fallait qu'il garde cette ligne et garde le jeune elfe en respect. Ça faisait mal, mais c'était ainsi. Il espérait juste que le gosse ne soit pas aussi têtu que Marco, Thatch et Shiva qui s'accrochaient à lui envers et contre tout quand il était clair qu'il était la cause de la destruction de l'équipage.

Lambert était arrivé en milieu d'après-midi et Ace ne lui avait pas laissé le temps de l'ouvrir que le Chat Noir l'avait pris par le bras avec Geralt en lui disant qu'il savait où le trouvait.

- Une raison légitime pour être dans cette liste ou juste sa gueule qui ne te revient pas ? Se renseigna Lambert.

- Tu comprendras quand on sera en face à face… et peut-être aussi l'une des raisons qui fait que Vesemir a demandé à ce que je revienne chaque hiver à Kaer Morhen et non pas à la caravane. Ou alors tu n'as pas assez discuté de comment ça se passe chez nous, siffla le Chat Noir.

Il conduisait les deux Loups dans les rues de Novigrad, masqué par sa cape et sa capuche. Certes, ils attiraient les regards comme ça, mais au moins, le D. échappait aux pervers qui le fixait comme un morceau de viande en général.

- Quoiqu'il nous dise, il mourra n'est-ce pas ? devina Geralt.

Ace ne répondit pas mais le Loup Blanc savait déjà la réponse. Après tout, le pirate n'avait pas sa chaîne en kairoseki et se tenait discrètement au poignet de Geralt, preuve qu'il commençait à avoir des hallucinations mais qu'il tenait à voir cet homme mort.

- Il paraît qu'il a changé, mais j'y crois pas, commenta Lambert.

- Il joue les bons samaritains, mais même s'il a laissé tomber sa vieille bande, c'est toujours le même salopard. Il est juste plus discret et il s'est mis dans les bonnes grâce de la ville en devenant un riche marchand généreux. Je sais qu'il fait du blanchiment pour le Petit Bâtard, informa Ace. Je garde au mieux un œil sur mes ennemis et ceux que je veux voir mort. Le seul qui échappe à ma surveillance et mon réseau, c'est Schrödinger. Et plus j'en apprends sur lui, plus j'aurais aimé qu'il ne se soit pas débarrassé de Guxart dans un coup monté parce que la caravane marcherait moins sur la tête s'il était encore là.

Et ils s'arrêtèrent devant un manoir surveillé par deux gardes Rédaniens qui les fixèrent avec méfiance. Ils se mirent en garde, resserrant leur prise sur leur hallebarde.

- Halte ! Monsieur Treugger ne reçoit personne ! leur dit l'un des gardes en levant son gantelet de métal.

- Eh bien, il va nous recevoir, et vous savez pourquoi ? Parce que vous allez lui dire qu'un matou veut le voir et que s'il ne bouge pas son cul pour nous ouvrir…

Pas besoin de finir la phrase, surtout quand le D. tira de son col son médaillon de chat. Les deux gardes se regardèrent et l'un d'eux entra dans la résidence. Il revint quelques instants plus tard, annonçant qu'ils seraient reçus dans les jardins.

La première chose qu'ils virent en arrivant dans le jardin en question, c'était des enfants. Deux enfants bien habillés. L'un d'eux prit peur et courut droit vers un homme assis sur un banc, sous un arbre. Il avait tout d'un marchand. Propre, bien habillé, bien coiffé. Propre sur lui, oui, bien trop, hygiène y comprit, pourtant, pour avoir lutté bec et ongle avec Geralt, Eskel et Lambert pour qu'ils prennent vraiment soin de leur hygiène, Ace savait que ce n'était pas encore répandu dans le Nord. Avoir une hygiène était un signe de richesse. Une richesse que les sorceleurs n'avaient pas à une époque comme la leur. L'âge d'or de la profession était derrière eux.

- Je ne m'attendais pas à une visite si tôt. Mais vu que tu as commencé à faire des ravages dans les anciens membres de l'École, je savais qu'on se reverrait, tôt ou tard, Anabela. Ce sont les Loups qui te paient pour détruire les Chats ? s'enquit tranquillement l'homme.

Geralt remarqua que l'homme avait sa main gauche appuyée sur son genou. Main gauche où il manquait les deux derniers doigts. Puis il vit les yeux ambrés. Une femme se leva de là où elle était assise dans l'herbe et serra contre elle les deux gosses.

- Laissez-moi vous présenter ma femme, Laetitia et mes deux enfants.

Ace laissa tomber sa capuche, adressant un regard brûlant à l'ancien sorceleur.

- Vesemir ne m'a pas demandé d'anéantir les Chats. Il n'en a rien à foutre d'eux tant qu'on laisse les Loups en paix. Brehen mis à part. Je suis ici pour me venger, et il se trouve que Lambert a quelques questions pour toi, donc, autant faire une pierre deux coups, Karadin.

Le brun se tourna vers la femme du marchand.

- Nous sommes ici pour cet homme, pas pour vous ou vos enfants, madame. Juste quelques questions pour vous… est-ce qu'il vous a dit comment il a perdu ses doigts ?

- Tu n'as pas besoin de les impliquer dans tout ça, demanda Karadin.

- Bien au contraire. Qu'ils sachent ton vrai visage avant que tu ne meures, siffla froidement Ace.

- Je sais qu'il a fait des choses horribles avant, mais il a changé, vous devez me croire ! Supplia l'épouse avec une voix légèrement tremblante. Il fait tout pour se racheter aujourd'hui !

- Répondez simplement à mes questions. Est-ce qu'il vous a raconté comment il a perdu ses doigts, oui ou non ? Insista le D.

- Un contrat avec une sirène, il y a quarante ans en arrière...

- Une sirène ? répéta Ace en levant les sourcils. Je prendrais ça presque comme un compliment si je n'avais pas sept ans à l'époque des faits. Mais la réalité est que cela rend la chose encore plus écœurante. Dois-je t'accuser d'avoir profité des deux gamins ? Ou revoir toutes les informations que j'ai à ton sujet pour m'assurer que tu ne te sois pas attardé de façon suspecte sur des enfants ?

Ace en était malade. Il sentait déjà les flammes lui monter à la tête et lui susurrer maintes et maintes façons de tuer ce porc.

- Sachez, madame, que je lui ai arraché les doigts quand je suis arrivé à l'Ecole pour l'empêcher de me violer. J'avais sept ans, il en avait déjà quarante. J'étais encore une humaine, et il était l'un des rares à avoir subi les Trois Épreuves parmi tous les mutants ratés qui forment les Chats, expliqua avec une voix tremblante de rage le pirate.

- Anabela, c'était il y a longtemps, j'ai changé, j'ai tourné la page, dit patiemment Karadin.

Le Chat Noir marcha vers lui, nez à nez. Et il était clairement plus grand que lui aujourd'hui, ce qui faisait qu'il savourait l'occasion de se venger.

- On ne peut pas tourner la page face à ce genre de traumatisme, tu le sauras. Ça continue de me hanter. Je suis marié, mais je peux même pas savourer en paix mon union sans avoir ta sale gueule qui me revient en mémoire. Je n'oublie pas. Je ne pardonne pas. Je suis en droit de réclamer réparation, Karadin. Tu me la dois. Je ne suis pas une chose juste bonne à écarter les cuisses. Ni aujourd'hui, ni à l'époque. Une femme n'est pas un objet juste bon à se vider les couilles, c'est une personne dont les peurs, les désirs, les envies et les sentiments doivent être écoutés et respectés.

- Question, Karadin. Tes marchandises, ton capital de départ, ça sort d'où ? se renseigna Lambert histoire d'en rajouter une couche sur le fait que l'ex-sorceleur n'était pas tout blanc.

- Bonne question de la part du Loup. Ton commerce se porte bien, mais pas à ce point. Surtout si on prend en compte toutes les donations que tu fais à droite et à gauche.

- C'est un héritage, justifia Karadin sous le regard perçant de son épouse.

- A ton âge ? Recevoir si tard un héritage ? Toute personne qui aurait pu te léguer doit être morte depuis bien longtemps, pointa Geralt avec calme.

- Tu bosses avec le Petit Bâtard. Tu lui fournis des filles et il te les paie à prix d'or, dévoila le D. Y'a pas que Eilhart que je suis à la trace, t'es aussi dans la liste, mon gars. Je te l'ai dit que je mène une enquête

Le D. se tourna vers les deux garçons.

- Les jeunes, si votre mère vous a bien élevé, elle vous a certainement dit qu'il ne faut pas faire aux autres ce que l'on ne veut pas que l'on nous fasse. Vous savez pourquoi ?

Les gamins secouèrent la tête.

- C'est pour éviter de provoquer quelque chose que chez moi, on appel la loi du Talion. C'est quelque chose de très simple que vous connaissez, mais certainement pas sous ce nom. Elle dit "oeil pour oeil et dent pour dent". Si après ce qu'il se passe aujourd'hui, vous souhaitez vous venger, venez. Mais il faudra être fort parce que la file d'attente est longue et la concurrence redoutable. Et la proie certainement pas facile à atteindre.

- Prends les enfants, on discutera plus tard, demanda Karadin à son épouse.

Geralt eu un geste de la tête pour encourager la femme à partir. La suite n'était pas pour les esprits sensibles et innocents. Elle venait déjà d'apprendre que son compagnon n'avait rien d'un Saint Homme, alors, autant lui épargner plus. Karadin fit signe de le suivre aux mutants et les embarqua au fond du jardin où une rambarde les séparait du vide qui surplombait la mer.

- Si tu étais venue pour me tuer, tu l'aurais déjà fait en entrant, plutôt que raconter tout ça à mon sujet devant ma femme et mes enfants, pointa l'ex-sorceleur.

- Oh, je peux au moins admettre que tu as assez de cœur pour prendre une épouse qui avait déjà des enfants d'un précédent mariage, lui accorda le D. dans un grognement. Mais il est vrai qu'on est pas là que pour ça. Et puis, ce ne serait pas une vengeance si je ne pouvais pas t'enfoncer dans ta merde autant que possible après ce que j'ai failli subir.

- On est ici pour un certain Aiden, informa calmement Geralt vu qu'il entendait Lambert serrait des dents un peu trop fort pour ce que soit un bon signe. Un sorceleur de votre école. Mort à Ellander. Et on se doute que les assassins ont été très bien payés.

- Je me souviens de lui, de son jumeau, comme des autres sorceleurs de notre école. Et ce, avec un immense regret, avoua sans difficulté Karadin. Navré, Anabela, c'était ton galant ?

- Je suis lié à un phénix polymorphe. Quant à cet Aiden, vu que j'ai passé plus de temps avec les Loups qu'avec les Chats, je ne le connais pas.

- C'était un ami à moi, grogna Lambert.

Ace l'avait déjà remarqué, mais le voir de nouveau était assez drôle, mais aussi poser des questions. Lambert était le plus émotif des Loups, une boule d'aigreur, de frustration et de colère. Et souvent, comme maintenant, il avait des mimiques qui rappellent l'emblème de son école, alors que ce n'était que ça, un emblème. Mais ça le différenciait de la froideur et imperméabilité des autres. Pas autant que les Chats mais plus que ses camarades. Avait-il eu des mutations différentes ? Un entraînement différent ? Quand le D. avait mis les pieds à Kaer Morhen pour la première fois, Lambert commençait à peine à arpenter la Voie. Et ce n'était pas une question que l'on posait. Pas quand on avait subi les Herbes et qu'on savait ce que ça faisait de parler de la formation.

- Aiden était différent dans un sens, reprit Karadin en s'adossant à la rambarde. Contrairement à ce que vous devez penser, ce n'était pas notre intention de le tuer. Nous n'avons fait que nous défendre quand il nous a attaqué.

Le trio resta impassible.

- Ta version de l'histoire ? demanda Geralt.

- Aiden avait accepté le contrat pour lever la malédiction sur la fille d'un duc. Il a pris l'argent, bâclé le travail et il est parti une fois que la fille est décédée.

- Tu mens… grogna Lambert.

- Nous ne voulions pas le tuer, nous devions juste récupérer l'argent, mais il avait déjà dépensé la somme. Nous lui avons donc réclamé ses glaives.

Ace eut un reniflement narquois.

- Il a refusé et les esprits se sont échauffés. Vienne, une ancienne Scoia'tael, était embusquée dans un arbre avec son arc. Et elle a perdu son sang-froid. Elle a touché Aiden pile dans l'œil. Après, elle a fait sa propre version de l'histoire, certainement pour échapper à son sentiment de culpabilité.

- J'en ai assez entendu, annonça Geralt, toujours aussi impassible.

- Portgas ? Tu promets de le faire souffrir ? S'enquit Lambert.

- Je vais rapporter sa tête à Shiva, je veux un autre trophée, sourit le D. d'un air sanglant. Ta repentance arrive trop tard. T'as fait trop de mal, Karadin. Et on est nombreux à te vouloir mort. Tu peux m'appeler Karma, Karadin.

Trois glaives sortirent de leur fourreau et Karadin s'empara de l'épée à sa ceinture, prêt à se défendre.

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En rentrant au petit matin, Lambert n'était plus avec eux. Peu importe, au moins, il avait aidé à gérer avec la garde et faire disparaître le corps pour qu'on ne cherche pas plus loin les assassins de cet homme si « généreux ».

Geralt était impassible pendant qu'Ace dégoulinait de sang de dessous sa cape avec un sourire satisfait alors qu'il avait un sac de toile à la taille qui gouttait suspicieusement rouge.

- La chasse a été bonne s Se renseigna Marco qui avait Déa dans un bras pendant qu'il semblait traduire un vieil ouvrage de l'autre.

- Shiva va me faire un nouveau trophée si elle le veut bien, dit le D. avec un petit sourire.

Il retira sa capuche, laissant apparaître son visage rougit par du sang qui lui avait éclaboussé dessus.

- Où sont les autres ? se renseigna Geralt alors que le D. se rapprochait des deux félins qui surveillaient Uma en mâchonnant un morceau de viande.

- C'est sorti de chez un boucher, ça. C'est toi qui leur a acheté à manger ? se renseigna Ace alors que Iro se frottait à ses jambes

- C'est Mandos. Il a d'ailleurs acheté un luth à la petite Gretka qui n'attend que toi pour lui apprendre à s'en servir, yoi. Il s'est réveillé, a fait un tour avec les filles, puis en rentrant, il est parti pour Oxenfurt. Il a laissé un mot d'explication, yoi. Quelqu'un pourrait le renseigner sur le démon qui l'a mis dans cette impasse, là-bas. Quant à Thatch et Zoltan, ils cherchent toujours Jaskier. Je tiens le fort, yoi.

- Je vais me débarrasser de tout ce sang et je te libère de Déa.

- Elle ne me dérange pas.

- Mais elle est ma responsabilité. Ma mère l'a adoptée dans la mort, alors, je me dois de prendre soin d'elle chez les vivants.

Délicatement, Ace embrassa le front de la petite avant d'essuyer la légère trace de sang qu'il avait laissé sur la peau.

La porte s'ouvrit sur Triss qui referma soigneusement le battant derrière elle avant de retirer sa capuche en voyant l'absence de client.

- Bonjour… Tu es dans un bel état, Portgas. Un contrat salissant ? salua plaisamment la magicienne.

- Non. Il se trouve que mes intérêts et ceux de Lambert convergeaient pour une fois. Je vais me débarbouiller, si c'est pour la fuite de mages, c'est Marco le navigateur, pas moi.

- Non, ce n'est pas à ce sujet. C'est au sujet de votre quête à toi et Geralt. Je pense savoir qui peut vous aider.

Le D. s'arrêta sur la marche de l'escalier et se retourna vers la magicienne qui s'était approchée de Déa avec curiosité.

- Une de mes sœurs de magicienne, Corinne Tilly, est oniromancienne. Elle a pris un contrat pour essayer de résoudre le souci d'une maison hantée qu'un banquier veut voir exorciser. C'est à proximité de la criée, au niveau du premier pont. Elle pourrait vous aider à trouver Ciri et ton frère, Portgas.

- Luffy.

- Pardon ?

- Mon petit-frère s'appelle Monkey D. Luffy.

- Corinne peut vous aider à trouver Ciri et Luffy, rectifia la magicienne, recevant ainsi un hochement de tête en remerciement. Qui est cette petite ?

- Déa était un couvin, je l'ai changée en sommeillard. Marco a mis une de ses plumes dans sa tombe, puis Ace a mis le feu à Perchefreux, et elle est revenue à la vie ainsi, résuma Geralt.

- Ses parents disent quoi ?

- Ils ne sont pas au courant, yoi. Sa mère n'en voulait pas et son père essaie de réparer les pots cassés avec sa première fille et son épouse. C'est… enfin… les histoires de famille, ce n'est jamais simple.

- Je n'ai pas vraiment foi en les rêveurs, avoua Geralt en revenant au sujet d'origine.

- Ce sont bien les rares magiciens que je respecte, pointa Ace.

- Corinne est la meilleure dans le domaine, assura Triss.

- Eh bien, si tu le dis, je te fais confiance et je vais aller la voir, accepta le Loup Blanc.

Le regard qu'il lança à Triss fit baisser la tête à la magicienne qui lança à Marco qu'elle lui dirait quand tout serait prêt, avant de repartir.

- C'est… c'était… wow, je ne m'attendais pas à ce coup sournois de ta part, Geralt, nota Ace en regardant son camarade.

Celui-ci haussa ses épaules en croisant les bras.

- J'ai dit les faits. Elle s'est servie de moi et y serait parvenu plus facilement sans ta présence. Cela a brisé en grande partie le lien que nous avions, mais cela appartient au passé. Triss a changé et je suis plus serein à l'idée de faire confiance à la nouvelle Triss qu'à l'ancienne…

- Garde quand même une dose de prudence, on est jamais trop prudent avec les magiciennes, recommanda Ace.

- Pourtant, tu viens de dire que tu avais du respect pour les oniromanciennes.

- Shiva en est une, explicita avec amusement Marco. C'est pour ça qu'Ace peut dire qu'il a du respect pour la profession. Pas pour les magiciennes, juste pour la profession d'oniromancienne. Il a assez de billes pour savoir où se tenir par rapport à cet art, yoi. Anata, monte te débarrasser de ce sang, et range cette tête, s'il te plaît. De préférence avant qu'un des fauves ne veuillent s'intéresser au sang qui en goutte.

Ace disparu rapidement à l'étage pour se décrasser. Karadin l'avait assez sali comme ça, pas besoin de rester entaché par son sang plus longtemps.

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La maison dont avait parlé Triss était une ruine. Enfin, pas tant que ça, mais il fallait être riche pour la remettre en état avant d'y habiter. Ou désespéré pour y vivre en sautant l'étape de remise en état. Il passa la porte à moitié cassé menant sur une petite cour et trouva un homme de tout évidence riche qui était assis sur un tabouret à fumer une pipe.

- Vous ne faites que passer, vagabond ou vous cherchez quelque chose ?

- Vous êtes ? Se renseigna le Loup Blanc.

- Rudolf de Jonkheer. De ces Jonkheer-là, oui. Mes ancêtres ont fondé cette ville. Je possède sa plus grosse banque.

Mais les tarifs restaient plus attractifs chez les Vivaldi, ça, Geralt en aurait mis sa main à couper.

- Votre étalage est superflu, un simple nom m'aurait suffi.

- Mon père disait toujours : "Fils, porte tes mérites bien haut. Ne les cache pas sous le boisseau".

- Une amie m'a recommandé les services de Corinne Tilly.

- Vous avez frappé à la bonne porte. Corinne est à l'intérieur, depuis plusieurs jours. Elle rêve l'histoire de cette maison.

Et il montra la maison à l'abandon derrière lui.

- Pourquoi vous intéressez-vous à l'histoire de cette maison ? C'est votre lubie, l'histoire ?

- Cette demeure m'appartient depuis peu… et je l'ai payée à prix fort.

Ce n'était pas une très bonne affaire dans l'opinion de Geralt.

- Très vite, j'ai été témoin de… perturbations. Qui portent à croire que la maison est hantée.

En règle générale, Geralt n'aimait pas voir les mages jouer les amateurs et prendre des boulots de sorceleurs. Mais après avoir vu Triss réduite à faire de la dératisation, il voulait bien laisser passer ça.

- Quels sont les symptômes ? se renseigna le mutant.

- Cela varie. Des gloussements nocturnes, parfois. La semaine dernière, des meubles ont bougé au grenier… Et enfin, croyez-le ou non, j'ai trouvé des déjections humaines au salon.

Depuis quand les esprits posaient-ils des étrons sur les parquets ?

La présence des deux épées de sorceleurs lui ouvrit les portes et il put entrer dans la maison.

Clairement, en voyant les meubles et paquets entassés, l'homme avait une drôle de logique. La baraque tenait tout juste debout et il emménageait déjà ?

Il ne fallut pas aller bien loin avant d'entendre une voix de femme à l'étage. Les mots étaient à moitié méconnaissables, comme si elle faisait de la somniloquie. Elle avait l'air effrayée. Et des rires de fillette se répercutèrent en écho entre les murs. Il grimpa rapidement les marches et trouva la magicienne à l'étage, prisonnière d'un cauchemar. Mais elle n'était pas seule. Quelque chose se tenait proche du lit. Il n'eut pas le temps de bien voir que déjà, il n'y avait plus rien, outre la magicienne plongée dans son sommeil.

Il chercha à la réveiller mais rien à faire.

Elle marmonna quelque chose au sujet d'une poupée et d'un grenier, mais le sorceleur n'avait pas l'intention de se laisser prendre au jeu. Son Haki fouillait déjà la maison et il soupira. Il passa son gant sur son visage, plus exaspéré que méfiant et hostile. Lentement, avec des pas lourds, presque traînant, il descendit les marches et ouvrit la trappe menant à la cave. Il descendit l'échelle et marcha vers une vieille cheminée reléguée dans un coin.

- Inutile de te cacher, je n'ai pas l'intention de t'attaquer.

Le silence lui répondit, puis, une petite silhouette se glissa hors de la cheminée.

Couverte de suie, avec une mine boudeuse, une petite célicole foudroya Geralt du regard quand il s'accroupit à son niveau.

- T'aurais pu suivre les indices et jouer le jeu ! Bougonna-t-elle.

Geralt croisa les bras.

- Comment tu m'as trouvé aussi vite ? Se renseigna la petite créature.

- L'habitude. Comment tu t'appelles ?

- Sarah !

Sarah portait une jupe rouge retenue à sa taille par une corde et une tunique de jute. Elle avait une couronne de lierre et des cheveux noirs virant au blond en descendant vers les pointes.

- Pourquoi t'as pas voulu jouer ? On n'a plus le droit de rigoler ou tu croyais vraiment que j'étais un mauvais esprit ?

- Ni l'un, ni l'autre. Je suis pressé. Et inquiet.

- Au moins, je m'amuse avec la dame.

- Et tu joues à quoi ?

Sarah pointa le plafond en direction de la magicienne assoupie.

- La dame s'est endormie et je lui ai envoyé de méchants cauchemars. Je l'empêche de se réveiller, aussi. C'est drôle, tu trouves pas ?

- Oui, très drôle, oui. L'ennui, c'est que je dois parler à la rêveuse. Alors, laisse-la se réveiller.

- Ben si tu veux une rêveuse, y'a toujours la prêtresse du Serpent à Plume.

Geralt haussa un sourcil.

- Shiva est célèbre, il faut croire. J'ai rencontré un autre célicole dans les marais qui m'a parlé d'elle.

Sarah secoua la tête.

- Le Serpent à Plumes est un dieu puissant et étranger à notre monde. On le découvre et apprend à le connaître, parce qu'on est lié à la nature et qu'il semble en faire partie d'une étrange façon. On est des célicoles.

Et la petite créature haussa des épaules.

- Je voyage avec la prêtresse et c'est un rêve risqué pour elle. C'est pour cela que j'ai besoin de la magicienne à l'étage. Alors, laisse-la se réveiller.

- La petite Sarah n'a pas envie qu'elle se réveille. La petite Sarah veut jouer !

Un peu de patience Geralt, un peu de patience. Où était donc partie sa patience ? Ah oui, Ace, Mandos et Thatch l'avaient assassinée. Il prit une profonde inspiration. C'était une célicole. Il n'allait pas l'attaquer.

- Écoutes, tu as de la chance que ce soit moi qui sois venu à ta rencontre et pas quelqu'un d'autre, parce que je sais que j'ai affaire à une célicole inoffensive. Mais les autres ne le sauront pas, et là… Pourquoi tu tourmentes la rêveuse ?

- Je tourmente personne ! Se défendit la célicole. Moi, j'adore les cauchemars. Ce que j'aime, c'est quand cette grosse poule me court après. Avec ses grandes…

- Pourquoi vis-tu dans une maison hantée ? coupa le sorceleur.

Le petit esprit des bois regarda partout avant de lui dire, les mains dans le dos :

- J'vais te dire un secret. La maison n'est pas hantée du tout. C'est moi qui fais croire ça à tout le monde. Comme elle était vide, je m'y suis installée… et puis, machin le banquier l'a achetée… et j'aime pas les banquiers, surtout pour vivre avec, alors, j'ai décidé de lui flanquer la frousse.

- C'est réussi parce qu'il a eu drôlement peur. Mais comme il a payé cette maison très chère, il ne renoncera pas. Je te recommande de trouver une autre maison.

- Pas question ! Je veux pas !

Geralt se frotta le visage. Il allait demander à Marco de lui filer ses herbes, il en aurait grand besoin. Et Sarah qui le regardait avec ses yeux totalement bleus sombre, presque noir.

- Bon, écoute, Sarah. Novigrad n'est pas une ville pour une célicole, mais si tu tiens à y vivre, ça te regarde. Je te propose un marché.

- Quel genre de marché ?

- Laisse la rêveuse tranquille. En échange, je dis au banquier que la maison est hantée pour de bon.

- Tu lui dirais ça ? Et s'il ne te croit pas ?

- Je suis sorceleur, il me croira. Et s'il le faut, je demanderais à deux de mes collègues de confirmer mes propos.

Ace le ferait sans hésitation, Lambert, c'était moins certain. Mais il lui devait bien ça après Karadin.

- Chic, chic et chic ! Fais-le et je te promets de ne plus embêter ton amie ! Même pas un petit peu ! Tu es vraiment chouette, tu sais ?

- Je n'entends pas ça souvent. Merci.

- Tu peux réveiller l'endormie, je ne ferai rien contre.

- Merci, Sarah.

- Attends. Le Chat Noir, c'est une sorceleuse, non ?

- Qu'est-ce que tu lui veux ?

- C'est vrai ce qu'on raconte ? Qu'elle a attaqué à elle seule l'armée du Baron Sanglant avec ses centaines d'hommes pour sauver des paysans ?

- C'est… un peu exagéré. Mais pourquoi ça t'intéresse ?

- J'ai entendu des gens en discuter sous les fenêtres.

Geralt n'était pas au courant de ce genre de rumeurs. Il regarda Sarah disparaître dans le foyer de la cheminée. Il secoua la tête et remonta à l'étage pour voir la brunette se réveiller. L'oniromancienne avait l'air encore dans les vapes quand elle s'assit au bord du lit.

Elle fit un bond en voyant Geralt devant elle.

- Qui êtes-vous ?

- Un ami de Triss Merigold. Elle m'a recommandé à vous.

- Dieux… quels cauchemars atroces. J'étais censée rêver l'histoire de cette maison… Au lieu de quoi, j'ai vu des meubles affamés qui essayaient de me manger… je sais que ça paraît idiot, mais dans le rêve, c'était tellement réel… et pas drôle du tout.

- C'était l'œuvre d'une célicole qui fait croire aux gens que la maison est hantée pour la garder vide. C'est elle qui a insinué ses frasques dans vos rêves.

- Ce doit être mon jour de chance de voir un professionnel passer par-là et savoir quoi faire pour me réveiller.

- Eh bien, on se débrouille, nous autres sorceleurs.

La femme se leva et lui prit les mains.

- Je vous remercie infiniment. Ces rêves étaient atroces. J'espère pouvoir un jour vous rendre la pareille.

- Cela se pourrait bien, parce que si Triss m'a envoyé vers vous, c'est parce qu'elle jugeait que vous pouviez nous aider. Je cherche deux jeunes qui ont été vus à Novigrad. Un garçon et une fille.

- Je verrais ce que je peux faire, mais je dois d'abord m'éclaircir les idées. Ces rêves déments m'ont embrouillé la tête… retrouvez-moi à l'Esturgeon Dorée, demain, ça vous va ?

- Puis-je venir accompagner ? La personne qui sera avec moi est la sœur du jeune homme du duo.

- Cela n'en est que mieux. Donc, à demain ?

- A demain.

La femme s'en alla à pas rapide, laissant Geralt derrière. Le Loup Blanc soupira profondément avant de descendre plus lentement et sorti dans la rue.

- Alors ? demanda le banquier qui faisait le pied de grue devant la porte. J'ai vu madame Corinne sortir, mais elle a refusé de me parler. Dois-je en conclure que l'affaire est résolue, ou est-ce tout le contraire ?

- Le bilan est mitigé, menti Geralt avec lassitude. Un démon s'est emparé de Corinne. J'ai réussi à la libérer mais la maison demeure hantée.

- Corinne a-t-elle rêvé du passé de la maison ?

- Oui… Effroyable, a priori, bien qu'elle ait refusé d'en parler. Personne ne doit emménager ici.

- Une fortune envolée… enfin… je ne suis pas sur la paille pour autant.